Festival : Hellfest 2008
Lieu : Clisson (France)
Date : 21-06-2008
Public : 13 000 personnes environ

Blazing War Machine
Chaque année le tremplin du Sin Cession récompense le groupe gagnant du concours en lui offrant l’opportunité d’ouvrir les hostilités du deuxième jour. Cette année, il a été difficile de départager les deux finalistes. God Damn, le groupe arrivé second, a donc joué au camping à 17h le samedi. Quant aux gagnants, les Blazing War Machine, la Discoverstage leur a été léguée l’espace d’une demi-heure à 12h30. Ce groupe possède en son sein deux membres de Dagoba et c’est ce qui fait principalement jaser les critiques ; le groupe est attendu au tournant, le moindre canard leur sera fatal. Leur visuel met mal à l’aise, les membres sont couverts de plâtre et le chanteur, menu et torse nu rappelle aisément tous ces films de zombie interdits aux moins de dix-huit ans. Leur musique évolue dans un industriel frappant à l’instar d’un Ministry associant une voix hardcore et gênante. Les riffs techno sont renforcés par une gestuelle assassine : le chanteur ouvre la bouche, penche la tête de côté et regarde sans bouger la masse de gens devant lui. Il se frappe, se démène et se déhanche comme un possédé. Jouer au Hellfest pour un petit groupe est un défi qui a été relevé avec talent et brio par les Blazing War Machine ; c’est un groupe qui a de l’avenir et qui doit être suivi du coin de l’oreille.

Airbourne
Airbourne, voilà un groupe autour duquel il y a pas mal de buzz depuis quelques mois. Alors va-t-on voir sur la scène principale du Hellfest le prochain AC/DC ou bien s’agit-il juste d’une vaste opération de pub lancée par leur label ? Les quatre membres pratiquent un hard rock fortement inspiré d’AC/DC et de Rose Tattoo. Comme eux ils sont australiens et envoient la sauce ! Surtout que les frères Young commencent à nous faire languir avec leur prochain cd… Mais les Airbourne sont loin d’être un AC/DC du pauvre : ils sont jeunes, ont la pêche et leur compos déchirent. Quand le combo débarque sur la scène principale il est 13h20 et le soleil est de plomb, on retient sa respiration en priant pour qu’ils soient bons et…c’est mission accomplie ! Les Airbourne sont des tueurs : leur rock’n’roll est génial et les membres du groupe animent la scène à la perfection. Le chanteur guitariste Joel O’Keeffe fait le spectacle, exécute les solos et parle à la foule pendant que le reste de l’équipe assure solidement la rythmique. Leur hard rock passe comme une lettre à la poste au milieu de ce festival très typé metal. Le sommet du show est atteint quand Joel saute de la scène (2 mètre 20 à peu près !) avec sa guitare et salue la foule pendant que les autres assurent une grosse rythmique bien groove. Mais ce n’est pas tout ! Joel se met en tête d’escalader la structure en métal (!) qui sépare les 2 scènes et la grimpe sans aucune sécurité pour terminer à plus de 15 mètres de hauteur ! Puis, en toisant la foule, il se met à jouer ! Un show impressionnant à revoir impérativement !

Sonata Arctica
Pour beaucoup Sonata Arctica est un groupe horripilant. Certes ce jugement s’avère sévère mais force est de constater que le combo est assez ennuyeux sur scène. Le fait de passer en pleine après-midi sous une chaleur importante n’arrangeant, convenons-en, pas vraiment les choses ! La prestation des finlandais est assez aseptisée avec un Tony Kakko en voix mais dénué de fantaisie. Bon allons-y gaiement : les groupes de heavy sur scène c’est rapidement lassant d’autant plus que l’on a le droit à un show sans surprise. Le groupe aura livré une prestation d’ensemble très moyenne. De la difficulté de passer entre Sodom et Satyricon !

