La pause imposée aux musiciens par l’épidémie de Covid-19 a souvent été fertile, comme le prouve l’avalanche de sorties et de nouveaux projets de ces derniers mois. Parmi ceux-ci se détache Høstsol (« soleil d’automne » en norvégien), qui bénéficie de l’éclat de son casting septentrional : le quatuor est composé du Norvégien Cernunnus de Manes à la guitare, des Finlandais Kalmos et Rainer Tuominkanto d’Ajattara à la basse et à la batterie, et du Suédois Niklas Kvarforth de Shining au chant. Formé en 2020 avec pour objectif revendiqué de rendre hommage au black metal des années 1990 et (donc ?) à la mort, le groupe avait sorti un premier morceau l’année passée à l’occasion d’un split avec Shining justement, « Din Skördetid Är Nu Kommen ». Son premier album, intitulé Länge Leve Döden (« Vive la mort » en suédois), aux côtés de quatre titres écrits « au cours d’un processus horrible et malsain », dixit le groupe lui-même – on n’en attendait pas moins vu les personnalités impliquées. Bref, tout semble indiquer qu’avec Høstsol, Kvarforth et consorts sont fidèles à eux-mêmes, et prêts à en découdre…

Pourtant, l’agression est différée par une introduction longue de plusieurs minutes qui, avec ses voix flottantes et ses sonneries de glas, met en place une atmosphère quasi religieuse. Elle gagne peu à peu en épaisseur, jusqu’à être percée par les riffs, puis les hurlements d’un Kvarforth particulièrement hargneux. Les bases de Länge Leve Döden sont immédiatement posées : chaque chanson prend le temps de déployer sur près d’une dizaine de minutes, entre une introduction et une conclusion ambient plus ou moins brèves, un univers sombre, mélancolique mais pas étouffant, et des compositions sinueuses et soignées qui rappellent les premiers albums de Manes. Comme convenu, les clins d’œil au panthéon du black metal scandinave abondent, du riff plein d’allant à la Bathory d’« As Seen Through The Eyes Of The Prophet » aux arpèges de guitare très De Mysteriis Dom Sathanas qui ponctuent « Det Som En Gång Var (Det Kommer Aldrig Igen) », dont le titre rappelle d’ailleurs une chanson de Burzum. C’est à ce dernier que l’on pense le plus fréquemment, que ce soit lors de certains riffs (« Parallellt dubbelliv ») ou d’interludes au clavier (« Det Som En Gång Var [Det Kommer Aldrig Igen] » encore).

Mais le groupe ne se contente pas de reprendre des recettes qui ont eu le temps de faire leurs preuves : il se les réapproprie pour accomplir son propre objectif. Le diable est, comme souvent, dans les détails, et certains éléments revivifient discrètement le style : la section rythmique notamment s’illustre tout au long de l’album avec un son de basse et des cymbales particulièrement mis en valeur, et les passages ambient ont une ampleur quasi cinématographique. Tout l’album est en effet brodé de claviers souvent discrets, de touches liturgiques comme des chœurs et, plus ponctuellement, des orgues, donnant à l’ensemble une douceur qui tranche avec la voix d’écorché vif de Kvarforth, et qui culmine au milieu du titre central, « Länge Leve Den Ansiktslöse Mördaren », où un long passage post-rock lumineux fait figure d’œil du cyclone.

Rien de véritablement nouveau sous ce soleil d’automne, donc, mais il émane de Länge Leve Döden une atmosphère particulière, paradoxale, où on passe du désespoir à l’enthousiasme sans même s’en être rendu compte, et où on ne sait plus si on doit craindre la mort ou l’appeler à grands cris. Cette dualité qu’on retrouve en fil rouge tout au long des cinq titres recouvre celle de l’attitude du quatuor par rapport au black metal auquel il se réfère, entre déploration (« Ce qui fut autrefois [ne reviendra jamais] ») et renouvellement. On s’y sent bien, finalement, dans cet album méticuleusement conçu où l’on retrouve tant d’éléments familiers, et ce malgré son hostilité revendiquée : avec Länge Leve Döden, Høstsol nous rappelle qu’il y a quelque chose de réconfortant dans l’implacabilité de la Faucheuse, muse inépuisable, repos éternel, ou cycle de la vie qui repart…

Album en écoute :

Album Länge Leve Döden, sorti le 13 janvier 2023 via Avantgarde Music. Disponible à l’achat ici