In The Woods… a toujours été un groupe part, mené par le batteur Anders Kobro et les deux frères jumeaux Christian « X » Botteri (guitare) et Christopher « C:M. » Botteri (basse), cultivant au début le mystère avec des photos de forêts en lieu et place des traditionnelles photos de groupe, et ayant sorti entre 1995 et 1999 trois albums très distincts, salués comme des œuvres uniques, avant de jeter l’éponge. Depuis lors, si les jumeaux se sont faits assez discrets, si ce n’est en participant au premier album de Green Carnation en 2000 avec l’ex-Emperor Tchort, groupe qui était lui-même le prémice d’In The Woods lorsqu’il a été formé en 1990 (vous suivez ?), Kobro, lui, a été très actif, non seulement dans la scène metal avec, là aussi, Green Carnation ou Carpathian Forest, mais également des contributions hors metal.
Bref, tout ça pour dire qu’In The Woods… est de retour avec un nouvel album, Pure, et un line-up recentré sur ses trois compositeurs ainsi qu’un nouveau venu, le chanteur-claviériste James Fogarty, afin de reprendre les choses là où ils s’étaient arrêté dix-sept années plus tôt. C’est donc pour parler de tout ça, du split jusqu’à la reformation et la conception de l’album que nous nous sommes entretenus avec Anders Kobro. Un entretien qui va en profondeur et qui aborde également des sujets plus généraux sur In The Woods… et la carrière du batteur.
« ‘Avant-gardiste’ est un genre ou un terme qui explique quelque chose que je ne peux pas comprendre [rires]. J’ai toujours préféré appeler la musique ‘musique’. C’est de la musique très émotionnelle, voilà l’étiquette sous laquelle je peux ranger [ce que nous faisons]. »
Radio Metal : In The Woods s’est séparé en 2000 pour revenir quatorze ans plus tard. Donc, tout d’abord, peux-tu nous parler de contexte du split en 2000 ?
Anders Kobro (batterie) : C’est dû à des choses personnelles dans le groupe. Tout n’était pas forcément lié au groupe. A cette période, nous étions six membres et, en gros, nous nous sommes éloignés les uns des autres musicalement. Oddvar n’était même plus dans le groupe à cette période, il était un peu malade mentalement avant que nous enregistrions Strange In Stereo, il a été remplacé par Christer-André Cederberg qui a fait les guitares pour In The Woods à ce moment-là et il voulait aller dans une autre direction, plus rock indé, que moi et les jumeaux. En plus, Jan Kenneth s’est démotivé. Mais ce n’était pas vraiment tout noir ou tout blanc, c’était une série de choses privées différentes qui a mené à la décision qu’il était mieux de mettre le groupe en veilleuse. Tu sais, j’ai mon regard et ils ont le leur, c’était quelque chose d’individuel qui s’est passé à l’époque et c’était aussi une période difficile et sombre pour nous tous, en général, dans nos vies privées. C’était avec le cœur lourd que nous l’avons fait mais lorsque j’y repense avec le recul, c’était la bonne chose à faire à l’époque.
Mais ne pouviez-vous pas juste dire de partir à ceux qui n’avaient pas la même vision musicale que toi et les jumaux Botteri, et continuer ?
Non. Nous avions un peu une attitude de mousquetaires au sein du groupe, c’était une mentalité à la tous pour un, un pour tous. Mais, ok, bien sûr tout est possible mais ceci n’était pas une option. Je veux dire que nous étions fidèles les uns envers les autres, même si c’était… Il n’y avait pas de tourmente ou d’animosité entre les membres du groupe à l’époque, c’est juste que nous nous sommes éloignés, d’une certaine façon. Ce n’était plus amusant. Moi et les jumeaux, nous avons toujours été le moteur créatif et nous avons fait des plans pour ceci et cela, mais ensuite, tous les autres n’étaient pas sur la même longueur d’onde, alors nous avons juste dit « Fait chier, on arrête ! » [Rires] Mais cet incident et cette décision nous a mené là où nous en sommes aujourd’hui, je suppose. Je veux dire que je ne suis pas médium mais il est facile de se rendre compte que ce que nous avons fait là maintenant est la bonne chose, par rapport à ce que probablement nous étions capable de faire il y a quinze ans.