Anathema
En 3 jours, l’overdose de Thrash, de Death et de Black vous guette. A force, votre ouverture d’esprit et votre soif de découverte en pâtissent. On veut entendre autre chose. Preuve en est l’adhésion qu’a rencontré Anathema lors d’un show apaisant bien que non dépourvu de dynamisme. Oui, les guitares se sont emballées par moments, prenant ainsi en traître les nuques des headbangueurs, qui espéraient un peu de repos. L’entêtant « Closer » chanté par un Cavanagh toujours aussi possédé captive. Le duo avec Lee sur « A Natural Disaster », ponctué par l’habituel a capella, émeut. C’est une agréable surprise que de voir réapparaître des compositions de la première heure avec notamment un « Sleepless » déchaîné et surtout un extrait d`Eternity rarement joué jusqu’à présent. Durant un court show les anglais ont convaincu par leur sensibilité à fleur de peau et leur émotion communicative. Vincent Cavanagh vit chacun de ses morceaux et contamine la foule autant sur les titres énervés que sur des ambiances plus éthérées.

Porcupine Tree
Sur un terrain difficile où Anathema a réussi, Porcupine Tree s’est un peu trop emballé. Le groupe se veut la négation du metal progressif technique et prétentieux et joue la carte des ambiances. Or, si Steven Wilson et ses comparses avaient bien commencé, ils se sont laissés aller à de l’expérimentation barbante et indigeste sur deux derniers titres interminables. Les premières minutes, les premiers morceaux représentent ce qui fait la force de Porcupine, à savoir le juste milieu entre accessibilité et complexité. Paradoxalement, les 17 minutes d’« Anesthetize » passent comme une lettre à la poste, tant ce morceau est un chef d’?uvre de construction musicale. On voit sur ce titre les progueux de Porcupine se fâcher avec un passage agressif et arythmique inspiré de Meshuggah. Le groupe, très propre et très sobre est accueilli respectueusement. Mais les interprétations psychédéliques, barrées et surtout interminables des deux derniers titres n’ont pas leur place dans ce contexte et n’arrivent pas à installer une atmosphère qui fédère le public. Dommage.

Treponem Pal
Les Treponem Pal sont de retour après 11 ans d’absence…déjà ! Et oui « Higher » mélange de métal et de groove avait vu le jour en 1997. Que le temps passe vite ! Avec « Weird Machine » le combo revient à ses racines martiales industrielles et délivre une prestation qui semble avoir convaincu son public. Pourtant les musiciens restent assez statiques. Notamment Marko le chanteur qui bouge très peu. C’est d’ailleurs ce qu’on peut reprocher à l’ensemble de la scène indus. Mais est-ce justifié ? Car après tout on imagine mal les Treponem Pal courir partout sur la scène comme Axl Rose à la belle époque ! Côté son c’est du lourd quand même. « Weird Machine » est mis en avant. On note d’ailleurs, aussi étonnant que cela puisse paraitre, que le public a tendance à répondre encore plus présent sur les morceaux récents. Treponem Pal parviendrait-il à renouveler son public ? Nous avons eu droit à un bon son et de bonnes compos mais la prestation en tant que telle des musiciens était loin d’être exceptionnelle car elle manquait cruellement d’énergie. Surtout pour un combo qui se revendique être un groupe de scène…On en attendait un peu plus.

Shining
Shining est vraiment un groupe à part. A l’instar de son ingérable chanteur Kvarforth, le groupe propose une musique torturée que l’on a tendance à qualifier de black expérimental. Le combo est décrié dans la scène black car on lui reproche justement son côté « expérimental ». Pourtant c’est tout à l’honneur de Kvarforth de proposer des albums aussi attrayants et originaux. Shining propose un black progressif mélangé à des riffs traditionnels black tirés au couteau. Logique car Kvarforth est le roi de l’automutilation (hin hin !) Dans cette optique, pas étonnant que notre ami se présente avec des scarifications aux bras réalisées juste avant le concert. Le sympathique chanteur n’hésitant pas à cracher du sang (vrai ? faux ? son propre sang ?) à la foule. Un concert sympathique placé, comme vous le constatez, sous le signe de la joie de vivre…Mais en fait Shining se repose, au propre et au figuré, sur Kvarforth. Shining c’est lui : il l’incarne. Sa voix grave reconnaissable entre mille vous prend aux tripes. Il nous livre, avec son instrument favori, sa rage, sa haine et sa colère mélancolico-dépressive. Shining a réalisé une bonne prestation avec à sa tête un fou ou un génie, au choix. A moins que ce ne soit, et plus probablement d’ailleurs, un fou génial. A revoir.

