S’il se dit bien dans sa vie et dans son groupe, n’ayant actuellement aucune bataille à livrer, contrairement à ce que pourrait laisser entendre le titre du nouvel album d’In Flames, Battles, le chanteur Anders Fridén n’en a pas moins des convictions sur son groupe et sa musique, qu’il défend fermement. Qu’importe les avis des fans, positifs comme négatifs, vis à vis des changements qu’ils ont pu opérer dans leur musique au fil des années, In Flames fera toujours ce qu’il croit devoir faire, c’est une question d’intégrité. Et en ça, ils n’ont jamais changé.
En parlant de changement, il en fut un radical entre Siren Charms (2014) et Battles, celui de l’environnement, passant de la grisaille humide et froide du Berlin hivernal, pour le premier, au soleil de Californie, pour le second. En résulte un album plus chaleureux et positif, Fridén nous expliquant l’impact du contexte sur leur créativité. Le chanteur nous parle ainsi de la conception de Battles en compagnie du producteur Howard Benson, celui-là même qui leur a présenté Joe Rickard, qui deviendra leur nouveau batteur. Il donne également son point de vue sur les critiques qu’In Flames essuie régulièrement sur internet, y compris de la part de leur ancien guitariste Jesper Stömblad.
« J’ai toujours pensé que lorsqu’un album est terminé, je devrais être éreinté, que je devrais être vidé. […] Mais ce n’est pas ainsi que c’est censé se passer, vraiment. Je veux dire, je lui ai donné cent-dix pour cent de moi-même cette fois-ci aussi mais j’aurais facilement pu faire un autre album immédiatement après. »
Le guitariste Björn Gelotte a déclaré qu’il était « très réticent au début » du processus d’écriture…
Anders Fridén (chant) : Il l’est toujours ! Mais nous sommes tous pareils, tout le monde. Nous n’écrivons pas entre les albums, vraiment, ou durant les cycles d’albums. Nous avons besoin d’avoir une date pour dire : « Ok, à cette date, nous irons en studio. Il faut que nous nous mettions au travail ! » [Petits rires] Je pense que j’ai pris l’initiative de dire : « Abrégeons, on veut faire un autre album » ou « Est-ce que ça te dit de faire un autre album ? » Au départ, il pensait que c’était trop court, mais au bout du compte, il a été convaincu et puis il a été prêt à s’y mettre. Il n’y a donc pas eu de dispute ou de mauvaise humeur, c’est juste ainsi que ça se passe. Nous avons simplement décidé de couper court au cycle, vraiment. Au lieu de tourner deux ans, nous avons tourné un an. C’était tout. Et au niveau composition, ça n’a pas été plus rapide ou plus lent que n’importe quel autre album.
Toi et Björn avez décidé de quitter le confort de la Suède pour aller à Los Angeles écrire toute la journée, avant même de faire venir Peter [Iwers] et Niclas [Engelin]. Etait-ce important que tous les deux vous vous coupiez du reste du groupe, dans un environnement géographique différent ?
