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Interview   

Highly Suspect : le « crew » avant tout


Dans la sphère rock, les groupes qui fédèrent une fanbase loyale et dévouée sont légion. Plus rares, en revanche, sont ceux qui considèrent cette fanbase comme une extension de leur propre famille et choisissent de leur dédier un album entier. C’est pourtant bien le parti pris des New-Yorkais d’adoption de Highly Suspect, dont le troisième album studio, MCID (l’acronyme de « My Crew Is Dope », soit « ma bande est extra » dans la langue de Molière), est un hommage à tous ceux qui gravitent autour du groupe et le soutiennent contre vents et marées.

Et de la dévotion, il risque d’en falloir à certains pour accepter ce nouvel opus, bien plus hip-hop et électro que rock, où l’on croise en vrac Gojira, quelques rappeurs et des références en cascade à la culture japonaise. Nous avons eu l’occasion de rencontrer les quatre membres du groupe (accompagnés de Mark, un claviériste pour l’instant non officiel) pour évoquer, dans le désordre, Akira, l’art de la collaboration, Donald Trump et les avantages à avoir Joe Duplantier comme voisin du dessus. Une interview candide et sans langue de bois, à l’image des paroles extraordinairement intimes de ce nouvel album.

« Je ne sais pas écrire autrement que de manière non fictionnelle et avec la catharsis qui va avec. C’est littéralement une thérapie. ‘Fly’ est la chanson la plus brutalement honnête. Je l’ai écrite étant ivre dans un bar à Brooklyn, sur une serviette. »

Votre nouvel album s’intitule MCID, ce qui signifie My Crew Is Dope. MCID est le nom « d’une communauté en expansion de compagnons du groupe ». Quelle importance cet entourage a-t-il eue dans la carrière du groupe ?

Rich Meyer (basse) : MCID ça représente tout ! C’est la famille autour de nous, c’est le noyau dur de nos familles, c’est nous ; c’est qui nous sommes.

Johnny Stevens (chant & guitare) : C’est une famille aimante.

Diriez-vous donc que cet album est un cadeau pour remercier tous ces gens ?

Ryan Meyer (batterie) : Oui, c’est sûr.

Matt Kofos (guitare) : Oui, cet album est clairement destiné à MCID.

Johnny : Plein de gens ne comprennent pas le sérieux de MCID. Cet album n’est pas pour eux. C’est pour les gens qui comprennent.

Qu’est-ce que votre communauté a de spécial par rapport à d’autres communautés ?

Ryan : Il n’y a peut-être pas beaucoup de différences. Je pense que les gens sont attirés par la musique qu’ils aiment. Chaque artiste a une communauté de fans particulière : Lady Gaga a… comment elle appelle ses fans ? Ses petits monstres ? C’est une communauté, et chacun se rattache à la communauté dans laquelle il se sent le plus à l’aise. Sans dire non plus qu’une communauté appartient à l’artiste, mais…

Matt : Les fans aiment se sentir impliqués dans des choses. Les gens veulent se sentir impliqués. Tout le monde veut se sentir accepté dans un groupe.

Johnny : Je pense qu’une différence est que je chante des textes tragiques ! Nous recevons plein de messages de gens que notre musique a aidés à ne pas se sentir aussi seuls. Peut-être que ça y contribue. Parce que, particulièrement avec cet album, les gens qui sont venus à nous ont été très divers, de tout âge, toute origine et toute croyance, et c’est assez cool.

Ryan : Tout le monde connaît des tragédies dans sa vie, et c’est avec ça qu’on a le plus de mal. On n’a pas de mal à gérer les belles choses qui nous arrivent dans la vie.

Johnny : C’est pourquoi nous sommes un groupe avec lequel il est facile de s’identifier. Aujourd’hui, nous sommes sur notre trente-et-un parce que nous faisons des shootings photo, mais nous sommes littéralement des cols bleus portant des bottes et des T-shirts. Nous avons un peu une histoire à la Cendrillon, en venant de familles ouvrières et de boulots traditionnels, on ne nous a pas fabriqués comme une connerie de Disney, et je pense que c’est pour cette raison que les gens parviennent à s’identifier à nous.

