S’il y avait une valeur que le guitariste Jon Schaffer érigerait au-dessus de toutes, ce serait sans doute l’intégrité. C’est un principe de vie, dans son travail comme dans ses relations, et c’est bien là tout le sens du titre du nouvel album Incorruptible. Et c’est justement pour préserver cette intégrité la plus intacte possible, après des déboires avec le management mais aussi des conditions avec le label Century Media qu’il qualifie lui-même de « brutales », qu’il s’est décidé à prendre la voie de l’indépendance en construisant son propre QG, le bien nommé Independance Hall.
Car aujourd’hui, Schaffer a foi en l’avenir, grâce notamment à sa relation quasi-fusionnelle avec le chanteur Stu Block, mais aussi aux opportunités qui d’après lui s’ouvriront pour qu’enfin « l’artiste qui a travaillé dur pendant de nombreuses d’années puisse enfin prospérer grâce à son travail ». En attendant, l’homme qui est à la tête d’Iced Earth depuis plus de trente ans, et pour qui l’inspiration revêt aujourd’hui un caractère spirituel, n’est pas peu fier de son nouveau bébé. Il nous parle de tout ceci ci-après.
« Je n’abandonne pas, je ne suis pas un déserteur, je ne l’ai jamais été. […] C’est ça le problème : je vais me battre jusqu’à la mort. »
Radio Metal : Avant de composer cet album, tu as passé du temps à construire Independence Hall, votre propre QG. Qu’est-ce qui a déclenché ce besoin d’avoir votre propre bâtiment indépendant ?
Jon Schaffer (guitare) : Je dirais que c’est surtout une question d’avenir. Dans un business qui change très rapidement, la meilleure chose pour Iced Earth, pour notre survie et pour notre prospérité future est de devenir plus indépendant. Car une bonne part de l’ancien modèle et des partenaires de business que nous avons eus sont en train de s’effondrer. Car une chose est certaine : c’est le groupe qui fait la musique. C’est ma vision, c’est notre travail. Donc à mesure que le système autour de nous change, nous gagnons en contrôle, nous avons plus de liberté, etc. lorsque nous sommes indépendants.
En construisant votre propre studio et en baptisant cet album Incorruptible, on dirait que vous vous êtes beaucoup focalisés sur votre indépendance. Est-ce que vous avez souffert du manque d’indépendance par le passé ?
Oh ouais ! Nous avons été dans des situations contractuelles brutales avec les maisons de disques et autres structures. Nous n’avions vraiment aucune indépendance, pour être tout à fait franc, et ceci est le dernier album sous contrat. Nous avons vécu de bonnes années avec SPV et beaucoup d’années difficiles avec Century Media. Il y a eu de bons moments mais en gros, le côté business a été vraiment brutal et il a été très dur d’y survivre. Ça arrive à son terme maintenant, nous en avons enfin fini avec ça. Nous avons plein d’options que nous considérons par rapport à comment nous voulons avancer, et peu importe comment nous le faisons, le fait d’avoir un endroit où tout notre matériel est stocké, toutes nos archives sont stockées, où nous pouvons avoir notre bureau, notre studio d’enregistrement, où nous pouvons même avoir un lieu où vivre tous ensemble et travailler, c’est l’installation parfaite pour affronter ce qui, nous en sommes certains, va se produire dans le business.
Avez-vous l’intention d’aller plus loin dans l’indépendance, en sortant et en éditant vos albums totalement par vous-même, sans label ?
Ce sera dans des circonstances très différentes si nous travaillons avec un label. Il y a plein de choses en discussion, et ceci est un tout nouvel album, et nous n’avons pas à prendre la décision tout de suite, mais nous parlons de plein d’options et ceci pourrait être l’une d’entre elles. Il se pourrait que nous mettions en place juste un contrat de licence pour une toute petite période de temps avec un label. Les labels sont vraiment en train de devenir davantage une aide au marketing et à la distribution que ce qu’ils étaient avant. Donc il est possible que nous… Nous allons probablement le faire d’ailleurs, travailler avec un label sur des choses, mais ce ne sera sous aucune des conditions brutales que nous avons connues par le passé.
