ENVOYEZ VOS INFOS :

CONTACT [at] RADIOMETAL [dot] FR

Interview   

Host : new wave of gothic


Greg Mackintosh, le retour : à peine deux mois s’étaient écoulés depuis notre dernière entrevue, pour évoquer Viscera, le second album de Strigoï, que nous revoilà au téléphone avec le productif guitariste-compositeur de Paradise Lost. « En ce moment, je te parle probablement plus souvent qu’au reste des gars dans Paradise Lost ! » plaisante-t-il à peine. Et pour cause, le bougre n’a pas chômé ces dernières années et revient avec un tout nouveau projet, baptisé Host, en compagnie de son (quasi) inséparable compère Nick Holmes (qui lui-même a sorti, il y a peu, un disque avec Bloodbath).

Host, projet né de l’esprit de Mackintosh pour éviter de se « tourner les pouces », est un peu le retour de balancier qui rétablit une sorte d’équilibre. Là où Strigoï explore la part la plus sombre et horrifique du guitariste, Host apporte une lumière new wave teintée de mélancolie et de tristesse – on ne se refait pas ! Surtout, Host est un évident hommage au disque du même nom que Paradise Lost a sorti en 1999, à la liberté qu’a éprouvée le groupe à cette époque et aux boîtes de nuit de sa jeunesse. Vivement décrié en son temps, Mackingtosh a toujours défendu et assumé Host, l’album, ravi de voir une sorte de réhabilitation désormais opérer, y compris dans les cercles les plus extrêmes. Nous parlons donc de l’histoire de ces deux disques – Host de Paradise Lost et IX de Host (vous suivez toujours ?) – dans un entretien où Greg Mackintosh se fait toujours aussi éclairant sur son histoire (en remontant jusqu’à son adolescence), son groupe de toujours qui est passé de l’ivresse à la gueule de bois en l’espace de deux albums, sa psychologie et sa relation avec ses partenaires musicaux de longue date.

« J’ai trouvé ça très intéressant que des black metalleux admettent modestement qu’on pouvait maintenant dire qu’on aime l’album Host [petits rires]. »

Radio Metal : A peine quelques mois après la sortie du second album de Strigoi, te voilà de retour avec un tout nouveau projet baptisé Host. Je sais que Nick t’avait encouragé à revenir plus dans le gothique sur le dernier album de Paradise Lost, Obsidian, et à la fois, grâce à ton fils, tu t’es plongé un peu plus dans le sound design. Ces deux facteurs sont-ils à l’origine de Host ?

Gregor Mackintosh (chant & guitare) : Non, en fait, je me suis mis à penser à ça probablement deux ans avant la pandémie. Je venais de faire Strigoi et j’étais en train de composer ce qui allait devenir le nouvel album de Paradise Lost à l’époque, Obsidian. Je n’aime pas les temps morts. Je n’aime pas me tourner les pouces, surtout en tournée, donc je me suis dit : « Qu’est-ce qui m’intéresserait en ce moment ? » J’ai pensé à revisiter l’état d’esprit de l’époque Host – sans forcément la recréer, mais en faisant quelque chose dans cette veine. J’ai commencé à y réfléchir il y a peut-être quatre ans, et ça n’allait même pas être un projet solo, mais simplement un truc que je ferais dans mon coin pour passer le temps. Ensuite, la pandémie est arrivée et je m’ennuyais à faire ça tout seul, donc j’ai demandé à Nick s’il voulait s’impliquer. Je lui ai expliqué l’idée et le concept, je lui ai dit qu’il s’agissait de capturer l’atmosphère des boîtes de nuit gothiques dans lesquelles nous avions l’habitude de nous rendre dans les années 80, mais en l’actualisant. J’ai demandé : « Est-ce que ça t’intéresse ? Je veux appeler ça Host. » Il m’a répondu : « Pas de problème, envoie-moi ce que tu as. » C’est là que nous avons commencé à collaborer dessus. L’idée est donc venue il y a environ quatre ans et avec la pandémie, c’est devenu un projet à deux.

Le nom Host a été choisi en hommage à l’album Host de Paradise Lost. Cet album a plus de vingt ans. Avais-tu une impression d’inachevé par rapport à la direction que vous aviez prise à l’époque ?

Pas vraiment, car nous avons fait Host et ensuite, nous avons plus ou moins remis des guitares metal, mais c’était un lent processus pour sortir de tout ça. Nous avions encore pas mal de clavier sur l’album qui a suivi Host et sur celui encore après. Je n’ai pas particulièrement une impression de travail inachevé. C’était excitant à faire à l’époque où nous l’avons fait. Nous avons personnellement toujours défendu cet album. Nous avons toujours dit que c’était un bon album pour nous ; nous trouvons que les compositions et les idées qu’il y avait derrière sont solides, c’est juste que ça ne correspondait peut-être pas à ce que nous étions censés faire et à la scène à cette époque. Je pense qu’une des choses qui m’ont donné envie de retravailler sur ce type de musique, c’est il y a cinq ou six ans, quand Paradise Lost a fait un festival à Bergen, en Norvège. C’était plus un festival black metal, mais étrangement, Paradise Lost était programmé. Deux gars qui ont connu le début de la scène black metal norvégienne sont venus me voir et m’ont dit : « On aime beaucoup l’album Host maintenant. » J’étais là : « Qu’est-ce que vous voulez dire ? » Ils ont dit : « Nous l’aimions déjà plus ou moins secrètement à l’époque, mais on n’avait pas le droit de le dire. Aujourd’hui, c’est… pas à la mode, mais acceptable de dire qu’on l’aime, car il y a maintenant pas mal de trucs aux synthés dans la scène. » J’ai dit : « Eh bien, c’est intéressant qu’il ait fallu une quinzaine d’années pour que ça devienne acceptable. » C’était pratiquement suite à ça que j’ai commencé à y songer, mais il a fallu encore deux ans pour que je digère l’idée. J’ai trouvé ça très intéressant que ces black metalleux admettent modestement qu’on pouvait maintenant dire qu’on aime l’album Host [petits rires].

Ton histoire avec le rock gothique et la new wave ne date pas de l’album Host, mais de la fin des années 80 lorsque ça faisait partie de la scène dans la région où tu vivais et que c’était diffusé dans les boîtes de nuit que tu fréquentais. D’un autre côté, tu as grandi dans la scène punk et tu as commencé à faire de la musique dans le metal extrême. Du coup, quel a été ton parcours en tant que mélomane depuis ton enfance jusqu’au moment où tu as fondé ton propre groupe ? Comment t’es-tu intéressé au punk, au metal puis au rock gothique et à la new wave ? Ou étais-tu exposé à tout ça en même temps ?

