Le nom d’Immortal a été depuis presque dix ans le plus souvent associé aux démêlés judiciaires qui ont opposé d’abord Abbath aux deux autres membres puis finalement ces derniers, Demonaz et Horgh. Un seul album aura résulté de la reformation du groupe en trio en 2007, avant un délitement progressif aboutissant au resserrement du line up autour du seul Demonaz. Sur le plan artistique, cette érosion du personnel semble bénéfique puisque, en retrouvant sa place de guitariste et de compositeur, le musicien signe des albums parmi les meilleurs du groupe : au très bon Northern Chaos God succède cinq ans plus tard un War Against All qui l’est au moins autant. On peut d’autant plus se réjouir de cette évolution qu’elle permet en quelque sorte de voir survivre les deux facettes d’Immortal : celle entre black et heavy/thrash des albums post-Blizzard Beasts marqués par la patte d’Abbath, à travers la carrière solo de celui-ci, et celle des premiers albums marqués par la patte de Demonaz, à travers la nouvelle version d’Immortal.
Alors que le précédent Northern Chaos God était le premier album d’Immortal sans Abbath, War Against All est donc le premier du groupe en tant que one-man band, Demonaz y étant accompagné par les musiciens de session Kevin Kvåle à la batterie et Ice Dale à la basse. Le guitariste entend prouver combien il incarne Immortal en inscrivant ses compositions dans le style qui a été défini sur les premiers albums du groupe. War Against All se place donc dans la droite lignée de son prédécesseur, pour lequel Demonaz avait aussi cherché à ranimer le son classique d’Immortal à la Battles In The North. Le défi est désormais de montrer qu’il est capable de porter seul le nom d’Immortal et ce premier album dans cette configuration y réussit franchement. Après le morceau éponyme intensément brutal qui ouvre l’album avec fracas se succèdent sept morceaux dans le pur style Immortal de Demonaz : violents mais gonflés d’allant, étayés par un riffing inventif et dynamique, et se ménageant ici et là des suspensions atmosphériques.
Il est tentant d’entendre entre les lignes de « War Against All », qui relate une énième bataille dans le royaume de Blashyrkh, une évocation de celles qui ont opposé Demonaz à ses anciens camarades. Même le solo de guitare, vif et bref, semble pressé par ce morceau parmi les plus cinglants et véloces de l’album, chargé de blast beats et de riffs aussi incisifs qu’une pluie de lames et porté par un chant particulièrement âpre et rageur. On retrouve cette approche vindicative sur l’implacable « Immortal » à travers lequel Demonaz semble également mettre un point final aux rivalités en clamant un « I am immortal » en forme de savoureux jeu de mots. L’aspect vocal est d’ailleurs, comme sur Northern Chaos God, une des réussites de l’album, Demonaz délivrant d’agressifs et sinistres abois dans un rendu finalement pas si éloigné de celui d’Abbath.
De nombreux passages mid-tempo typiques du groupe émaillent l’album, à l’image du formidable « Wargod » aussi écrasant et efficace qu’une armée en marche, avançant par saccades successives de double pédale et de guitares, qui démontrent une fois de plus la maîtrise du musicien en matière de riffing aussi féroce qu’entêtant, à la fois répétitif et accrocheur, mais aussi son talent à dessiner des atmosphères évocatrices en quelques arpèges imprégnés de givre. Fruit d’un excellent songwriting, chaque morceau se démarque à sa façon, de l’héroïque offensive en territoire hostile « No Sun » à l’assurance épique du long instrumental « Nordlandihr », porté par ses assauts rythmiques et sa guitare lead évoluant par répétitions successives de motifs et un dynamique solo, en passant par les denses ambiances de « Return To Cold » dans lequel les accords arpégés de la six cordes résonnent comme depuis le cœur d’une tempête de neige. Tous bénéficient de la production réalisée par Arve Isdal d’Enslaved, qui préserve l’espace sonore de chaque instrument pour offrir un ensemble riche sans dénaturer l’essence du style en gommant les aspérités qui lui sont inhérentes. Plus que glacial, le vent qui souffle sur chaque composition, dégringolant des versants abrupts et enneigés des montagnes de Blashyrkh, est vivifiant. Sans révéler d’inconnues contrées d’un royaume déjà bien exploré, il en sillonne les terres familières avec une authentique énergie qui suffit à nourrir son inspiration et à insuffler de la fraîcheur à ses mélodies battantes.
Lyric vidéo de la chanson « Wargod » :
Lyric vidéo de la chanson « War Against All » :
Album War Against All, sortie le 26 mai 2023 via Nuclear Blast Records. Disponible à l’achat ici
Une tuerie. Moins extrême que Northern Chaos Gods dans la rapidité d’exécution, il est à mon sens encore plus réussi dans cette suite de riffs efficaces parcourant ces 8 titres. A noter le chant très proche du maitre étalon Quorthon, toujours parfait.
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un excellent album qui surpasse le dernier abbath sur tous les plans
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