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Interview   

In Flames lève le masque


Tic-tac, tic-tac : les fans d’In Flames en auront bientôt fini de ronger leur frein puisque I, The Mask, tout nouvel album, sort le 1er mars. Pour les faire patienter, rien de tel que la lecture de cette interview d’Anders Friden et Björn Gelotte lors d’un passage récent à Paris. Les deux amis nous parlent donc des circonstances dans lesquelles ce nouvel opus a été enregistré – poussant plus loin l’expérience de l’expatriation à Los Angeles déjà éprouvée sur Battles – et la façon dont ils l’ont pensé – avec des guitares mieux mises en valeur.

Et puis ils nous expliquent cette métaphore du masque qu’ils ont reprise en titre d’opus : un masque qui protège et qui coupe du monde réel, le masque de notre vie 2.0. Cela dit, les compères suédois ne sont pas manichéens et ne jettent pas le bébé avec l’eau du bain. Bien sûr, la technologie peut aussi être utile et se révèle même parfois incontournable.

Ayant eu l’occasion d’accompagner Deep Purple sur plusieurs dates l’an passé, les deux compères nous racontent également en fin d’interview leur expérience auprès de ces légendes du rock et de leur public, qui n’était peut-être pas tout à fait préparé…

« Nous en sommes arrivés à un point dans notre carrière aujourd’hui où il n’y a plus de retour possible, ceci est ce que nous allons faire pour le restant de nos jours. Et nous pouvons le faire pour une raison : les fans. […] Et ça nous inspire et nous pousse à faire ce que nous faisons, même si nous écrivons de la musique pour nous-mêmes, en premier lieu, ce qui est vraiment très important. »

Radio Metal : Vous êtes tous les deux partis à Los Angeles trois semaines avant la production d’I, The Mask. C’est quelque chose que vous aviez déjà fait pour Battles, mais à l’époque, vous aviez au préalable écrit pas mal de musique chez vous, alors que cette fois, vous vouliez vraiment vous retrouver ensemble dans une pièce et voir où ça vous emmènerait. Etait-ce logiquement l’étape suivante après votre expérience sur Battles ?

Björn Gelotte (guitare) : Je dois dire que oui. Nous ne savions pas à quoi nous attendre la première fois que nous avons travaillé avec Howard Benson, donc nous voulions être un minimum préparés. C’est pourquoi nous avions déjà écrit des choses chez nous. Mais nous avons découvert que le workflow dans son équipe et simplement à Los Angeles était très inspirant. Donc nous savions que pour I, The Mask, nous pouvions y aller avec une feuille vierge. Nous savions que nous obtiendrions quelque chose qui déchire à la sortie. Nous avons beaucoup appris du premier enregistrement, je dirais. La première fois, nous avons vraiment commencé à travailler ensemble – certes, ça fait longtemps que nous sommes dans le même groupe [petits rires], mais nous n’écrivions pas de la même manière –, donc nous avons réitéré cette première expérience et l’avons améliorée sur I, The Mask.

Anders Fridén (chant) : Nous savions que nous trouverions nos marques. Dès que nous nous mettons en tête de faire quelque chose, nous l’accomplissons. Ce sont les choses entre qui peuvent poser problème, comme lors des tournées où nous essayons de composer de la musique mais où il y a toujours des distractions. Ou alors parfois, il n’y a rien du tout à faire et c’est trop ennuyeux [rires]. Ce n’est pas un environnement créatif pour nous. Mais quand nous nous rendons quelque part comme ça et louons une maison, et mettons en place un studio, nous pouvons enregistrer ou composer dès que nous nous sentons de le faire, et c’est là que c’est le plus inspirant, je trouve. Il m’inspire et je l’inspire. Tu as parlé des trois premières semaines mais c’était un processus ininterrompu durant les presque trois mois que nous sommes restés à Los Angeles. Nous composions tout le temps, ce n’est pas comme si l’album avait été fait en trois semaines. Donc dès que nous enregistrions quelque chose, ça nous inspirait : « Maintenant, créons tel autre type de chanson, car on a déjà créé tel type de chanson, donc il nous faut ça. » Nous voulons écrire des albums, et non pas juste une chanson ou un tube. Pour nous, c’est important qu’il y ait une certaine fluidité, une certaine dynamique, un ressenti qui correspond à celui d’un album.

