In Mourning, c’est un peu devenu le groupe vers lequel les déçus du revirement prog rock d’Opeth se tournent. Mais c’est un peu survoler l’oeuvre et la musique d’In Mourning que de le réduire à cette comparaison. Et si certains ont pu y venir pour retrouver certaines caractéristiques du groupe de Mikael Åkerfeldt, ils y sont restés pour sa musique, sa force mélancolique toute scandinave, sa patte délicieusement progressive, ses abîmes parfois doom et ses riffs death metal aussi raffinés qu’efficaces.
Et Afterglow, le quatrième opus de la formation, devrait continuer à convaincre. Un album qui, quatre ans après, donne une suite conceptuelle à The Weight Of Oceans, même si trois batteurs sont passés par son processus de conception, pour finalement se décider sur Daniel Liljekvist qui, du coup, signe ici son premier enregistrement avec In Mourning. Autant dire que ceux qui ont apprécié son jeu subtil et élégant dans Katatonia seront comblés.
Et c’est justement avec Liljekvist mais aussi le guitariste et parolier Björn Petterson que nous nous sommes entretenus pour évoquer la longue conception d’Afterglow. Etant donné les raisons qui avaient poussé le batteur à quitter un groupe bien établi et la faible activité scénique d’In Mourning, cette interview montre également la difficulté de concilier vie de groupe et vie privée, une discussion à évidemment mettre en parallèle avec nos derniers échanges avec Anders Nyström et Jonas Renkse de Katatonia.
« Nous avons toujours ça dans quasiment toutes les interviews que nous avons faites, il y a toujours des questions sur les comparaisons avec Opeth [rires]. […] Mais je ne nous ai jamais vus comme des clones. »
Radio Metal : En 2014, le batteur Christian Netzell a quitté le groupe. Le communiqué de presse disait que c’était dû à des divergences musicales. Peux-tu m’en dire plus sur quelles étaient ces divergence, exactement ?
Björn Petterson (guitare & chant) : Je pense qu’il y avait un genre de tension dans le groupe à ce moment-là, et nous partions dans des directions différentes quand nous écrivions la musique. C’est un batteur plutôt du genre agressif [petits rires]. Il est très bon pour les blasts et ce genre de trucs. Je suppose qu’il voulait faire ses propres trucs dans la musique et, bien sûr, c’est normal ; je veux dire qu’il était tout autant un musicien que le reste du groupe. Mais ce qui est arrivé, c’est qu’avec le temps, nous sommes partis sur des idées qui n’étaient pas les siennes. Et c’était peut-être une accumulation de petites choses, à ce moment-là. Nous avons fait The Weight Of Oceans quand nous avons eu un genre de baby boom dans le groupe [petits rires], nous avons tous commencé à avoir des enfants, nous avons un peu ralenti, et peut-être qu’il ne voulait pas vraiment ralentir. D’une certaine manière on dirait que c’était un peu mutuel, même si c’est lui-même qui a pris la décision de partir.
Penses-tu qu’il était un batteur trop agressif pour In Mourning ?
Je ne sais pas [rires]. Personnellement, pour moi, peut-être, oui, mais je n’aime pas trop la musique agressive avec des blast beats ; ce n’est pas vraiment ma tasse de thé. Je veux dire, nous avons ces éléments aussi, mais ce n’était [pas omniprésent dans notre musique]. Il est très bon pour ça, par contre, mais je ne pense pas que ce soit la raison de son départ.
Juste après le départ de Christian, Mattias Bender a rejoint le groupe comme batteur de remplacement pour les concerts. Il a aussi quitté le groupe en 2014. Pourquoi n’a-t-il pas continué avec le groupe ? N’avez-vous pas envisagé de le prendre comme batteur permanent ?
Ouais, nous y avons pensé. Il nous a rejoints et nous avons répété un peu. Nous avons fait des concerts avec lui, aussi. C’est vraiment un bon batteur, mais il manquait toujours quelque chose. Après que Christian soit parti, nous avions comme besoin de plus, dans un sens. Nous avions besoin d’une petite étincelle, un truc en plus, que nous ne ressentions pas vraiment avec Mattias. Aussi, il était un peu plus jeune que nous autres. Nous avons tous commencé à avoir des enfants alors que lui non, et nous sentions qu’il voulait sortir [et jouer] plus que nous ne le voulions, dans un sens [petits rires], ou plus que nous ne le pouvions à ce moment-là. Et ensuite nous avons croisé le chemin de Daniel [Liljekvist] qui convenait vraiment bien.