Au début de notre carrière, c’était toujours Jesper et Björn [qui composaient], et j’en faisais également partie ; je n’écris pas de riffs mais je prends part à chaque chanson, je fais les mélodies vocales, évidemment. Et depuis quelques années maintenant, depuis Sounds Of A Playground Fading, ça a été Böjrn et moi, donc il n’y avait pas vraiment de différence en ce sens, comme une nouvelle équipe. C’était plus que nous faisions la musique d’un côté et le chant et les paroles d’un autre, et les deux se rencontrent lorsque nous les assemblons. Cette fois, non seulement nous avons changé l’équipe qui nous entoure, en ne travaillant pas avec Roberto Laghi ni Daniel Bergstrand, nous avons également décidé de travailler pour la première fois avec des producteurs extérieurs. Nous avons souvent parlé de ça, lui et moi, d’à quel point nous avons besoin d’être plus ouverts d’esprit, car nous sommes très protecteurs avec notre musique. Je veux dire que ça comprend également notre relation, il faut que je m’ouvre à Björn et il faut qu’il s’ouvre à moi. Je voulais enregistrer à Los Angeles et il a dit : « Ok, allons-y. On y va pendant deux semaines et demi avant que les autres gars n’arrivent. » Et tous les deux, nous buvions des bières, faisions des barbecues et vivions pour le heavy metal vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept [petits rires]. C’était une expérience très sympa, où nous avons fait de vraies démos, et la seule personne que nous laissions mettre son nez là-dedans était Howard Benson. Il est venu et a écouté les démos, il pouvait voir que nous étions sur le bon chemin, prenant la bonne direction, faisant ce que nous devions faire. Nous avons vraiment abordé cet album différemment. Maintenant, avec le recul, lorsque je regarde ça, je me dis : « Pourquoi n’avons-nous pas fait ceci avant ? » Je suppose qu’il a fallu toutes ces années pour nous en rendre compte. Les autres albums, je suis super fier de ce qu’ils sont devenus et peut-être était-ce nécessaire que nous fassions ces albums comme nous les avons faits, et maintenant, nous en sommes arrivés à la conclusion que ceci est la façon dont c’est supposé être fait [petits rires]. Mais globalement, c’était une super expérience. Nous nous sommes éclatés, au lieu de… Car j’ai toujours pensé que lorsqu’un album est terminé, je devrais être éreinté, que je devrais être vidé, disant : « J’en ai fini avec ça ! » J’avais besoin de me dire : « Je lui ai donné cent-dix pour cent de moi-même. » Mais ce n’est pas ainsi que c’est censé se passer, vraiment. Je veux dire, je lui ai donné cent-dix pour cent de moi-même cette fois-ci aussi mais j’aurais facilement pu faire un autre album immédiatement après, et ce grâce à l’environnement que nous avons créé. C’était vraiment un endroit amusant et propice pour créer de la musique.
Donc c’était très différent de Siren Charms qui a été enregistré dans un environnement froid et humide, ce qui a d’ailleurs conduit à un album assez sombre et mélancolique…
Ouais, c’est Berlin. C’est la ville. Nous vivions dans un appartement, il n’y avait strictement aucun putain de meuble dans la pièce ! Il y avait un lit et j’avais un petit bureau où j’écrivais les paroles, c’était tout. En fait, nous avions deux appartements. Certains des gars vivaient dans un appartement, et les autres dans un autre appartement. Nous n’avions qu’une petite cuisine et nous travaillions dans le complexe mais dans différents studios… L’histoire de Berlin… C’est une ville importante mais elle a… Plein de mauvaises choses se sont passées là-bas, évidemment, tout le monde sait ça, et on te remémore ces choses tous les jours lorsque tu te rends à pied au studio. Ça nous prenait vingt minutes pour aller au studio et tu passais dans la rue à côté d’endroits où quelqu’un a été déporté ou tué, on passait à côté d’une partie du mur, on passait à côté de stations ferroviaires où des gens ont été déportés, on pouvait voir des impacts de balle dans le mur et ce genre de choses. Ca s’incruste dans ta tête, tu sais. Et c’était en novembre, il faisait froid, il pleuvait. Et ici, à l’opposé, nous avons enregistré au soleil, sous vingt-cinq ou vingt-huit degrés Celsius, à faire des barbecues, boire des bières, c’était tellement plus facile ! J’adore le fait que nous ayons fait l’album de Berlin, c’était important pour nous de faire ça, de se sortir ça de la tête. Je suis tellement content que nous ayons enregistré au studio Hansa, qui est un lieu légendaire, mais c’est aussi important de ne pas se répéter et refaire ça. C’est un feeling complètement différent et je pense que ça se ressent. Si le précédent était froid, celui-ci est plus chaleureux.
Est-ce que l’environnement a toujours eu une grosse influence sur votre créativité ?