Björn : Et puis ça se construit un peu tout seul, car comme il l’a dit, nous avons commencé avec les premières démos et tout, et ceci a amené à initier le processus d’enregistrement. Donc nous n’étions pas obligés de passer douze à seize heures par jour au studio, c’était très efficace, nous pouvions avoir de l’énergie, de sorte que lorsque nous revenions à la maison, nous pouvions continuer à écrire. Ça s’est passé comme ça quasiment jusqu’à la dernière semaine d’enregistrement. Ça allait donc de la composition à la démo, à l’enregistrement sans transition. Ce qui produit un workflow sympa pour nous.

Anders : Et en fait, la première chanson de l’album, « Voices », était l’une des premières chansons que nous avons faites, et « Stay With Me » était la dernière chanson que nous avons faite. L’enchaînement était plus ou moins le même que celui qu’on retrouve sur l’album.

Actuellement, on voit de plus en plus de groupes essayant de retrouver les vieilles méthodes de création d’un album, c’est-à-dire se retrouver quelque part, vivre ensemble et tisser des liens via la musique. Avec la façon dont l’industrie a évolué, poussant les artistes à passer plus de temps sur les routes et moins en studio à faire des albums, avez-vous l’impression qu’il y ait une envie ou même une nostalgie par rapport aux vieilles façons de faire un album ?

Björn : Je pense que beaucoup de choses ont changé par rapport à nos débuts. A l’époque, on avait un vrai budget pour passer du temps en studio pendant environ un mois. C’est ce que nous continuons à faire parce que nous estimons que c’est la meilleure façon de faire un album, plutôt que de se contenter d’enregistrer la batterie ici et le reste à la maison dans son propre studio, c’est-à-dire les guitares, la basse, le chant et autre. Nous trouvons vraiment qu’il est nécessaire d’avoir un environnement de studio, un vrai studio avec de vrais ingénieurs, des techniciens, et tout le matériel dont on a besoin aujourd’hui. Pour nous, ça a toujours été ainsi, nous n’avons jamais réalisé d’album en version économique, même si les budgets sont différents aujourd’hui.

Anders : Jusqu’à Clayman, peut-être, nous écrivions plus ou moins en salle de répétition, pas en groupe, mais nous savions un peu ce qui allait se passer quand nous irions en studio ; c’était différent, plus traditionnel. Ensuite, à partir de Reroute, nous partions quelque part avant l’enregistrement, louions une maison quelque part, commencions à composer, encore et encore, et ensuite nous allions en studio. Puis à partir de… Siren’s Charms était un petit peu différent, mais à partir de Battles, nous avons à nouveau changé, et il n’y a que moi et Björn, installés dans une maison et essayant de faire un album. Je pense que nous ne connaissons pas d’autre façon de faire qu’en utilisant un vrai studio et nous ne voulons pas faire autrement. Nous dépensons beaucoup d’argent, que nous pourrions économiser en étant simplement chez nous, en nous branchant sur une carte son et en prenant la voie de la facilité. Mais nous voulions faire avec un vrai studio parce qu’au final, c’est notre album, nous vivons et mourrons avec la musique. C’est pour notre propre plaisir personnel, d’une certaine façon [petits rires]. Je suis content quand je quitte le studio en ayant fait ça. Il n’y a rien que je veuille changer, rien qui me fasse dire : « Hmm, ça sonne un peu bas de gamme, mais peu importe. » Ce n’est pas comme ça. Ceci est la façon dont nous voulions présenter notre musique. Mais je ne peux pas parler pour d’autres groupes.

« Ces masques sont quelque chose que l’on porte et utilise pour se protéger. […] Globalement, je ne trouve pas ça si super. On apprend davantage quand on est ouvert et quand on parle aux gens, plutôt que de se protéger de ce qui est mauvais, portant en soi ce profond trou noir. »

Björn : Chaque groupe est différent, ils ont leur propre système ou recette pour obtenir le meilleur résultat avec leur musique. Mais ceci semble très bien fonctionner pour nous. Je ne vois pas vraiment d’autres façons de faire pour l’instant, car c’est ce qui nous inspire le plus, c’est la méthode la plus efficace car on est sur place. Si on veut changer quelque chose, on le fait directement sur place avec les bonnes personnes. Pour moi, c’est la seule façon de faire des albums.