En ce qui concerne les textes, cet album est incroyablement intime, vu que toutes ces chansons sont des confessions sur ton passé, Johnny. Qu’est ce qui t’a poussé à être aussi honnête et à aller aussi loin dans ton intimité sur cet album ?

La fiction est ce que je préfère regarder ou lire. J’adore regarder Narnia, j’adore regarder Le Hobbit ; j’adore lire des livres qui me transportent ailleurs. Mais je ne sais pas écrire autrement que de manière non fictionnelle et avec la catharsis qui va avec. C’est littéralement une thérapie. « Fly » est la chanson la plus brutalement honnête. Je l’ai écrite étant ivre dans un bar à Brooklyn, sur une serviette – je parle des paroles. Je ne sais pas quoi faire d’autre. Faire une chanson sur des conneries dont je ne sais rien ? Ça ne semble pas sincère. Ce n’est pas mon genre.

L’album s’ouvre justement sur « Fly », qui est une chanson poignante où tu sembles te parler à toi-même. Tu parles d’à quel point tu te sentais mal et désespéré. Tu confesses même que tu as songé à te tuer, et au final, tu dis que tu avais juste besoin de vider ton sac. Penses-tu que la musique est la raison pour laquelle tu es encore en vie aujourd’hui ?

Je pense que mes animaux et mes amis sont la raison pour laquelle je suis encore en vie aujourd’hui. Je me suis cassé le pied, et je l’ai très mal pris. Plutôt que de faire du yoga, aller nager et bien manger, j’ai choisi de noyer mes problèmes dans l’alcool, prendre de la drogue, rester couché et ne rien faire. J’ai développé cette haine profonde envers moi-même, et c’est quelque chose sur lequel je travaille.

« Plutôt que de faire du yoga, aller nager et bien manger, j’ai choisi de noyer mes problèmes dans l’alcool, prendre de la drogue, rester couché et ne rien faire. J’ai développé cette haine profonde envers moi-même, et c’est quelque chose sur lequel je travaille. »

La dernière fois qu’on vous a parlé, Ryan, tu nous as dit qu’« en fonction de son humeur, Johnny ne parvient parfois tout simplement pas à chanter certaines chansons ». Du coup, Johnny, redoutes-tu le jour où tu devras chanter certaines de ces chansons en concert ?

Non, je ne fais rien que je ne veuille faire. Et, deuxièmement, certaines de ces chansons sont dures à chanter, vocalement parlant. Mais nous avons un nouveau référent musical dans le groupe qui nous a appris à changer la tonalité des chansons. Tu sais, nous ne sommes pas vraiment des musiciens très expérimentés. Bon, Ryan est très compétent, mais il n’a pas à se soucier des changements de tonalité. Celles qui sont émotionnelles… Il y a des chansons… Je m’en fiche. Je ne vais jamais chanter « For Billy ». Je suis incapable d’aller au bout sans pleurer, c’est un truc vraiment lourd. Je pense que nous allons arrêter de faire « Lydia » un jour. Je ne ressens plus la même chose sur cette situation. Tu sais, Radiohead n’a pas joué « Creep » pendant vingt-cinq ans ! Donc non, ça ne m’inquiète pas tellement. Nous jouons ce qu’il nous plaît de jouer.

Ryan : Je pense qu’il y a une chose dans ce que tu as dit qui revient souvent sur le tapis. Tu as dit : « quand tu devras chanter ces chansons ». C’est ça le truc : il y a cette perception comme quoi on doit faire quelque chose. J’ai une amie, quand un étranger lui demande de faire quelque chose, elle le fait – elle se sent obligée de faire ce que les gens disent. Dès que tu comprends que c’est un choix, c’est incroyablement libérateur. Sans trop rentrer là-dedans, les gens devraient avoir conscience qu’ils ont le choix de faire ce qu’ils veulent.

Johnny : C’est judicieux, parfois, de jouer des chansons qu’on n’a pas forcément envie de jouer. C’est évidemment une sage décision de le faire pour continuer de faire plaisir aux gens, que ce soit les stations de radio ou les fans. Mais comme Ryan l’a dit, au bout du compte, le choix nous appartient. Nous pourrions choisir de déguerpir de cette pièce et nous remettre à cultiver les champs. Les choix sont toujours là.

