Un vortex est généralement un tourbillon (en physique) ou une forte influence (au figuré) qui entraîne irrésistiblement les choses en son centre. Et c’est exactement ce qui se passe avec l’ancien bassiste de Dimmu Borgir depuis son éviction du groupe. Certainement que son départ a créé un vide dans son cœur d’artiste et comme la nature a horreur du vide, il a bien fallu le combler. Par conséquent, depuis, ICS Vortex, Simen Hestnæs de son vrai nom, phagocyte tout ce qui gravite autour de lui : Lamented Souls, Borknagar ou Arcturus. Des groupes qu’il avait dû délaisser suite à son engagement au sein de la bande à Shagrath et avec lesquels il va essayer de rattraper le temps.
Et c’est tant mieux ! Car Lamented Souls va enfin pouvoir sortir son premier véritable album, Borkanagar peut ainsi s’offrir un duo vocal de premier choix pour rebooster sa créativité et le génial Arcturus est miraculeusement ressuscité. Autant dire que tout le monde y gagne haut la main dans ce changement, d’autant plus que Dimmu Borgir a prouvé qu’il ne se portait pas moins bien sans le pourtant très talentueux bassiste/chanteur.
Pour couronner le tout, ICS Vortex nous offre cette année son tout premier album solo. Un album varié, personnel et indéniablement réussi. A tel point que le projet s’est métamorphosé en véritable groupe comptant partir sur les routes. Autant dire qu’ICS Vortex a du pain sur la planche. Et ce n’est pas peu dire car, comme il nous le confie, tout ceci « n’est que le sommet de l’iceberg » !
ICS Vortex raconte tout dans l’interview qui suit.
« Dimmu Borgir est un groupe de résidence très confortable. J’ai fini par devenir trop curieux et par vouloir faire les choses différemment. »
Radio Metal : Tu t’apprêtes à sortir ton premier album solo. Est-ce quelque chose que tu avais prévu depuis longtemps ?
ICS Vortex : Les chansons étaient là depuis un bon moment. J’en parlais depuis pas mal de temps, certains diront même que ce n’est pas trop tôt ! C’était le bon moment, j’avais le temps de le faire, alors je l’ai fait.
Ces compositions étaient-elles toutes destinées à ton album solo dès le départ ou certaines idées étaient-elles prévues pour des projets passés, voire pour Dimmu Borgir ?
J’ai joué « The Blackmobile » à Dimmu Borgir en 2009, je crois, même si le titre est beaucoup plus vieux que ça. Je m’amusais à jammer sur le premier riff sur scène pendant notre toute première tournée, il me semble. Par la suite, j’avais oublié son existence, mais je l’ai joué à Dimmu plus tard. Je crois que c’était le solo de guitare, qui est sans doute le pire riff de toute la chanson ! (rires) Ça ne s’est jamais fait avec Dimmu. Maintenant, la chanson est totalement différente de ce que j’avais à l’esprit au départ parce que c’était prévu pour des vocaux sombres. J’ai totalement chamboulé le tout et maintenant c’est un titre beat à propos d’une voiture ! Je n’ai jamais cru que c’était possible mais c’est arrivé ! Je voulais faire quelque chose de différent. Toutes mes paroles ont toujours été déprimantes, sombres, lugubres, très metal. Je voulais changer un peu. C’est pour ça qu’on se retrouve avec les paroles de « Blackmobile » ou avec ce titre sur le poker. C’est très différent de ce que j’ai pu faire par le passé.
La musique que l’on retrouve sur Storm Seeker correspond donc le mieux à ta personnalité ?
Oui. L’inspiration m’est venue de ce que j’aime écouter. C’est un album personnel qui me représente bien.
Cet album a la particularité d’être très diversifié. Penses-tu que ce soit le résultat de tes riches expériences passées ?