Lorsque je regarde avec du recul, ouais, je le pense. Je pense être plus ouvert à l’environnement, d’une certaine façon ça se retrouve dans la musique. Pareil pour les autres gars, vraiment. Peut-être qu’à l’avance ils ne pensent pas que ça aura d’effet mais je pense que Berlin, tout particulièrement, a affecté tout le monde d’une façon, pas de manière négative, juste d’une certaine manière. Surtout dans la mesure où, en tant que groupe, comme je te l’ai dit, nous ne composons pas entre les albums, nous écrivons uniquement lorsque c’est le moment d’aller en studio, chaque album a un ressenti particulier, un certain son. C’est une photographie de qui nous sommes à ce moment précis. Ils sont tous différents d’une certaine façon mais, à la fois, c’est comme : « Ok, c’est le son. » Tu peux ne pas être d’accord avec où nous en sommes, ou bien ce que nous avons été, peu importe, suivant à quel moment tu as rejoint In Flames dans son histoire, lorsque tu t’es intéressé au groupe, mais au moins tu entends que c’est nous.
La dernière fois que nous t’avons parlé, tu nous as expliqué que tu étais arrivé au studio sans rien pour Siren Charms, sans mélodie de chant et sans paroles, ce qui t’a mis énormément de pression sur les épaules et dans une position très inconfortable. Du coup, quel genre de pression t’es-tu imposé cette fois ?
Je ne voulais pas faire exactement la même chose mais encore une fois [petits rires], je n’avais pas grand-chose avec moi. Il y avait une petite part de moi-même qui était anxieuse de se retrouver dans une situation similaire, mais à Berlin, je recherchais ça, je regardais plein de documentaires sur des situations terribles et horribles pour les gens… Je n’ai pas fait ça cette fois. Et aussi, Howard est venu et il me demandait tout le temps : « Que veux-tu dire avec la chanson ? Que veux-tu que les paroles expriment lorsqu’elles parlent à quelqu’un ? » Et j’ai dû lui expliquer ce que je voulais. Je n’avais pas à m’expliquer dans le passé, personne ne s’en souciait vraiment. De toutes façon, ils étaient tous suédois, donc quoi que j’écrivais, ils ne pouvaient pas vraiment me corriger ou dire : « Ça sonne trop suédois » ou « Tu écris en suanglais » [petits rires]. Là, nous avions quelqu’un qui réellement comprenait, et c’était une chose importante. En ayant un producteur extérieur comme ça, tu te dis qu’il va arriver et te changer, peu importe, et tu as ça en tête en t’y mettant, mais nous étions ouverts et nous avons dit que nous allions en profiter, et rien de ce qui nous inquiétait ne s’est passé. C’était une super expérience, nous avions de bonnes idées, de bons conseils, de bons retours. Au final, c’était simplement un feeling différent.
« Lorsque nous avons fait The Jester Race, je ne me doutais absolument pas que nous pouvions écrire Battles. Si j’avais eu The Jester Race et Battles l’un à côté de l’autre, j’aurais probablement choisi Battles, parce qu’il sonne plus gros, plus osé… Mais est-il meilleur ? Je ne sais pas ! »
Apparemment, vous avez « rencontré plein de producteurs avant de démarrer cet album et [Howard Benson] semblait être le seul gars qui ne voulait rien changer. » D’un autre côté, Howard semble avoir eu une grande influence sur l’album. Du coup, quel a été son apport, notamment au niveau composition ?
C’était plus le gars avec qui nous échangions des idées. Il ne nous a pas dit quels riffs nous devions écrire. Comme je l’ai dit, j’ai dû expliquer ce que je voulais dire et il pouvait dire ; « Hmm, je ne le sens pas… » Et aussi : « Essaie de chanter avec plus d’émotion » ou « Maintenant tu devrais crier… Maintenant tu devrais te mettre en retrait, » des choses comme ça. Mais il n’était pas là : « Ok, vous devriez sonner comme ça » ou « Vous devriez sonner comme tel groupe, » rien de tout ça. Björn et moi, nous écrivions et il était le filtre. Car nous avons fait des démos de toutes les chansons, alors que dans le passé, nous n’avons jamais fait de démos pour chaque chanson, nous faisions peut-être deux chansons et nous sentions que nous allions dans la bonne direction, mais là, nous devions faire chaque chanson, j’ai dû tout chanter. Il était donc vraiment le filtre. Ensuite, évidemment, au niveau du son, lui et son équipe ont leur façon de produire les albums, donc bien sûr, ça ne sonne pas comme si nous l’avions fait ou comme nous l’avons fait par le passé. C’est un studio différent, des gens différents. Il a un super [passé professionnel] et il vaut mieux lui faire confiance, c’est pour ça que nous étions là. Nous ne sommes pas le genre de groupe à galérer en salle de répétition avant d’enregistrer, et certains des producteurs à qui nous avons parlé voulaient juste que nous soyons là, le groupe au complet, à répéter, répéter et répéter avant d’aller enregistrer. Je veux dire que nous n’avions pas de batteur, donc ça aurait été difficile pour nous de faire ça, et nous ne voulions pas prendre cette décision de choisir un nouveau batteur avant l’enregistrement. Nous avons dit : « Ok, faisons ça. Enregistrons l’album. Il y a plein de musiciens de studio dans les parages, faisons appel à l’un d’entre eux. Ils joueront tout ce que nous dirons de toute façon et ensuite nous nous focaliserons sur la recherche de quelqu’un autre. » Il a donc clairement eu un grand impact, pas dans le sens où… Je veux dire que cet album aurait plus ou moins sonné pareil ailleurs mais peut-être pas avec ce son de guitare, peut-être pas avec ce son de batterie, ce son au niveau de la voix… C’est un tout autre enregistrement, et c’est ainsi que ça doit être. Il faut que ce soit In Flames mais pas exactement pareil.