Tout ça m’a atteint en même temps. J’avais l’âge idéal. Je suis né en 1970, donc au moment où toutes ces musiques ont commencé à percer, j’étais en train de devenir adolescent. En 1982, 1983 et 1984, c’est là que tout ça a vu le jour. C’était une période excitante où la scène gothique était au sommet de la scène punk-hardcore. C’était là que de nouveaux groupes hybrides émergeaient, comme Hellhammer, Celtic Frost et tout. J’ai découvert tout ça en même temps, mais pour être honnête, c’était au travers de mon grand frère et de sa collection de disques. Il a trois ans de plus que moi et il avait une importante collection de vinyles. C’était d’ailleurs un skinhead, il était à fond dans le mouvement Oi!. Il avait plein d’albums, tous les trucs de Tubeway Army et un tas d’albums de new wave, gothique, punk et metal. J’avais pour habitude de fouiller dedans et de lui emprunter des disques. Puis, en 1984 ou 1985, je n’avais pas encore l’âge, je n’étais pas censé aller dans ces boîtes de nuit, mais c’est ce que tout le monde fait à quatorze ou quinze ans, donc j’ai commencé à aller dans ces clubs à Leeds, là où tout a plus ou moins démarré. Nous allions au Adam And Eve’s, c’était d’ailleurs à peu près le seul endroit où aller. C’est là-bas que tous les punks, les metalleux et les gothiques allaient, parce qu’il n’y avait pas d’autres endroits. On était tous dans des coins séparés, sans se mêler aux autres, car à l’époque, les metalleux détestaient les punks, les punks détestaient les gothiques et les gothiques détestaient les metalleux… Mais nous étions tous dans le même club. Si un morceau gothique passait, les gothiques accouraient sur la piste et commençaient à faire des danses bizarres. Si un morceau de punk passait, les punks accouraient et commençaient à sauter dans tous les sens… On était exposé à tout, donc même si on n’était pas censé aimer certaines choses, on y était quand même exposé.

« On était tous dans des coins séparés, sans se mêler aux autres, car à l’époque, les metalleux détestaient les punks, les punks détestaient les gothiques et les gothiques détestaient les metalleux… Mais nous étions tous dans le même club. »

Tout ça a façonné mon enfance et tout ce que j’aimais. Chez moi, j’avais un album de Christian Death et un de Discharge, et je les écoutais à la suite. C’est ainsi que j’ai grandi avec la musique. Je n’ai jamais fait de distinction comme les metalleux le faisaient à l’époque, car c’est via les gars de Paradise Lost que je me suis mis au metal. Avant, je n’étais pas du tout un fan de metal. J’ai commencé à traîner avec le premier batteur de Paradise Lost quand nous avions quinze ou seize ans, puis nous avons pris contact avec Aaron [Aedy], le guitariste rythmique, qui était un autre metalleux, et ensuite, à environ dix-sept ans, nous avons rencontré Nick, le chanteur, et c’était tous des metalleux. Je ne connaissais pas grand-chose au metal, mais ils m’ont fait découvrir des choses comme Trouble, Candlemass, Black Sabbath, etc. Je connaissais quelques groupes crossover, car à l’époque, vers 1986, des groupes comme English Dogs et Broken Bones mélangeaient punk et metal. J’écoutais aussi déjà Motörhead, qui était le seul groupe que les metalleux et les punks avaient le droit d’aimer avant la période où les deux ont commencé à se mélanger. Je me suis donc intéressé au metal grâce à eux, car autrement, je n’aurais probablement jamais écouté de metal.

Tu as déclaré être « coincé dans ces boîtes de nuit du milieu des années 80 ». Pourquoi t’ont-elles marqué aussi durablement ? Est-ce parce que ce sont les lieux où tu as formé tes goûts musicaux ou était-ce aussi une question d’atmosphère ?

C’est un tout. C’est les goûts. C’est le fait que la musique que tu découvres à cet âge ne te quitte jamais, qui que tu sois. Si tu es fan de Wham! à quatorze ans, tu aimes probablement toujours Wham! à cinquante [rires]. Tous ces styles de musique m’ont suivi, mais c’est aussi clairement l’atmosphère. Je peux même encore sentir l’odeur de ces clubs, l’huile de patchouli ou peu importe ce que les gothiques se mettaient, et la laque dans leurs cheveux… Tout ça te suit. Encore aujourd’hui, j’essaye de retrouver ce genre de boîte de nuit. Il y en a qui ressurgissent de temps en temps au Royaume-Uni. Hier soir, ma femme était en train de regarder sur Facebook et elle a vu que quelqu’un que nous n’avions pas croisé depuis des années était allé dans un club qui s’était monté à cinquante kilomètres de chez nous. C’est un club mensuel et ça ressemble exactement à ce qu’on a connu dans les années 80, donc nous allons probablement y aller le mois prochain. C’est juste une question de nostalgie, ça te revigore, d’une certaine façon.

La dernière fois que nous nous sommes parlé, nous avons discuté du fait que tu t’ennuyais très vite : était-ce déjà le cas quand tu étais adolescent ? Avais-tu besoin de ne pas te restreindre à un seul genre musical ?

Un peu, oui. J’ai envie d’entendre le prochain bon truc. Depuis toujours, j’ai faim de musiques qui me stimulent ou m’excitent, mais je pense que mon implication dans la scène underground avec les échanges de cassettes est vraiment ce qui a scellé mon sort à cet égard. Je recevais peut-être vingt cassettes par jour que je devais écouter. C’était à chaque fois des compilations de morceaux, donc on se retrouvait à enchaîner différents genres musicaux et c’est devenu ma manière d’écouter la musique. Je suis vraiment comme ça maintenant, encore plus avec une plateforme comme Bandcamp où je vais de recommandation en recommandation et je trouve des choses excitantes, même s’il faut filtrer car il y a aussi pas mal de merdes. J’ai toujours eu cette envie d’écouter le prochain truc. Au sein de Paradise Lost, Nick a toujours été mon point d’ancrage car il fonctionne à l’inverse de moi. Il est très fixe, il aime que les choses soient toujours les mêmes et quand je me mets à complètement digresser, il fait en sorte de me canaliser. Je pense que Host, l’album de Paradise Lost, aurait été beaucoup plus expérimental si Nick n’avait pas été là pour garantir sa cohérence.

Avec Paradise Lost, vous avez commencé à jouer du doom death, avant d’injecter progressivement de plus en plus vos influences gothiques dans la musique, en évoluant jusqu’à Host où vous vous êtes retrouvés à l’autre extrémité, c’est-à-dire avec un album complètement new wave et gothique. Comment se fait-il que cette facette de vos affinités musicales ne se soit pas plus exprimée sur le premier album mais a plutôt pris graduellement de l’ampleur d’album en album ?

