In Flames est une formation originale dans le paysage du heavy metal, de celles qui sont capables d’assumer un même nom tout en opérant d’impressionnants loopings artistiques au cours d’une longue carrière, au risque de perdre leur identité initiale. Si les débuts du groupe trouvent leur source en Suède au début des années 1990, participant à constituer le courant death mélodique avec plusieurs classiques, In Flames entérine aujourd’hui largement l’éloignement de ce style musical pour s’aventurer vers un metal plus « mainstream ». Une lente période de transformation qui a abouti en 2010 au départ de Jesper Strömblad, membre fondateur, compositeur et responsable des fameux solos épiques qui ont, en partie, fait la renommée du groupe.
Alors qu’en est-il, malgré tout, de ce second album sans le guitariste originel ? Qu’en est-il de ce disque où In Flames, et en particulier son frontman Anders Fridén, a voulu miser sur une composition de dernière minute en studio ? Il semble important de noter dans un premier temps que, contrairement à sa dernière sortie (Sound Of A Playground Fading), In Flames ne cherche pas à prouver qu’ils sont capables de faire du Strömblad sans Jesper. Les ponts sont définitivement coupés, abattant ce qui pouvait sembler être le dernier rempart vers un heavy résolument alternatif et moderne. On découvre, au fil de Siren Charms, des chansons à la mélancolie affirmée, représentatives du tournant musical vers lequel lorgne le combo depuis plusieurs années, trouvant ici quelques accointances stylistiques avec des formations telles qu’A Perfect Circle voire Deftones (« Through Oblivion », « Siren Charms »), même si la touche « In Flames » reste bel et bien présente comme sur « With Eyes Wide Open » ou le premier single « Rusted Nail », deux hymnes, pour ainsi dire, qui marqueront certainement le passage sur les planches. In Flames trace sa route et continue à attraper au passage ces sonorités électroniques et aériennes introduites à l’époque de Reroute To Remain. Et ose même fricoter avec le gothique via sa collaboration avec la chanteuse Emilia Feldt qui prend le lead en duo avec Fridén sur les refrains et agrémente la musique de quelques arrangements de voix lyrique sur « When The World Explodes », qui pourtant démarre de manière très heavy et quasi metalcore. Une chanson qui cristallise à elle seule cette volonté d’émancipation des suédois et de jouer avec les textures sonores très actuelles et travaillées.
Mais celui qui s’émancipe le plus ici est assurément le chanteur Anders Fridén qui délaisse encore un peu plus les vocalises saturées pour se concentrer sur sa voix claire qu’il explore sous diverses coutures. Une démarche toujours plus portée sur la mélodie pop, se conformant à une musique aux structures et sonorités elles-mêmes assez pop (couplet/refrain/couplet/refrain/solo) voire radiophoniques, malgré les riffs heavy. « Alternatif », « metalcore », « pop », « radiophonique », voilà une série de termes qui devrait finir d’alarmer les plus anciens fans, nostalgiques des années Whoracle et Clayman, et qui devraient trouver ce Siren Charms bien fade. Mais en même temps, il ne faut plus chercher à espérer de retour en arrière, encore moins maintenant que Strömblad – qui a prouvé avec son projet The Resistance qu’il était le plus attaché aux fondamentaux de la vieille école – s’est définitivement éloigné de son ancienne formation. In Flames doit être pris (ou bien alors ignoré) pour ce qu’il est aujourd’hui : un groupe qui parlera sans doute plus à un public adepte de rock métallisé que de musiques extrêmes.
Par Noé Roland et Nicolas Gricourt.
Les clips de « Through Oblivion » et « Rusted Nail » :
Album Siren Charms, sortie le 8 septembre 2014 chez Columbia Records.