« 16 » est le premier single et n’a strictement aucune guitare, et globalement, on dirait que cet album est plus imprégné de hip-hop et de musique électronique que de rock…

Ryan : Dieu merci !

La guitare est extrêmement peu présente, au moins sur la moitié de l’album. En avez-vous eu marre du rock ces derniers temps ?

Nous en avons eu marre de la répétition.

Johnny : Oui. Bien dit. Il existe plein de super musiques rock, mais je pense que nous nous éclatons à explorer nos capacités.

Matt : Nous envoyons toujours du rock sur scène. Nous allons rester hyper rock n’ roll.

Johnny : Je l’ai dit par le passé : le rock n’ roll n’est pas un son, c’est une attitude. Mais non, je ne pense pas que nous en avons marre. Il y a plein d’humeurs qui sont super, et parfois on a juste envie d’écouter du Metallica ou du Gojira et de se défouler. Il y a d’autres fois où notre humeur nous donne juste envie de pleurer et d’écouter Leonard Cohen. Nous n’avons pas marre du rock, mais nous en avons marre de faire la même chose.

Ryan : Personnellement, j’utilise la musique comme un outil. Quand on écoute une chanson, on ne peut s’empêcher de ressentir une forme d’émotion. Donc j’utilise ça pour ressentir ce que j’ai envie de ressentir durant la journée. Le rock est une émotion, généralement.

D’un autre côté, la section rythmique se retrouve avec un rôle plus prépondérant. Est-ce que cette nouvelle direction vous a donné plus d’espace, Ryan et Rich, pour développer votre groove ?

Je ne pense pas que c’était vraiment très différent de l’album précédent. Il n’y avait pas de focus général sur quoi que ce soit d’autre que la conception musicale. Si c’est ce qui en ressort, ce n’était certainement pas intentionnel. Ce n’était pas comme si ça avait été le concept, et ensuite la création se serait basée sur ce concept. C’était juste de la création.

Johnny : Nous essayions juste de faire quelque chose qui sonne cool à nos oreilles.

Le hip-hop et le rock ont souvent été présentés comme des opposés ou même des « ennemis », mais pensez-vous que ces deux styles ont en fait plus en commun que les gens le pensent ?

Bien plus que les gens le pensent. Je pense que la plus grande différence est financière ! [Rires] Il y a bien plus d’argent dans le le hip-hop. La musique moderne… Scott Joplin – un pianiste ragtime afro-américain des années 1880 et 1890 – a créé son propre style à une époque où les gens jouaient du Chopin. A partir de là, le Delta blues est arrivé, et ça a inspiré et mené à la création du rock n’ roll. Ensuite les Beatles sont arrivés et ont fait leur truc, et les Rolling Stones sont retournés vers le Delta blues et ont recommencé à faire du blues. Ensuite, dans les années 80, ou la fin des années 70, le hip-hop est né à Brooklyn, New York, avec des hommes qui ont compris qu’on pouvait prendre une platine, la connecter à une autre platine, et mixer, et commencer à faire du scratch et combiner les musiques. A partir de là, on a… Il n’y a pas autant de délimitations que les gens le pensent. Tout ça c’est de la musique. Ce n’est vraiment que de l’art, et tout est entremêlé. C’est comme la différence entre l’aquarelle et la peinture à l’huile. Les deux sont très similaires, car les deux produisent une atmosphère. C’est ce que la musique est censée faire.

« L’album part dans tous les sens. On ne pouvait pas faire ça il y a dix ans, personne n’aurait parié sur une telle musique. »

Votre musique est un mélange très personnel de rock, de metal, de hip-hop, de rap, d’électronique et tant d’autres styles. Comment parvenez-vous à donner une cohérence à un mélange aussi varié ? Qu’est-ce qui colmate tout ça, pour ainsi dire ?

C’est malheureux de dire ça, et je n’ai pas envie de franchir la limite, mais c’est le chant. La voix est la seule chose qui reste pareille. Et nos progressions d’accords habituelles, il y a toujours beaucoup d’accords mineurs, et il y a toujours beaucoup de textes qui parlent de sujets intimes…

Matt : Mais la constante, c’est ta voix.

