Helloween a démontré avec les années qu’il se réservait le droit de faire ce qu’il voulait, que ce soit avec le controversé Chameleon (1993), les teintes sombres de The Dark Ride (2000) ou les réarrangements parfois loufoques d’Unarmed (2009). Mais ce droit, c’est aussi celui de proposer un album « traditionnel » et revendiqué comme tel, balayant trois générations de fans d’un groupe qui a inlassablement traversé les époques et tumultes. Cet album, c’est My God-Given Right, que le guitariste Michael Weikath verrait bien sur les platines des ménagères en lieu et place du sempiternel best of de Scorpions. Un condensé de Helloween, idéal pour célébrer les trente ans du premier album Walls Of Jericho, vingt ans de carrière avec le chanteur Andi Deris et dix sous le line-up actuel qui décidément tient ferme, puisque aucun autre line-up n’as tenu si longtemps chez les citrouilles.
Nous avons rencontré le membre fondateur Michael Weikath et Andi Deris pour discuter, avec ce quinzième opus pour toile de fond, de leurs choix musicaux dont le producteur Charlie Bauerfeind n’est pas étranger, mais aussi pour partir des thématiques de l’album et extrapoler sur les sujets épineux et d’actualité de l’humour, la religion et la liberté. Et comme les deux compères sont bavards on en apprend beaucoup sur eux-mêmes et sur le groupe, avec parfois des discours et approches des choses assez atypiques.
« Nous nous surprenons toujours. Au bout du compte, tu te retrouves avec un album fini et tu ne sais pas exactement comment c’est arrivé ! »
Radio Metal : Andi, à propos de ce nouvel album, tu as déclaré : « Retour aux sources, mais avec de nouvelles chansons. » Et, en l’occurrence, Straight Out Of Hell était déjà un album « retour aux sources ». Crois-tu que le succès de ce précédent album, qui avait atteint le plus haut score à ce jour dans les classements de disques allemands, vous a fait prendre conscience que vos racines étaient la bonne voie ?
Andi Deris (chant) : Oui et non. Je veux dire que « retour aux sources » ne voulait pas dire que nous avions l’intention de revenir complètement aux années 80. Donc pour Straight Out Of Hell, nous avions toujours 2013 en tête de manière à ne pas totalement sonner comme une reproduction des années 80 ; ça n’a jamais été l’intention. Mais aujourd’hui, en 2015, pour l’album My God-Given Right, c’est grosso-modo le même état d’esprit où on combine trois décennies de metal : n’oublions pas les années 80, n’oublions pas non plus les années 90, tout comme la touche Dark Ride des années 2000. Nous sommes très conscients d’avoir près de trois générations dans notre audience, du coup tu essaies de toujours… Ou plutôt tu ne peux qu’essayer de les satisfaire tous.
Vous avez d’ailleurs qualifié cet album de « Helloween à la fois typique années 80 et moderne. » Dis comme ça, ça parait assez contradictoire. Comment parvenez-vous à faire ça ?
Tu ne peux pas y parvenir en faisant exprès, en fait. Tu te contentes d’espérer avoir assez d’idées et de fragments de chansons sur la table qui te permettront de réaliser un joli mélange qui pourrait remplir cet objectif. Tu as donc assez de choses des années 80, tu as assez de choses des années 90 et tu as assez de choses actuelles. C’est donc toujours un peu au petit bonheur la chance. Nous avions comme trente idées sur la table, nous nous sommes assis ensemble avec le producteur et le management, et nous étions contents d’avoir choisi près de dix-huit chansons qui faisaient l’affaire, et à partir de ces dix-huit nous voulions réduire à douze ou treize chansons sur l’album, et le reste a également été enregistré mais ce sont des choses qui ne collent pas vraiment là-dedans, dans ce concept. Je veux dire que si tu ajoutes une ou deux de ces faces B dans l’album, le mélange ne serait plus aussi bon, mais nous étions contents d’avoir assez de chansons parmi lesquelles choisir.
Vous avez aussi dit qu’ « il n’y a en fait aucune surprise là-dedans. C’est juste du metal classique comme il doit être. » Comment parvenez-vous à vous stimuler, vous et vos fans, en faisant du « metal classique comme il doit être » ?
