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Chronique Focus   

Hypno5e – Sheol


Les enjeux de Sheol sont conséquents pour Hypno5e. Lorsqu’une notoriété a été légitimement acquise par une approche musicale singulière, l’annonce d’un changement de line-up implique de conserver la même exigence. La dernière création de la formation emmenée par Emmanuel Jessua a désormais intégré le nouveau bassiste Charles Villanueva et le batteur Pierre Rettien. Sheol est une référence directe à A Distant (Dark) Source (2019). Dans la Bible hébraïque, « Sheol » est le lieu où toutes les âmes se retrouvent après leur mort pour redevenir poussière. C’est, selon les dires du frontman, cette source lointaine décrite dans le précédent opus. Sheol nous ramène près du lac paléolithique Tauca pour se confronter à sa mémoire. Sheol s’appréhende ainsi sous le signe de la continuité – plus précisément un cycle – entretenue avec A Distant (Dark) Source. Il est une nouvelle amélioration de la formule établie par Shores Of The Abstract Line (2016), davantage intéressée par l’exploration narrative et conceptuelle que l’innovation musicale.

Sheol conserve évidemment toute la dimension cinématographique de la musique des Français. Le son évoque l’image, qui le supporte en retour et lui donne une profondeur supplémentaire. Les musiciens ont à nouveau recours à des intégrations de passages déclamés et de poèmes, œuvres de César Vallejo, Jean Cocteau ou encore Anne Sexton. « Sheol – Part I – Late Sorrow » renoue avec ces cordes empreintes de nostalgie qui permettent d’anticiper la puissance du riffing qui amorce « Sheol – Part II – Lands Of Haze ». L’auditeur peut très rapidement être tenté d’y voir une redite de ce qu’Hypno5e réalise depuis plusieurs années, à savoir une fusion entre riffs « de metal contemporain » et des accalmies chiadées. Sheol ne s’en écarte pas mais introduit davantage de profondeur dans ces dernières, profitant du travail des deux nouveaux membres. La production de Sheol a une chaleur inédite pour le groupe, profitant en outre d’un véritable trio de cordes et de percussions minimalistes judicieusement intégrées. Le pont de « Sheol – Part II – Lands Of Haze » illustre cet apport et Hypno5e gagne – sans jouer au jeu de la surenchère – en intensité. Certaines parties de batterie gagnent en finesse et si la formule reste la même, les ficelles sont moins explicites. L’introduction de « Bone Dust » permet justement au trio de cordes de briller, très vite rejoint par un arrangement électronique discret. Le groupe inverse les rôles et ce sont les guitares qui jouent celui de support avant de prendre radicalement celui de lead qui rappelle inévitablement l’athlétisme d’un Gojira. Dans ses phases les plus douces, l’atmosphère de « Bone Dust » renvoie explicitement au rock progressif des années 1970, une tonalité inédite pour le groupe, réemployée notamment sur le pont vibrant de « Lava From The Sky » guidé par des cliquetis quasi mystiques.

Sheol nécessite d’accepter la science du détail d’Hypno5e pour en profiter pleinement. Chaque composition est un récit en soi et l’apparence des liens entre les morceaux est davantage de l’ordre du ressenti que de l’ingéniosité du tracklisting. L’accalmie acoustique et envoûtante de « Tauca – Part I – Another » se densifie progressivement pour révéler « Lava From The Sky » qui multiplie les voiles et les jeux de mystère. Une toute petite mélodie émerge d’une gradation sonore bruitiste avant de prendre corps par ces cliquetis de percussions qui préfigurent l’articulation du riff. Hypno5e démontre avec « Lava From The Sky » que l’art du contraste ne nécessite pas forcément de faire s’affronter deux blocs mais plutôt de les imbriquer élégamment. Des sons mélodiques stridents en viennent même à guider l’oreille à travers la déferlante sonore coutumière du groupe. « The Dreamer And His Dream » emprunte quant à lui une « voie du milieu » perceptible sur Alba – Les ombres errantes (2018) où les arpèges acoustiques ne sont plus mis à nu mais soutenus par une rythmique dynamique. Emmanuel Jessua embrasse un timbre aigu plus léger et maîtrisé, comme si Hypno5e prenait conscience de sa capacité à devenir plus aérien. Le diptyque « Slow Steams Of Darkness – Part I – Sacred Woods » et « Slow Steams Of Darkness – Part II – Solar Mist » conclut l’œuvre avec tout le savoir-faire du groupe en matière de mise en scène. Ce dernier fait à nouveau parler la poudre à travers des leads de guitare plus libérés qu’à l’accoutumée et navigue entre les intensités de ses états d’âme. La solennité du riff final – l’un des plus graves de la discographie du groupe à ce jour – n’est pas ce qui clôt l’œuvre. Elle préfère s’estomper avec quelques notes éparses, un choix judicieux tant le déroulé de Sheol n’appelait pas des catharsis dénuées de sens.

Sheol présente, sans modifier son orientation musicale, un Hypno5e étrangement plus chaleureux sans perdre en mélancolie. L’intrication est plus subtile et les nuances plus vastes. L’album profite grandement de ces petites nouveautés sonores, qui viennent balayer progressivement l’impression de déjà-vu et permettent à terme de toucher du doigt la mémoire de Tauca. Sheol a cette singularité dans la discographie d’Hypno5e qui fait dire à l’auditeur l’ayant parcourue la chose suivante à la formulation étrange : « Ça y est, j’ai fait l’image. »

Clip vidéo de la chanson « Slow Steams Of Darkness » :

Clip vidéo de la chanson « Lava From The Sky » :

Clip vidéo de la chanson « Sheol Part II – Lands Of Haze » :

Album Sheol, sortie le 24 février 2023 via Pelagic Records. Disponible à l’achat ici



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