Qu’est-ce qui vous a poussé à revenir en 2014 ?
C’était moi ! [Rires] Depuis l’époque où nous avons mis le groupe en veilleuse, jusqu’à 2014, j’ai été très occupé avec Carpathian Forest, Green Carnation et plein d’autres projets. Durant ce temps, je gardais toujours dans un coin de la tête le fait que nous avions plein de choses inachevées. Pour moi, In The Woods n’en avait pas fini avec ce que nous devions faire, et il est clair qu’ils pensaient la même chose. Ce n’était qu’une question de timing, lorsque ce serait le bon moment. Lorsque nous avons senti… enfin, lorsque j’ai senti que « maintenant, c’est le bon moment », même si ça faisait quatorze ans… C’est plein de choses différentes. J’ai été blessé et j’ai eu plusieurs opérations chirurgicales, et ça m’a pris environ trois, quatre, cinq ans pour m’en remettre et lorsque je m’en suis remis, je me suis rendu compte que la vie était trop courte pour ne pas faire ce que tu es censé faire. Du coup, ça m’a un peu poussé à me dépêcher et je suis allé voir les jumeaux Botteri, je leur ai parlé et ça m’a pris cinq ou six minutes et nous étions sur la même longueur d’onde. Nous avons simplement repris là où nous nous en étions arrêtés.
Vous avez un nouveau chanteur, James Fogarty. Peux-tu nous dire comment il s’est retrouvé impliqué dans le groupe ?
Moi et James, nous sommes en contact depuis un bon moment déjà, via les réseaux sociaux et tout. Il m’a interrogé sur le fait de remonter le groupe, c’est vieux un fan d’In The Woods depuis que nous avons sorti Heart Of The Ages et il était très ouvert à ça, évidemment. Et je l’ai aidé avec certains de ses projets. Ensuite les choses se sont faites un peu toutes seules. C’est étrange de dire ça mais ça s’est simplement fait ! Peut-être que ça devait en être ainsi ! Il était là et les choses se sont mises en ordre.
Est-ce que l’idée de demander à Jan Kenneth Transeth de revenir t’a quand même traversé l’esprit ?
Bien sûr, Lorsque j’ai pris la décision de revenir vers les jumeaux Botteri, nous avons demandé s’il serait intéressé… Ok, en fait, je l’ai fait avant d’aller les voir. J’ai pris une bière avec Jan, je me souviens un soir, c’était peu de temps avant que j’aille voir les jumeaux Botteri, et j’ai demandé franchement ce qu’étaient honnêtement ses ambitions musicalement, etc. Et il m’a dit qu’il en avait fini avec le fait d’être artiste. Il ne voulait plus faire ça, il en avait ras le bol de ça. Il voulait être du côté business des choses. Ensuite je me suis dit : « Ok, alors je reprends In The Woods ! » en quelques sortes. C’est une façon résumée de le raconter [petits rires]. Mais nous respectons sa décision, et il respecte notre décision de continuer. Donc aucune rancune. Tout va bien.
Lorsque vous vous êtes reformés, vous aviez en fait un second guitariste, Stein Roger Sordal, et un autre chanteur, Tommy Sebastian Halseth. Comment se fait-il qu’ils soient restés si peu de temps dans le groupe ?
Comme je l’ai dit, les choses se sont mis en place toutes seules avec James. Ils n’ont jamais vraiment été impliqués dans le groupe, en fait. Le plan était d’avoir Tommy d’abord parce que je ne pensais pas que James serait partant pour faire le chant, il devait faire le clavier au départ, et ça, c’était avant que nous commencions le processus d’écriture et tout. Avec Tommy, ça n’a simplement pas fonctionné pour lui. Il vit à Trondheim et il ne pouvait pas participer avec nous comme je voulais que ce soit. Il était intéressé et tout mais ensuite il m’a dit qu’il ne pouvait pas. Et Stein est un ami à nous, il a fait quelques sessions avec In The Woods auparavant mais notre intérêt et son intérêt dans Green Carnation et ce genre de choses se heurtaient, donc nous nous sommes dit que c’était mieux de regarder ailleurs avec quelqu’un de stable qui pourrait répéter avec nous, etc. Donc ensuite, mon choix s’est porté sur un jeune gamin nommé Corey [Kåre Sletteberg].