Je pense que ça vient encore de la scène underground où nous nous trouvions parce qu’à l’époque, elle était davantage tournée vers le metal extrême. On recevait des choses sur cassettes qui étaient un peu plus décalées, mais quatre-vingt-dix pour cent venaient de gens qui essayaient d’être le plus extrêmes possible, en étant aussi bruitistes que possible, aussi rapides que possible, etc. Je me suis retrouvé très vite aspiré là-dedans et c’était assez excitant parce que c’était un genre musical émergeant et il n’y avait dans chaque pays qu’une poignée de personnes qui y étaient impliquées. Au Royaume-Uni, il y avait Nick et moi, ainsi que Jeff Walker, Bill Steer, les gars de Napalm Death et quelques autres. En France, il y avait Metallian et des gars de certains groupes. Il y avait quelques Scandinaves, quelques Allemands, quelques Néerlandais… C’était tout petit, donc c’était excitant. Nous étions absorbés par ça, donc ça prenait une bonne partie de notre temps. Mais notre son en tant que Paradise Lost a aussi été modelé par notre batteur qui n’était pas capable de jouer vite. Nous nous sommes dit : « Quelle est la chose la plus extrême qu’on aime et qui est lent ? » Nous aimions Saint Vitus, Candlemass et Trouble, mais nous voulions faire quelque chose de vraiment heavy. Nous aimions aussi Dead Can Dance à l’époque, donc nous avons mélangé le tout, le doom et Dead Can Dance. Mais nous n’avions pas de claviers, donc en tant que guitariste, j’ai dû trouver des parties de guitare qui sonnaient comme de la musique d’église à mettre là-dedans. Nick avait son chant rauque et nous avons décidé que nous voulions faire en sorte que ce soit aussi vaseux et guttural que possible, et voilà le résultat. Tout s’est passé très vite, nous avons formé le groupe et fait deux démos en l’espace d’à peine de dix-huit mois. C’était très honnête, nous faisions tout ce qui nous excitait, et ceci est ce qui nous a excités au cours de ces dix-huit mois.

« Au sein de Paradise Lost, Nick a toujours été mon point d’ancrage car il fonctionne à l’inverse de moi. Il est très fixe, il aime que les choses soient toujours les mêmes et quand je me mets à complètement digresser, il fait en sorte de me canaliser. Je pense que Host, l’album de Paradise Lost, aurait été beaucoup plus expérimental si Nick n’avait pas été là. »

Comme je l’ai dit, vous êtes passés d’un extrême à l’autre entre votre premier album et Host, et c’est aussi ce que tu fais aujourd’hui avec Strigoi et le projet Host. Penses-tu qu’il faille parfois tutoyer les extrêmes pour savoir où est notre place ?

Personnellement, je le pense. J’ai des limites comme d’autres gens, et ce ne sont pas des limites que je m’impose, je suis comme ça, c’est tout. En termes de musique, je n’aime rien qui sonne de près ou de loin joyeux, je ne le supporte pas. Je peux te donner un bon exemple : j’adorais les couplets de The Police, mais je détestais leurs refrains, car tous leurs couplets étaient en mode mineur et tous leurs refrains étaient en mode majeur. A l’époque, quand j’avais onze ou douze ans, je ne savais pas que c’était la raison pour laquelle j’aimais les couplets et pas les refrains, mais ça m’est resté. J’ai toujours aimé les musiques en mode mineur qui sonnent tragiques. Peu importe comment c’est joué, ça peut être de la musique classique, de l’électronique, du grindcore, n’importe quoi. J’aime les extrêmes là-dedans, les différentes façons dont on peut représenter le tragique. Il y a probablement vingt ans, je croyais que tout avait été fait. Je pensais : « C’est bon. Où peut-on aller à partir de là ? » Mais de toute évidence, de nouveaux trucs sortent et on nous apprend des choses. Chaque jour j’apprends de nouvelles choses sur la manière de faire de la musique grâce à de nouveaux artistes et de nouveaux groupes qui trouvent de nouvelles manières de s’exprimer, et je trouve ça excitant.

Etant l’homme éclectique que tu es, y a-t-il un genre musical particulier que tu détestes ?

Oui, à peu près quatre-vingt-dix pour cent de ce que la population aime. Encore une fois, je n’aime pas la musique joyeuse. Je n’aime pas la musique enjouée. Je n’aime pas la musique pour les couchers de soleil, les vacances… Je n’aime pas quatre-vingt-dix pour cent des musiques présentes dans les hit-parades. Je n’aime pas une majorité de musiques. Mais il y a de la pop que j’aime, ce qui est très étrange pour certaines personnes. J’adore Girls Aloud, j’adore Sugababes, c’est bizarre [rires]. Je pense que la ligne de démarcation, c’est la tristesse, c’est la seule chose qui me vient en tête.

Nick a dit qu’« avec le recul, ça aurait été plus facile de sortir l’album Host en 1999 en tant que projet parallèle ». Considères-tu que c’était une erreur de n’avoir pas fait ça ?

Non, pas du tout. Je crois que la raison pour laquelle nous en sommes là aujourd’hui, à ce stade de notre carrière, avec Paradise Lost, c’est parce que nous avons fait ça et que nous l’avons vécu. C’est comme tout dans la vie, il faut vivre certaines expériences pour apprécier ce qu’on a ensuite ou pour apprendre. Certaines personnes – et, je suis sûr, y compris au sein du groupe – voient l’album Host comme quelque chose de négatif dont il a fallu tirer des leçons. Mais moi, je vois ça comme quelque chose de positif dont il a fallu tirer des leçons. Nous ne serions peut-être pas là aujourd’hui, le groupe n’aurait peut-être pas survécu trois ou quatre ans de plus si nous n’avions pas fait cet album. Je pense que c’était nécessaire pour conserver l’excitation au sein du groupe. Ça devenait de moins en moins excitant de jour en jour, surtout quand nous avons fait à la suite les albums Icon et Draconian Times, et leurs tournées respectives. C’était quatre années à faire tous les jours la même chose. Certaines personnes peuvent le supporter, mais pas moi. A la fin, j’avais l’impression d’aller à l’usine, c’était comme une chaîne de production. J’avais perdu l’intérêt. C’est grâce à ce qui est ressorti de One Second et en partie de notre rencontre avec Sank qui a produit cet album, et ensuite en enchaînant sur l’album Host, que mon intérêt est revenu, et j’imagine celui du groupe aussi. Ça nous a sortis d’une routine, ce qui peut paraître étrange pour les fans. Draconan Times peut ne pas avoir l’air d’une routine, il a sans doute plus l’air d’un point culminant, mais pour moi, c’était la fin d’une période du groupe. Nous ne pouvions pas aller plus loin dans cette direction. Ça peut paraître évident de faire un Draconian Times deux, trois, quatre… comme peut-être d’autres groupes, à l’image de ce que Slayer et Motörhead ont fait avec leurs albums, mais je ne pouvais pas faire ça. Je n’en voyais pas l’intérêt. Il n’y avait pas suffisamment d’argent à se faire là-dedans pour rendre ça suffisamment séduisant et, de toute façon, ça ne m’intéressait pas. C’était plus intéressant de chercher autre chose.