Donc Daniel, comment as-tu été recruté, en fait ?
Daniel Liljekvist (batterie) : Je connaissais les gars depuis bien avant. En gros, quand j’ai quitté Katatonia, Tobias [Netzell] m’a appelé et m’a demandé si je voulais venir, simplement pour jammer avec le groupe. Et j’ai dit : « Ouais, bien sûr ! Je n’ai rien à faire. La batterie attend juste là, donc je peux venir et jammer. » Et la batterie est restée à la salle de répétition depuis lors, je crois que c’était il y a deux ou trois ans.
Avez-vous trouvé cette étincelle supplémentaire que vous recherchiez, avec Daniel à la batterie ?
Björn : Ouais ! C’est un batteur vraiment très musical. Il a quelque chose de spécial dans son jeu. C’est un batteur très différent, il n’est pas… Il est bon dans les trucs techniques, mais d’une manière différente [petits rires]. Il est plus fluide. Il a un genre de groove qui est très spécial. Il a un genre de feeling. Quand nous avons commencé à répéter avec lui, nous avons commencé par jouer « Colossus » et c’était vraiment incroyable ! C’est peut-être aussi une chanson qui convient vraiment à son style de jeu, mais il a ajouté sa petite touche personnelle au truc.
Daniel : Eh bien, Christian était vraiment un batteur qui déchire. Peut-être que j’ai plus ajouté aux parties plus lentes et plus groovy des chansons. Je veux dire, je ne suis pas un batteur très rapide. Si tu écoutes Katatonia, tu peux entendre que je ne suis pas très rapide.
Björn : Mais aussi, pendant l’écriture et l’arrangement des nouvelles chansons, Daniel a vraiment une vue d’ensemble, il ne pense pas seulement à la batterie. Il écoute vraiment tout ce qui se passe, et il l’interprète à la batterie. Et c’est un très bon gars et nous sommes un peu sur la même longueur d’ondes. Ce serait intéressant de commencer un nouvel album avec Daniel dans le groupe depuis le début, parce que toutes les chansons pour Afterglow étaient déjà écrites quand il est arrivé.
Daniel, quelle était ta relation avec la musique d’In Mourning avant de rejoindre le groupe ?
Daniel : J’étais allé à quelques-uns de leurs concerts, j’écoutais leurs albums, essentiellement The Weight Of Oceans. Je les connaissais un peu sur Monolith mais pas tellement avant. Je les ai entendus sur une compilation et j’ai pensé que ça sonnait comme Opeth, plutôt, et j’aimais bien Opeth à cette époque. Donc ouais, je les ai vus en live quelques fois, j’ai entendu leurs albums, et je connaissais Pierre [Stam] et Tobias, de l’époque où ils étaient dans October Tide, aussi. Donc j’ai été à quelques concerts de ce groupe également. Donc nous nous sommes beaucoup croisés, et maintenant nous jouons de la musique ensemble. C’est plutôt cool !
« Mon beau-frère m’a appelé pour me dire que ma femme était à l’hôpital car elle a dû être opérée d’urgence. J’étais au beau milieu des Etats-Unis, je ne savais pas où étaient mes enfants, je ne savais rien, et j’étais là : ‘Putain de merde ! Ça ne vaut pas le coup !’ […] Ma priorité, là maintenant, c’est premièrement ma famille, deuxièmement mon travail, et troisièmement le groupe. Et c’était complètement différent avec Katatonia. »
La comparaison avec Opeth revient souvent au sujet d’In Mourning. Pensez-vous que vous avez réussi à vous éloigner un peu de cette étiquette « à la Opeth » ?