J’ai quelques photos promos avec l’album où on ne voit que toi et les jumeaux Botteri. Est-ce que ça veut dire que James n’est pas vraiment considéré comme un membre à plein de temps du groupe ?
Si, si. La prochaine fois que tu parles au label, s’il te plaît, demande-leur de t’envoyer les vraies photos ! Parce que ceci vient d’un incident stupide qui nous est arrivé en juillet. Nous avons eu cette grosse couverture de la part de Metal Hammer UK avec une date butoir. James vit en Angleterre, alors que nous vivons en Norvège, et nous n’avions pas de photo promo, et c’était très urgent pour la deadline, donc nous avons dû prendre quelques photos de façon professionnelles ici. Donc au moins nous avons eu le sujet dans Metal Hammer et quelques autres magazines. J’espère que ces photos seront bannies parce que nous en avons de nouvelles où nous sommes tous les quatre. Et le groupe, c’est nous quatre, absolument. Elles n’étaient pas censées être utilisées ailleurs.
« Je suis astronome amateur et je suis à fond dans tout ce qui a à voir avec la physique, la physique quantique, l’astrophysique et autres, tu sais, les grandes questions. […] Le monde dans lequel nous vivons devrait en savoir bien plus sur ces choses, et si c’était le cas, peut-être vivrions-nous dans un meilleur endroit, les gens se rendraient compte de combien les choses sont simples et à quel point nous sommes insignifiants. »
Tu as dit dans des interviews lorsque tu as reformé In The Woods que Synne « Soprana » Larsen serait impliquée dans les sorties futures d’In The Woods également. Mais elle n’apparaît pas sur l’album…
Ça aussi c’est vrai. Au départ, j’ai eu une conversation avec Synne et elle était très intéressée pour faire quelque chose mais elle vit également assez loin d’où nous sommes et a une famille avec des enfants en bas âge et tout qui prennent beaucoup de temps. Et lorsque le moment est venu de faire les enregistrements pour l’album, ça ne fonctionnait pas pour elle. Pour ma part, ça ne pose pas de problème, parce que je ne peux pas vraiment entendre où sa voix aurait dû se placer sur le nouvel album. Mais ouais, tu as raison, je l’ai effectivement dit. Je ne sais pas si j’en ai parlé officiellement mais je pense l’avoir mentionné dans un forum ou autre, sur Facebook. Mais nous ne nous sommes jamais mis d’accord sur quoi que ce soit d’autre que sur le fait que ça l’intéressait, mais pour une raison ou pour une autre, ça ne s’est pas fait. Ce n’était pas une décision que nous avons prise et elle n’a pas dit non, ça n’a simplement pas fonctionné au moment où nous l’avons fait.
Vous avez un second guitariste pour le live, Corey, et je sais que Bjorn « Berserk » Harstad a été impliqué dans les solos de guitares sur l’album, mais ne voulez-vous pas avoir un second guitariste à plein temps dans le groupe ?
En fait, nous nous sommes mis d’accord pour ça, parce que James comble ce trou. James fait toutes les secondes guitares sur l’album et aussi le clavier. Et de la façon dont nous composons la musique et créons, ça se passe entre moi et les jumeaux, ça commence là, nous posons toutes les fondations, ensuite il peut venir et combler les espaces restants. Donc avec James, nous avons plus ou moins remplacé aussi bien Oddvar que Jan en une personne, et aussi un claviériste. Surtout par rapport au processus créatif et celui de l’enregistrement, c’est mieux d’avoir moins de monde. Lorsque nous faisions des albums auparavant, Omnio et Strange In Stereo, nous étions beaucoup de fortes personnalités en studio. Donc il est arrivé que certaines personnes qui n’auraient pas dû être supplantées durant les enregistrements l’ont été parce qu’il y avait trop de gens. Nous avons un dicton en Norvège : « Trop de cuisiniers gâtent la sauce. » [Rires] Moins, c’est mieux !