C’est toujours en soi un peu délicat, mais comme je te l’ai dit, tant que tu as assez de musiques qui peuvent faire l’affaire… J’ai le sentiment que ça ne deviendrait plus très gratifiant comme travail si l’on n’avait que treize chansons écrites pour un album, je doute que ça permettrait d’obtenir un bon mélange. Tu as donc besoin de beaucoup de chansons parmi lesquelles faire ton choix pour en fait obtenir un bon mélange. Mais de toute façon, tu ne peux pas satisfaire tout le monde. J’espère juste que la majorité appréciera l’album tel qu’il est, ce voyage à travers trois décennies de metal, on peut dire. Mais il est certain que tu ne satisferas pas tout le monde parce que tu peux bien imaginer que le fan assidu de cinquante et quelques années qui nous suit depuis les années 80 ne veut pas entendre les nouvelles conneries, donc peut-être que lui ne sera pas autant satisfait que le gars qui a grandi avec nous dans les années 90, parce que je pense que cette génération est ouverte aux années 80 mais aussi plus ouverte au futur. Ce sont donc sûrement eux les gars qui vont apprécier 80% de l’album, si ce n’est l’album entier. Mais les vieux gars, comme moi par exemple, eux ne seront jamais satisfaits : « Plus des années 80, plus des années 80 ! » Tu vois ? Je les entends, je les ressens, mais encore une fois, nous avons une responsabilité envers les nouvelles personnes, les nouveaux fans. Et très franchement, ils sont bien plus importants parce qu’ils nous maintiennent en vie. C’est donc quelque chose que nous devons clairement dire. Ce ne sont pas les vieux fans qui nous permettent de continuer, ce sont les nouveaux fans. Nous sommes dans cette super et heureuse situation où nous gagnons constamment de nouveaux fans, et c’est ce qui nous permet d’avancer.
On dirait que le producteur Charlie Bauerfeind est souvent très impliqué dans la direction musicale de vos albums. Apparemment, c’est lui qui a voulu que ce nouvel album soit à la fois années 80 et moderne, et une des fois précédentes où nous t’avons parlé, Andi, tu nous avais dit que c’était aussi lui qui a eu l’idée de faire de Straight Out Of Hell un album plus positif. Avez-vous une confiance totale en lui ?
Au moins, il est la première personne extérieure à écouter toutes les idées. C’est difficile de décider. Nous avons quatre compositeurs dans le groupe, chaque chanson que tu écris est ton bébé ! Je veux dire qu’il est évident que tes propres chansons sont celles que tu aimes le plus, ce sont tes bébés et personne n’écrit de meilleures chansons que toi-même, ce qui en soi est un mensonge mais c’est ton sentiment. Ce serait donc une erreur idiote de demander au groupe de choisir les chansons pour l’album. Ce serait la guerre, comme on le sait tous. Je veux dire, tu es un mec aux cheveux longs, peut-être as-tu un groupe, donc si c’est le cas, tu connais les problèmes internes aux groupes qui surviennent lorsqu’il faut choisir nos chansons préférées, et d’ailleurs personne ne devrait faire ça. Le groupe devrait laisser cette tâche à d’autres personnes en qui ils ont confiance, simplement pour arrêter cette guerre stupide au sein du groupe. « Ma chanson est meilleure que la tienne, ma chanson bla bla bla… » [Quand tu en arrives là,] c’est déjà le début de la fin, et nous voulons vraiment déléguer cette responsabilité à d’autres, je crois que c’est plus sain [rires]. Et Charlie est clairement un mec qui écoute toutes les idées et qui est capable de faire rapidement le tri. Il écoute deux fois, peut-être maximum trois, toutes les idées, et ensuite il a une vue d’ensemble. Et alors il peut nous dire : « Ecoutez, les meilleures chansons que j’ai entendues, peu importe qui les a écrites, vont dans cette direction, » et à partir de là on suit cette direction.
« Je ne suis pas un saint, je ne suis pas le bon gars ici. Je suis juste un autre trou du cul. Mais, quoi qu’il en soit, je vois mes erreurs et je me demande, bordel, pourquoi je suis comme je suis ? »
Andi, tu as déclaré : « Je ne sais pas comment, mais d’une certaine manière, nous y sommes à nouveau parvenus… l’album assure vraiment et botte sérieusement des culs ! » Et Michael, tu as dit : « Je suis très surpris et content du résultat. » On dirait que vous vous surprenez vous-mêmes avec votre propre album. Comment expliquez-vous ça ?