Ça et aussi le fait que les chansons ont été écrites sur une longue période. Je m’inspire de différentes choses en permanence. Je peux avoir des phases black metal comme des phases Black Sabbath. C’est le résultat de plusieurs influences. Et tout ça a été écrit sur plusieurs années, ce qui joue également.
Storm Seeker comporte quelques titres rock progressif très seventies, voire des saveurs psychédéliques comme la chanson éponyme ou « The Sub Mariner ». Venant de toi, c’est quelque chose que l’on a très peu entendu jusqu’à présent. Voulais-tu explorer cette facette musicale et en faire profiter tes fans ?
J’ai beaucoup de chansons dans ce genre. Je suis fan de ce son depuis que je suis gamin. Cet univers comporte beaucoup d’éléments très cool qui ne demandent qu’à être explorés. C’est quelque chose qui me vient naturellement et je voulais ajouter ça à l’album. J’ai beaucoup de titres dans cette veine. Peut-être que je les mettrai sur le prochain album, si on en fait un prochain. Donc oui, je voulais vraiment montrer cette facette de ma personnalité.
Il n’y a pas de chant black sur Storm Seeker. Est-ce parce qu’il n’y avait pas assez à explorer de ce côté de ton spectre vocal par rapport au côté clean ?
J’ai réfléchi à cette question. J’ai donné dans le chant black par le passé et j’ai un projet à venir dans lequel il y a pas mal de vocaux sombres. J’ai pensé que ça ne collait pas du tout à ma musique, et en plus, je n’ai pas fait ça depuis dix ans ! Ça fait un sacré bail. Récemment, quand j’ai recommencé, je me suis même demandé si j’y arriverais à nouveau étant donné que mes cordes vocales sont différentes de ce qu’elles étaient il y a dix ans.
« Ça fait beaucoup de travail et parfois j’ai effectivement l’impression d’être un peu surbooké. Les projets que tu viens d’évoquer, ce n’est que le sommet de l’iceberg ! Il y en a beaucoup d’autres sur la liste. Mais je ne ressens plus aucune pression en termes de temps. »
Apparemment, ce projet a évolué après son enregistrement, pour devenir un groupe devant partir en tournée pour promouvoir l’album. Qu’est-ce qui a déclenché cette évolution de statut ?
C’est toujours une bonne chose d’avoir plus de monde pour jouer au ballon, si on peut dire. C’est une expression norvégienne. Ça permet de développer des idées, des trucs de ce genre. Je ne sais pas, c’est toujours bien d’avoir plus de personnes avec lesquelles travailler sur un projet. Ces gars-là sont aussi de très bons compositeurs. Je voulais seulement que ce projet sorte un peu de mon studio et de mon disque dur.
Il s’agit donc d’un vrai groupe, pas seulement d’un projet solo ?
Oui. En tous cas, c’est ce qui est prévu. Nous n’avons pas encore commencé à répéter parce que mon batteur est à Vegas en ce moment. Il doit jouer là-bas pendant environ quatre semaines. Pour l’instant, nous sommes en mode estival mais nous voulons vraiment partir sur les routes – les routes européennes, pour commencer, puis j’espère que nous pourrons aller en Amérique du Nord. On verra ce qui se passera après ça.
Il y a deux ans, tu as quitté Dimmu Borgir en mauvais termes. Tu as mentionné des problèmes d’avidité et d’industrie de la musique pour expliquer cette séparation. Pourquoi ça ?
Je déteste parler de l’affaire Dimmu. Ça peut trop facilement se transformer en diffamation. Pour moi, c’était une rupture typique. Tellement de groupes se sont séparés exactement de la même façon… Certains problèmes d’ordre non professionnel se sont développés pendant des années. C’est vraiment dommage que ça ait dû se passer comme ça mais la vie continue. Ça m’a ouvert beaucoup d’autres portes et il est beaucoup plus dangereux de se retrouver seul au milieu de l’océan que dans le port d’attache que représentait Dimmu Borgir ! Je préfère penser aux effets secondaires de cette séparation.