Ça fait dix-sept ans depuis le dernier album Strange In Stereo. Avez-vous ressenti de la pression à revenir après tant de temps avec un nouvel album ?
Non, strictement aucune pression. C’était par pure volonté. Je veux dire que personne ne s’y est jamais attendu ou quoi. C’est juste quelque chose qui me tient à cœur et qui veut dire beaucoup pour moi, personnellement, en tant que groupe d’enfance. Moi et les jumeaux, nous jouons ensemble depuis que nous avons douze ou treize ans. Pour ma part, je savais que c’était plus ou moins quelque chose d’inévitable, à tous les niveaux, et que nous pouvons être créatifs éternellement, tant que nous vivons. C’est une chose naturelle. C’est comme un enfant que nous avons. Et In The Woods n’a jamais réfléchi en termes de ce que les gens attendent. C’est peut-être un des secrets. Nous ne regardons pas vers l’extérieur, nous sommes un groupe qui pense vers l’intérieur. Nous sommes très… pas égocentriques mais tant que nous suivons simplement nos émotions, nos sentiments et ce que nous pensons être bien, alors ça nous va. Si c’est quelque chose que tout le monde déteste mais que nous aimons quand même, pas de problème ! Si nous l’aimons et que deux autres personnes l’aiment aussi, alors nous considérons ça comme un bonus. Ca a été la règle dans le groupe depuis le premier jour. Nous ne faisons de la musique pour personne d’autre que pour nous-même.
Penses-tu que c’est ce qui a fait que votre musique soit si personnelle et originale ?
C’est probablement de nombreuses raisons. Ce sont les bonnes personnes qui font les bonnes choses de la bonne manière qui fait que c’est ce que c’est. Auparavant, c’était quelque peu difficile de trouver les mots pour expliquer pourquoi nous sonnions si différemment des autres. Aujourd’hui, je sais un peu pourquoi. Ce n’est pas une coïncidence et ce n’est pas forcé. J’ai un bon mot pour dire ça. La raison pour laquelle nous parvenons à faire ce que nous faisons, c’est parce que nous n’essayons pas.
Qu’est-ce que ça faisait de se remettre à créer de la musique ensemble après autant de temps ?
« Oui, enfin ! » [Rires] On a vraiment le sentiment que c’est là où c’est censé être. Les jumeaux n’ont pas fait de musique au même niveau que moi mais pour eux, c’était : « Oui ! Voilà ce que nous sommes censés faire ! » Et dix-sept ans, c’est dix-sept ans, tu gagnes en maturité de bien des façons mais la mentalité et notre approche de ce que nous faisons dans In The Woods est la même que toujours. Les règles implicites que nous suivions sont de retour : s’il y a quelque chose que nous aimons, nous l’utilisons, peu importe quoi. Comme je l’ai dit, nous ne prêtons attention à aucune règle ou contrainte de genre ou ne pensons pas aux attentes des fans et ce qu’ils peuvent penser ou pas, nous n’avons pas de telles barrières face à nous. C’est à cent pour cent de la liberté artistique. Tu sais, nous avons beaucoup de musique en nous. Donc tant qu’on nous permet de créer et écrire de la musique, nous le ferons. Et tant que les gens voudront l’écouter et que quelqu’un voudra la sortir, c’est ce que nous ferons ! Et nous le ferions quoi qu’il arrive. Si nous écoutions nos propres enregistrements et personne d’autre ne les écoutait, probablement que nous ferions la même chose.
Pure est probablement un peu moins avant-gardiste, pour ainsi dire, et peut-être plus focalisé que les albums précédents, surtout sur la première moitié de l’album où les chansons semblent plus concises. Penses-tu que ce soit le résultat d’une approche plus mature ?