Penses-tu que l’indépendance représente le futur pour l’industrie musicale ?
Pour un groupe établi comme Iced Earth, ouais, je pense que c’est la seule façon d’avancer. Pour un bébé groupe, si tu as plein d’argent derrière toi, alors tu peux rester indépendant. Si tu as besoin d’aide financière, comme c’est le cas pour beaucoup de groupes, évidemment il y a le financement participatif et d’autres façons d’y arriver, et plein de groupes s’en servent de manière efficace, mais… Je trouve que c’est une époque difficile pour les bébés groupes. Mais une chose est certaine : Lorsque les choses deviennent très dures, il y a toujours quelques gens très solides et déterminés qui font un pas en avant et font que les choses changent. On trouve toujours une solution, les humains sont comme ça, indépendamment des circonstances. Pendant de nombreuses années, il y avait le modèle du business de la musique et c’était comme ça, et maintenant, les ventes physiques et les maisons de disques s’écroulent et tout, je pense qu’il y aura plein de modèles, plein de scénarios différents qu’un groupe pourra utiliser à son bénéfice. Il est temps que l’artiste qui a travaillé dur pendant de nombreuses d’années puisse enfin prospérer grâce à son travail. Je veux dire que les énormes stars ont prospéré parce que même à la vieille époque, si tu étais sous un contrat brutal, lorsqu’il y avait des ventes d’albums élevées, le groupe pouvait quand même se faire de l’argent, même s’il recevait un pourcentage relativement faible sur ces ventes. Mais lorsque tu es coincé avec ces contraintes contractuelles et que l’industrie elle-même s’effondre, alors ça rend les choses encore plus difficiles. Et puis tous les groupes partent en tournée, essaient de vendre davantage de billets et de t-shirts, et ensuite tu fais face au problème d’un marché qui est saturé, donc il n’y a pas assez d’argent pour que les gosses aillent voir tous les concerts… Ça devient un cercle vicieux. Mais ça ne m’inquiète pas vraiment parce que je crois qu’il y a maintenant plus d’opportunités qui se profilent à l’horizon à mesure que les choses changent. Je ne crois pas que ça empire, je pense que ça peut devenir bien meilleur pour les artistes, surtout ceux qui sont établis, pour pouvoir maximiser les profits issus de leurs efforts. Je veux dire qu’après tout, nous devons tous gagner notre vie, nous devons manger, nous devons nous occuper de nos maisons, de nos familles et toutes ces choses. C’est difficile de faire tout ceci sous l’ancien modèle, ce système esclavagiste.
Tu as déclaré que si tu t’étais concentré à composer plus tôt, ça serait devenu un album bien plus négatif et sombre, car tu étais furieux. Qu’est-ce qui te rendais furieux ? Et pourquoi ne pas avoir mis à profit cette colère pour composer de la musique à l’époque ?
J’étais furieux parce que nous avons traversé un grand changement au niveau du management, et des choses assez mauvaises se sont produites et se sont dévoilées au grand jour après la tournée Plagues Of Babylon qui ont été très… presque néfastes pour le groupe, et nous y avons survécu. Mais écrire des chansons avec cet état d’esprit n’aurait pas été une bonne idée parce que ça n’aurait pas amené à ce genre de majesté et de puissance qu’Incorruptible possède. C’est mieux de se calmer, guérir à travers un processus et ensuite aller de l’avant, plutôt que d’écrire un album qui aurait vraiment donné du pouvoir à de l’énergie négative, ce n’est pas une bonne idée. En fait, j’ai déjà vécu ça avec Burnt Offerings et je sais que c’est un album culte pour plein de monde, mais ce n’était pas bon pour moi et je ne veux pas de ce sentiment. Je veux dire qu’il y a de super chansons sur cet album mais globalement, c’était une période très sombre et ça ne m’intéresse pas de revivre ça. C’est ce que je me suis dit : « Ralentis, il n’y pas de raison de traverser ça, on n’est pas obligés de le faire tout de suite. » Et c’est là que j’ai décidé : « Je vais acheter ces bâtiments, je fais faire ces constructions, ça va me prendre une année, ça va détourner mon attention sur autre chose, et je peux construire et guérir dans le processus, » et arriver au stade où nous pouvons sortir un album vraiment solide, à l’image d’Incorruptible.