A propos de votre nouveau batteur, Joe Rickard, d’après votre communiqué, c’était en fait le producteur Howard Benson qui vous l’a présenté…
Il travaillait avec Howard au studio, ouais.
…ce qui signifie qu’il est arrivé sur le tard dans le processus. Peux-tu nous dire comment il a pris le train du nouvel album en marche et a fini par devenir le nouveau batteur du groupe ?
Comme je l’ai dit, nous avons été en Amérique sans avoir de batteur. Nous avons écrit tout l’album [sans batteur]. Lorsque nous écrivons de la musique, nous nous contentons de programmer la batterie, simplement pour que ce soit facile ; c’est une manière pour nous de toujours avancer. Nous savions qu’au bout du compte, nous devrions trouver un vrai batteur, parce que nous ne voulions pas avoir une batterie programmée sur l’album. Mais il était là, à nous aider avec certaines programmations, et nous avons pu le connaitre un peu. On nous a raconté son histoire, Howard a dit que c’était un bon gars et Joe a dit : « Je peux enregistrer la batterie. De toute façon, je suis là, j’ai de l’expérience… » Et nous avons dit : « Ok, cool. On a besoin d’un batteur, quoi qu’il en soit. » Et puis il a commencé à frapper la batterie et enregistrer certains morceaux, et nous étions là : « Wow ! Il frappe assez fort, c’est très constant, très obstiné. » Il a fait quelques morceaux et nous étions là : « Ok, c’est cool. Passons à la suite. » Et il était là : « Nan, je veux la refaire. Je veux parfaire ce que j’ai fait. » Et ça démontre qu’il se consacrait à fond à son instrument. Ensuite, nous nous sommes regardés, nous avions besoin d’un batteur, c’était parfait, ce que ce gars enregistrait l’album, et ça semblait bien mieux s’il était celui qui continuerait à jouer. Ensuite, nous avons bu quelques bières, été dans des bars, commencé à parler et pu en savoir plus sur le gars derrière les baguettes. Et globalement, c’est un putain de chouette type ! Ça faisait simplement du bien. Ça s’est fait très naturellement. Je veux dire que Daniel [Svensson] a fait partie du groupe pendant dix-huit ans et c’était un gros coup dur qu’il ait voulu partir, pour des raisons légitimes, bien sûr. Il voulait être chez lui avec sa famille, rien que tu ne puisses lui reprocher. Je respecte vraiment sa décision parce que quitter un groupe comme celui-là, c’est une grande décision. Donc intégrer un autre gars, c’était comme : « Qui ce sera ? » et tu voyais les auditions, les essais et tout se profiler à l’horizon, et c’est genre « euh », ce sont des choses qui gâchent le plaisir de faire partie de tout ce truc. Et il était là, notre putain de sauveur, d’une certaine façon [petits rires]. Donc maintenant, il est dans le groupe et nous avons hâte de jouer notre premier concert. Nous verrons comment les choses évoluent mais je n’imagine pas que ça puisse aller mal.