Michael Weikath (guitare) : C’était une surprise compte tenu de ce que nous savions pendant l’enregistrement, de ce que nous avions entendu et fait. Tu n’entendais pas le résultat, tu faisais les guitares et ensuite tu n’avais que ton imagination pour te représenter ce que ça sera ou ce que ça pourra être. En fait, je me suis dit : « Peut-être qu’il sera trop inoffensif ou trop naïf ou trop ouvert ! » Et je me disais : « Ah, peut-être qu’il manque une autre chanson heavy ou je ne sais quoi. » Mais lorsque j’ai entendu chaque chanson que nous avons jouée aux médias, j’étais genre : « Ouais, c’est bon ! » Parce que c’est si ouvert, tu vois ? ça me rappelle certains albums commerciaux d’Iron Maiden ou de Scorpions. Et j’ai aussi pensé au White Album avec cette diversité qu’ils avaient, bien que pas aussi extrême, et nous ne sommes pas ces foutus Beatles, tu sais, nous sommes juste les mecs d’Helloween. Mais je me suis dit : « Hey, mais en fait ça pourrait marcher ! » Et ensuite nous avons eu tous ces retours positifs des gens. Il n’y avait pas encore de single mais nous parlions à pas mal de critiques qui auraient pu nous dire : « Vous savez, les gars, il se peut que d’autres aient un avis différent mais je trouve que vous avez merdé avec cet album et c’est un foutu de paquet de merde. Je ne l’aime pas. » Pas un seul n’a dit ça ! Et nous connaissons beaucoup de gens qui sont vraiment honnêtes et ils nous l’auraient sûrement dit, mais ils étaient plutôt : « Je trouve que c’est meilleur que Straight Out Of Hell ! » Et nous étions : « Vraiment ? Ok. » Voilà comment j’ai été surpris, ou plutôt agréablement surpris.
Andi : Pour ma part, j’ai juste dit ça parce que c’est toujours comme ça. Nous nous surprenons toujours. Au bout du compte, tu te retrouves avec un album fini et tu ne sais pas exactement comment c’est arrivé !
Michael : Tu n’as pas de vue d’ensemble avant [qu’il soit fini]. Tu ne peux que supposer les choses. Et je trouvais que c’était si accessible que même les ménagères pourraient l’acheter, ce qui est je pense, peut-être, une bonne chose si tu veux jouer l’album aux ménagères, tu sais, les ménagères heavy metal [petits rires] qui se disent : « Ok, je vais acheter le best of de Scorpions parce que j’ai besoin de rock dans ma collection. » Et peut-être que c’est mieux avec [notre album] ! Je ne sais pas si d’autres choses pourraient… Elles pourraient prendre les albums Chameleon ou Unarmed ou peu importe, mais là ce n’est pas pareil, cet album reste rentre-dedans et tout ce qu’il est supposé être, ce qui est une bonne chose et donc voilà pourquoi j’étais surpris !
Michael, tu as dit : « En ces temps où le heavy metal mélodique n’est pas exactement au sommet dans les médias généralistes, tu dois maintenir les coûts bas, et tu dois ne pas pinailler par rapport à ton travail. » Est-ce que ça veut dire que vous avez dû vous restreindre en faisant My God-Given Right ? Qu’est-ce que ça a impliqué pour l’album, avez-vous des regrets à cause du manque de budget ou autre ?