« Les gens disent que Stu à l’air plus à l’aise ou qu’il est vraiment monté en niveau et qu’il fait du meilleur boulot […]. Ce que je pense les gens disent vraiment, c’est : ‘Je commence enfin à me faire à l’idée que Stu est le chanteur d’Iced Earth’ [Rires]. »
Cet album s’appelle donc Incorruptible, évidemment en hommage à ton intégrité et ta vision incorruptible du groupe. Y a-t-il eu des moments où les choses ont presque eu raison de ta nature incorruptible, où tu as presque cédé ?
En fait, non. Je veux dire qu’il y a eu des moments où des gens ont essayé, où des labels ont essayé, où le management a essayé de nous pousser à faire quelque chose ou me pousser à faire quelque chose qui allait à l’encontre de ma vision, mais ça ne marche jamais. Ça n’a jamais été une option. Donc non.
Vous avez vécu des soucis de management, des changements de line-up et autres sortes d’entraves. Comment es-tu parvenu à surmonter tous ces moments difficiles et, en toute circonstance, rester fidèle à ta vision ?
J’ai la chance d’avoir une grande force spirituelle et beaucoup de volonté. Je pense que c’est lié à mes racines familiales, la façon dont j’ai été élevé. Je n’abandonne pas, je ne suis pas un déserteur, je ne l’ai jamais été. Je veux dire que si j’abandonne, ça sera parce que c’est le moment pour moi d’arrêter et pas parce que quelqu’un m’a mis dans la position où je dois arrêter parce que je perds. C’est ça le problème : je vais me battre jusqu’à la mort. Il faudra me tuer parce que je ne vais pas arrêter, à moins que je ne choisisse d’arrêter, mais ce ne sera pas la volonté d’une autre personne ou d’une entreprise. Personne d’autre ne me mettra dans cette position. J’ai une attitude très déterminée comme ça [petits rires] et je ne sais pas d’où ça vient mais c’est ainsi que j’ai été toute ma vie. Mais j’ai aussi quelque chose à dire en tant que compositeur, et c’est ce qui motive ma force de volonté. C’est l’esprit en moi, dans mon corps, qui canalise l’énergie pour raconter différentes histoires et essayer d’inspirer les gens et faire ce genre de choses. C’est ce qu’il y a de plus important dans ce que je fais. Je veux dire que ma fille est ce qui m’importe le plus dans ma vie, mais la chose la plus importante après ça, c’est ma [musique]. Je ne sais pas, c’est ma motivation, le moteur qui est en moi. Arrivera un jour, j’en suis certain, où je dirai « ok, tu l’as fait », et lorsque ça arrivera, alors j’arrêterai.
Quelle serait ta définition d’un groupe corruptible ?
Il en existe plein ! [Petits rires] Je ne vais pas donner de nom, il n’y a aucun intérêt à lancer un drame ou une controverse stupide, mais tout ce qu’il y a à faire, c’est regarder un groupe qui commencerait à… La pire chose, je trouve, c’est lorsque tu développes une communauté de fans, et que celle-ci compte sur ça et croit en ça, ton image, et ils adorent le groupe, et puis tu changes d’orientation radicalement et généralement c’est à cause de la pression du management ou du label, ou des deux, ou bien le groupe lui-même s’égare et dit « il faut que l’on fasse de l’argent » ou peu importe. Ça arrive souvent dans ce business. Il y a des situations où les groupes ne font vraiment qu’évoluer. Ça pourrait être un groupe qui passe d’un genre de death metal un peu doom et évolue sur vingt ou vingt-cinq ans pour devenir un genre de groupe progressif, et c’est cool parce que c’est quelque chose d’honnête qui se produit. Tu peux t’en rendre compte lorsqu’un groupe change du jour au lendemain leur look, le son de leur musique ou peu importe, il n’y avait rien de vrai dès le départ. C’est le genre de choses qui arrivent.