En parlant de ça, as-tu écouté Abrahadabra, le dernier album de Dimmu Borgir ?
Oui, c’est un bon album.
Certaines compositions sur cet album sont-elles de toi ?
Non, aucune.
Depuis ton départ de Dimmu Borgir, tu as ressuscité ou rejoint Borknagar, Lamented Souls et Arcturus, tu as enregistré ton album solo et maintenant tu vas partir en tournée pour le promouvoir. C’est beaucoup pour un seul homme ! N’as-tu pas peur de te retrouver dépassé par la quantité de travail et l’investissement que cela exige ?
Oui, ça fait beaucoup de travail et parfois j’ai effectivement l’impression d’être un peu surbooké. Les projets que tu viens d’évoquer, ce n’est que le sommet de l’iceberg ! Il y en a beaucoup d’autres sur la liste. Mais je ne ressens plus aucune pression en termes de temps. Je veux seulement que l’album sorte, pour moi c’est le plus important. On travaille sur du nouveau matériel avec Arcturus et il y a plusieurs concerts prévus. Nous n’avons pas prévu de longue tournée, seulement quelques concerts ici et là. En ce qui concerne Borknagar, on vient de finir l’enregistrement de la batterie pour le prochain album et on est passé à la guitare. Ça signifie bien sûr beaucoup de travail mais aussi beaucoup de bons moments. Quand on se pose enfin, ça n’est plus si chronophage. Concernant Lamented Souls, il y a un album que nous essayons de finir depuis des années. Il se passe plein de choses, toutes les chansons sont prêtes – plus ou moins ! (rires) Il ne nous manque plus que quelques paroles, on fait des listes de choses et d’autres. Le groupe est bien vivant mais on ne se presse pas. D’une certaine façon, on peut parler d’un hobby, même si on adore le matériel et qu’on veut vraiment le sortir. On va prendre les choses comme elles viennent, un jour à la fois. Et bien sûr, il y a beaucoup d’autres projets mais c’est plus simple quand on a un studio chez soi : on peut s’envoyer des fichiers, c’est plus facile pour travailler sur les chansons.
Comment es-tu passé de membre live à membre permanent chez Borknagar ?
Ça a commencé avec l’album Universal : j’ai assuré le chant sur le titre « My Domain ». C’est comme ça que j’ai recommencé à travailler avec les gars. Le guitariste est l’un de mes meilleurs amis, on passe tout notre temps ensemble. On part même en vacances ensemble, avec nos familles. C’était très naturel d’être impliqué de façon plus professionnelle. Se retrouver dans un tel environnement, c’est vraiment agréable. Et j’ai toujours été un grand fan du chant de Vintersorg. C’est un super groupe auquel participer.
Désormais, Vintersorg et toi allez tous deux chanter dans le groupe. C’est un gros changement. Es-tu confiant quant à la façon dont vous allez vous partager le travail ?
Je me vois comme le bassiste au sein de Borknagar. Il va falloir réfléchir au partage du chant, qui veut chanter quoi. Je n’y ai pas encore pensé, pour être honnête, mais je ne pense pas que ça posera problème. On veut simplement faire ce qui colle à la musique. Je n’ai pas l’ambition de remplacer le chanteur ! (rires) J’ai écrit une chanson pour l’album, alors je pense que j’assurerai le chant dessus. Peut-être que je m’occuperai également des chœurs sur les autres chansons et on verra qui a le plus envie de se charger du reste. Je vois bien Vintersorg assurer la plus grande partie du chant et moi les chœurs.
« Je ne me considère pas particulièrement comme un bon vocaliste, plus comme le type bourré qui adore assurer les harmonies. »
L’annonce de ton retour dans le groupe était extrêmement enthousiaste. Penses-tu qu’avoir deux chanteurs constituait le petit plus dont le groupe avait besoin à cette étape de sa carrière pour poursuivre son processus de création ?