Anders, tu as pris des cours de chant trois jours par semaine afin d’étendre tes capacités vocales. Tu t’es développé en tant que chanteur pendant trente ans : as-tu eu l’impression d’avoir atteint une limite dans ton développement autodidacte en tant que chanteur ?

Anders : Pas vraiment. C’était plus un intérêt intello pour comprendre mon propre instrument [petits rires]. Enfin, on peut dire ça aussi, en un sens. Je veux dire que ça fait longtemps que je crie, en utilisant ma propre technique, et que je chante aussi, mais il y a une limite jusqu’où tu peux emmener ça. Pour moi, il était important de comprendre ma voix. C’était plus que d’être simplement assis derrière un piano avec un coach vocal et chanter des harmonies en montée et en descente. Il s’agissait pour beaucoup d’apprendre sur moi-même, mon corps et ma respiration, d’un point de vue technique. Imagine un sauteur en hauteur, il court avant de sauter pour essayer d’atteindre un record, ou peu importe ; c’est pareil avec un couplet qui s’enchaîne à un refrain très haut perché : il ne faut pas penser à ce saut aussitôt. Il faut laisser son corps faire le travail, et ne pas laisser son esprit se dire : « Je ne vais pas y arriver, je ne vais pas y arriver ! » Car alors, tu es sûr de louper une note et de te vautrer. C’est ce genre de choses que j’ai apprises, et auxquelles je n’avais jamais pensé avant. C’était intéressant. Ça m’a aussi aidé à me préparer quand est venu le moment d’enregistrer, et ça nous a aussi aidés à composer. Nous avons découvert quelles étaient mes tonalités naturelles. Quand Björn écrit un riff, il sait : « Sans doute que ceci ne marchera pas aussi bien. Utilisons cette tonalité à la place. » Aussi, nous connaissons ma tessiture, jusqu’où je peux monter et jusqu’où je peux descendre. Et je m’améliore à tous les niveaux. Ce n’est pas pour que je devienne un meilleur chanteur, ce n’est pas une compétition, c’est juste pour mon propre bien. J’explore plus et je m’amuse plus aujourd’hui que jamais, et c’est simplement parce que j’ose franchir ces pas, que je trouvais inutiles auparavant. Ça peut même être effrayant. On s’ouvre à nos faiblesses. C’est comme si quelqu’un te disait que tu n’es pas assez bon ! [Rires] Je sais qu’à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, je peux crier. Réveille-moi en pleine nuit et je te balancerai sans problème un couplet classique d’In Flames. Mais ces autres choses sont également intéressantes.

Anders, tu as déclaré que le fait d’établir votre propre festival annuel en Suède et de tourner non-stop dans le monde entier durant le cycle de Battles a créé un lien encore plus fort avec vos fans, et ceci vous a beaucoup inspirés pour concevoir ce nouvel album. Diriez-vous que ce lien était au centre du processus de création d’I, The Mask ?

Je pense que nous en sommes arrivés à un point dans notre carrière aujourd’hui où il n’y a plus de retour possible, ceci est ce que nous allons faire pour le restant de nos jours. Et nous pouvons le faire pour une raison : les fans. Ils veulent aller à un concert, que ce soit aux US, au Japon, en Australie, en Europe, en France, peu importe, et on commence à y faire attention différemment, on ne prend plus les choses pour acquises. Nous avons énormément de chance de pouvoir faire ce que nous faisons. C’est amusant comme tout de créer de la musique, mais être dans une salle de répétition une fois par semaine, et personne ne t’écoute, et tu retournes à ton boulot normal, putain, ce serait vraiment d’un ennuyeux ! [Petits rires] Mais nous pouvons faire ceci ! C’est un hobby qui est devenu un boulot. C’est juste extraordinaire. Nous traînons avec nos amis, nous buvons des bières dans tous les coins du monde et jouons notre musique à des fans souriants. C’est quelque chose à quoi il faut prêter attention et qu’il faut apprécier. Et ça nous inspire et nous pousse à faire ce que nous faisons, même si nous écrivons de la musique pour nous-mêmes, en premier lieu, ce qui est vraiment très important. Nous n’écrivons pas pour un certain type de personne. Je veux que Björn aime à cent pour cent ce que nous faisons, et vice versa. Et quand c’est terminé, quand le contrat est scellé, alors nous faisons don de notre musique, et alors elle n’est plus entre nos mains. Et avec un peu de chance, les gens l’apprécient. Mais quand même, c’est dingue que nous ayons fait ceci toute notre vie d’adulte. J’ai vu grandir cet homme à côté de moi [rires], et c’est fou. C’est tout ce que nous connaissons.