Björn : Je ne sais pas. Je pense que nous avons toujours ça dans quasiment toutes les interviews que nous avons faites, il y a toujours des questions sur les comparaisons avec Opeth [rires]. Mais tous les groupes pensent qu’ils sont uniques [petits rires]. Je ne saisis pas trop, mais je vois pourquoi les gens comparent, dans un sens. Opeth avait des growls et quelques riffs complexes, mais je ne pense pas que ce soit trop similaire. Ceci dit, je me suis mis à Opeth assez tard. Je sais que Tobias a toujours été un gros fan, au moins des trucs d’Opeth avant qu’ils prennent un tournant [petits rires]. Je les ai découverts plutôt quand ils ont sorti Ghost Reveries, je pense. J’aime bien cet album, et j’aime bien Heritage. Mais je ne nous ai jamais vus comme des clones. Je veux dire, si beaucoup de gens pensent que nous sonnons pareil, c’est probablement le cas. Mais les influences dans notre musique sont assez vastes. Pierre par exemple écoute beaucoup de vieille musique, des anciens trucs de rock prog, beaucoup de trucs à la Pink Floyd, Tobias écoute beaucoup de musique, mais il est peut-être celui qui aime le plus les trucs de metal moderne, Tim [Nedergård] est plus un mec à écouter du power metal, et moi, je me suis adouci ces derniers temps [petits rires], genre j’ai pas mal écouté The War On Drugs, c’est plutôt pop rock assez soft, et j’aime énormément un groupe qui s’appelle Sumac, le nouveau groupe d’Aaron Turner d’Isis, et aussi son autre groupe avec sa femme, qui s’appelle Mamiffer, c’est un genre de truc expérimental que j’aime vraiment, mais quant à la musique plus dure, j’écoute des trucs de sludge. Donc nous écoutons tous des genres de musique très différents. Donc ce que je vois dans In Mourning diffère peut-être un peu de ce que Pierre y voit, de ce que Tim y voit et de ce que Tobias y voit. Mais ça ne me dérange pas, les gens peuvent comparer s’ils le veulent. Tout doit être comparé quand on décrit de la musique, pour que les gens sachent ce que c’est. Si tu écris à propos d’un album, tu dois le comparer à quelque chose, autrement les gens ne comprendront pas ce que tu veux dire, ou peut-être pas… Je veux dire, je n’écris pas trop sur la musique. Toi oui, donc peut-être que tu sais [petits rires].
Daniel, tu as quitté Katatonia parce que tu avais besoin de passer plus de temps avec ta famille, et parce qu’il te fallait un boulot « qui paie les factures ». Puisque je suis sûr qu’In Mourning ne paie pas plus que Katatonia, penses-tu qu’un groupe comme In Mourning soit moins contraignant pour la vie de ses membres ?
Daniel : Oui, complètement ! Je veux dire que quand j’étais dans Katatonia, c’était un engagement à cent pour cent. C’était mon travail. Je n’avais rien d’autre qui me ramenait de l’argent. C’était Katatonia et rien d’autre. Et j’étais loin de ma famille, très longtemps, en tournée, et j’étais là… [Soupir] Nous étions aux Etats-Unis en tournée et mon beau-frère m’a appelé pour me dire que ma femme était à l’hôpital car elle a dû être opérée d’urgence. J’étais au beau milieu des Etats-Unis, je ne savais pas où étaient mes enfants, je ne savais rien, et j’étais là : « Putain de merde ! Ca ne vaut pas le coup ! » [Petits rires] Donc j’ai repris mon ancien boulot à la fabrique de livres et j’avais simplement besoin de passer plus de temps à la maison, et d’avoir plus d’argent [petits rires]. Parce qu’In Mourning ne me prend presque pas de temps. Je vais aux répétitions deux fois par mois, nous jouons très, très rarement. Je veux dire que nous avons deux concerts cette année. Donc ma priorité, là maintenant, c’est premièrement ma famille, deuxièmement mon travail, et troisièmement le groupe. Et c’était complètement différent avec Katatonia.
Björn : Pourtant, nous nous sacrifions tous par certains côtés, ne serait-ce que pour pouvoir faire ça, pour pouvoir écrire de la musique, pour pouvoir répéter, pour pouvoir enregistrer un album, pour pouvoir faire tout le management d’un groupe, pour pouvoir faire tourner l’entreprise qui est derrière le groupe, pour pouvoir envoyer plein d’emails et faire des interviews, pour pouvoir faire quelques concerts. Là, tu te sacrifies beaucoup, tu sais. Mais nous avons quand même besoin de garder nos boulots, tu sais, parce que si nous quittions nos emplois pour essayer d’en vivre, nous serions stupides parce que ça ne marcherait pas ! [Petits rires] Donc c’est un casse-tête.
Quel est votre but avec In Mourning, en termes de carrière ? N’avez-vous pas l’intention d’atteindre le statut d’un groupe comme Katatonia ?