Le changement est toujours positif pour la créativité, c’est certain. Et puis il y a Lars, qui est aussi un très bon chanteur. Le groupe avait largement son compte de chanteurs doués ! Je ne me considère pas particulièrement comme un bon vocaliste, plus comme le type bourré qui adore assurer les harmonies. Mais ça sera une belle expérience de collaborer avec plusieurs chanteurs, Lars et Vintersorg. Quand j’ai fait ce genre de choses par le passé, le produit fini était généralement bien meilleur parce qu’on pouvait généralement s’entraider.
Aux alentours de 2000, tu t’es vu présenter un ultimatum par Borknagar : au choix, partir en tournée avec eux ou quitter le groupe pour poursuivre l’aventure avec Dimmu Borgir. Penses-tu qu’il n’y avait pas d’autre choix ? Il me semble que tu as déclaré il y a quelques années que, sans cet ultimatum, tu serais resté avec Borknagar.
Oui, mais je pouvais aussi comprendre le point de vue d’Øystein. Il lui fallait quelqu’un qui puisse se concentrer à 100 % sur Borknagar. Sincèrement, la solution aurait sans doute pris un autre sens : j’aurais certainement dit adieu à Dimmu Borgir. Mais pour moi, le processus de création d’un album est beaucoup plus important que les tournées et ce sera toujours comme ça. On était jeunes, tout devait être comme ci ou comme ça, il fallait toujours tout dramatiser. Ça ne se passerait plus comme ça aujourd’hui. Maintenant, on se retrouverait autour d’une table pour disposer et trouver une solution. Mais à l’époque, c’était différent. Tout était très dramatique.
Tu as déclaré tout à l’heure qu’Arcturus travaillait sur du nouveau matériel. Que peut-on attendre de la part du groupe ? Y aura-t-il un nouvel album ?
On n’en sait encore rien, pour être honnête. Mais pas mal de choses se sont passées pendant le camp estival et deux nouvelles chansons sont prêtes. On se retrouve donc avec plusieurs chansons, si on compte les démos. Il y a des développements de ce côté-là et il y a aussi des concerts prévus. Il y aura un concert en Pologne le 21 janvier, je crois. Et il y a l’Inferno Festival pour lequel Borknagar et Arcturus sont annoncés. On travaille avec un agent. Le plan est de faire quelques concerts en Europe et là où on nous paiera bien, histoire de ne pas avoir à payer pour jouer ! (rires)
Comment se fait-il qu’il t’ait fallu attendre d’avoir quitté Dimmu Borgir pour retrouver tous ces groupes ou faire un album solo ? Dimmu Borgir était-il un groupe trop chronophage ?
Dimmu Borgir est un groupe de résidence très confortable. J’ai fini par devenir trop curieux et par vouloir faire les choses différemment.
Interview réalisée le mardi 12 juillet 2011 par téléphone.
Transcription et traduction : Saff
Site internet d’ICS Vortex : www.icsvortex.com
« d’autant plus que Dimmu Borgir a prouvé qu’il ne se portait pas moins bien sans le pourtant très talentueux bassiste/chanteur. »
alors là ca dépend des points de vue. pas seulement à cause du départ de vortex, mais en général, DB n’est vraiment plus du même niveau qu’avant… c’est bien ebau de foutre de super orchestres de 50 pièces dans ses compos, mais si ya rien derrière ce n’est du vent…
sinon bonne nouvelle la reformation d’Arcturus ‘tain!!
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reformation d’Arcturus, voila une exelente nouvel, avec, ce serait enorme, une nouvel album pour 2012, et passage au Hellfest.
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en voilà un nouvelle qu’elle est bonne 😉
J’ai jamais laissé de commentaire a ce propos, mais je dois dire que Radio Metal propose sans doute les meilleures interviews francophones au niveau du Metal, hors magazines papiers. Ca me fait penser a Noise Magazine, a ce niveau. Globalement, c’est tjrs tres chouette a lire, et interessant, chapeau.
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