Björn : C’est aussi d’un point de vue pratique, car nous passons tellement de temps sur les routes, à jouer ces chansons, que déjà quand nous commençons à écrire, nous avons la scène en tête. C’est vraiment un testament pour notre public, donc ça s’insinue dans tout ce que nous faisons. On boucle la boucle.

L’album possède un thème général sur la déconnexion et la division dont on est de plus en plus témoins dans nos sociétés. Pensez-vous que la musique reste l’un des derniers exutoires encore capables d’unir les gens aujourd’hui ?

Anders : Ça et d’autres choses. L’art en général, je dirais.

Björn : Je pense que c’est quelque chose de très unificateur. Peu importe nos positions politiques, nos croyances religieuses, nos préférences sexuelles, rien de tout ça n’a d’importance durant cette heure qu’on passe à écouter l’album ou cette heure et demie au concert. On est tous là ensemble, pour se divertir, pour peut-être s’écarter un peu de tout ça. C’est un bon outil à cet effet. Il y a certainement d’autres façons de se connecter les uns aux autres, ceci dit.

Anders : Je suis d’accord avec toi. La musique représente un moyen très important mais il y en a d’autres. Nous voyons comment nos enfants rejoignent des communautés de gamers et tout, ou il y a la peinture, ou peu importe. Pour nous, la musique a été notre exutoire. Je me suis fait des amis partout dans le monde grâce à la musique, et c’est une façon de communiquer avec les fans et de montrer un peu de soi-même, et avec un peu de chance, quelqu’un d’autre peut prendre ces chansons et se les approprier.

« Notre image est de ne pas avoir d’image. Ce que vous voyez, c’est grosso modo tel que nous sommes. Reste que nos vies privées sont protégées. Mais en tant que groupe, nous essayons d’être vraiment ouverts et honnêtes avec notre musique, d’abord, et aussi avec qui nous sommes. »

Tu as déclaré avoir réfléchi au fait qu’on porte tous un masque…

Plusieurs masques, je dirais même.

… d’où le titre de l’album et le masque qui apparaît sur l’illustration dépeinte par votre mascotte, le Jesterhead. L’idée est que les gens se créent ces masques via les réseaux sociaux, par exemple, mais si on regarde derrière leur masque, ils sont malheureux. Voyez-vous nécessairement cette évolution technologique comme un facteur de division ? Est-ce que ça ne peut pas aider certaines personnes isolées à établir un lien avec le reste du monde ?

Bien sûr, il y a de bons et mauvais côtés à tout. Evidemment, les réseaux sociaux aident : on peut atteindre des gens partout, ça peut aider à combattre l’anxiété sociale. Les choses qu’on ne peut pas affronter dans la vie normale, on peut les affronter à travers ça. Mais il y a aussi les mauvais côtés, quand on commence à en abuser et à utiliser le pouvoir de l’anonymat. Ces masques sont quelque chose que l’on porte et utilise pour se protéger. Il y a de nombreux niveaux, c’est une façon pour nous de gérer la société et les choses provenant de l’extérieur contre lesquelles on se protège. Globalement, je ne trouve pas ça si super. On apprend davantage quand on est ouvert et quand on parle aux gens, plutôt que de se protéger de ce qui est mauvais, portant en soi ce profond trou noir. Mais ça va jusqu’à l’échelle de pays aussi, du monde dans lequel on vit : on construit des murs, on pointe du doigt à droite et à gauche, je ne crois pas que ce soit bon en général.