C’est une question difficile. Après la sortie de The Weight Of Oceans, nous avons signé dans un plus gros label, et nous sentions que nous allions vraiment faire des trucs, et au même moment, nous avons commencé à construire des familles. Nous avons eu un genre de réunion où nous devions plus ou moins décider que nous allions faire au mieux avec ça, mais nous avons besoin d’être à un niveau où nous pouvons garder nos vies privées comme nous les voulons, aussi. Nous ne nous sommes pas vraiment assis en disant « c’est ça notre but » [petits rires] mais je suppose que le but est de continuer à faire ça, pouvoir écrire de la musique et sortir d’autres albums, faire d’autres concerts et toujours le faire de manière à pouvoir gérer nos vies privées. Je veux dire, quand tu commences à jouer dans un groupe et que les choses commencent à décoller un peu, tu as l’impression que tu veux conquérir le monde, et ensuite tu réalises que tu ne vas pas le faire [petits rires]. Tu vas faire ce que tu peux gérer et le faire du mieux que tu peux. Mais nous avons vraiment besoin de garder nos boulots à temps plein et entretenir le bonheur de nos familles, parce qu’elles ont besoin que nous soyons à la maison.
Daniel : Tous les groupes veulent faire des tournées et être le plus gros groupe au monde. Celui qui dit autre chose est juste un menteur. Mais pour l’instant, nous avons trop d’enfants et de trucs en cours et nous ne pouvons pas vraiment partir en tournée. Tout le monde dans le groupe veut faire une tournée américaine et une tournée européenne, mais nos chefs au travail ne nous donneront pas de congé [petits rires], malheureusement. Donc à la place, pour l’instant, il faut que nous prenions les dates en festival et des concerts ponctuels, etc. Mais qui sait ? Dans dix ans, quand nous serons vieux comme tout, nous partirons peut-être pour une grande tournée.
« Quand tu commences à jouer dans un groupe et que les choses commencent à décoller un peu, tu as l’impression que tu veux conquérir le monde, et ensuite tu réalises que tu ne vas pas le faire [petits rires]. Tu vas faire ce que tu peux gérer et le faire du mieux que tu peux. »
Comme vous l’avez dit, vous avez seulement deux concerts cette année, ça ne vous manque pas de jouer plus, en tant que musiciens ?
Björn : En vérité, nous avons quatre concerts, mais même, c’est presque comme aucun concert [rires]. Mais ouais, au moins pour ce qui me concerne, j’aimerais jouer plus. Je veux dire, je pense que nous pourrions probablement réussir à faire peut-être des tournées plus courtes plutôt que de faire un concert en festival par-ci par-là, et partir pour une semaine ou deux pour nous montrer plus. Mais ce n’est pas seulement nous qui décidons de partir en tournée. Il faut que les gens veuillent nous voir en tournée, il nous faut des relations avec les tourneurs. Je pense qu’il y a des gens qui veulent que nous tournions, mais nous n’avons pas vraiment trouvé les opportunités pour le faire. Jusqu’ici, nous avons pu travailler avec des tourneurs, mais beaucoup d’entre eux voudraient que nous puissions tourner plus qu’une semaine ou deux, une ou deux fois par an. Parce qu’il y a énormément de groupes qui sont prêts à mettre de côté une grande partie de leur vie et tourner beaucoup, et ce n’est pas notre cas. Au moins pour l’instant, parce qu’au moins trois d’entre nous ont eu des enfants, enfin, Daniel a aussi eu un autre enfant assez récemment, mais il vient d’un autre groupe où il a beaucoup tourné et pas nous, mais quand même, nous avons tous eu des enfants quasiment en même temps, et là maintenant c’est assez délicat parce que les enfants sont trop petits. Peut-être que nous pourrons en faire un peu plus dans quelques temps.
Ca vous a pris quatre ans pour sortir cet album. Comment la musique a-t-elle évolué au fil du temps ?