Non, je n’ai aucun regret et, tu sais, nous sommes dans une situation chanceuse. Nous avons un producteur, Charlie Bauerfeind, nous avons le studio d’Andi Deris et l’équipement qu’il y a là-bas. Et oui, nous devons effectivement nous restreindre sur certaines choses parce que, par le passé, lorsque nous avons fait les Keepers et tout, nous avons gaspillé énormément d’argent pour pouvoir expérimenter avec les solos de guitare ou les sons ou pour élaborer quelque chose, comme l’intro de « Dr. Stein », ou peu importe. Ca a pris tellement de temps et ça représentait tellement d’argent balancé dans le studio ! Avec ça, nous aurions pu faire tellement plus de choses et [aujourd’hui] nous nous restreignons parce que nous voulons maintenir les coûts bas. Il y a des groupes à Los Angeles, en Californie, qui ont un producteur qui s’enfile un rail de cocaïne chaque jour et ensuite dit : « Aaaah, tu sais, j’attends d’avoir une vision, est-ce que vous pouvez tous attendre ? Vous pouvez prendre votre voiture, rentrer chez vous, faire la fiesta pour vous envoyer en l’air ou quoi, prendre une bière, faire ce que je fais… Je cherche encore un genre de vision et une illumination. Et lorsque ça arrivera, je vous le dirais et ensuite vous pourrez revenir au studio pour peut-être enregistrer la basse. » Et ensuite le bassiste arrive et dit : « Ouais, je ne sais pas, peut-être qu’aujourd’hui l’atmosphère n’est pas si bonne, je ne me sens pas optimum, je peux jouer quelque chose mais je ne suis pas sûr. » Ils perdent donc énormément de temps. Ils ont les producteurs, ils ont l’argent, quelqu’un derrière eux pour payer pour la production, ça c’est la méthode américaine. Nous, nous optimisons et nous essayons de faire genre : « Essayons d’enregistrer un solo improvisé ce soir, » et ensuite, nous essayons ça pendant dix minutes. Si aucune grande idée ne ressort ou autre, dans le passé nous aurions insisté pendant des heures jusqu’à ce que ce soit dans la boîte, quatre heures, cinq heures, pour un simple solo. Si ça arrive aujourd’hui et si nous n’obtenons pas une super idée immédiatement, je dis : « Ok, arrêtons et enregistrons autre chose, » et ensuite je vais chez moi et travaille sur un joli solo. Ensuite j’envoie ce solo [à Charlie] par email pour qu’il en prenne connaissance, de manière à ce qu’il soit prêt à le mettre à sa place, et puis soit nous le jouons comme sur la démo, mais correctement, soit nous pouvons aussi changer de petites choses. Nous avions un solo où il a dit : « Tu sais, cette partie-là derrière, je l’aime beaucoup mais mettons-la au début ou dans la seconde partie et ensuite on prend cette autre partie d’ici pour la mettre là, et ici je pense qu’on pourrait jouer autre chose. » Et ensuite je suis là : « Ouais, ok ! » C’est comme ça que nous faisons les choses ; ça fait gagner beaucoup de temps. Et c’est ainsi que nous nous restreignons.
L’album s’appelle My God-Given Right (NDT; “Mon droit le plus absolu”). Quel serait-donc votre droit le plus absolu ?
Andi : C’est en fait un truc personnel. J’ai écrit la chanson « My God-Given Right », et les gars ont trouvé que c’était un super titre d’album. Mais le morceau en lui-même, sa signification est très intime. C’est quelque chose que mon père m’a dit. Il m’a pris à part et m’a dit : « Ecoute, tu es mon seul fils, et si tu es heureux, je suis heureux. C’est ton droit le plus absolu de faire tout ce que tu veux de ta vie. Tant que ça te rend heureux, fais-le. » Il était le seul à m’encourager à faire de la musique, parce que tous ceux à qui je disais que je voulais faire de la musique me disaient que j’étais fou. Tu as passé tes examens, tu as fini l’école, tu vas faire tes études, et ensuite tu vas apprendre un bon métier – qu’est-ce qu’un bon métier de toute façon aujourd’hui ? Je n’ai jamais compris ça. Au bout du compte, il était juste question d’apprendre quelque chose de sûr pour te donner des garanties de gagner de l’argent. Et si tu regardes les gens les plus malheureux sur terre, qui commettent des suicides, ce sont les fils de riches. Donc l’argent ne peut pas être une réponse. Il est assez clair que tu as besoin d’une certaine quantité d’argent, parce que lorsque tu n’as rien, même pas un centime, alors tu as un problème. Mais je ne pense pas qu’il soit important d’avoir plus d’argent. Je pense que si tu as assez d’argent pour survivre, et pour suivre tes rêves, quels qu’ils soient, alors tu devrais t’estimer heureux. D’où vient donc ce désir ardent de faire toujours plus d’argent ? Je pense que c’est une maladie de l’humanité que de ne pas être satisfait de ce que l’on a, et de vouloir toujours plus. Je veux dire que tu ne peux pas conduire plus d’une voiture, pourquoi devrais-je en avoir trois ou quatre dans mon garage ? Je n’ai jamais compris ça. Il y a d’autres choses où je me retrouve dans une situation similaire, par exemple pour ce qui est des montres, je suis un fan de montres, donc ça aussi c’est stupide, tu vois ? Combien de montres peux-tu porter ? Une seule ! Mais comme je le dis, je ne suis pas un saint, je ne suis pas le bon gars ici. Je suis juste un autre trou du cul. Mais, quoi qu’il en soit, je vois mes erreurs et je me demande, bordel, pourquoi je suis comme je suis ? Pourquoi bordel sommes-nous comme nous sommes ? Je n’ai pas de solutions à apporter mais il doit bien être possible de mettre ça en paroles, c’est ce qui m’importe. Bon, disons que je ne suis pas un politicien. D’un autre côté, même nos politiciens, lorsque tu regardes Bruxelles, nous les payons un paquet de fric, vous les gars en France, tout comme en Allemagne, l’Espagne, tout le monde à travers l’Europe paye un putain de paquet de fric et ils n’ont aucune solution, donc qui sommes-nous pour trouver une solution ? Nous ne nous prétendons pas politiciens.
