Hellyeah serait presque un groupe « philosophique » à l’écoute de Vinnie Paul. Une réflexion sur ce qui fait l’essence d’un groupe de rock, la recherche des racines de chacun de ses membres, les raisons qui poussent à écrire et composer de la musique, le tout en se faisant plaisir. Ajoutons à cela la réputation de « supergroupe » qui colle au combo et l’on est en droit d’attendre une tranche de métal efficace et sans concessions. Blood For Blood, successeur de Band Of Brothers (2012) prétend amener un tournant dans la carrière d’Hellyeah : changement de line-up avec le départ du guitariste Greg Tribett (Mudvayne) et du bassiste Bob Zilla (Damageplan) remplacé par Kyle Sanders (Bloodsimple) ainsi qu’un premier recours à un producteur extérieur en la personne de Kevin Churko (Ozzy Osbourne, entre autres). Oui, Blood For Blood se veut marquant. Se veut.
Certes, les premières secondes de « Sangre Por Sangre » plantent le décor. Impossible de décontenancer l’auditeur. Churko a fait du boulot solide, le son de l’album se démarque aisément de son prédécesseur en abandonnant cette distorsion acide qui rappelait Pantera, seul le virulent « Say When » permet d’établir une parenté vraiment flagrante. Place à plus de lourdeur donc, le jeu de Vinnie Paul se laisse aller à des tendances power rock assumées (refrain de « Demons In The Dirt »). Par ailleurs, les influences sudistes de Hellyeah sont plus en phase avec ce nouveau son, le pont de « Soul Killer » rappelle que parfois, brutalité rime avec simplicité. Le lead de « Cross To Bier » fait d’ailleurs écho au jeu d’un certain Pepper Keenan (Down, Corrosion Of Conformity)… Blood For Blood ne se distingue pas seulement des opus antérieurs par sa production. Habitués des hymnes ou « party songs » comme le décrivent les membres du groupe, le quatuor a cette fois-ci décidé de ne pas s’y adonner. La raison ? Proposer une palette d’émotions plus vaste qu’à l’accoutumée. Le refrain de « Moth » ou encore « Black December » prouvent cette volonté de tendre davantage vers la mélodie. « Hush » fait office de titre racoleur, ce petit côté adolescent lui confère une légèreté bienvenue.
Pourtant, si les preuves de faire de Blood For Blood un album singulier dans leur discographie sont bien avancées, il est impossible de ne pas relever une certaine anémie. Seules les chansons plus posées, « Moth », « Hush » et « Black December », ont au final une certaine identité. L’album souffre d’une certaine standardisation, Hellyeah semble avoir adopté les principes du fordisme appliqués au « riffage ». Sans compter que la nouvelle production, bien que réussie au final, ternit toutefois l’un des aspects qui faisait l’identité du combo : justement ce son si proche de Pantera, un héritage que ces derniers avaient parfaitement assimilé, désormais trop rare dans les productions actuelles.
La musique ne doit pas avoir de vocation élitiste et ne doit pas tomber dans les dérives de l’intellectualité, le premier objectif reste celui de faire appel aux affects de l’auditeur. En l’occurrence, ceux-ci ne répondent que trop difficilement. Évidemment, ce qui est attendu de Hellyeah est du… Hellyeah, pas autre chose. À ce titre, le groupe n’a aucune prétention démesurée et témoigne d’une véritable honnêteté quant à l’ensemble de son œuvre. Blood For Blood n’est pas un mauvais album. Blood For Blood n’est pas un bon album. Bood For Blood existe. Il se laisse écouter et se laisse oublier, sans jamais véritablement lutter.
Regarder le clip de « Sangre Por Sangre (Blood For Blood) » :
Ecouter le titre « Cross To Bier (Cradle Of Bones) »
Album Blood For Blood, sortie le 9 juin 2014 chez Eleven Seven Music.