Quels sont tes souvenirs de la sortie de Host et de la façon dont les fans l’ont reçu ? En avez-vous souffert ?

Non, c’était même probablement la période la plus intéressante et excitante de toute l’expérience Paradise Lost. Nous étions sur un nouveau label, EMI. C’était la première fois que nous étions sur une major, ils nous balançaient de l’argent aveuglément, ils nous faisaient voyager, Nick et moi, en première classe n’importe où dans le monde rien que pour faire une interview, c’était ridicule. Mais c’était la seule et unique fois où nous avons vécu ça et la plupart des gens ne le vivront jamais. Je suis ravi que nous ayons vécu ce genre d’absurdité. Ils nous ont donné carte blanche pour l’album. En gros, ils ont signé un chèque en blanc et ont dit : « Allez-y, faites un album », ce qui explique pourquoi Host est ce qu’il est. Nous avons loué un grand manoir et y avons construit un studio, alors que nous aurions très bien pu aller dans un studio existant. Nous avons fait tous ces trucs ridicules, mais c’était excitant, intéressant et différent. Tout ça, c’était une expérience, donc je n’ai aucun regret.

« Je déteste à peu près quatre-vingt-dix pour cent de ce que la population aime. Je n’aime pas la musique joyeuse […] mais il y a de la pop que j’aime, ce qui est très étrange pour certaines personnes. J’adore Girls Aloud, j’adore Sugababes, c’est bizarre [rires]. »

En fait, si on parle de cette époque, c’était l’une des meilleures que nous ayons jamais connues, mais ce n’était pas viable. Et nous le savions pendant que c’était en train de se passer, nous savions que c’était ridicule et excessif, nous savions que nous allions probablement nous faire tout de suite éjecter. Nous savions qu’il y aurait un retour de bâton, mais nous nous en fichions, nous étions trop occupés à en profiter. Quand nous avons sorti l’album, c’était étrange. Par exemple, en Allemagne, EMI nous a envoyés en voyage promotionnel pour partir dans cet énorme arctic truck sur lequel nos visages avaient été peints, et à l’arrière, il y avait un tas d’iMac – ceux des débuts, qui ressemblaient à des bulles colorées. Nous nous arrêtions à des magasins Media Markt pour faire des séances de dédicace, et ensuite les gens allaient à l’arrière du camion. Je suppose que le label était en avance sur son temps en pensant à faire ça, c’était une sorte d’expérience médiatique avant même que ça existe. Sauf que ça n’a pas du tout marché. Ça ne correspondait pas à Paradise Lost. Nous avions fait un album qu’ils ne savaient pas comment vendre, et c’était en partie de notre faute et en partie de la leur, mais c’était tellement amusant que je m’en fichais. Mais les fans, je dirais que quatre-vingt pour cent d’entre eux l’ont détesté [petits rires].

Les fans ne s’attendaient pas à ce que vous alliez aussi loin ? N’étais-ce pas prévisible après One Second, vu la façon dont le groupe évoluait à chaque album ?

Je croyais que c’était une évolution assez prévisible. Je ne pensais pas que nous étions allés trop loin. D’ailleurs, comme je l’ai dit plus tôt, je voulais aller plus loin. A la fois, il faut avoir en tête ce qu’il y avait musicalement à l’époque, c’était le néo-metal. Le fait que nous abandonnions toute guitare metal était à l’opposé de ce que les gens voulaient dans cette scène à l’époque. Ils voulaient que ça sonne plus heavy, avec des breakdowns et tous ces trucs. Je pense que c’était le mauvais album au mauvais moment, ou plutôt le bon album au mauvais moment. Je suis toujours content que nous l’ayons fait, j’en suis toujours fier et évidemment, le fait que nous fassions aujourd’hui cet album sous le nom Host est presque une manière de célébrer ça.

Après Host, est venu l’album Believe In Nothing, qui est probablement la pire période que vous ayez connue en interne. Dans une interview passée, tu nous as dit que vous étiez comme un navire sans gouvernail, que vous ne saviez pas ce que vous vouliez et que vous aviez des différends personnels et des problèmes dans le groupe. Était-ce la conséquence de Host ?

Absolument, à cent pour cent. Quand tu as demandé plus tôt si j’avais de mauvais souvenirs de l’enregistrement ou de la tournée de Host, la réponse est non. Tout était bien, mais ensuite, il allait forcément y avoir la gueule de bois. Et la gueule de bois, c’était l’époque Believe In Nothing à cause de tous les excès et de la débauche autour de l’album Host. La composition, l’enregistrement et la tournée de Believe In Nothing, c’était le contrecoup. Nous avons tous fini par avoir divers problèmes de drogue et, dans une certaine mesure, d’alcool. Certaines personnes dans le groupe blâmaient l’album Host, tandis que d’autres l’aimaient. Nous ne savions pas où aller musicalement. Nous ne sommes pas arrivés à nous accorder sur une direction musicale. La maison de disques s’est alors rendu compte qu’elle avait fait une erreur en nous balançant tout cet argent et en nous disant d’aller faire un album, car avec Believe In Nothing, ils étaient tous les jours au studio. Ils étaient avec nous, à nous regarder, à nous tenir la main… C’était fou, mais à l’inverse de Host. Believe In Nothing était comme aller en prison ou quelque chose comme ça, c’était la chute. Disons que tu prends un cachet qui te fait vraiment planer, c’était Host, et ensuite, la redescente, c’était Believe In Nothing. Bizarrement, quand j’écoute Believe In Nothing aujourd’hui, je trouve qu’il y a de très bonnes chansons dessus, or je ne sais pas comment c’est arrivé car nous étions complètement dans le brouillard. Mais l’album dans son ensemble était totalement compromis. Je trouve qu’il n’est pas cohérent. Il y a des points culminants, il y a de bons moments, mais la production en a souffert. Il a été mixé trois fois par le label sans que nous soyons présents, ce qui a retiré toute forme d’atmosphère. Notre cœur n’était pas vraiment dedans. Il était compromis à tous les niveaux. Dès le début, il n’avait aucune chance. Il fallait que nous retrouvions la flamme, et ce n’est pas vraiment arrivé avant un moment.

D’un autre côté, n’est-ce pas avec l’album Host que vous avez gagné votre liberté artistique en tant que groupe ?