Johnny : Ce qui colmate, c’est ma voix. Et le fait que nous soyons le même line-up. Nous avons des goûts très différents, et nous les rassemblons et ça fait notre musique. Je ne pense pas… Il n’y a pas, par exemple, une chanson qui peut définir cet album. L’album part dans tous les sens. On ne pouvait pas faire ça il y a dix ans, personne n’aurait parié sur une telle musique. Il n’y a aucun moyen de décrire cet élément. Je ne sais pas. Il n’y a rien qui colmate. Ce qui colmate, c’est que nous l’ayons fait ensemble, et nous l’avons sorti sous notre nom ! Ce qui colmate, c’est le groupe.

Rich : Je suppose que si nous avions travaillé avec plusieurs compositeurs, ou si nous avions eu différents producteurs… Mais nous utilisons toujours le même producteur.

Johnny : C’est ça ; c’est le mix et le producteur. Joel Hamilton est un héros méconnu – écris ça. Ce salopard nous a tellement appris au fil des années. J’étais un guitariste au jeu très sale avant ; Ryan a ajouté plus de roulements qu’il n’en faisait. Joel a vraiment renforcé notre son. C’est un génie.

Pensez-vous qu’il n’y ait aucune limite pour le groupe en termes d’expérimentations et de mélange des genres ?

Non.

Donc le prochain album pourrait partir encore plus dans tous les sens ?

Ou ce pourrait être un album de punk. Ce pourrait être de la musique classique, ou de la country. Il n’y a aucune limite.

D’un autre côté, n’est-ce pas difficile pour les gens de vous suivre musicalement, surtout sur un album comme celui-là, ou bien est-ce justement là où vous reconnaissez vos vrais fans ?

Les deux. C’est clairement comme ça qu’on reconnaît les vrais fans. Mais je ne pense pas que ce soit si compliqué. C’est une question d’opinion. Si vous n’aimez pas, pas de problème. Il y a plein de choses que je n’aime pas.

Rich : Les gens sur-analysent peut-être et se disent : « Putain mais c’est quoi ce truc ? Qu’est-ce qu’il se passe ?! » Mais c’est juste que nous faisons de la musique comme ça nous chante. C’est tout.

Johnny : Plein de gens au départ étaient là : « C’est quoi ce bordel ? » Mais les messages que nous recevons désormais disent : « Il m’a fallu quelques écoutes, mais maintenant je comprends ! » Je ne pense pas que ce soit si compliqué. Je pense que les gens rendent, à tort, les choses plus compliquées qu’elles ne le sont.

Ryan : En sur-compliquant une chose, les gens veulent trouver un message caché.

Johnny : Il y a des tonnes de messages cachés, mais ils ne sont que dans les textes, pas dans la musique.

L’album comprend de nombreux invités. Qu’est-ce qui vous a poussés vers une approche plus collaborative sur cet album ?

L’ennui ? [Rires] Si tu regardes, dans les années 60 et 70, les gens collaboraient beaucoup, il y a même des albums où chaque chanson est une collaboration. Or on ne voit pas beaucoup de groupes faire ça aujourd’hui.

Ryan : On voit des artistes seuls collaborer.

Johnny : Les artistes seuls collaborent beaucoup, mais les groupes eux-mêmes généralement ne collaborent pas. Pourtant ça permet d’aller plus dans l’artistique, de voir ce qu’on peut composer, voir comment on peut changer la façon dont les choses sonnent. C’est ce que nous avons fait.

Musicalement parlant, quelles sont les collaborations qui vous ont le plus inspirés par le passé ?

Souvent ce sont des reprises. J’aime un tas de reprises que des gens ont faites dans les années 60. Eric Clapton a travaillé avec plein de gens différents. Même Santana. Mais dans les collaborations modernes…

Ryan : Ozzy Osbourne et Post Malone.

Johnny : Oui mais c’était après notre album !

Ryan : Mais c’est une putain de super collaboration ! Ce sont deux des plus grands artistes au monde. C’est démentiel.

Johnny : Les collaborations entre êtres humains aussi – pas qu’au niveau musical, mais humain en général –, et la façon dont ils peuvent, sous certains aspects, apprendre à travailler ensemble sur certains problèmes, parfois politiques et parfois non politiques, c’est inspirant. La vie est pas mal inspirante.

