Moins de deux semaines après les tragiques attentats survenus à Paris, c’est toute la scène musicale, tous styles confondus, qui est touchée sur Paris. La tension et l’inquiétude se sentent dans les yeux des passants, et se présenter à un concert un mercredi soir est devenu un acte de protestation et de provocation. La scène deathcore n’en est pas épargnée et, en ce 25 novembre 2015, c’est le Never Say Die Tour qui pointait le bout de son nez à Paris pour une soirée mouvementée dont tout le monde craignait l’annulation, avec une foule arrivant timidement devant les portes de la Machine du Moulin Rouge à Pigalle. Retour sur une soirée riche en émotions.
Devant une fosse bien peu remplie, les Allemands de Burning Down Alaska ouvrent les festivités tant bien que mal. Le groupe nous transmet une énergie directe avec son hardcore new wave tout droit sorti du moderne metalcore, imposant une ambiance atmosphérique composée de plans lead de guitare très planants, fournis de réverb à souhait et créant un sentiment de nostalgie pour accompagner les paroles sincères de Tobias, un chanteur charismatique et assurant la présence du combo de manière solide.
Artistes : The Amity Affliction – Defeater – Being As An Ocean – Cruel Hand – Fit For A King – Burning Down Alaska
Date : 25 novembre 2015
Salle : Machine du Moulin Rouge
Ville : Paris [75]
Le son de basse est, quant à lui, aussi plaisant que son interprète, présent et dynamique, accompagné de bass drops très bien mixés et se répartissant idéalement dans la salle. Des ondes positives qui, côté public, attirent les nouveaux arrivants vers la scène. De très légers breakdowns sont parsemés ici et là, discrètement, dans l’interprétation des titres du dernier album du quintet, Values And Virtues. Situation oblige, Burning Down Alaska adresse un énorme merci au public d’être venu en ces temps de peur. Une mise en bouche bien agréable pour commencer une soirée énergique.
Après cette introduction de soirée bien plaisante, l’heure est maintenant à un registre plus brutal. Fit For A King est dans la place, ravageant tout sur son passage de par ses rythmiques et mosh parts saccadées et entraînantes. Tous vêtus de k-way noirs, hormis le chanteur à la crinière soyeuse, le combo attaque d’entrée de jeu avec des compositions lourdes et percutantes, inspirant un deathcore/metalcore bien ancré, qui nous ferait presque oublier l’appellation metal chrétien revendiquée par le groupe. La foule commence petit à petit à lancer des mosh pit ravageurs, se laissant entraîner par les titres puissants des Texans, avec leur très bon « Slave To Nothing » que le chanteur dédicace à la foule en réaction aux événements de Paris.
Une succession de breakdowns des plus efficaces s’effectue et enflamme l’audience malgré le son de l’unique guitare peu présent mais compensé par un bassiste des plus énergiques, bougeant partout sur scène et tournant sur lui-même comme un dératé. Le chant clair est aussi de la partie mais malheureusement pas assez maîtrisé de par la tonalité inadéquate utilisé par ce même bassiste qui assure également ces parties vocales. Le show n’en reste pas moins agréable, les parties bien assurées et le contact avec la foule immédiat et convaincant.
On change de contexte abruptement pour laisser monter sur scène Cruel Hand qui visuellement annonce la couleur du show. Casquettes et bonnets, jerseys extra larges et shorts baggys, aucun doute, on va manger du hardcore. Et ça ne loupe pas, tous les codes sont réunis : riffs de gratte hyper gras en 4/4, structures arrêtées et répétitives, gestuelle scénique pleine de mouvement et un chanteur qui bouge dans tous les sens : le show est assuré sans surprise mais n’est pas ennuyant pour autant. La foule est assez réceptive, se lançant dans des circle pit énergiques. Cruel Hand fait son travail dans le cadre d’un bon concert de hardcore sans grand-chose à noter de surprenant où la foule reçoit en pleine face une musique directe et efficace qui ne passe pas par quatre chemins. Bref l’archétype du mix parfait pour délecter le fan le plus basique de hardcore. Un bon interlude entre deux shows de démonstrations de breakdowns pour laisser entrer sur scène la surprise scénique de la soirée : Being As An Ocean.