L’album s’intitulé Battles. Quelles sont ces batailles auxquels tu fais référence ?
Les batailles intérieures que nous livrons tous les jours, vraiment, du jour où on est jeunes, lorsqu’on commence à penser et à ressentir, jusqu’au jour de notre mort. On a tous différentes manières d’aborder le présent mais aussi, on doit s’occuper de notre passé de façon à pouvoir épouser le futur, car si on ne fait que penser à ce qui s’est passé, on peut se retrouver à louper des opportunités qui se présentent face à nous dans la vie et qu’on ne peut pas voir parce qu’on traine un paquet de merde derrière nous. Il n’y a rien de nouveau là-dedans, rien de révolutionnaire. Je ne pense pas que quiconque dira : « Hmm, je n’ai jamais entendu ça. » Mais c’est simplement une chose avec laquelle les gens peuvent s’identifier, quel que soit leur sexe, leur niveau, leur âge.
Plus globalement, pour quoi In Flames se bat-il de nos jours ?
Bizarrement, nous ne nous battons pas du tout ! En ce moment, je suis bien où je suis, autant dans ma vie que dans le groupe. Je veux dire que mon groupe est une grande part de ma vie, bien sûr [petits rires]. Nous ne nous battons pas. Je n’ai pas tellement de batailles là tout de suite, mais elles viendront surement.
Il y a une toute nouvelle approche de certaines chansons sur cet album. Par exemple, « Here Until Forever » peut immédiatement faire penser à une influence récente de Bring Me The Horizon. Comment vos influences ont évolué au fil des années ?
Je pense qu’il est facile pour les gens de te balancer des groupes qu’ils pensent nous influencer mais en réalité, Björn est influencé par Deep Purple, Rainbow, c’est son chez lui, sa discothèque, ce avec quoi il a grandi. Plein de choses que nous avons entendues lorsque nous… Tu sais, tu as ton premier verre, tu as ta première bagarre, tu as ton premier rapport sexuel, tu as ton premier… Toutes ces choses qui se sont passées vers cette époque, c’est ce qui te suit, et c’est ça tes influences. Et évidemment, nous ne sommes pas bêtes, nous sommes ouverts au monde, de nouveaux groupes vont et viennent et ainsi de suite…. Cette chanson en particulier, je crois qu’elle est arrivée assez tardivement dans le processus, à un moment où nous avions le sentiment d’avoir besoin d’une chanson plus lente. Mais nous avons déjà fait un paquet de chansons de ce genre et nous ne voulions pas faire une power ballad. Au lieu d’un couplet lent, je voulais que le rythme soit soutenu. Si tant est que ça vienne d’un groupe, ce serait plutôt de Saosin, qu’Howard a enregistré auparavant. Nous avions ça en tant qu’exemple de rythme, et ensuite Joe est arrivé, genre : « Ok, on peut faire quelque chose comme ça. » Et puis, simplement écrire une chanson avec une puissance… Ce sont des paroles super personnelles que j’ai écrites pour mon fils. Auparavant j’avais écrit « Come Clarity » pour ma fille et maintenant, il a huit ans, il a vu ça et il sait que c’est pour elle, et il est toujours là : « Papa, où est ma chanson ?! Où est ma chanson ? » Et j’ai eu le sentiment que : « Ok, maintenant, on peut le faire. » Et je voulais quelque chose qui lui rende justice. Donc je l’ai vu venir, le fait d’avoir une mélodie puissante quelque part, que tout le monde puisse chanter de bon cœur. Les gens essaieront de te mettre dans certaines cases, certains genres et certains ceci et cela. Tout me va, tout le monde peut dire ce qu’il veut, mais nous écrivons juste des chansons d’In Flames [petits rires]. Je veux dire que je sais que nous sommes le meilleur groupe à la In Flames qui existe ! Nous sommes bons pour écrire des chansons d’In Flames, nous ne sommes pas bons pour écrire des chansons d’autres gens ou faire d’autres choses. Nous sommes très bons pour faire ce que nous faisons.