Ryan : Si tu construis une maison, et tu as besoin de l’aide de ton ami parce que c’est un bon maçon, tu n’appellerais pas ça une collaboration, mais pourtant ça en serait une. Ça arrive dans tous les aspects de la vie. C’est juste que dans ce cas, on a un nom pour le qualifier.

« En Amérique, les gens peuvent parfois se dire : ‘Oh les Français sont grossiers…’ Or Joe est adorable. C’est vraiment un chouette type qui se soucie des autres. C’est un super ambassadeur pour la France. »

La collaboration la plus inattendue est probablement celle avec Gojira. Comment les avez-vous rencontrés et puis songé à collaborer avec eux ?

Joe Duplantier était notre voisin du dessus quand il a déménagé à New York. Donc nous nous sommes rencontrés de façon naturelle, nous sommes devenus amis, et puis nous avons découvert qu’il était dans un des plus grands groupes de metal au monde. C’était super. C’était la manière parfaite de le rencontrer, car si nous avions su qui il était quand nous nous sommes rencontrés, surtout au stade où nous en étions, nous n’aurions pas été aussi facilement transparents et naturels. Qui sait comment ça aurait été, mais ça aurait pu ressembler plus à : « Oh mon Dieu, tu es cette personne ! » Au lieu de simplement dire : « Enchanté, autre être humain. Soyons amis ! », puis devenir amis et découvrir ce qu’il faisait. Son frère vit dans un immeuble à côté du nôtre. Nous avons commencé à lui faire parvenir de la musique, et il nous a aidés à produire un de nos premiers EP, qui s’appelle Black Ocean.

Johnny : Nous avons aussi rencontré ses enfants. Sa femme est super.

Ryan : Il nous rapportait du vin français et nous nous saoulions chez lui, en écoutant à fond de la musique. C’était une amitié. Il se trouve juste que c’est une énorme star ici, et nous n’en avions aucune idée !

C’est sympa d’avoir des voisins français, rien que pour le vin !

Ryan : Rien que pour le vin, oui ! [Rires]

Johnny : En Amérique, les gens peuvent parfois se dire : « Oh les Français sont grossiers… » Or Joe est adorable – ou il déchire, comme dirait Rich ! C’est vraiment un chouette type qui se soucie des autres. C’est un super ambassadeur pour la France.

Ryan : Nous commençons doucement à connaître son frère un peu mieux aussi maintenant, et c’est sympa. Quand j’ai rencontré Mario pour la première fois, il ne parlait pas beaucoup l’anglais ; il y travaillait encore. Maintenant c’est bien mieux, donc on peut vraiment parler de batterie. C’était très rafraîchissant. Nous avons joué un concert à Brooklyn, et ils étaient là en tant que spectateurs, à bien s’amuser. Et après, j’ai pu parler avec Mario. Nous jouons tous les deux sur des batteries Tama, et nous avons parlé de baguettes et de cymbales – des trucs de geeks de batterie. A la fin de la conversation, je suis parti en me disant : « Je viens d’avoir une conversation de geek sur la batterie avec Mario Duplantier ! » Genre, c’est le meilleur batteur sur la putain de planète ! [Rires]

Matt : Je ne savais pas qu’ils étaient à ce concert. Je les ai trouvés là après, sur les côtés de la scène. Ce sont des amis à moi également, mais je reste un énorme fan. J’étais là : « Bon sang les gars, vous avez vu ça ! »

Johnny : La collaboration en soi était facile : nous avions déjà écrit une chanson, et la moitié du texte était faite. J’ai emmené ça à son studio, qui est à un kilomètre et demi du notre, et j’ai dit : « Joe, ça te dirais d’apparaître là-dessus ? » Et ça a été fait en quatre heures.

Vous avez accueilli un quatrième membre dans le groupe, Matt Kofo ici présent, qui a tourné avec vous pendant des années, et qui a même vécu avec vous. Pouvez-vous nous en dire plus à son sujet, sur son lien au groupe, et comment vous avez décidé de l’intégrer au groupe désormais ?