Oui, je pense, mais c’étaient des pressions externes et internes trop importantes à l’époque de Believe In Nothing qui ont terni ça. La liberté est la raison pour laquelle Host était tellement amusant. Quand nous étions en train d’enregistrer l’album, je crois que nous avons passé trois mois dans cet endroit où il n’y avait aucune routine préétablie. Nous y allions la nuit ou la journée, ça n’avait pas d’importance. Si nous avions une idée pour faire quelque chose, nous l’essayions. C’est le seul album dans notre carrière où nous avons eu une liberté totale, je pense. C’est en partie la conséquence du financement et de plein de facteurs, mais c’était super, c’était la liberté totale. Mais ensuite, il y avait un prix à payer pour ça et il fallait que nous le payions.

« Le groupe n’aurait peut-être pas survécu trois ou quatre ans de plus si nous n’avions pas fait l’album Host. Ça devenait de moins en moins excitant de jour en jour, surtout quand nous avons fait à la suite les albums Icon et Draconian Times, et leurs tournées respectives. »

Aujourd’hui, les gens sont probablement plus susceptibles d’accepter un album comme Host de la part du groupe qu’en 1999. Du coup, pourquoi ne pas avoir décidé de sortir IX sous le nom de Paradise Lost ? Je veux dire qu’au final, ça sonne comme Paradise Lost, ou tout du moins une autre évolution ou version du groupe…

Déjà, quand l’idée m’est venue initialement, ce n’était pas prévu que ce soit pour Paradise Lost, c’était un truc solo. L’autre chose est que je ne voulais pas que le projet ait de quelconques limites. Nous n’étions plus chez EMI, nous n’avions pas de maison de disques quand j’ai commencé avec l’idée de Host. Ironiquement, Nuclear Blast a signé Host, mais nous ne le savions pas à l’époque. Nous pensions qu’ils n’allaient pas aimer que nous emmenions de nouveau Paradise Lost dans une direction étrange et qu’ils n’allaient pas vouloir financer l’album et nous aider avec. Nous ne voulions pas d’une pression. Nous ne voulions pas que des gens nous jugent. Nous ne voulions pas avoir un passé. Le but était juste de faire ça et de voir où ça nous mènerait. Ça nous a redonné un sentiment de liberté, comme celui que nous avions connu avec l’album Host, mais je ne pense pas que ce soit possible avec Paradise Lost sur un label comme Nuclear Blast, et ce n’est pas une critique de Nuclear Blast ou de Paradise Lost, c’est plus que les circonstances quand nous avons fait l’album Host de Paradise Lost étaient particulières. Je pense que nous ne connaîtrons plus jamais ça, c’est-à-dire avoir des finances illimitées pour faire tout ce qu’on veut sans conséquences. Ça n’arrivera plus. Il faut donc que ce soit le résultat d’une passion. Et c’est exactement ça, c’est un projet de passion que Nuclear Blast, étrangement, a voulu signer, je ne comprends pas pourquoi. C’était les dernières personnes que j’aurais imaginé être intéressées par ça.

N’est-ce pas frustrant de te dire qu’aujourd’hui, à chaque fois que tu voudras expérimenter, il faudra peut-être monter un nouveau projet plutôt que de le faire en tant que Paradise Lost ?

C’est difficile de répondre. Quand je commence à composer des musiques pour Paradise lost, je commence toujours dans les extrêmes. Par exemple, la semaine dernière, j’ai commencé à écrire de nouveaux morceaux pour le groupe. J’ai peut-être trois idées en cours en ce moment. L’une est un morceau entièrement joué au piano, une autre est très orientée synthé et une autre sonne comme une chanson gothique. Je sais qu’aucune d’entre elles ne finira sous cette forme, mais il faut que je commence à partir des extrêmes, car ensuite, ça passera pas un processus où Nick et moi travaillerons dessus, pour finalement le confier au groupe. Ce sera changé, modifié et filtré pour devenir quelque chose qui sonnera comme Paradise Lost, le groupe. Je ne ressens donc pas forcément une énorme pression pour faire des choses dans des projets parallèles. Je ressens encore pas mal de liberté au sein de Paradise Lost, mais comme c’est une poignée de gars et non un seul, il y a toujours des compromis à faire, c’est inévitable.

Comment comparerais-tu cet album, IX, et l’album Host de Paradise Lost ? Car ça ressemble à une forme d’extrapolation : si le groupe avait continué dans cette direction ces vingt dernières années, IX est probablement ainsi qu’il sonnerait aujourd’hui.

C’est possible, mais ce n’était pas l’intention. L’intention n’était pas même pas de poursuivre ce que nous avions fait sur l’album Host, mais de saisir pourquoi nous l’avions fait, l’excitation qu’il y avait derrière, ainsi que les influences et la motivation qui nous ont poussés à faire cet album à l’origine. Comme je l’ai dit, la nostalgie et l’odeur de ces boîtes de nuit, tout ce qui suscitait notre imagination à l’époque, il s’agissait de prendre tout ça et de l’intégrer dans quelque chose qui nous parle ou qui a du sens aujourd’hui. Je pense que si nous avions fait un album identique à Host, l’album de Paradise Lost, nous aurions donné l’impression d’être coincés en 1998, car même s’il est assez varié, je pense qu’on peut entendre qu’il est de son époque. Il n’y a rien de mal à ça, mais je voulais faire quelque chose qui sonne comme son époque, mais en ayant ces influences.

Dans IX, il n’y a pas de batterie traditionnelle – en dehors de trois chansons sur lesquelles le producteur Jaime Gomez Arellano a joué –, très peu de guitare par rapport à ce que tu fais d’habitude et beaucoup de sound design. Pour créer les chansons, ton approche était même de commencer avec une ligne de piano. A quel point est-ce rafraîchissant d’aborder la musique d’une toute nouvelle manière, sans les contraintes traditionnelles inhérentes au rock ?

C’est cool, parce qu’on peut aborder ça plus comme une sorte de concept très basique. On n’est pas obligé d’être aussi détaillé que quand on compose du rock. On peut être beaucoup plus simpliste et commencer avec des éléments rudimentaires, presque comme un auteur-compositeur, rien que l’essentiel. Même s’il y a beaucoup de sound design dans le produit fini, nous voulions que les chansons soient à la fois très simples et très accrocheuses. C’est l’une des choses que nous avons essayé de faire, mais alors le problème est que lorsqu’on a des chansons accrocheuses avec des refrains vraiment entêtants, c’est dur d’essayer de faire en sorte que ça reste triste [rires]. J’explique ça en des termes très simples, parce que je pense la musique plutôt de façon visuelle, sur la base de ressentis, comme les odeurs, le fait qu’une chanson me rappelle la pluie sur une lande, etc. Mais musicalement parlant, j’ai essayé de rester très simple.