« Je ne peux pas composer pour ces gens [qui se plaignent], je ne peux pas non plus composer pour quelqu’un qui adore Battles. Je dois faire ce que je ressens être le mieux parce que c’est mon testament, je vais vivre avec jusqu’à ma mort. »
Dans le communiqué de presse, il est marqué qu’ « In Flames est un exemple de ce que ça signifie de fermement rester fidèle à sa vision. » D’un autre côté, il y a un eu des changements significatifs entre Sounds Of A Playground Fading, Siren Charms et ce nouvel album, en terme de son et d’approche. En conséquence, qu’elle est ta définition de rester fidèle à ta vision ?
C’est être et faire ce que nous ressentons être la meilleure chose pour nous, sans se soucier du monde extérieur. Ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit, j’aime… Je veux dire que nous pouvons tourner à travers le monde, rencontrer des fans et des gens qui apprécient ce que nous faisons. Si je peux continuer à vivre mon rêve, c’est vraiment fantastique, mais je dois faire ce que je ressens. Combien de groupes peuvent dire qu’ils existent depuis aussi longtemps et peuvent encore sortir quelque chose à la radio ou dans les bacs et les gens entendent que c’est In Flames ? Ils savent que c’est nous, quoi qu’il en soit. De The Jester Race à Battle, c’est toujours ce son significatif. Nous restons vraiment fidèles à ça. Oui, ça a changé, ça ne sonne pas exactement pareil, mais nous ne sommes pas les mêmes personnes, je ne porte pas les mêmes vêtements, tu ne portes pas les mêmes vêtements qu’il y a vingt ans. Je veux dire que les choses changent mais nous avons toujours ce son signature. C’est juste qu’il prend différentes formes, directions, peu importe. Et nous nous soucions vraiment uniquement de ce que nous ressentons. Je fais quelque chose et je regarde les autres gars : « Est-ce que vous êtes contents de ça ? » Et s’ils disent « je le suis », alors c’est parti.
D’ailleurs, Björn a déclaré que vous avez « décidé très tôt que [vous alliez] faire ce groupe à [votre] façon, sans penser à ce qui est à la mode. Au final, [vous êtes] ceux qui devront jouer ces chansons et les défendre. » Penses-tu que certains auditeurs ont tendance à oublier ça et trop voir la musique sous un point de vue de « client » ou « consommateur » ?
Je n’ai pas de réponse à ça parce que je ne peux pas le contrôler. Il n’y a rien que je puisse faire pour ça. Je fais la musique et voilà. Si tu es assis chez toi, ou derrière un ordinateur, et écris quelque chose comme : « In Flames est ceci, In Flames est cela. Vous devriez faire ceci, vous devriez faire cela. » « Ouais, peut-être. C’est ton avis. Ma décision était de l’enregistrer comme ça et de le sortir comme ça. Je ne peux pas te changer. » Tu vois ce que je veux dire ? [Petits rires] Je ne peux rien y faire ! Et c’est normal que ce soit ainsi. Si tu prends part à ce jeu dans lequel nous nous trouvons, à sortir de la musique, et puis tu dis « OK, je veux signer un contrat, je veux que quelqu’un sorte ma musique, » alors tu te retrouves exposé et tout le monde peut dire [tout ce qu’il veut sur toi]. Si tu ne peux pas supporter ça, si tu ne supportes pas que les gens aient un avis sur toi, putain, tu devrais quitter ce business et rentrer chez toi ! Mais je fais ça parce que j’adore le faire. C’est ce que je veux qu’In Flames soit. C’est ainsi que ça a toujours été. C’est juste que je ne savais pas que j’étais capable d’écrire Battles. Lorsque nous avons fait The Jester Race, je ne me doutais absolument pas que nous pouvions écrire Battles. Si j’avais eu The Jester Race et Battles l’un à côté de l’autre, j’aurais probablement choisi Battles, parce qu’il sonne plus gros, plus osé… Mais est-il meilleur ? Je ne sais pas ! The Jester Race est le plus important pour moi, je pense, dans toute la discographie parce que c’est le premier, mais est-il meilleur ou moins bon ? Je ne sais pas.