L’album a démarré comme quelque chose d’un peu différent de ce qu’il a fini par être. La musique était à la base beaucoup plus moderne, raffinée et complexe. Tobias, je pense, a un peu poussé dans cette direction au début parce qu’il aime bien quelques trucs modernes, et c’est lui qui écrit la majeure partie du noyau de notre musique. Et à ce moment-là, peut-être que nous étions plus portés là-dessus que maintenant. Mais en quatre ans, beaucoup de choses se passent, les influences des gens évoluent et tu grandis constamment de différentes manières. Et nous avons traversé beaucoup de choses durant l’écriture. Nous avons commencé à répéter quelques-unes de ces chansons quand Christian était encore dans le groupe, ensuite il est parti et nous avons tous commencé à construire nos familles, pendant que Tobias écrivait d’autres chansons. Nous avions un rythme un peu plus lent à ce moment-là. Nous avons répété un peu avec Mattias, nous avons envisagé de le garder comme batteur, donc ça a en quelque sorte façonné la musique un peu différemment, je pense. Ensuite nous avons dû à nouveau réarranger et réécrire, et nous avons engagé Daniel. Peut-être qu’il a un peu influencé la musique. Il est arrivé très tard, et la majeure partie de l’album était déjà écrit quand il est arrivé mais quand même, des choses ont été réarrangées et tu as un lien différent avec un batteur différent. Quand nous en sommes finalement arrivés à l’enregistrement, l’album sonnait plus brut et moins moderne qu’au début. Pourtant l’essence des chansons est plus ou moins la même, donc c’est toujours assez complexe. Personnellement, je ne suis pas très fan des sons de metal moderne, donc je pense que je suis plutôt content que ça soit devenu un son plus brut, plus organique.
Comme tu l’as mentionné, vous avez tous eu des enfants dans l’intervalle. Penses-tu que ça a impacté l’album, d’une manière ou d’une autre ?
Probablement. Je veux dire, ça a beaucoup d’impacts sur la vie en tant que telle. Tu as beaucoup moins de temps et une vue très différente sur les choses. C’était un peu dur pour moi. Quand nous étions en train d’enregistrer, ma femme était à la toute fin de sa grossesse et ma plus jeune fille est née à la fin de l’enregistrement, pendant les prises voix. Donc c’était genre, aller au studio, poser quelques lignes de voix, revenir à la maison vérifier que tout allait bien… [Petits rires]. Donc c’était une période plutôt difficile et compliquée. A part ça, peut-être que ça a impacté la musique, mais ce n’est pas quelque chose que je peux dire, si c’est le cas ou pas. Ce n’est pas comme si nous écrivions sur le fait d’avoir des enfants [rires].
Afterglow démarre là où The Weight Of Oceans finit. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce concept qui lie les deux albums ?
C’est une continuité directe en termes d’histoire. Pierre et moi avons commencé à écrire des paroles ensemble sur The Weight Of Oceans et nous apprécions vraiment ça. Nous aimons tous les deux les thèmes mythologiques. Donc le premier album est une histoire conceptuelle mythologique à propos d’un gars qui a peur de l’océan mais qui désire quand même s’y aventurer et essayer de le conquérir. Ca finit avec le soleil qui tombe du ciel. Et Afterglow est la continuité de cette histoire, ça suit le soleil pendant qu’il chute à travers l’océan et disparaît dans le noyau terrestre où il se ré-enflamme et renaît comme un nouveau soleil maléfique [petits rires]. C’est le côté mythologique principal du thème. C’est une histoire qui va d’un point A à un point B pendant laquelle des trucs mythologiques arrivent [petits rires] mais pour autant il y a beaucoup de parallèles avec la réalité que tu peux voir si tu le veux, je suppose. Je veux dire, je pense que tu pourrais interpréter ça de plein de façons et si tu me demandes comment je l’interprète, je l’interprète sans doute différemment de Pierre.
Est-ce que ça veut dire que vous aviez déjà Afterglow à l’esprit au moment de The Weight Of Oceans ?
Pas vraiment un scenario, mais nous sentions pendant l’écriture de The Weight Of Oceans que nous voulions continuer avec ça. Nous sommes vraiment contents de la manière dont nous avons assemblé les choses avec la pochette et le thème de l’album, donc nous avons pensé que ce serait cool d’en faire un autre, et là où The Weight Of Oceans c’est seulement l’eau, Afterglow c’est à la fois le feu et l’eau.
« Beaucoup [de tourneurs] voudraient que nous puissions tourner plus qu’une semaine ou deux, une ou deux fois par an. Parce qu’il y a énormément de groupes qui sont prêts à mettre de côté une grande partie de leur vie et tourner beaucoup, et ce n’est pas notre cas. »
Quelle est ta relation à l’océan et à sa mythologie ?