« L’époque Host était l’une des meilleures que nous ayons jamais connues, mais ce n’était pas viable. Nous savions que nous allions probablement nous faire tout de suite éjecter. Nous savions qu’il y aurait un retour de bâton, mais nous nous en fichions, nous étions trop occupés à en profiter. »

Faire un morceau à la fois mélancolique et accrocheur est l’une des choses les plus dures qui soient. C’était ce qu’il y avait de plus difficile avec les chansons de Host, car le sound design et tout le reste, du moment qu’on a une bonne chanson, c’est la partie agréable. C’est la cerise sur le gâteau. La partie difficile, c’est d’obtenir quelque chose d’accrocheur ou mid-tempo, tout en restant tragique, d’une certaine façon. Ça paraît bizarre, mais les meilleurs dans ce domaine étaient les groupes des années 80 et parfois des années 70. ABBA étaient très doués pour ça, ils faisaient ce que j’appelle de la « pop triste », car presque tout ce qu’ils ont fait était en mode mineur. C’est ce genre de morceaux qui est difficile à faire, je trouve, c’est difficile de capturer ça. C’est pourquoi nous avons fait la reprise de Bronski Beat avec Paradise Lost ; nous avions fait « Small Town Boy » parce que c’est l’une des chansons les plus tristes de tous les temps, mais elle est tellement entraînante et accrocheuse que ça ne devrait presque pas avoir de sens. Voilà donc ce qu’il y avait, à la fois, de plus dur et de plus facile à faire. Le plus facile, c’était la simplicité de la composition, et le plus dur, c’était de conserver une part de tragique dans le côté accrocheur.

C’est intéressant comme, que ce soit avec des guitares hyper saturées ou presque sans guitare, ça sonne toujours comme toi. Qu’est-ce qui, musicalement, fait que tu es toi ?

Je n’en ai aucune idée et j’aurais aimé savoir parce qu’alors, je pourrais aller au-delà de mes limites. Je ne sais pas ce qui crée mes limites, je ne peux pas m’en défaire. Je suppose que c’est bien d’avoir son propre son, mais personne ne commence en se demandant : « A quoi ressemblera mon son ? » Je pense qu’on tombe simplement dedans. Je n’ai aucune idée de ce qui fait ça, c’est l’accumulation de tout ce que j’ai vécu, je suppose.

Comme tu nous en avais parlé la dernière fois, tu as aidé ton fils avec un projet de sound design à l’université où on lui a demandé de créer la musique pour un film. A ce propos, tu as dit qu’il « devait peindre un tableau en utilisant des sons ». Comme tu viens de le dire, tu penses toujours la musique de façon visuelle. Du coup, considères-tu les neufs morceaux originaux présents sur cet album comme neuf tableaux ?

Oui, c’est comme construire une émotion. Comme je l’ai dit, la partie difficile, c’était de créer le concept initial de la chanson. Une fois qu’on a la mélodie, la structure d’accords de base et les changements de mesures, c’est le moment de peindre ce tableau. C’est là que, pour moi, intervient le sound design. J’ai passé beaucoup de temps, probablement huit ou neuf mois, avec mon casque à écouter les paroles, à ressentir telle chanson et à me demander : « Qu’est-ce qui créerait un point sensible ici ? Où le chant se soulève-t-il ? Qu’est-ce que ce mot raconte dans cette chanson à ce moment précis ? Comment je fais pour que ça ait une résonnance ? » Ça donne l’impression que je suis prétentieux ou que je me la joue artiste, mais je sais ce que je pense quand je suis en train de le faire. Il se peut que ça n’ait aucun sens pour les gens quand ils écoutent le morceau, mais c’est là tout l’intérêt ; la musique, c’est très subjectif. L’idée que j’ai eue peut être interprétée de façon totalement différente par une autre personne. Par exemple, si Nick dit un mot à un certain moment et que je l’ai trouvé particulièrement poignant, j’essaye de l’accentuer avec une forme de sound design. Avec un peu de chance, chaque chanson a son propre feeling.

Ceci étant dit, quand il a fallu les rassembler dans un album, les morceaux ont encore légèrement changé parce que nous voulions faire un album cohérent, donc il y a eu des petites retouches ici et là. Par exemple, jusqu’à l’enregistrement de l’album, nous n’avions pas prévu d’avoir la moindre partie jouée avec une vraie batterie, mais le producteur – qui est batteur – a discuté avec nous et a dit : « Si vous deviez mettre de la vraie batterie, sur quelles chansons ça aurait le plus de sens ? » J’ai dit que nous allions essayer sur certains morceaux. Jusqu’à la dernière minute, ceux-ci n’avaient pas de vraie batterie. Mais ça a du sens pour moi que ces trois-là en aient parce qu’il n’y a pas que de la musique gothique et électronique dans l’album, il y a aussi des éléments de stadium rock, donc nous avons essayé d’intégrer ça à un moment donné.

Ça fait quelques années que tu t’intéresses au sound design, et évidemment, la technologie a énormément évolué depuis 1999 et est devenue plus abordable. Dans quelle mesure est-ce qu’un tout nouveau monde s’est ouvert à toi avec cette technologie ?

C’est simplement devenu moins chronophage d’obtenir ce qu’on veut. Quand j’ai commencé à faire ça, c’était en 1997 avec des échantillonneurs Akai et un ordinateur Atari. C’était mon passe-temps à l’époque et c’est pourquoi ça s’est immiscé dans l’album One Second puis finalement dans l’album Host. A l’époque, on mettait des disquettes de deux mégaoctets dans un échantillonneur et il fallait le déclencher à partir d’un ordinateur Atari, donc ça prenait beaucoup de temps pour obtenir ce qu’on voulait. Il fallait aussi vite boucler car deux mégaoctets, ça ne représente pas beaucoup de temps. Au fil des années, c’est devenu beaucoup plus rapide d’arriver à un résultat, mais au final, il faut quand même avoir l’idée et peindre le tableau. Ça n’a pas fondamentalement changé. Si tu n’as pas l’inspiration et une bonne idée, autant continuer à utiliser des échantillonneurs Akai.