Tu as dit qu’avec Incorruptible, tu as vécu les mêmes moments qui t’ont donné la chair de poule qu’avec The Dark Saga, Something Wicked This Way Comes et Dystopia. Qu’est-ce que ces quatre albums ont en commun, d’après toi ?
Eh bien, ce ne sont que quelques-uns parmi notre discographie. En fait, je pense que nous avons une discographie vraiment très solide et elle contient de nombreux albums magiques, donc ceux-ci sont juste ceux qui me sont venus en tête. J’avais simplement le sentiment que ce sont des classiques pour plein de gens, mais c’est pareil pour Night Of The Stormrider, idem pour Horror Show, idem pour The Glorious Burden… Il y en a plein dans ce cas ! Et pour ma part, je me souviens avoir eu ce type d’impression très tôt dans le processus de composition, où j’avais la chair de poule ; ça m’a ramené à ça. Je ne sais pas pourquoi, ni d’où ça vient, mais ça arrive parfois.
Incorruptible est varié et contient tous les éléments pour lesquels Iced Earth est réputé. Y avait-il un désir conscient de se concentrer sur ce qui est emblématique pour le groupe et ce qui fait l’essence du groupe ?
Ce n’était pas une décision consciente mais je pense que c’est exactement ce qui s’est passé. La chose en particulier qui était consciente est que je n’avais pas du tout envie d’écrire un album conceptuel ou à thème, je voulais juste faire dix chansons individuelles. Donc j’ai dit à Stu : « Donne-moi quelques idées à propos de ce sur quoi tu aimerais écrire des paroles, je sais sur quoi je veux écrire, donc choisissons parmi l’ensemble ce qui est le plus inspirant. » C’est comme ça que ça s’est passé. C’est marrant, je n’y ai pas pensé avant il y a quelques jours, mais c’est vraiment le genre d’album qui possède des éléments issus de tous les autres albums, sur toute la période. Ça n’a pas été fait consciemment, c’est juste arrivé. Je ne planifie jamais vraiment quoi que ce soit pour ce qui est du processus de composition. J’obtiens une idée, quelque chose m’inspire, je mets en place un plan par rapport à « ok, on va faire un album thématique basé sur la dystopie et le futur, ou sur les films de monstres, ou on va faire un album conceptuel complet où il y a une histoire du début à la fin. » C’est ça le paramètre que je définis, mais pour ce qui est de la façon dont je définis la partie musicale, il faut juste que j’ouvre mon esprit et que je laisse couler comme ça paraît naturel, car je ne me dis pas : « Oh, bon, cette fois, on a intérêt à faire un Night Of The Stormrider partie 2. » Jamais. Ça ne me viendra jamais à l’esprit parce que ça, en fait, c’est une forme de corruption, tu permets à la pression des fans qui veulent peut-être entendre encore et encore quelque chose en particulier de s’infiltrer dans ta tête, et ensuite déterminer quelque chose qui pourrait ne pas être authentique. Parce que tu puises dans ton toi supérieur ou ton esprit pour créer la musique ; je trouve qu’il y a quelque chose de très spécial et spirituel qui se passe lors de la création musicale. Et lorsque tu commences à laisser des gens s’incruster dans ta tête, alors tu te fourvoies toi-même. Parfois, toutes les étoiles de l’univers s’alignent et tu écris une magnifique chanson, et tu sais qu’elle aura un énorme impact sur les gens, et parfois tu écris une très bonne chanson, et parfois tu écris une bonne chanson, et parfois ce n’est qu’une chanson moyenne, mais au moins, tu canalises ton énergie et tu es honnête avec toi-même, tu vois… Ce que je sais depuis le début est qu’il n’est pas possible que tout le monde réagisse [de la même façon], on ne peut pas contenter tout le monde. Et je n’essaie même pas ! Car en fait, je m’en fiche. Je dois me contenter moi-même avec les chansons. Et si je me dis « bordel, c’est génial ! », alors je sais avec certitude qu’il y aura plein de gens qui comprendront et avec qui ça résonnera, et que ça va toucher. Au fil des années, j’ai si souvent entendu à quel point une des chansons que j’ai écrites, que ce soit « Watching Over Me » ou « Question Of Heaven », a fait la différence dans la vie de certaines personnes et les a aidés à traverser des moments difficiles, ou peu importe, et c’est extraordinaire ! C’est vraiment le meilleur des sentiments.