Il y a quand même beaucoup de fans qui se plaignent d’à quel point le groupe a changé au fils des années…
Tu penses vraiment qu’il y en a autant, franchement ? Tu ne penses pas qu’il y en a juste quelques-uns et qu’ils font beaucoup de bruit ? Mais, ouais, ils peuvent dire ce qu’ils veulent. Ce n’est rien que je puisse changer ! Et qu’est-ce que le vieux son d’In Flames ? Est-ce Soundtrack To Your Escape our est-ce The Jester Race ? Est-ce Come Clarity ou… ? Ces gens qui se plaignent, ils disent : « Vous étiez bon à cette époque-là. » A chaque fois que nous sortons un nouvel album, cette ligne qui détermine la dernière meilleure chose que nous avons fait avance ; maintenant, les gens disent : « Oh, vous étiez bons sur A Sense Of Purpose » ou « Oh, Sounds Of A Playground Fading ». Qu’est-ce que nous pouvons faire ? Voilà où nous en sommes et nous ne changerons pas. Encore une fois, je ne peux pas le contrôler et si tu apprécies une partie de notre carrière, une partie de nos albums, génial, c’est super. Si tu n’aimes qu’une seule chanson, merci de l’avoir écoutée. Je ne peux pas composer pour ces gens, je ne peux pas non plus composer pour quelqu’un qui adore Battles. Je dois faire ce que je ressens être le mieux parce que c’est mon testament, je vais vivre avec jusqu’à ma mort. Ouais, bien sûr, des gens ont leur mot à dire sur ce que tu exprimes mais je ne peux rien y faire [petits rires].
Jesper Strömblad a récemment publié un post Facebook assez étrange, qu’il a d’ailleurs retiré quelques heures plus tard, où il réagissait à une interview de toi datant de 2014, disant qu’il était « content d’avoir quitté le bateau qui coule. »
[Petits rires]
Et il semblait particulièrement amer après toi, critiquant ton chant. Est-ce que ta relation avec lui est toujours aussi mauvaise pour qu’il fasse une telle sortie, six ans après son départ ?
Honnêtement, je ne pense pas que c’est le vrai Jesper qui parle. Je pense qu’il lutte encore avec plein de choses. Je n’ai rien de mal à dire sur le gars. Je sais à quoi il fait référence, et je l’ai d’ailleurs lu parce que plusieurs amis m’ont envoyé des extraits. Je pense juste que c’est très malheureux et qu’il parle plus [des citations] de Blabbermouth, c’est presque comme s’ils voulaient créer une bagarre ou quelque chose comme ça. Mais je l’ai lu et il faisait référence à cette interview où je disais à quel point c’est plus facile lorsqu’il y a deux compositeurs au lieu de trois. Il n’y a rien d’étrange là-dedans ! Je veux dire que ça vaut pour n’importe quel travail. C’est plus facile si deux personnes sont d’accord et s’il y avait une troisième personne, il se peut qu’on se retrouve à deux contre un, et ça n’a rien d’étrange. Je ne dis pas que quelqu’un est pire ou mauvais. Je l’ai dit plusieurs fois au cours de cette interview, ce n’est pas que certaines époques étaient meilleures ou pas… [Hésite] C’est lui qui raconte je ne sais quoi… Je veux dire, il l’a retiré… Je ne sais pas, c’est un peu malheureux. Si c’est ce qu’il ressent, c’est ce qu’il ressent. Encore une fois, je ne n’ai pas la main là-dessus. Je n’ai rien de mal à dire à son sujet. Nous nous sommes amusés lorsqu’il était dans le groupe et est parti pour une raison. C’est tout, vraiment. Je sais qu’il a ses fans qui le suivent et pensent que tout ce qu’il dit est super, et nous avons l’opposé. Ça n’a rien à voir avec la musique que nous faisons désormais, strictement rien. Ce n’est même pas dans nos esprits, et s’il n’apprécie pas ce que nous faisons aujourd’hui, pas de souci.
Interview réalisée en face à face le 23 septembre 2016 par Valentin Istria.
Fiche de questions : Nicolas Gricourt et Philippe Sliwa.
Retranscription, traduction et introduction : Nicolas Gricourt.
Photos promo : Patric Ullaeus (1 & 4) & Anne Swallow (2).
Site internet officiel d’In Flames : www.inflames.com
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