« Faire un morceau à la fois mélancolique et accrocheur est l’une des choses les plus dures qui soient. C’était ce qu’il y avait de plus difficile avec les chansons de Host, car le sound design et tout le reste, du moment qu’on a une bonne chanson, c’est la partie agréable. C’est la cerise sur le gâteau. »

L’album se termine sur une reprise de « I Ran » d’A Flock Of Seagulls. Que représente cette chanson par rapport à ce projet ? Et comment l’avez-vous abordée ? Car elle est assez différente de l’originale…

C’était l’idée de Nick. Il y avait trois ou quatre chansons que nous songions à reprendre. Celle-ci faisaient partie de celles que Nick a suggérées, je ne l’avais pas entendue depuis pas mal d’années. Je me souviens quand elle passait en boîtes de nuit dans le temps. Je l’ai réécoutée et j’ai trouvé que c’était une bonne chanson de pop triste. Elle a plein d’accroches qui sonnent tristes et, curieusement, quelques parties de guitare intéressantes, mais c’était trop enjoué et il y avait quand même un côté un peu trop joyeux à mon goût, donc je l’ai déconstruite. Notre reprise n’est pas probablement aussi accrocheuse que l’original, ce qui arrive quand on assombrit vraiment les choses, mais elle a beaucoup plus d’atmosphère et je trouve que ça colle mieux aux paroles. Cette chanson était plus une sorte de projet ambient pour moi. Ce que j’ai fait au départ, c’est que j’ai recréé la chanson originale avec quelques synthétiseurs différents et ensuite, je l’ai donnée à Nick. Il a chanté comme sur l’original mais dans une tonalité un peu plus grave, et ensuite j’ai commencé à reconstruire le morceau de zéro, en découpant le chant et en voyant ce qui fonctionnait. Certaines parties de l’orignal étaient trop tarabiscotées pour ce que je voulais faire et d’autres étaient trop joyeuses, donc nous l’avons reconstruite pour en faire ce que j’avais en tête. Comme je l’ai dit, je ne pense pas que le résultat soit aussi accrocheur que l’original – qui l’est bien plus – mais je trouve cette version beaucoup plus sombre et fidèle à ce que racontent les paroles.

L’album s’intitule IX. Qu’est-ce que ce nombre veut dire pour toi ?

En fait, je l’appelle « X » et parfois « I, X ». Il y a deux raisons à ça. L’une, c’est effectivement le chiffre 9 parce qu’il y a neuf chansons sur l’album et nous trouvions que c’était concis. C’est toujours la galère de trouver un nom pour un premier album ! Mais ensuite, j’ai pensé à ce concept avec tous les mannequins et cette société sans visage. Si vous regardez l’artwork et le premier clip, c’est une métaphore sur la société actuelle, qui est une sorte de société sans visage et peut-être un peu dystopique. En ce sens, IX veut dire « je suis X, je suis un membre sans visage d’une société déshumanisée », en montrant ces files interminables de mannequins cassés. Parfois, je l’appelle donc « X » et « I, X », et parfois « 9 », donc il a différentes significations pour moi.

A l’époque de Vallenfyre, ton idée initiale était que Nick en soit le chanteur, et maintenant, tu as de nouveau demandé à Nick de chanter pour Host. Comment se fait-il que quand tu crées un nouveau projet, tu as tendance à naturellement te tourner vers Nick pour qu’il en soit le chanteur ?

C’est mon partenaire ! [Rires] Ça fait longtemps que nous sommes partenaires dans la musique et je me sens à l’aise de faire ça avec lui. Avec le recul, C’est bien qu’il ait décliné Vallenfyre parce qu’autrement, le projet n’aurait pas pris la direction qu’il a prise, le résultat aurait probablement été différent. Je ne sais pas si tu connais l’histoire, mais le bassiste originel, la première personne à qui j’ai demandé de jouer de la basse dans Vallenfyre, était Jeff Walker avant que Carcass ne se reforme. Il allait le faire, mais ensuite Carcass s’est reformé, donc il ne l’a pas fait. Scoot, mon vieil ami qui joue dans Doom, a fini par s’en charger, et alors Vallenfyre est devenu plus orienté D-beat que s’il n’avait pas rejoint le groupe. Ces choses sont sujettes à de drôles de rebondissements, parfois pour le meilleur, parfois pour le pire. Généralement, quand je demande à Nick, c’est juste une histoire de confort. C’est quelqu’un avec qui je suis à l’aise pour composer. Je sais comment il écrit, je sais comment nous interagissons, je sais où l’un et l’autre pouvons faire des compromis et où nous ne pouvons pas en faire, donc c’est confortable. Avec Host, ça fonctionne bien parce que nous sommes déjà passés par là, nous avons déjà fait ce genre d’album. Si je devais faire quelque chose de totalement différent, qui ne se rapprocherait de rien que nous ayons fait dans l’histoire de Paradise Lost, ce ne serait peut-être pas une bonne idée, parce qu’alors je me priverais de l’expérience de quelqu’un issu d’un autre genre musical.

N’as-tu pensé à aucun autre chanteur ? Ou n’as-tu pas songé à essayer de chanter toi-même ?

Je n’ai pas essayé de chanter moi-même. Initialement, j’ai pensé que je pourrais faire de l’instrumental, comme Alan Wilder quand il a quitté Depeche Mode et qu’il a fait un projet baptisé Recoil qui était plus ou moins instrumental. Parfois, il avait des chanteurs sur certaines chansons, mais j’ai pensé que je pourrais peut-être faire pareil. Finalement, j’ai trouvé ennuyeux de faire ça seul. Au départ, j’ai songé à peut-être avoir une chanteuse, puis je me suis dit que la majorité des influences dans lesquelles je puisais pour ce projet n’avaient pas de chanteuse, donc que ça devrait probablement être un chanteur et ça m’a directement ramené vers Nick.

Nick et toi êtes partenaires artistiques depuis 1988. D’un autre côté, vous êtes deux personnalités très différentes. Penses-tu que ce soit justement ce qui fait que cette relation marche aussi bien, car vous êtes des sortes d’opposés, à certains égards ?

Absolument. Je pense qu’en dehors du sens de l’humour, la majorité de nos vies respectives sont diamétralement opposées. Il est très sociable, très sympathique, il aime être avec les gens, il aime être le centre de l’attention, or je suis tout l’inverse. Je suis très polémique dans ma façon de parler, dans ma façon d’exprimer les choses, alors que lui non, il se retient. Nous sommes très différents à bien des égards, mais notre sens de l’humour est identique et je pense que c’est ce qui nous réunit. En musique, nous avons aussi, évidemment, beaucoup en commun, ce qui est idéal, je suppose, mais ce n’est pas non plus identique. Je suis beaucoup plus expérimental dans mes goûts musicaux que Nick ; lui est beaucoup plus traditionnel. Si nous étions trop similaires, nous nous prendrions souvent la tête, nous nous disputerions, et il est probable que nous ne serions pas capables de trouver de compromis dans notre façon de travailler.

« Paradise Lost, c’est comme des frères pour moi, nous savons absolument tout les uns sur les autres, probablement plus que nos épouses. »

Steve Edmondson et Aaron Aedy font aussi partie de Paradise Lost depuis le début. Quelle est leur place dans le tandem que tu formes avec Nick, même au-delà de Paradise Lost ?