« Je crois en la réincarnation, et je pense que Stu et moi avons vécu ensemble il y a de nombreuses vies de cela sous différentes formes, et nous avons été très proches. »
Stu exploite vraiment une large palette vocale sur cet album, avec sa prestation la plus variée à ce jour, y compris avec certains de ses chants les plus agressifs dans « Seven Headed Whore ». Etait-ce les chansons qui naturellement réclamaient ça ou bien y avait-il une volonté spécifique de le mettre au défi ?
Oh non, c’était la chanson qui réclamait ça lorsque nous en faisions une démo. Et le premier couplet et le pré-refrain de cette chanson viennent des démos de pré-production, parce que nous avons capturé la magie et il n’y avait pas de raison de revenir et réenregistrer ça, genre : « Mec, tout est là ! » Nous en discutions lorsque je lui apprenais la chanson et la lui jouais, je l’ai amené en bas dans la salle de contrôle… Car il travaillait en haut dans la partie habitation sur ses paroles et ses parties de chant et il les enregistrait sur son ordinateur, et puis s’il avait des idées, il descendait, et je faisais pareil dans la salle de contrôle – c’est comme ça que nous procédons lorsqu’on arrive vers la fin du processus de composition, c’est là que Stu s’implique dans les choses et tout. Car je dois passer beaucoup de temps à faire les arrangements musicaux tout seul, mais il vient plus tard et nous nous concentrons sur les paroles, les mélodies vocales, les cadences et tout. Et je l’ai fait venir pour ça, et nous parlions de l’atmosphère, et il était là : « Mec, cette chanson est putain de diabolique ! » Et j’ai dit : « Ouais [petits rires], c’est pas mal sombre ! » Donc il a commencé à aboyer du chant sur le couplet et puis il a commencé à blaguer en faisant des trucs death metal, ça nous faisait marrer. Et j’étais là : « Tu sais quoi, mec ? S’il y avait une chanson pour faire ce genre de chose, ce serait celle-là. » Mais je voulais seulement… Car je savais avec certitude ce que je voulais avoir dans le pré-refrain et le refrain. Donc nous avons commencé à expérimenter, j’étais là : « Non, là ça va trop loin. Bien trop loin. Ca fait trop Macaron Le Glouton. » Mais ensuite, il a commencé à faire ces voix, et il disait « oh, c’est pas mal ça ! » Et pour moi, ça sonnait un peu comme Mille [Petrozza] de Kreator ou peut-être la voix de Chuck Schuldiner et ce genre de choses. Donc j’étais là : « Ouais, c’est pas mal du tout, je peux m’habituer à quelque chose comme ça. Ça sera cool. » Et donc il l’a fait plusieurs fois et puis je l’ai enregistré, et c’est en fait ce que nous avons fini par garder pour l’album. Donc c’est plutôt cool.
Tu sais, je trouve que Stu a fait un boulot incroyable sur chaque album. Les gens disent que Stu à l’air plus à l’aise ou qu’il est vraiment monté en niveau et qu’il fait du meilleur boulot, peu importe, j’ai souvent entendu ces commentaires. Ce que je pense les gens disent vraiment, c’est : « Je commence enfin à me faire à l’idée que Stu est le chanteur d’Iced Earth » [Rires]. Car, pour moi, il a fait un boulot remarquable depuis le début. Ça ne fait aucun doute. Est-il plus à l’aise ? Probablement. Je veux dire qu’évidemment, nous avons traversé un sacré paquet de trucs ensemble, mais c’est une question qu’il faudrait lui poser. Je l’ai produit depuis qu’il est arrivé dans le groupe, à travailler en studio dans un environnement très intime, nous avons passé la majorité de nos vies ensemble ces dernières années. Nous avons donné trois-cent-cinquante concerts sur une période de trois ans, partout dans le monde, et nous avons enregistré deux albums studio et un DVD, et avons passé plein de temps ensemble ! Donc ma perspective sur ce qu’a accompli Stu est différente de celle de n’importe qui mais il est extraordinaire, et il travaille toujours comme un acharné et il donne le meilleur de lui-même, et j’ai toujours été très content de lui. Les gens ont ces perceptions basées sur… Ils jugent alors qu’ils n’ont que deux pour cent de l’information ; c’est humain, donc… ça arrive.