Quand on connait Being As An Ocean, le show se regarde avec délectation. Mais pour le spectateur curieux qui découvre le groupe pour la première fois, c’est une expérience assez particulière à voir au moins une fois. Le groupe s’installe sur scène tranquillement, fait ses balances et est prêt à jouer, mais d’un coup, plus de chanteur ? Il est sûrement en coulisses se dit-on… Et le début du concert commence par un discours touchant sur la solitude, la nécessité de ne jamais être seul, avec le frontman debout dans la fosse, se baladant entre les spectateurs, pour ensuite commencer à assurer ses parties vocales saturées, se baladant dans l’intégralité de la salle comme si de rien n’était. Des textes plus que profonds et un regard perdu dans le vide, Joel Quartuccio est l’attraction clé du groupe. Porté par un metal hardcore mélodique planant et atmosphérique, escaladant les escaliers pour se jeter dans le public, c’est une toute nouvelle chose qui se déroule sous nos yeux. Des pogos sans relâche s’effectuent portés par le chant énervé de Joel qui jamais ne relâche la pression, continuant son parcours dans la fosse comme s’il était chez lui. Moment romance oblige, briquets levés et silence dans la salle pendant que le frontman nous parle de l’association du chanteur de The Amity Affliction, Hope For The Day, visant à combattre la dépression et la solitude chez toute personne sur Terre, avant de rendre hommage aux victimes du Bataclan en prononçant ces mots : « Ils sont morts, mais nous sommes toujours là ». Un show fort en émotions qui vous prend aux tripes.
On continue sur le thème de l’éclectisme ce soir avec Defeater qui monte sur scène pour nous servir du post-punk pop énervé et efficace aux influences variées. Assurant un show aux titres assez similaires, ce combo peut quand même sembler un choix étonnant au regard de l’ordre de passage des artistes de la soirée : des titres qui se ressemblent, une énergie qui fait bouger mais moins que les autres formations, la prestation nous fait presque penser à un interlude de préparation à la tête d’affiche. Le show n’en reste pas désagréable pour autant car le contact avec le public se fait avec une bonne énergie. Les cœurs effectués par le bassiste et le guitariste sont respectables mais toutefois rien de plus n’est à noter sur ce concert.
Au cours des années, la formation The Amity Affliction est devenue l’une des références les plus influentes du post-hardcore. Leur venue était donc des plus appréciée par le public français dont certains membres ce soir sont venus au Never Say Die Tour spécialement pour eux. Avant de commencer le concert, le groupe se présente sur scène accompagné d’un membre francophone de l’équipe pour nous lire un discours écrit par le chanteur et traduit à sa demande. Et quel discours ! Joel et sa bande nous remercient mille fois d’être venus ce soir, en nous exprimant toute sa gratitude pour notre présence. Il ne faut pas s’arrêter sur des idées prédéfinies, tout le monde doit avoir le droit de choisir sa religion, n’importe laquelle, et nous avons tous le droit d’être heureux sans se laisser abattre. Acclamés par la foule, c’est le sourire aux lèvres que le combo commence le show sur « Open Letter » tiré de l’album Chasing Ghost, une entrée en matière plus que percutante et énervée. Les moshs pits sont immédiats et l’ambiance est à son apogée dès le début. Une mise en place irréprochable et des breakdowns magnifiques, toutes les conditions sont réunies pour faire bouger la fosse qui ne s’arrêtera pas tant que la musique continuera.
Les guitares discrètes sont guidées par le chant clair haut perché du bassiste blond iconique du groupe en enchaînant les titres les plus connus, dont beaucoup tirés de Let The Ocean Take Me, dernier album en date du quintet. « The Weigh Down », « Death’s Hand », « Pittsburgh », tous les tubes nous sont offerts pour un concert violemment bon au cours duquel Joel s’est malheureusement blessé au genou, l’obligeant à continuer le concert assis sur l’esplanade de batterie. « Fuck it, let’s go on » déclare le frontman avant de poursuivre sur le célèbre « Don’t Lean On Me ». Il se fera par la suite transporté par ses compères en boitant en dehors de la scène, suivi par le reste du groupe pour une fin de concert improvisée et en fait assez bizarre. Mais aucun souci car les Australiens ont retourné la salle en laissant des marques chez le public moshant jusqu’au bout de sa vie, terminant ainsi la soirée en beauté.
Setlist The Amity Affliction :
Open Letter
Lost And Fading
Chasing Ghosts
Never Alone
FML
The Weigh Down
Death’s Hand
Pittsburgh
Don’t Lean On Me
Live report : Valentin Istria
Photos : Laurent Pelmar