« Il y a eu beaucoup de connards sur terre à propos desquels on pourrait dire des saloperies sans franchir la limite. Il n’y a pas de limite parce qu’ils ont vécu leur vie sans limites. »
Dans Helloween, tu écris souvent à propos de Dieu et de la religion d’une manière humoristique. Et de nos jours, il y a un grand débat pour savoir si nous pouvons rire ou pas de la religion. Penses-tu que le manque d’humour ou d’autodérision de certains croyants soit devenu un problème ?
Ca n’est pas devenu un problème, ça a toujours été un problème ! Si on regarde une centaine d’années en arrière, c’était encore pire. Le problème que j’ai n’est pas avec Dieu, j’ai un problème avec les églises faites par l’homme, et en l’occurrence l’église catholique, c’est notre église, la plus importante religion d’Europe, c’est une église faite par les gens, pas par Dieu. Et si tu regardes les livres d’histoire, alors pour moi il est clair que cette église a en fait uniquement été fondée par des gens pour le pouvoir. Faire de l’argent, avoir du pouvoir, voilà les raisons. Et ça souille clairement Dieu. J’ai envie de croire en un être élevé, un être suprême, sans l’église. Je n’ai pas besoin d’église. Et encore moins si c’est fait par l’homme. Au contraire, j’ai peur de tout ce que les gens disent que nous devrions faire au nom de Dieu. Il y a 20 000 alarmes dans ma tête qui disent : « Donc Dieu t’a en fait dit que tu devrais tuer ce gars en son nom ? » As-tu ne serait-ce que lu la Bible ? C’est impossible, c’est juste un mensonge, dans le mensonge du mensonge dans le mensonge. Les églises sont donc mauvaises, néanmoins, je pense qu’il y a un être élevé, simplement parce que nous ne pouvons pas expliquer pourquoi nous sommes ici sur terre. Ce serait donc stupide de ne pas croire en quelque chose de plus suprême, au-dessus de nous. Tu peux appeler ça une énergie, un mec, un dieu, une idole, j’en ai rien à foutre, donne-lui le nom que tu veux. Ce Dieu viendrait de moi. Et nous sommes tous responsables pour, plus ou moins, mener une bonne vie ici-bas. Par exemple, je trouve que Jésus est un chouette type, qu’il soit le fils de Dieu ou pas, je m’en fous ! C’est un chouette type, et les Dix Commandements et tout ce que ça représente, c’est vraiment cool ! Je veux dire que c’est la bonne voie à suivre, c’est une bonne manière de vivre ensemble. Tu ne me fais pas de mal, je ne te fais pas de mal, je ne te fais pas chier, tu ne me fais pas chier et nous nous respectons et essayons de nous apprécier. Qu’y a-t-il de mal à ça ? Je trouve ça vraiment cool. Donc, sous cette perspective, je suis religieux.
Y a-t-il des sujets sur lesquels tu ne t’autorises pas à rire dans tes paroles ?