Quand on est un groupe à notre époque, on ne peut pas faire sans les réseaux sociaux. Avez-vous l’impression que vous aussi, en tant qu’In Flames, vous portez un masque ?

Björn : En tant que groupe, la plupart du temps, oui – il y a généralement une image liée à un groupe. Nous en avons toujours parlé. Notre image est de ne pas avoir d’image. Ce que vous voyez, c’est grosso modo tel que nous sommes. Reste que nos vies privées sont protégées. Mais en tant que groupe, nous essayons d’être vraiment ouverts et honnêtes avec notre musique, d’abord, et aussi avec qui nous sommes. C’est pourquoi nous ne sommes pas un groupe politique, ou religieux, ou quoi que ce soit de la sorte. Mais je pense que d’un point de vue pratique, les réseaux sociaux sont super. En tant que groupe, c’est facile pour nous de présenter de la nouvelle musique, de nouveaux concerts, ou de nous lier à notre public. C’est différent, c’est quelque chose qu’on ne pouvait pas faire il y a quinze ans. On ne pouvait pas contacter nos héros, peu importe qui j’écoutais ; je ne pouvais pas écrire un message direct à Ronnie James Dio. Mais aujourd’hui, c’est possible, donc c’est une autre façon de se connecter.

« (This Is Our) House » fait référence à la planète et au fait qu’on doit la protéger, avec le thème sous-jacent de la pollution et du changement climatique. Essayez-vous d’être écologiques ? Est-ce même possible quand on est un groupe qui tourne dans le monde entier ?

Anders : Quel que soit le sujet sur lequel j’écris, je n’essaye pas de dire que nous sommes meilleurs que qui que ce soit. Ce n’est pas comme si j’essayais de lancer un nouveau mouvement, en disant « suivez-moi » et « Anders part à la conquête du monde pour commencer une nouvelle révolution ». Ce n’est pas de ça qu’il est question. Bien sûr que nous réfléchissons aux choses, mais nous ne sommes pas meilleurs que les autres. On fait de petites choses ici et là, c’est sûr, mais…

Björn : Je dirais que c’est peut-être plus une réflexion sur l’état des lieux et il ne s’agit pas tant de lancer, comme tu l’as dit, quelque chose de nouveau.

Anders : Et c’est un cri de ralliement, d’une certaine façon, car plein de gens doivent changer leurs habitudes pour arriver à quelque chose. Voilà pourquoi on ne va pas au bout, car je me dis, certaines personnes se disent, plein de gens se disent : « Si je fais quelque chose, ça ne change rien, car si des centaines de gens n’en ont rien à foutre, à quoi bon ? » Alors on est fainéant et on est là : « Ah, autant rejoindre ces centaines de gens à la place. » Nous prenons l’avion pour nous rendre partout dans le monde, donc nous n’aidons pas à lutter contre la pollution [petits rires]. Je ne sais pas ce que nous pouvons faire… Faire appel à des robots et ce genre de connerie ?

Björn : Se cloner.

Anders : Nous pouvons mettre en place des concerts en réalité virtuelle, et les gens peuvent se poser chez eux et nous regarder.

Björn : Ce n’est pas une mauvaise idée !

Anders : Peut-être que je tiens quelque chose là ! [Rires] Mais ouais, tous mes textes sont plutôt là pour faire réfléchir les gens, et celui-ci en particulier se rapproche d’un cri de ralliement.

Anders, tu as admis qu’I, The Mask était un petit peu plus orienté guitare et légèrement plus heavy, ce qui est plutôt vrai quand on l’écoute…

Je n’ai pas vraiment dit ça. Si je dis quelque chose quelque part, quelqu’un le récupère. Mais c’est vrai, enfin, en ce sens, la seule chose dont nous ayons parlé… Car nous ne faisons pas de réunion comme ça, nous n’établissons pas de règle, devant un tableau, en fixant la direction dans laquelle nous devrions aller, ce que nous devrions faire avec l’album, ce dont nous devrions parler, etc. La seule chose dont nous avons discuté était : « Pour la production, mettons les guitares un petit peu plus en avant. » Car je crois que Battle, même s’il est bien, était un peu léger, peut-être, niveau production, le côté tranchant s’est perdu, d’une certaine façon – d’après moi, car il se peut que tu voies les choses autrement. Avec celui-ci, vu qu’il joue si bien de la guitare, il fallait que ce soit entendu. Il y a plein de riffs là-dedans…

Björn : Oh ouais…

Anders : [Rires] Je crois que c’est important de le mettre en valeur. Et « heavy », c’est un mot que les gens balancent sans réfléchir…

Björn : C’est tellement vaste !