J’ai toujours plus ou moins trouvé que toutes ces histoires mythologiques étaient cool. L’océan est juste quelque chose de fascinant. Tu sais, en vivant en Suède, peut-être que je n’ai pas un lien très étroit avec l’océan, peut-être un peu avec la mer, mais il y a quelque chose de spécial avec l’eau, je pense. Mais, pour être honnête, je ne fouille pas très en profondeur dans la mythologie, c’est plutôt le fait de tomber sur des histoires ou des créatures mythologiques et les trouver cool [rires]. C’est aussi que Pierre et moi avons trouvé un moyen d’écrire ensemble que nous avons aimé et que nous avons tous les deux trouvé ce thème inspirant et cool.
Faire une suite à l’album précédent veut dire qu’il faut qu’il y ait une cohérence entre les deux, mais puisque c’est un nouvel album, il faut aussi qu’il y ait quelque chose de nouveau et de frais. Comment avez-vous trouvé l’équilibre entre ces aspects, continuité et nouveauté ?
En fait, ça reste un album rempli de nouvelles chansons. Depuis le début, comme je l’ai dit, nous avions l’impression que ce serait complètement différent, et que les paroles et la thématique seraient la seule chose qui lierait ces deux albums ensemble. Mais je pense qu’ils ont fini plus proches qu’ils n’allaient l’être à la base. Donc je pense que ça s’est en quelque sorte équilibré naturellement. Pour autant, il y a beaucoup de nouveaux trucs : Daniel est nouveau sur l’album, nous avons enregistré d’une façon différente, avec un nouvel ingénieur de studio, donc ça sonne très différemment. Mais pour autant, d’une certaine manière, je ressens qu’ils sont en quelque sorte connectés.
La façon de procéder du groupe est que Tobias écrit toute la musique, et Pierre et toi, vous écrivez toutes les paroles. Donc comment ça fonctionne concrètement ? Est-ce que vous échangez avec Tobias de manière à ce que les paroles et la musique aillent bien ensemble ?
Ça fonctionne un peu comme ça : Tobias écrit la musique et Pierre et moi écrivons les paroles complètement séparément, et ensuite nous assemblons en quelque sorte la musique et les paroles dans les dernières étapes, un peu avant d’enregistrer, et cette fois, même pendant l’enregistrement. Donc ça veut dire que les paroles doivent être un peu ouvertes aux changements, je suppose, parce que tout ne peut pas toujours correspondre. Ca peut être stressant [de faire ça à la dernière minute] mais Tobias est vraiment génial pour ce truc. Il est vraiment bon pour prendre les paroles et les mettre dans les chansons. Ca fait quelques albums maintenant que nous faisons ça, et ça fonctionne. Cette fois, d’une certaine manière, c’était peut-être plus difficile car la musique de l’album est un peu plus complexe, et parfois pendant les enregistrements, nous sentions qu’il n’y avait pas de place pour le chant sur certaines parties, c’était plein [petits rires]. Il y avait beaucoup de choses qui se passaient [dans la musique] et c’était difficile de faire rentrer le chant dans certaines parties des chansons. Parfois nous devions changer les choses. Il y avait des bouts de l’histoire qui devaient tout de même tomber au bon endroit, donc il fallait modifier les choses pour que ça colle. Ceci étant dit, peut-être que cette fois c’était plus difficile de mettre le chant sur les chansons, mais, dans le même temps, nous enregistrions plus près de chez nous, et davantage par nous-même, donc nous n’avions pas vraiment la même contrainte temporelle qu’en studio pendant que nous réfléchissions aux trucs.
Puisque Tobias écrit la plupart de la musique, comment se fait-il que tu ne sois pas plus impliqué dans la composition ?
Je pense que nous sommes pas mal impliqués. Peut-être que sur The Weight Of Oceans, nous écrivions un peu plus ensemble et j’ai écrit quelques riffs pour certaines chansons, mais Tobias a toujours été le principal compositeur dans In Mourning, bien avant que j’arrive. Je pense que c’est comme ça que ça devrait être. Pour autant nous apportons tous notre réflexion aux chansons, nous avons des idées, nous ré-arrangeons des trucs et nous répétons, donc nous avons notre contribution. Mais je pense que quand je m’assois pour écrire, même s’il me vient des idées de chansons pour In Mourning, il faudra toujours que ça aille avec les idées de Tobias et il faut qu’il s’assoit pour les retravailler parce que ça ne sonne pas comme ça devrait [petits rires].
