Hollywood Vampires est un individu étrange. Supergroupe formé d’Alice Cooper, Johnny Depp et Joe Perry, il s’est en premier lieu illustré par un album (très majoritairement) de reprises (2015), histoire de célébrer les grands noms du rock passé. Depuis, Hollywood Vampires n’a pas proposé de musique originale, ce qui correspondait finalement à son statut de « projet entre potes un peu trop connus pour rester dans l’ombre ». L’album Hollywood Vampires avait au moins le mérite de susciter de l’intérêt quand il ne se faisait pas écharper, voire traiter de « daube » par certains médias. Du risque des reprises en somme, même exécutées par des légendes. Rise, premier album de compositions originales du groupe (avec tout de même trois reprises dans le lot) sera donc un autre animal. L’heure n’est pas à l’hommage, mais à asseoir son identité, et ce en toute liberté. C’est le dessein qui motive Rise : définir Hollywood Vampires.
Il va sans dire que l’attrait de compositions originales intrigue davantage étant donné le line-up du groupe. Certaines mauvaises langues pourraient avancer qu’une production d’Hollywood Vampires ne pourrait que puer le formol. C’est surtout un sentiment d’étrangeté (et non de vieillerie) qui prend le pas dès la première écoute. Rise emprunte à Alice Cooper, Aerosmith, AC/DC, Kiss… Bref, des références universelles qui ne surprennent personne. Ce qui interpelle, c’est qu’on perçoit une partie du plaisir qu’ont les membres à jouer entre eux. Rise rend ainsi justice à certaines prestations live d’Hollywood Vampires, réputées pour leur franchise débordante. Les sept minutes d’ouverture d’« I Want My Now » prouvent que lorsqu’il s’agit de délivrer un rock n’roll sans ornements, Hollywood Vampires sait ce qu’il fait. Même la production sonne volontairement live, au risque de paraître vieillotte par endroits. La qualité de songwriting d’Hollywood Vampires se perçoit surtout dans les refrains, à l’instar du single « Who’s Laughing Now » ou de « The Boogieman Surprise » – toutes deux bénéficiant d’un groove frisant le stoner. Le rock de Rise se veut volontairement léger, parfois satirique, à l’image de « We Gotta Rise » avec ses cuivres et ses faux airs festifs qui cache un message politique fort. Hollywood Vampires parvient en outre à s’extraire des codes restrictifs du vieux rock par endroits, tel le gothique « Mr. Spider », à l’ambiance désabusée délicieusement arrangée, dans la plus pure tradition d’Alice Cooper. Encore une fois, le refrain porte le titre.
Si Rise propose un rock traditionnel avec un certain cachet et une variété notable, pourquoi dire qu’il est « étrange » ? D’une part parce que c’est une volonté du groupe d’entretenir un certain mystère, en témoignent les nombreux interludes loufoques entre les morceaux (la pièce de clavecin « How The Glass Fell » ou les sons cosmiques de « A Pitiful Beauty », par exemple) et le chant « joué » d’Alice Cooper. D’autre part, parce que Rise alterne de véritables moments exaltants et entraînants (« Mr. Spider », la nostalgie de la reprise d’« Heroes » de David Bowie interprétée par Johnny Depp ou l’entrain du blues-boogie de « Welcome To Bushwackers » avec Jeff Beck et John Waters) et des creux, des platitudes qui viennent ternir l’ensemble, comme un « Gifts Round Me » fatigué malgré l’atmosphère grave et inquiétante qu’il dégage. Outre la reprise d’« Heroes » plutôt élégante, celle du « You Can’t Put Your Arms Around A Memory » de Johnny Thunder chanté par Joe Perry ne rend pas justice au timbre de son premier interprète, tout comme « People Who Died » de The Jim Carroll Band n’avait pas besoin d’une réincarnation qui ne lui confère aucune seconde jeunesse.
Hollywood Vampires s’avère agréable lorsqu’il étale sa culture rock et son lâcher-prise qui fait naître des compositions prenantes. Quoi qu’il en soit, l’intérêt est décuplé par rapport à l’exercice de la reprise. Son aspect loufoque vient enrichir une formule qui se trouve aux frontières de l’obsolète. « Congratulations », qui clôt l’album sous des contours folk/crooner évocateurs, représente le meilleur de ce qu’Hollywood Vampires peut produire : une incarnation singulière liée aux personnalités très fortes de ses membres. Rise n’estomaquera personne mais il réussit néanmoins son pari : montrer Hollywood Vampires comme une véritable force créative.
Vidéo live de la chanson « The Boogieman Surprise » :
Chanson « Who’s Laughing Now » en écoute :
Album Rise, sortie le 21 juin 2019 via earMUSIC. Disponible à l’achat ici
puer le formol / un rock traditionnel avec un certain cachet
comment dire 2 fois la même chose mais différemment :p
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