Apocalyptica
Apocalyptica est un paradoxe. Les finlandais ont le désir d’être complètement associés au milieu metal. Car non, non et NON, violoncelle ne rime pas avec musique classique. Surestimés pour leur originalité, ce groupe déçoit. Une idée brillante, mais une interprétation qui n’est pas à la hauteur. Sur scène, les reprises de Metallica et Sepultura réussissent enfin à convaincre le public de part un son suffisamment dégueulasse pour rendre les morceaux agressifs. Cela dit ce son, trop fort et trop brouillon, exaspère. D’autant plus qu’il ne masque pas les nombreuses fausses notes et une interprétation moyenne. On passe un bon moment à headbanguer et chanter sur les différents classiques du métal (« Seek and Destroy » et « Enter Sandman » de Metallica ou encore « Refuse/resist » de Sepultura…). Mais le reste du temps, l’ennui guette. Les compositions simplistes ne font pas mouche, à l’exception du très bon « Life Burns! ». Dommage. Car nos 5 finlandais ont assurément de la prestance sur scène. Mais avoir du charisme ne suffit pas si les morceaux ne suivent pas.

Watain
Watain, le « seul vrai groupe de black metal » comme le dit notre ami Kvarforth de Shining pour les annoncer à la fin de son set (en effet Watain succède à Shining) et même si ses déclarations puent la provoc’ gratuite il n’a pas tout à fait tort… Quand les Watain débarquent sur scène l’odeur de mort provoquée par l’utilisation de vrai sang est bien là (encore que ce soir c’est carrément supportable et il n’y a pas de rat mort pendant à son micro) et il faut bien avouer qu’ils dégagent une aura malsaine que peu de groupes de black possèdent. Leur musique est vraiment excellente, on est très loin des clichés de « trve » black minimaliste, comprenez par cela : son cradingue + technique zéro. Leur black est plutôt technique (pour du black on est d’accord) et le son est nickel, l’aspect visuel renforçant leur prestation. Eric le chanteur a beau être haut comme trois pommes et être frêle, les cris qu’il pousse sont effrayants et le reste de l’équipe (dont un ex Dissection à la guitare : Set Teitan) assure sans faiblir. La set list est efficace et fait la belle part à leur dernier album « Sworn to the Dark ». Le « seul vrai groupe » de black metal nous irons pas jusque là, mais en tout cas un des meilleurs assurément et surtout sur scène !

Satyricon
Satyricon est attendu comme le messie noir. Dans certaines interviews, Satyr confiait que son but était de conquérir le monde avec le black metal. Il est l’heure à présent de constater ou non la véracité de ses propos. Leur entrée sur scène déchaîne les passions. La surprise est grande lorsque nous remarquons que Satyr s’est coupé les cheveux. Ce dernier est vêtu d’un Jean’S aux croix renversées et d’un tee-shirt simplement noir. Musicalement, il n’y a rien à redire, le son est bon et agréable à entendre. Les hits black’n roll comme King, « Fuel For Hatred » ou encore « Now, Diabolical » sont chantés et dansés par toute le foule. Pour conquérir le monde, Satyricon a produit des hymnes incontournables. Leur nouveau titre, « My Skin Is Cold », joué aujourd’hui, témoigne que le prochain opus des Satyricon sera tout autant en proie aux tubes, et facile à retenir que le dernier. Les membres sont presque chaleureux, la claviériste qui a dû en faire fantasmer plus d’un, rajoute une touche délicate au concert. Le black’n roll fonctionne et fait taper du pied même à celui, au fond, qui s’est cassé les deux jambes…

Candlemass
Il est 19h30 quand Candlemass arrive sur scène et il fait encore jour, ce qui n’est pas un atout pour un concert de doom… Mais nos américano-suèdois s’en sortent très bien, leur musique est très pesante mais ne manque pas de passages très groovy qui permettent un bon headbanging ! Robert Lowe leur nouveau chanteur (il officie aussi dans Solitude Aeturnus et du groupe Concept Of God) semble très à l’aise et parfaitement intégré. Dans ce registre heavy doom il fait partie des meilleurs : l’homme est impressionnant de justesse. C’est un grand frontman, on le sent impliqué dans la musique, il a une gestuelle mystique. Souvent l’homme a les yeux révulsés et son visage prend des apparences étranges ce qui renforce sa prestation scénique. Un bon show que les amateurs ont dû apprécier !