Dans le communiqué de presse, il est dit que cet album n’est pas autant « retouché en studio » que vos compositions précédentes. Pensez-vous, alors, que cet album soit plus organique et plus honnête ?
Ouais, pour moi il l’est.
Daniel : Je pense que oui parce qu’en gros nous avons tout fait nous-mêmes, sauf la batterie. Nous avons enregistré la batterie avec un mec qui s’appelle Jonas Martinsson. Mais à part ça, nous avons enregistré la basse, les guitares et les voix dans notre salle de répétition ici dans les bois. Donc nous avons tout fait nous-mêmes. Nous ne sommes pas allés dans un grand studio, nous avons essayé de garder les choses simples, pas trop parfaites. Nous voulions que les chansons sonnent comme si c’étaient vraiment des humains qui les jouaient. Je pense que nous avons fait un assez bon boulot !
Björn : Il y a toujours, tu sais… Au moins pour notre part, nous n’enregistrons pas live en groupe, nous enregistrons instrument par instrument, nous repiquons les guitares, ensuite un peu d’édition par-ci par-là, corriger un rythme de batterie par-ci par-là, épaissir ci ou ça. Mais cette fois il y a eu moins d’édition. Nous avons édité à mort auparavant mais cette fois, au moins, nous avons réussi à y mettre un peu plus de vie. Je veux dire qu’il y a des choses qui peut-être ne sonnent pas parfaitement accordées partout et il y a peut-être un peu de bruit du mouvement de la main sur la guitare… Ca fait partie des trucs que nous aurions peut-être coupés auparavant pour en faire une production plus propre. Et la plupart de la musique que j’écoute est plus comme ça. Tu entends des défauts, de la vie [petits rires]. Il y a beaucoup de metal moderne qui est juste « mort », tout est très bien défini et ajusté. Enfin, j’aime toujours certains trucs modernes mais je préfère les trucs plus bruts, en général. Si j’écoute de la musique heavy, c’est plus dans le genre du sludge ou des groupes de hardcore/punk.
« La plupart de la musique que j’écoute est plus comme ça. Tu entends des défauts, de la vie [petits rires]. Il y a beaucoup de metal moderne qui est juste « mort », tout est très bien défini et ajusté. »
Jonas Martinsson a produit la batterie mais il a aussi servi d’ingénieur du son pour le reste des enregistrements. Donc quelle a été sa contribution sur cet album ?
Daniel : Il avait sa vision de comment ça sonnerait. Bien sûr il a apporté des contributions aux batteries, parce qu’il est lui-même batteur. Donc quand j’ai enregistré la batterie, je lui ai dit : « Tu as cent pour cent de chance de me dire comment jouer et quoi faire. » Parce que j’avais toutes les parties de batterie écrites dans ma tête, car nous n’avions pas répété beaucoup avant d’entrer en studio. Donc je lui ai dit qu’il pouvait dire ce qu’il voulait sur la batterie, comme « tu ne devrais pas essayer de faire ça, etc. » Et il a fait tout le mixage et le mastering. Il était aussi là quand nous avons fait le reamping des guitares. Mais il n’a eu aucune contribution en termes de composition car les chansons étaient déjà écrites et préenregistrées. Donc ses contributions étaient bonnes, mais concernaient seulement la batterie et les sons, en gros.
Etait-ce un choix artistique délibéré que d’enregistrer la majeure partie de l’album par vous-mêmes ou était-ce plus une question de budget ?
Björn : Je pense que c’était plusieurs choses. Peut-être pas vraiment le budget car je pense que nous aurions pu aller voir Jonas Kjellgren à nouveau et faire un nouvel album avec lui si nous l’avions voulu, avec le budget que nous avions, mais je pense qu’en grande partie, nous voulions faire quelque chose de nouveau parce que c’était notre quatrième album et il était temps de faire quelque chose de nouveau. Une autre chose était peut-être aussi qu’avec nos situations du moment, c’était bien de pouvoir faire ça près de chez nous. Pour autant, c’est intéressant de le faire nous-mêmes – genre « terrifiant mais intéressant » [petits rires] – dans notre salle de répétition. Dans un sens, tu peux voir ça comme une expérimentation. Bien sûr, nous ne savions pas vraiment ce que nous obtiendrions. Si tu vas dans un studio professionnel très reconnu avec un ingénieur du son professionnel très reconnu, tu peux peut-être savoir un peu plus ce que tu vas obtenir à la fin que dans notre cas. Et aussi car Jonas est un de nos amis proches. J’ai joué aussi avec lui dans d’autres groupes. Je sais qu’il est bon dans ce qu’il fait.