Nous avons rencontré Matt il y a longtemps. Il était dans un autre groupe, qui s’appelait Angry Animals, qui est un groupe de reprises. Au départ, nous ne l’aimions pas, parce que nous trouvions qu’ils étaient trop semblables à nous.

Ryan : Ils jouaient dans les mêmes salles, bars et restaurants que nous, voilà pourquoi !

Johnny : Le chanteur de ce groupe était un jeune gosse énervé, mais Matt est devenu un de nos meilleurs amis. Il a commencé à sortir avec nous à New York, il a commencé à tourner avec nous, à porter des amplis. Ça a toujours été un super musicien. Il a été le technicien batterie de Ryan pendant un temps, et au final, quand cette dernière session de composition est arrivée, il avait vraiment de super idées. Je ne vais pas te mentir : ce riff dans « Canals » ? C’était Matt. Qui aurait cru qu’il pouvait jouer de la guitare ? [Rires] Et il n’arrête pas de s’améliorer.

Et ta version de l’histoire Matt ?

Matt : Oui, c’est grosso modo ce qui s’est passé. J’ai déménagé à Cape Cod, j’ai été dans un bar, ils jouaient, et je me disais : « Hey, c’est un bon groupe ! » Puis nous sommes devenus amis, et je débarquais et jouais des chansons avec eux ou peu importe, puis nous revenions à la maison et faisions la fête tout l’été. En gros, c’est comme ça que ça s’est passé.

Ryan : Matt était surtout batteur au départ. Il jouait de la guitare, mais il était très passionné par la batterie. Donc je l’ai emmené au magasin de batterie dans lequel, en gros, je vivais, et il a rencontré mon professeur de batterie, et nous sommes devenus proches. Puis Matt a commencé à venir tout le temps au magasin et à vivre là-bas, travailler là-bas, travailler avec les clients, accorder les batteries, etc.

Johnny : Mark ici présent tourne avec nous en ce moment, et nous en sommes extrêmement reconnaissants. Il y a eu quelques discussions, et il se pourrait que nous nous décidions à l’intégrer aussi, parce que c’est un putain de magicien aux claviers. Tous les nouveaux sons que nous essayions de développer tout seuls sont extraordinaires maintenant. Donc peut-être que nous finirons par écrire des chansons avec Mark et nous continuerons à agrandir le groupe.

« ‘Tokyo Ghoul’, la raison pour laquelle cette chanson s’appelle comme ça, c’est parce que dans le manga ou l’anime, l’histoire parle d’un garçon qui est moitié humain et moitié démon. S’il ne réprime pas les démons, il mange les gens, et parfois je me sens comme ça. »

Avant que Matt n’arrive, Highly Suspect était un trio et toi, Johnny, tu étais entre deux frères qui ont, évidemment, un lien naturel fort. Pensez-vous que l’ajout de Matt – et Mark – apporte une sorte d’équilibre à cet égard ?

Oui. Pour répondre en un mot !

Ryan : Oui. Enfin, c’est quelque chose que nous avions toujours en tête. Nous ne voulions pas que Johnny se sente mis à l’écart, mais quand tu as deux personnes qui ont partagé le même ventre, qu’est-ce que tu peux… Nous sommes tous des amis proches, mais personne ne peut être plus proche que des jumeaux. On ne peut rien y faire.

Johnny : Pour être justes, nous pensons la même chose sur la plupart des sujets. Nous avons eu des bagarres, mais nous les dépassons. Aujourd’hui, je suis un peu comme le frère artificiel ! Nous nous connaissons depuis longtemps. Mais le fait d’avoir Matt et Mark à nos côtés nous aide tous.

Ryan : Rich et moi avons un grand frère, donc la dynamique à trois frères a toujours été facile pour nous. Pour moi, et pour Rich aussi, c’est facile d’avoir un troisième frère, et c’était facile d’être dans ce genre de relation que tu as avec un frère de sang : « Je t’emmerde, je te déteste ! » « Ok, maintenant je t’aime », tout ça le même jour, voire dans la même heure. Puis tu oublies et passes à autre chose. Maintenant, ça fait plus d’une décennie ; ça ne changera probablement jamais.