C’est de l’amitié, je dois dire. Nous nous connaissons tous sur le bout des doigts. Nous savons jusqu’où nous pouvons pousser le bouchon avec quelqu’un, quand il faut le laisser tranquille, et musicalement, nous sommes en phase. Il y a une symbiose. Steve sait exactement jusqu’où il peut aller avec les lignes de basse. De temps en temps, il lui arrive de faire des choses qui, je trouve, font trop Iron Maiden, et alors je dis : « Je n’aime pas Iron Maiden » [rires] et il change. Globalement, c’est de l’amitié, c’est parce que nous sommes à l’aise les uns avec les autres. La manière la plus simple de voir ça, c’est de se poser la question : avec qui aimerais-tu passer tout ce temps que nous avons passé ensemble dans un tour bus ? Supporteriez-vous d’être dans cette situation, tout en continuant à rire des mêmes blagues et à boire un café ou un thé ensemble en gardant le sourire ? Ce n’est pas quelque chose de facile à quantifier, ça vient avec le temps, je pense.

Ça fait donc presque trente-cinq ans que ces gars font partie de ta vie. Dirais-tu que ton meilleur ami fait partie de Paradise Lost ?

C’est une question difficile. J’ai les amis de Paradise Lost et j’ai d’autres amis, et les deux ne se mêlent généralement pas. Mes autres amis sont très différents. Je peux parler de mes choses les plus intimes avec Paradise Lost, plus qu’avec mes autres amis. Paradise Lost, c’est comme des frères pour moi, nous savons absolument tout les uns sur les autres, probablement plus que nos épouses. C’est ce vieux truc marrant : parfois, nous ne nous supportons pas, mais quand nous nous retrouvons, même si nous avons été séparés pendant des mois, c’est comme si nous nous étions vus hier et nous retrouvons tout de suite nos marques. C’est comme une bonne vieille famille, je suppose. Mais personnellement, je n’ai pas de « meilleur ami » dans ma vie. J’essaie d’éviter d’avoir des amitiés vraiment profondes. C’est un de mes défauts. Je ne dirais pas que c’est bien, au contraire, mais je trouve que c’est quelque chose qui ne tient pas la route. Selon moi, les amis ne devraient être là que pour le temps limité d’une période particulière de notre vie. Ce n’est que mon opinion ; ma femme n’est pas d’accord avec moi, c’est une source constante de discussion.

Dernièrement, avec Vallenfyre puis Strigoi, tu as ravivé le death metal que tu as joué et aimé dans ta jeunesse – ça vaut aussi pour Nick avec Bloodbath –, et avec Host, la musique gothique / new wave que tu écoutais dans les clubs de ton adolescence. Penses-tu qu’on revient toujours, à un moment de notre vie, là où on a commencé ?

Je pense que c’est toujours là dans l’ombre, comme un bruit de fond. Même quand on tombe sur une musique nouvelle et intéressante qu’on trouve être la chose la plus extraordinaire qu’on ait jamais entendue, il est garanti qu’on finira par continuer à écouter aussi ce qu’on écoutait quand on était adolescent. Peut-être les deux en même temps, mais il est clair qu’on y revient toujours parce que c’est ce qui nous a construits, ce qui a fait notre caractère, ce qui a créé notre premier sentiment d’excitation dans ce qu’on aime aujourd’hui. En l’occurrence, j’ai découvert un nouveau groupe l’autre jour et j’en ai parlé à notre management. J’ai dit : « Ouah, je suis tombé sur ce groupe. Ils n’ont pas de management. Ils n’ont pas de maison de disques. Ils sont géniaux. Vous devriez leur parler. » J’étais tellement excité par ça, mais plus tard le même jour, je me suis mis à écouter un vieux morceau de Celtic Frost [petits rires]. Et plus tard dans la soirée, j’ai écouté Siouxsie And The Banshees au casque. C’est toujours là dans un coin de la tête, ce qui n’empêche pas d’aimer plein de nouveaux trucs. C’est quelque chose de familier, c’est comme enfiler des pantoufles à la fin de la journée [rires]. On trouve tous ces trucs nouveaux et intéressants, on a ses baskets aux pieds, on court dans tous les sens, et à la fin de la journée, on remet ses pantoufles.

On peut sans doute dire que Strigoi et Host représentent respectivement ton côté obscur et ton côté lumineux, les deux extrémités de tes goûts musicaux. Dirais-tu que le fait d’avoir désormais ces deux entités t’apporte un meilleur équilibre dans ta vie, avec Paradise Lost qui navigue entre les deux ?

C’est l’idée. Je ne peux pas dire maintenant parce que je viens tout juste de commencer la composition pour le nouveau Paradise Lost, mais l’idée est qu’il devrait y avoir une jolie juxtaposition des deux. Je sais que ça a fonctionné pour Vallenfyre et Strigoi, ça m’a aidé à réaliser l’essence de Paradise Lost. Je ne sais pas tout de suite si Host aura le même effet, mais je l’espère. A mon sens, c’est logique que Paradise Lost soit quelque part entre les deux. Pour le moment, les nouvelles musiques de Paradise Lost ne sont que des progressions d’accords basiques et des mélodies. On verra où ça nous mène !

Interview réalisée par téléphone le 4 janvier 2023 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Emilie Bardalou.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Balazs Szabo.

Site officiel de Host : officialhost.co.uk.

Acheter l’album IX.



Laisser un commentaire

  • Merci pour cette superbe interview fleuve de Mackintosh. Ses souvenirs d’adolescent doivent sans aucun doute faire écho à ceux qui sont de sa génération à quelques années près. Si intenses et si mal gérées mais essentielles à sa construction d’identité et qui ne nous quitteront jamais. La raison pour laquelle le plaisir de découvrir des choses nouvelles à 15 ans seront incommensurables comparée à celles qu’on ressent à 55. L’analyse et la gestion des émotions ne sera jamais plus la même.
    Au passage , je ne suis pas un fan de Paradise Lost mais j’ai beaucoup aimé Vallenfyre, ses relents Frostien y étant pour beaucoup. Je ne connaissais pas Host et donc je viens d’écouter l’album : Tout simplement excellent ! ça sent bon la New Wave des années 80 placée aux antipodes du Hard Rock/Metal de l’époque et donc une chose inavouable il est vrai quand on était un ado baignant dans cette décennie bénie : Ce qu’on peut être con quand on est jeune et inconscient de l’importance de ce passage en termes de souvenirs et d’établissement de sa personnalité. Comme quoi l’âge peut avoir du bon, à commencer par réparer certaines erreurs !

  • Red Hot Chili Peppers @ Lyon
    Queens Of The Stone Age @ Lyon
    Kiss @ Lyon
    Skid Row @ Lyon
    Hollywood Vampires @ Paris
    Depeche Mode @ Lyon
    Scorpions @ Lyon
    Thundermother @ Lyon
    Ghost @ Lyon
    Spiritbox @ Lyon
    Metallica @ Saint-Denis
    previous arrow
    next arrow
     
  • 1/3