Vous avez d’ailleurs une chanson qui s’appelle « Brothers » sur l’album et qui parle de votre fraternité entre toi et Stu. Peux-tu nous parler de ce lien entre vous deux et de ce que vous avez traversé, après seulement six ans à jouer ensemble ?
Lorsque j’ai parlé à Stu au téléphone, j’ai dit : « Hey, j’ai besoin que tu me donne certaines des idées que tu voudrais aborder dans les paroles, quelles chansons tu aimerais écrire, dis-moi que je puisse créer la musique qui va avec. » Car, de mon côté, je savais ce que je voulais faire. « Great Heathen Army » était une des choses, et « The Relic », et puis il a dit : « On devrait écrire une chanson sur notre fraternité. » Et j’ai dit : « Ouais, c’est une super idée. » Donc j’ai fait la musique et puis, lorsqu’il est venu, nous nous sommes posés dans la salle de contrôle et nous avons écrit ensemble les paroles pour cette chanson. Le truc avec Stu et moi est que lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois, la connexion était instantanée, comme si je l’avais connu depuis toujours, et il ressentait la même chose. Et c’était aussi comme une explosion d’énergie ! Et c’est toujours un peu comme ça. Si nous ne nous voyons pas pendant longtemps, attention ! Car lorsque nous nous retrouvons, c’est obligé qu’il y ait une sacrée fiesta pendant quelques jours, et ensuite nous nous mettons au travail [rires]. Ça arrive assez souvent. C’est notre vieille histoire de vikings-pirates. Je crois en la réincarnation, et je pense que Stu et moi avons vécu ensemble il y a de nombreuses vies de cela sous différentes formes, et nous avons été très proches. Ça parait dingue mais nous avons tous les deux cette impression. Nous avons même eu quelques lectures qui ont carrément confirmé ce type de choses.
Il y a donc quelque chose là-dedans de très vrai et profond. En fait, j’ai eu plein de bonnes relations avec nombre des gars qui ont été dans le groupe par le passé, et même s’ils ont quitté le groupe, ça ne signifie pas que les choses allaient mal, mais avec Stu, il y a quelque chose de spécial et plus profond qui se passe depuis longtemps. Donc ce qui a été certainement évident est qu’à travers les tournées et l’adversité qu’on rencontre en tournée, nous sommes devenus plus forts, notre lien est devenu plus fort, et nous avons tous les deux traversé plein de choses personnelles difficiles au fil des années que nous avons passées ensemble, et nous avons été présents l’un pour l’autre. Donc c’est un truc assez spécial ! Sans l’ombre d’un doute. Et je pense que les gens le savent. Quiconque nous voit sur scène peut se rendre compte qu’il y a quelque chose de spécial entre nous. Et le groupe, en général, est comme ça également. En fait, je pense que les gens ressentent notre relation et ça permet à tout le monde de se sentir plus proches, si tu vois ce que je veux dire ; Brent [Smedley] est allé et venu dans le groupe au cours des vingt dernières années, je ne sais même plus depuis combien de temps maintenant, mais c’est clairement un frangin pour moi et il l’a toujours été. Luke [Appleton] est arrivé, je ne sais même plus quand, il y a peut-être environ cinq ans, quelque chose comme ça, et c’est un jeune gars mais c’est un super gars. Jake [Dreyer] est nouveau mais il est intégré, et c’est un tueur aussi. Donc c’est une bonne chose !