Je ne sais pas, tout est une question de bon goût ou pas [rires]. Il y a sans doute une limite que je ne franchirais pas. Je ne dirais pas de saloperies sur des personnes mortes, quelque chose comme ça, il y a trop de respect. A moins que ce soit un connard fini, je veux dire que peut-être qu’écrire de mauvaises choses sur Adolf Hitler c’est bien, parce que c’était un connard, si tu vois ce que je veux dire. C’est mon exemple typiquement allemand. Et il y a eu beaucoup de connards sur terre à propos desquels on pourrait dire des saloperies sans franchir la limite. Il n’y a pas de limite parce qu’ils ont vécu leur vie sans limites, donc ils peuvent être punis pour l’éternité, ça me convient. Il y a des limites lorsque ça touche à ma conscience. Je veux dire qu’il faut que je sois clair avec moi-même si ça convient d’écrire à propos d’un sujet sous cet angle ou pas. Je ne pourrais en fait pas te donner un exemple mais, au moins, je respecte tout, dans le sens que je ne pointe jamais du doigt certaines personnes, je ne les nomme pas, comme par exemple : nous n’avons nommé personne mais tout le monde savait qui nous avions en tête lorsque nous avons fait The Legacy. The Keeper Of The Seven Keys: The Legacy faisait clairement référence au président des Etats-Unis de l’époque sans le nommer. Mais quiconque s’y intéressait et prenait le temps de lire les paroles, voyait clairement de qui et de quoi on parlait. Il y avait la guerre en Irak, tout le monde avait énormément peur. Franchement, je me disais vraiment : « Ok, un truc de plus et on se retrouve avec la troisième guerre mondiale. » Il fallait que ce soit dit. C’était quelque chose de très important à cette époque, et Helloween n’est jamais à court de critique sociale ou dégagé de la politique. Ils avaient déjà commencé à l’époque avec les The Keeper Of The Seven Keys. Beaucoup de choses étaient traduites dans le monde fantastique des Keepers, et si tu veux tu peux retranscrire ça au présent et tu sauras exactement ce qu’il se passe là-dedans. Nous avons fait pareil avec le troisième Keeper. C’est donc quelque chose de très, très sympa avec le groupe : si tu as quelque chose à dire, tu peux vraiment pester comme un maniaque sans balancer de noms. Dans le monde des Keepers, tu n’as qu’à passer en revue les paroles et les interpréter, et ensuite tu sais exactement à propos de quoi le groupe peste. C’est un peu le genre de liberté que l’on a. Ceci étant dit, il y a toujours une limite, une frontière à ne pas dépasser, je veux dire lorsqu’on touche au respect. Ouais, ok, c’est sûrement différent pour chacun. Ton respect est peut-être sensiblement différent du mien et au bout du compte il faut faire les choses qui nous semblent légitimes, je pense que ça va, et alors ça devrait paraître légitime aussi pour les autres.
Dans la chanson « Stay Crazy », tu chantes : « Nous voulons rester fous, nous voulons vivre à notre manière… » et avec « My God-Given right », ça fait deux chansons sur le thème des libertés individuelles. Penses-tu que la liberté est en danger aujourd’hui ?
Oui et non. Je veux dire qu’aujourd’hui, tu ne peux pas arrêter ce que nous avons commencé. Tu as toutes ces techniques, les satellites, nomme tout ce que tu veux, tu es donc assez transparent dès que tu allumes ton iPhone ou ton Samsung ou n’importe quel smartphone. Du coup, c’est quoi la liberté ? C’est une question très délicate. Aujourd’hui, tu as la technologie pour contrôler chaque recoin de ta vie, de ma vie, de notre vie. Donc, la liberté, est un terme très abstrait de nos jours. Tant que tout va bien et qu’il n’y a aucune attaque venant d’en dehors de, disons, notre monde occidental, alors nous pouvons vivre, plus ou moins, dans un monde libre. Dès qu’on se retrouve avec plus de terroristes et toutes ces merdes, nous sommes davantage contrôlés. Et alors nous parlons à nouveau de liberté. Théoriquement, nous ne vivons pas dans un monde libre parce que chaque mot que tu prononces est contrôlé ou ce que tu écris est revérifié. Ca n’affecte pas ta liberté, tu ne le ressens pas mais tout de même, c’est comme si tu n’étais pas libre, parce que tout est un peu contrôlé. Tant que tu te comportes correctement, personne ne te fait de mal, mais dès que quelqu’un pense : « Ah, c’est quoi ça ? » Un certain mot dans ton email ou peu importe, et tout d’un coup, on vérifie et revérifie ou on te met sous surveillance ou autre. Es-tu libre alors ? Et pourtant tu ne le sais pas. C’est donc ça la question : te sens-tu libre, sachant que théoriquement des gens t’observent ? Je ne sais pas. Il y a différents types de liberté. La liberté digitale [rires].