Ministry
Une des claques de ce Hellfest 2008 fut sans conteste la prestation des Américains de Ministry. Le groupe a joué les mêmes morceaux que sur ses autres dates françaises et la seule différence fut la setlist moins longue : festival oblige. Mais ce concert de Ministry fut le meilleur de la tournée pour plusieurs raisons. D’abord la puissance et la violence des compos du groupe ont pris une vraie ampleur sur la scène du Hellfest. Car Ministry jouait de nuit en tête d’affiche de la secondstage devant énormément de monde. Ministry jouant en nocturne sur une grande scène d’un festival : des conditions idéales pour se recevoir droit dans la face les hymnes anti-Bush du groupe ! La prestation fut aussi excellente grâce à plusieurs autres paramètres essentiels. Al Jourgensen était en voix, ce soir-là, et particulièrement incisif. Son charisme et son agressivité renforçaient la prestation globale du groupe. Même si notre ami Al est resté assez statique, le frontman était vraiment au top. Les Ministry étant de toute façon, selon des sources proches du dossier, au 7e ciel avant de rentrer sur scène ! Les autres membres bougeaient aussi comme des fous notamment Tommy Victor qui a livré une très grande prestation. Côté setlist, c’était comme d’habitude axé sur les 3 derniers albums. D’ailleurs pour connaître la setlist exacte il vous suffit de jeter un ?il sur le compte rendu des autres shows de Ministry donnés en France. Une grosse prestation d’un groupe qu’on espère revoir sur scène malgré cette tournée d’adieu.

Belphegor
Dure concurrence pour Belphegor car à 200 mètres de la discoverstage joue dans le même temps…Cavalera Consiracy. Malgré tout : le chapiteau est bien rempli ! Le brutal black/death mélodique de nos autrichiens passe comme une lettre à la poste sur cd, mais qu’en est-il en live ? Et bien c’est génial, même si on sent les musiciens pas toujours à l’aise. Helmuth le guitariste-chanteur mène la troupe d’une main de fer et sait capter l’attention. Les titres joués se portent naturellement sur le dernier album « Bondage Goat Zombie ». On se souvient notamment du morceau éponyme, « Sexdictator Lucifer ») et ceux des derniers albums « Seyn Todt In Schwartz » ou « Pest Teufel Apokalypse ». Un très bon concert, un peu court cependant. En espérant revoir ce groupe en tête d’affiche bientôt !

Cavalera Conspiracy
Ce soir, tout le monde est impatient de retrouver les frères Cavalera une nouvelle fois réunis. Lorsque Max monte sur scène, nous comprenons qu’il est inutile de s’attendre à un concert d’exception. Les premières phrases laissent entrevoir une énorme fatigue vocale ; la gestuelle de Max est, quant à elle, très lourde ; Max se traîne. Marc Rizzo, ce soir sans son célèbre sac à dos, est fidèle à lui-même et ne cesse de sauter et de donner des sortes de coups de pieds proches de la Capuera. Le bassiste remplaçant de Joe Duplantier en tournée évolue tranquillement dans sa partie de scène sans faire de vagues. Enfin, la batterie d’Igor est très surélevée en arrière de la scène. Les titres de l’album de Cavalera Conspiracy se suivent et se ressemblent, sauf peut-être quand Richie, l’ennuyeux beau-fils de Max et fils de Gloria monte une nouvelle fois sur scène pour épauler ou plutôt détruire le titre des Cavalera Conspiracy. Depuis toutes ces années, Richie a grandi mais sa puissance vocale est toujours similaire à celle d’un nourrisson aphone. Des titres de Sepultura comme « Territory », « Innerself » ou le bien convenu « Roots » résonnent mal ce soir au Hellfest : le tempo est accéléré et l’enthousiasme est loin. Les reprises que Max effectuait au sein de Soulfly étaient presque plus réussies et enthousiastes. La présentation d’Igor aura été faite de nombreuses fois, la famille de Max sera montée trop de fois sur scène si bien que le concert de Cavalera Conspiracy aura été une sorte de répétition, une sorte de sous-Soulfly, et le meilleur moyen de massacrer un superbe album.