Il y a plusieurs références à la culture japonaise dans l’album, et plus particulièrement aux mangas, avec des chansons comme « Tokyo Ghoul » ou « Tetsuo’s Bike », qui fait référence à Akira. Quelle est votre relation à la culture japonaise ?

Johnny : Nous aimons tous les anime. Chaque personne dans cette pièce adore les anime parce que, encore une fois, ce sont des œuvres de fiction qui nous permettent de nous évader de la réalité. Mais en particulier, pour cet album, au lieu de balancer des idées pour des titres de chansons, nous composions les chansons avec de véritables mots derrière, de façon à ce que ça ait plus l’air d’être une chanson avant même qu’elle soit finie. Ça les rend plus mémorisables. « Juzo » est une instrumentale sur l’album mais c’est aussi une référence à Tokyo Ghoul. « Tokyo Ghoul », en soi, la raison pour laquelle cette chanson s’appelle comme ça, c’est parce que dans le manga ou l’anime, l’histoire parle d’un garçon qui est moitié humain et moitié démon. S’il ne réprime pas les démons, il mange les gens, et parfois je me sens comme ça. Aussi, j’étais super défoncé à l’oxycodone pendant un moment, avec mon pied cassé, à regarder un paquet d’anime, donc à chaque fois qu’il y avait une chanson sans titre, j’étais là : « Donnons-lui le nom d’un animé ! » Et « Tetsuo’s Bike »…

Ryan : C’est tellement dingue !

Johnny : Oh mon Dieu ! Les motos dans Akira…

Ryan : Oui, vous devriez dire à vos fans de regarder Akira ! Ils vous remercieront !

Johnny : Ce n’est pas une série, c’est un film, donc vous pouvez aller au bout en une heure et demie.

« Canals » est une prise de position politique anti-Trump. Vous avez déclaré à propos de sa présidence que vous avez l’impression que « quelqu’un a pris une pipe à crack, l’a allumée avec un chalumeau et l’a jetée sur une traînée d’essence – il y a le feu partout ». Ça suggère que non seulement vous n’êtes pas d’accord et avez peur de sa présidence, mais aussi que vous y voyez quelque chose d’absurde et d’imprévisible. Est-ce ce qui vous effraie le plus à propos de Trump ?

Ce qui se passe quand on jette du feu sur une traînée d’essence, c’est qu’il se répand. Et je crois que la maladie s’est propagée à travers le monde. Bien sûr, c’est le côté absurde et imprévisible qui est effrayant, absolument. Ce n’est pas que lui, c’est l’argent qui fait tout ça. Mais son arrogance, la façon dont il utilise sa position, la façon dont il parle et tweete… C’est perturbant. J’ai une maladie mentale – nous avons quelqu’un mentalement malade qui dirige notre putain de pays. C’est quoi ce bordel ?

Ryan : C’est un sociopathe. Je pense en tait qu’il aime troller les gens – il le fait en coulisses.

Johnny : Si tu regardes son histoire, il a toujours été une personne ayant du pouvoir profitant de ceux qui n’en avaient pas. Toujours.

Ryan : Regarde en Ecosse. Il a construit un terrain de golf au pire endroit possible, sur une plage venteuse en Ecosse, et il a détruit un écosystème unique qui a été une source d’amour pour des générations. Les gens allaient toujours là-bas, c’était très paisible.

Johnny : Et Central Park Five. Il croit encore que les gens qu’on a mis en prison – à tort – pendant de nombreuses années ont violé cette femme dans Central Park. As-tu vu le documentaire ? The Central Park Five. Et il y a ce truc avec le logement qu’il a fait. Il a viré plein de gens d’un logement social. Même quand il avait vingt-cinq ans, il utilisait l’argent de sa famille pour faire des choses horribles.

Ryan : C’est juste un putain de monstre.

Johnny : Il est arrivé là parce que le parti républicain avait de la thune et a dit : « Ce gars fait du bruit, il est fort et agressif. Il peut exciter l’Amérique moyenne. » Et il l’a fait.

Rich : Que Trump aille se faire foutre ! Nique sa face d’idiot !

Interview réalisée face à face le 29 novembre 2019 par Tiphaine Lombardelli.
Retranscription : Tiphaine Lombardelli.
Traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel de Highly Suspect : www.highlysuspect.net.

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