« Cet album était le premier où j’ai vraiment commencé à être conscient qu’il y a un autre processus de canalisation qui se déroulait, venant du monde spirituel, et je pense que c’est assez évident sur cet album, et maintenant j’y suis très ouvert. »
Tu as déclaré que tu t’es toujours senti connecté à la Brigade Irlandaise de la bataille de Fredericksburg dont la chanson « Clear The Way » parle. Qu’est-ce qui te fait te sentir si proche de cette histoire ?
Je ne sais pas ! Je n’en ai vraiment aucune idée. Je veux dire que ça pourrait être lié à une vie passée. Ca a toujours été quelque chose qui résonnait fortement en moi et sur laquelle je voulais écrire une chanson, je suppose, depuis les quinze dernières années. J’y ai réfléchi, ça bouillonnait et là ça semblait juste être le bon moment pour le faire. C’est une histoire tellement tragique. Cette chanson ne parle pas de la bataille de Fredericksburg, c’est spécifiquement un hommage à la Brigade Irlandaise au cours de cette bataille. Ils sont arrivés en essayant de fuir la tyrannie de l’Empire Britannique, les affamant à mort et leur volant leurs terres, plein de choses horribles se passaient. Donc ils sont partis et sont allés en Amérique, pour essayer de trouver la prospérité, la liberté, etc., et puis les Etats-Unis étaient au beau milieu d’une guerre civile brutale, des choses se passaient suivant le moment où ils arrivaient. Mais lorsqu’ils sont arrivés dans le feu de l’action, leurs recruteurs de l’armée étaient là : « Battez-vous pour votre nouveau pays, voici vos droits, voici vos uniformes, on va vous payer, signez ce papier. » Et nombre d’entre eux ont fait ça. Donc dès qu’ils sont sortis du bateau, ils sont partis à la l’entrainement pour s’en aller en guerre. Et ceci s’est également produit au sud. Si tu étais dans la partie nord, si ton bateau débarquait au port de Boston ou de New York, alors tu subissais la propagande de l’armée de l’Union, et si tu arrivais au sud, à l’un des ports là-bas, alors tu subissais l’autre propagande. Donc tu avais une situation à Fredericksburg où les Irlandais du côté de l’Union avaient l’ordre de donner l’assaut sur le champ de bataille, dans des conditions horribles, à se faire complètement massacrer, et directement en face d’eux se trouvait la brigade irlandaise Confédérée. Donc ils pleuraient toutes les larmes de leurs corps pendant qu’ils tiraient sur ces gars à terrain découvert, séparés par les canons, les coups de feu des fusils, etc., et ils voyaient les couleurs irlandaises et certains d’entre eux se sont effondrés et ont refusé de tirer. Nombre d’entre eux tiraient et pleuraient tout ce qu’ils pouvaient parce que ce sont les ordres qu’ils recevaient… Donc c’était vraiment dur si tu y réfléchis. C’était une situation très tragique.
« Ghost Dance (Awaken The Ancestors) » est un peu à part dans l’album, car c’est une instrumentale – bien qu’on entende un étrange chant. Peux-tu nous parler de cette chanson ?
Ouais, ça aussi ça bouillonnait depuis un moment. Je voulais rendre un hommage sympa aux Amérindiens et à leur esprit. J’ai toujours été fasciné par ça. J’ai du sang amérindien en moi, venant de ma famille. Mais j’ai toujours eu un sentiment en moi, et c’est le genre de choses dont tu sais que ça va arriver, je ne savais pas quand, mais c’est arrivé. Au départ, j’allais écrire des paroles et mélodies de chant, mais lorsque la chanson s’est développée, j’ai su qu’il n’y en avait pas besoin. C’était l’hommage parfait ainsi en instrumental, ça peignait très bien le tableau je trouve. Les voix qu’on entend, c’est un vrai enregistrement de chant de bataille indien ; ça vient des années 1940. Je l’ai trouvé sur internet et j’ai pu faire des bidouilles par ordinateur pour rallonger l’extrait en terme de timing et changer la tonalité pour que ça colle à celle de la musique. Ça crée une expérience vraiment envoutante. Ça donne une touche très sympa. C’était donc ça la motivation, capturer l’esprit.