« Ça requiert beaucoup de discipline de faire quelque chose comme ce groupe Helloween, et puis tu as aussi besoin d’engagement et de conviction, ce qui n’a pas toujours été le cas ! »
Cette année marque les 30 ans du premier album d’Helloween Walls Of Jericho. La carrière du groupe a été jalonnée par diverses périodes et a traversé de nombreux rebondissements. Comment êtes-vous parvenus à toujours être là aujourd’hui, fidèles à la marque de fabrique Helloween qui a démarré avec l’album Walls Of Jericho ?
Michael : On continue simplement à aller de l’avant parce qu’il n’y a pas grand-chose d’autre que la plupart d’entre nous voudrions faire. Je me sens plus ou moins bien avec ce que j’ai à faire et à vivre ma vie au milieu des choses nécessaires pour faire marcher ce groupe. Bientôt nous ferons les répétitions de guitares à Berlin. Donc nous nous retrouverons [avec Sascha Gerstner] et vérifierons ce qu’on doit faire pour que ça sonne bien, voir s’il y a des choses qu’un de nous aurait oubliées ou s’il y a des parties que je n’ai pas jouées ou que lui n’a pas joué sur l’album. On pourra ainsi solidifier tout ça et dire : « Ok, tu joues comme ça mais en fait c’est comme ça que ça doit être. » Et ensuite on continue, on retrouve le reste du groupe et nous faisons les répétitions avec le groupe au complet et nous partons jouer dans les festivals. Ensuite, entre les festivals, parfois il se passe trop de temps, et du coup tu peux oublier des choses, donc on organise des petites répétitions additionnelles entre et partons ensuite faire le festival suivant. Et, tu sais, tout ceci prend beaucoup de temps, comme se présenter à l’aéroport, prendre l’avion pour aller quelque part, aller d’un point à un autre, aller à l’hôtel, ouvrir la porte, s’assoir, ensuite tu allumes la télévision, et là c’est privé. Je ne me plains pas, c’est juste que je dis que ça implique beaucoup de choses d’avoir un lien de groupe, et parfois tu veux vérifier ce que tu es capable de faire en dehors de ça. Je ne pense pas que j’en suis capable et je n’ai pas à le faire parce que nous avons de la chance dans la situation dans laquelle nous nous trouvons. Nous gagnons de l’argent avec les concerts que nous donnons et peut-être avec les ventes de nos albums, ce qui pourrait être bien plus, et aujourd’hui tu dois faire des concerts et vendre des T-Shirts pour gagner ta vie, et ça heureusement ça fonctionne bien. Et je n’ai pas besoin de faire quoi que ce soit d’autre, et je ne me sens pas forcé de le faire. Je me suis offert quelques équipements de studio intéressants qui me permettent d’apprécier encore plus tout le truc, parce que ça fonctionne bien mieux que ce que j’avais avant qui était un peu limité, ça ne sonnait pas très bien, et maintenant je suis vraiment aux anges avec ce que j’ai. J’ai récupéré du matériel d’Universal Audio qui permet de faire de super trucs en haute résolution pour le mixage et faire rebondir le signal et maintenant je peux travailler avec des sons avec lesquels je n’ai jamais eu l’occasion de travailler auparavant, ce qui me motive et ensuite je dis : « Tu sais, peut-être que je devrais enregistrer plus de choses que je ne le faisais, qui sait ? » Tout du moins, ça me donne envie de le faire. Si je fais ça, c’est quelque chose de différent, parce que j’apprécie aussi d’aller au bar dans ma rue et prendre un café, comme celui-ci [il pointe du doigt le café qu’il boit], et ça aussi c’est important parce que tu recherches des idées, tu sais ? Si je suis trop stressé et que trop de choses se passent, en général je ne trouve pas de bonnes idées. Donc pour ma part, l’oisiveté est très importante aussi. Si je m’éparpillais dans tous types de projets, je pense que mes chansons seraient moins bonnes. Et peut-être que des gens aiment que ce soit ainsi parce que peut-être pensent-il être meilleurs ou peu importe, mais je ne le crois pas. Je préfère faire ce que je suis convaincu d’être la meilleure manière de faire quelque chose.
Le line-up actuel d’Helloween a maintenant dix ans, ce qui en fait, de loin, le line-up d’Helloween qui a vécu le plus longtemps…
Oui, ça en dit long !