« Nous étions très surpris quand nous avons reçu le coup de téléphone : “Hey, les gars, vous tournez avec Deep Purple.” […] Nous avons fait notre truc, ça n’avait pas d’importance : “Allons-y et faisons-nous plaisir.” Je pense que leur public s’en est rendu compte, donc ils ont apprécié, une fois le choc initial dépassé [petits rires]. »

Anders : Ouais, certains croient que rien que parce que ça joue vite, on appelle ça « heavy ». Mais pour moi, ce n’est pas heavy. Heavy, c’est plus comme ce que font des groupes comme Crowbar ou Pallbearer. Ça, pour moi, c’est de la musique heavy et bien trapue.

Björn : Le noyau dur d’In Flames a toujours été la mélodie – la mélodie rencontrant l’agressivité. Auparavant on la définissait bien plus comme étant du death metal, bien que nous n’ayons jamais abordé ces thématiques, mais c’était « dans la veine de ». Mais le cœur de notre musique restait toujours la mélodie, et la mélodie était, et est toujours à bien des égards, jouée par les guitares. Ça a toujours été mené par les guitares, ça a toujours été chargé en guitare, même si, au final, tout est une question de production et de manière de mixer.

Anders : Et je déteste qu’on me cite comme ça [petits rires], parce que les gens disent : « Anders pense que c’est comme ça, moi je ne trouve pas, qu’il aille se faire foutre ! » Ecoutez par vous-même, faites-vous votre propre avis, ce que je pense n’est pas une finalité. Ça fait longtemps que je suis dans ce groupe, j’ai dit plein de choses. J’ai donné une interview en Suède il n’y a pas très longtemps, il y avait une citation de ce que j’ai dit il y a de nombreuses années, et j’étais là : « Ok… » Pas que c’était embarrassant…

Björn : C’était extrait du contexte.

Anders : Comment puis-je défendre quelque chose que j’ai dit il y a cinq ans en parlant de la musique que je fais maintenant ? C’est impossible.

Les gens peuvent changer…

Björn : Tout à fait, et nous faisons ça constamment : chaque tournée que nous faisons, chaque album que nous faisons, chaque expérience que nous vivons nous change un petit peu et nous emmène dans une certaine direction.

Anders : Je ne peux que spéculer sur ce que je vais faire dans cinq ans, et c’est à peu près tout.

Vous avez une nouvelle fois changé de batteur, et deux batteurs se croisent sur cet album : Joe Rickard a enregistré la plupart des chansons, tandis que son successeur, Tanner Wayne, joue sur « (This Is Our) House ». Joe Rickard n’est pas resté longtemps dans le groupe : pouvez-vous nous parler de son départ et du recrutement de Tanner ?

Björn : Joe galère depuis très longtemps avec des problèmes de dos. Nous ne nous rendions pas compte à quel point c’était grave. Il était constamment sous antidouleurs, il souffrait, il n’en pouvait plus. Il assurait les concerts et il sonnait super bien, mais après coup, il était complètement claqué. C’en est arrivé à un point où il a dit qu’il ne pouvait plus continuer. Nous venions tout juste de trouver un super batteur, donc nous étions dévastés, évidemment. C’était juste avant que nous allions enregistrer I, The Mask, donc c’était la poisse, mais il voulait vraiment faire l’album, pour finir comme il faut. Nous avons commencé à chercher des batteurs, et il y en a plusieurs qui ont retenu notre attention. Nous avions rencontré Tanner auparavant, il était en fait technicien batterie pour Of Mice & Men. A l’époque, je ne me doutais absolument pas que c’était un super batteur, mais il nous a envoyé des vidéos. Pour être honnête, quiconque souhaite jouer avec nous, nous nous attendons à ce qu’il sache ce que fait. Donc pour nous, c’est plus une question sociale : est-ce que ça va bien se passer de traîner avec ce gars ? Je dois dire que chaque changement de line-up que nous avons connu a fait d’In Flames un meilleur groupe, car les gens qui sont dans le groupe ont vraiment envie d’être là, et veulent tourner, et veulent travailler dur, et apprécier le temps passé ensemble. Donc tous ces changements de line-up n’ont fait que nous améliorer.