Daniel : En gros, nous avons enregistré la batterie dans ma ville dans un genre de vrai studio où tu peux installer la batterie et avoir de bons microphones et de bons ordinateurs bling-bling, etc. Ca a pris quelque chose comme trois ou quatre jours, ensuite nous avons tout emmené là où nous avons notre salle de répétition parce que les autres gars vivent ici, donc ils ont enregistré les guitares et la basse ici. Donc c’était confortable parce que tout était très près. D’un autre côté, tout a pris deux fois plus de temps parce que tout le monde était paresseux chez eux et tout. La prochaine fois, nous irons dans un studio et nous enregistrerons tout en dix jours au lieu de deux mois, je pense.
Björn : Ouais, mais je ne suis pas sûr d’être d’accord sur le côté « paresseux » [rires] parce que je pense que nous avons fait beaucoup de travail. Mais, pour autant, tout a pris plus de temps du fait que nous l’avons fait nous-mêmes ; tu doutes de toi-même, les choses prennent plus de temps, etc. Si tu vas voir un pro, ils savent comment mettre les choses en place pour avoir les meilleurs résultats. Mais plus on gère nous-mêmes, et plus notre propre contribution entre en jeu, et si tu as trop de décisions à prendre pour tout, ça peut devenir bordélique et tu reviens sans cesse en arrière, genre : « Essayons de refaire ça de telle manière », et tout d’un coup les jours ont passé. Si tu vas dans un studio professionnel où tu payes à l’heure, tu dois t’y prendre différemment et ça peut être bien aussi.
Vous avez dit que grâce à votre nouveau label, Agonia Records, « ça s’annonce comme la meilleure sortie d’album que [vous ayez] eu jusqu’ici. » Qu’est-ce qui manquait dans vos albums précédents en termes de promotion ?
Je ne pense pas nécessairement que la promotion manquait auparavant. Par exemple quand nous avons sorti The Weight Of Oceans, je pense que la promotion était plutôt bonne. Mais c’est une meilleure sortie d’album dans le sens où nous avons eu un peu de temps pour préparer davantage de merchandising et des versions vinyles de l’album un peu à l’avance. Nous avons toujours pensé que The Weight Of Oceans méritait de sortir en version vinyl.
Daniel, es-tu toujours en contact avec les mecs de Katatonia ?
Daniel : Oh ouais ! Nous nous parlons fréquemment ! Nous sommes toujours amis. Donc la seule différence c’est que je ne suis plus dans le groupe. Nous ne nous voyons plus beaucoup mais nous nous parlons presque tous les jours. Jonas [Renkse] et moi nous envoyons des SMS ou nous discutons sur Messenger etc., nous restons en contact. Ils vivent à Stockholm et j’habite à trois heures de Stockholm, donc ce n’est pas très près pour y aller tous les jours et prendre une tasse de café. Quand nous nous voyons, c’est généralement que j’y vais pour une soirée et nous finissons saouls. En gros, c’est ça.
Deux ans après, comment te sens-tu par rapport à cette décision de quitter le groupe ? Es-tu plus heureux maintenant ?
Eh bien, je n’étais pas malheureux quand j’étais dans Katatonia. J’étais très heureux dans Katatonia aussi. Je suis heureux maintenant aussi. La seule différence c’est que je n’ai plus à partir en longue tournée ni à aller à l’aéroport tous les weekends. Parfois ça me manque, mais pas tant que ça. Mais je me sens clairement plus détendu dans ma vie. J’ai plus de contrôle maintenant quand je suis à la maison.
Interview réalisée par téléphone les 13 juillet et 1er août par Nicolas Gricourt et Philippe Sliwa.
Retranscription : Nicolas Gricourt.
Traduction : Aline Meyer.
Site officiel d’In Mourning : www.inmourning.net
Acheter l’album Afterglow.