Comment l’expliquer ?
Un peu comme je l’ai dit juste avant et le fait que nous ayons des membres qui ont beaucoup d’expérience, et d’autres qui sont un peu intelligents, ou les deux ; expérimentés et un peu intelligents. Et puis nous rapprocher socialement les uns des autres et bien nous traiter nous intéresse. Ça ne nous amuse pas vraiment de descendre quelqu’un ou créer des situations difficiles, ou se payer la tête d’une seule personne, nous ne faisons pas ça. Généralement nous nous moquons de Danny [Löble] parce que c’est un gars sympa et que parfois il peut l’encaisser, mais si on allait trop loin, je pense qu’il se plaindrait, donc nous essayons d’être sympas les uns avec les autres et être civilisés. Et ça requiert beaucoup de discipline de faire quelque chose comme ce groupe Helloween, et puis tu as aussi besoin d’engagement et de conviction, ce qui n’a pas toujours été le cas ! Genre, il y a eu des gens qui m’ont dit dans ce groupe : « Qui veut entendre les mélodies de chant à l’unisson ? Personne ! » Et je trouve que c’est la mauvaise attitude dans un groupe comme celui-ci. Et puis j’ai entendu : « Notre musique est démodée et ennuyeuse, et il faut que nous y remédions. Nous n’évoluons pas. Est-ce tout ce dont ce groupe est capable ? » Et ça non plus ce n’est pas la bonne attitude. Ça peut paraître positif ou donner l’impression que ça mène quelque part mais en gros, ça signifie : « Je ne suis pas convaincu de ce que nous faisons et je déteste ça. » C’est tout ce que ça me dit. Les gens qui sont comme ça doivent partir, et je préfère travailler avec des gens comme ceux que nous avons maintenant parce que nous nous respectons, nous essayons de rester modestes, et nous essayons toujours de trouver une bonne solution pour tout le monde. C’est comme : « La situation ne me convient pas ! » « Ok, peux-tu expliquer pourquoi ? » « Parce que ci et ça ! » « Comment peut-on y remédier ? » « Ah, on pourrait faire ça, etc. » Et là tu as une solution, n’est-ce pas ? Plutôt que : « Eh, t’es un chieur et je déteste mon job ! » Et peu importe, alors il n’y a pas de solution ! Voilà comment on essaie de faire marcher les choses. Ce qui est très différent de la manière dont les choses fonctionnaient dans l’ancien Helloween. Aussi, nous avons un management qui connaît chacun de nos caractères. Ils s’occupent aussi de Kai Hansen et Unisonic. Notre tour manager, c’est le batteur d’Unisonic [Kosta Zafiriou] et nous avons Jan Bayati qui est un manageur qui connaît Andi depuis des lustres, mais aussi qui comprend d’où je viens et quelle est mon histoire parce que nous avons beaucoup parlé. Il y a donc un conglomérat de gens qui prennent grand soin les uns des autres. Si quelqu’un pète un câble, alors quelqu’un d’autre peut-être aura quelque chose à dire pour le soutenir et l’apaiser. Ca a vraiment bien fonctionné ces onze dernières années.
Interview réalisée en face à face le 20 avril 2015 par Valentin Istria.
Retranscription : Valentin Istria.
Traduction, introduction et fiche de questions : Nicolas Gricourt.
Photos promo : Martin Häusler.
Site officiel de Helloween : www.helloween.org.
Super interview ! Merci !
Ils ont une façon de penser, de voir le monde qui m’a toujours impressionné 🙂
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la fameuse question sur la religion révèle toujours pas mal de chose. on attaque les catholiques (parfois à raison) mais on se garde bien d’incriminer une certaine religion (ce qui est typique du métal en général et je suis metalleux depuis 1985)et des journalistes en particulier , langue de bois ou lâcheté ? vu qu’on risque beaucoup moins à accuser toujours les mêmes, qui dans nos sociétés, n’ont pas de réels pouvoirs (le hellfest se fera malgré les cris et « degradations » et jy serai)j’opte plus pour la lâcheté que pour la bisounourserie des bonhommes (metalleux ou journalistes compris)… qui que vous soyez soyez moins lâches et hypocrites car sur ce sujet particulier qu’est la religion vous partagez sa même hypocrisy sur bien des points.
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