Anders : Ceci dit, c’était triste en soi, mais que peut-on faire ? Nous ne pouvions pas le forcer ! [Petits rires]

Vous avez fait des dates avec Deep Purple l’année dernière, ce qui peut surprendre, vu que vous êtes deux groupes différents de deux époques différentes. Mais diriez-vous que Deep Purple et In Flames sont plus semblables que les apparences le suggèrent ?

Björn : Deep Purple est probablement le tout premier groupe que j’ai entendu de ma vie. J’ai grandi en les écoutant. Donc ça fait vraiment partie de qui je suis. Et toi aussi tu écoutes ça, mais tu t’en es éloigné pendant un temps. Je suis resté scotché à cette musique : Purple, Rainbow, Whitesnake, Sabbath, et tous ces trucs. Ça et le rock, heavy metal plus moderne, le death metal, etc. Donc pour moi, ça a toujours fait partie de ma passion pour la musique. Nous étions très surpris quand nous avons reçu le coup de téléphone : « Hey, les gars, vous tournez avec Deep Purple. » « Ouais, d’accord, mais on n’a aucune idée quoi… » Nous avons commencé à réfléchir : « Peut-être qu’on devrait changer le set. » Et puis, après un moment, nous étions là : « Non, faisons juste notre truc. » Et en fait, ça a très bien fonctionné ! Je me suis éclaté, et j’étais évidemment en admiration. Ce sont des gars très cool, ils ont tellement d’histoires à partager, ils ont tellement fait, ce sont des gars très accessibles et sociables, ils adorent toujours ce qu’ils font. Ils ont trente ans de carrière de plus que nous. Je crois que [Roger] Glover a eu 73 ans, et il était encore à courir partout sur scène, à rigoler, s’éclater. C’était évidemment très inspirant.

Comment le public de Deep Purple vous a accueillis ?

Ils étaient choqués au départ ! [Rires]

Anders : Bon, ils ne nous ont rien jeté à la figure, ils n’ont pas réclamé à ce qu’on les rembourse [petits rires]. C’est étrange, d’une certaine façon, car c’était un public assis sur les quinze premiers mètres, ensuite il y avait une barrière, et ensuite il y avait notre public. Ce genre de configuration est difficile à surmonter, car nous avons l’habitude que tout le monde soit debout, et là tu as l’impression que tout le monde te scrute. Mais, comme l’a dit Björn, nous avons fait notre truc, ça n’avait pas d’importance : « Allons-y et faisons-nous plaisir. » Je pense que leur public s’en est rendu compte, donc ils ont apprécié, une fois le choc initial dépassé [petits rires]. Nous avons des solos, c’est une musique très centrée sur la guitare. Oui, il y a un gars qui crie, mais s’ils s’intéressent à la musique et comprennent la musique en général, ils voient, ils peuvent entendre le cœur rock ou blues, car c’est de là que nous venons, plus que du milieu des années 2000. C’est sur cette base que nous construisons nos harmonies, que Björn écrit ses parties de guitare, c’est dans les doigts, d’une certaine façon. Ça a donc mieux fonctionné que ce que la plupart des gens pensaient, nous y compris. Il fallait que nous saisissions cette chance, car c’est un groupe légendaire, un super groupe, et qui sait pendant encore combien de temps ils existeront, ou même pendant encore combien de temps nous existerons, donc il fallait que nous le fassions !

Interview réalisée en face à face le 18 janvier 2019 par Claire Vienne.
Retranscription : Julien Morel.
Traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel d’In Flames : www.inflames.com

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