Tu as déclaré que « lorsque le jour viendra où [tu auras] le sentiment de ne plus rien avoir à exprimer […], [tu sauras] que c’est fini. » Tu es dans Iced Earth depuis plus de trente ans, avec douze albums au compteur, et à avoir écrit presque toutes les chansons toi-même. N’est-ce pas devenu plus difficile au fil du temps de trouver des choses fraîches et nouvelles, et toujours surprendre les gens ?
Pas encore ! Non. On dirait qu’il y a toujours suffisamment… Je suis pas mal inspiré. Je n’écoute pas d’influence venant d’autres groupes ou du business ou de trucs à la mode. En fait, mes influences émanant d’autres groupes sont venues lorsque j’étais gamin, c’est certain. Mais je ne pense pas que ça arrive encore aujourd’hui. Je pense que l’idée, c’est plus de garder le lien avec ton toi supérieur, ton esprit supérieur et pouvoir canaliser les choses qui semblent importantes sur le moment. Je ne sais pas où et comment… Par rapport à ça, cet album était le premier où j’ai vraiment commencé à être conscient de ça, qu’il y a un autre processus de canalisation qui se déroulait, venant du monde spirituel ou peu importe, et je pense que c’est assez évident sur cet album, et maintenant j’y suis très ouvert. Il est clair qu’il y a suffisamment de tragédie, de drame et de merde dans le monde humain et l’histoire humaine pour pouvoir y puiser de l’inspiration et essayer d’avoir un effet positif sur les gens, soit pour les faire réfléchir, soit pour qu’ils s’ouvrent, soit pour les aider à traverser des moments difficiles, car j’ai écrit à propos de tragédies personnelles ou alors j’ai pu me relier à une situation particulière, et ça les touche d’une telle façon que ça peut les aider à traverser des périodes difficiles. Je veux dire que toutes ces choses, elles se produisent toutes seules, j’ai l’impression que c’est un… Je suis très sensible, en fait, à… Il y a clairement une part empathique en moi, où quelque chose se produit, ou bien je lis quelque chose sur l’histoire, ou il y a un événement humain qui se produit, et ça m’émeut profondément. Et d’une certaine manière, je suis capable de prendre cette énergie et la mettre dans un morceau de musique qui émeut les gens. Je pense que s’il vient un jour où je ne ressens plus ça, alors c’est là qu’il faudra s’arrêter, parce que je ne veux pas en arriver à une formule de chansons ou ne pas croire en ce que je fais et amener le groupe dans une situation où nous sortons plusieurs mauvais albums à la fin de la carrière. Je ne veux pas faire ça ! Je préférerais arrêter. Et je suis suffisamment honnête avec moi-même, je me connais, pour que le jour où ça arrivera, où je ne me sentirai plus inspiré, lorsque les esprits ne me parleront plus et qu’il n’y aura plus rien à dire, je puisse dire « c’est fini ! », et alors vous ne me reverrez plus jamais. C’est comme ça, grosso-modo, que je suis. Mais là tout de suite, je sens qu’il y a encore beaucoup de choses à dire.
Interview réalisée en face à face le 10 mai 2017 par Aline Meyer.
Fiche de questions : Nicolas Gricourt et Philippe Sliwa
Retranscription, traduction et introduction : Nicolas Gricourt.
Site officiel de Iced Earth : www.icedearth.com.
Acheter l’album Incorruptible.
Rien du choquant sur ce passage pour ma part… on dirait qu’il parle d’Anathema 😉 Je suis d’accord avec lui.
Ce mec est impressionnant d’intégrité et de persévérance.
Et l’album est excellent.
culte tirade sur les groupes corruptibles. Il enfonce des portes ouvertes pour ne dire que des choses creuses. Quelle autosatisfaction dans toute l’interview !
Il ne manque que ses théories du complot, son insurrection à deux balles digne des milices parano américaines et on aurait eu un bon résumé du ciboulot agité de Schaffer. J’espère que l’album est du même acabit que Clear the way. Ce serait sympa d’ailleurs de lui rappeler que depuis Framing Armageddon on s’emmerde copieusement avec Iced earth