Pas vraiment. J’ai du mal a complètement comprendre ce que les gens veulent dire avec ce terme « avant-gardiste ». Pour certaines personnes, ça signifie « bizarre », pour d’autres gens, ça veut dire « différent »… « Avant-gardiste » est un genre ou un terme qui explique quelque chose que je ne peux pas comprendre [rires]. J’ai toujours préféré appeler la musique « musique ». C’est de la musique très émotionnelle, voilà l’étiquette sous laquelle je peux la ranger. Pour nous, il faut que ce soit émotionnel, il faut que ce soit éloquent, et pas forcément joyeux [petits rires]. Avant-gardiste est probablement un terme qu’on a créé à l’époque parce que nous osions faire des choses que d’autres groupes ne faisaient pas.
D’un autre côté, Pure semble plus « cosmique », si ça a du sens. D’où est-ce que ça vient ?
De moi et James. Je suis astronome amateur et je suis à fond dans tout ce qui a à voir avec la physique, la physique quantique, l’astrophysique et autres, tu sais, les grandes questions. J’ai aussi un doctorat en histoire et pour moi, c’est très important de connaître les choses. Donc tu peux me qualifier de scientifique amateur, plus ou moins [petits rires]. Je veux apprendre tout ce qu’il y a apprendre sur l’univers ou la physique en général, c’est très intéressant. C’est un peu une approche spirituelle de ces types de sujets, ce que je considère être très, très important. Le monde dans lequel nous vivons devrait en savoir bien plus sur ces choses, et si c’était le cas, peut-être vivrions-nous dans un meilleur endroit, les gens se rendraient compte de combien les choses sont simples et à quel point nous sommes insignifiants. Et moi et James, nous partageons le même regard sur ces choses. Mais ouais, je prête beaucoup attention à la science, ce qui explique tout. Et l’histoire est extrêmement importante pour comprendre la vue d’ensemble, tous les côtés des choses, pourquoi nous vivons dans le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui, etc. C’est un grand désir sans fin que j’ai d’apprendre de nouvelles choses. Je ne peux jamais arrêter ! La musique est peut-être un canal qui me permet de renvoyer quelque chose, je ne sais pas ; ceci dit, ce sont deux choses différents que j’ai dans ma vie. Par exemple, Albert Einstein est un héros pour moi [petits rires].
« C’est pur dans le sens où c’est quatre personnes dans le groupe que je considère comme n’étant pas corrompues par des influences extérieures. […] Ce n’est fait pour aucune autre raison que de faire de la super musique pour nous-même ; ça, en soi, c’est très pur. »
En dehors du groupe, as-tu en fait un travail qui lié à ton doctorat ?
Non, je n’ai pas été jusqu’au bout du cursus parce que j’ai plus ou moins appris ce que je voulais apprendre, et la direction que tu pouvais prendre à partir de là, c’était, en gros, devenir enseignant ou conférencier toi-même, à moins d’aller encore plus loin, dans l’archéologie et autre. La musique est arrivée et m’a pris beaucoup trop de temps, donc j’ai dû faire un choix.
La chanson la plus longue est « Transmission KRS », qui est une instrumentale. Peux-tu nous en parler ?
C’est une chanson que nous avons ramené avec nous de l’époque où nous avions splitté, de 1999. En fait, nous avions composé énormément de musique, presqu’assez pour faire deux autres albums, lorsque le groupe a été mis en veille. Donc nous avons récupéré deux chansons de cette période, « Blue Oceans Rise (Like A War) » et « Transmission KRS », et aussi certaines parties ici et là dans d’autres chansons, mais celles-ci sont les chansons que nous avons grosso-modo conservé telles qu’elles étaient à l’époque, enfin, nous en avons fait de meilleures versions. « Transmission KRS », c’est l’art de construire une chanson longue de dix ou onze minutes autour d’une partie. C’est un peu une partie sans début ni fin. C’est une façon très étrange de faire de la musique, qui était plus courante dans le prog psychédélique, peut-être dans le vieux Pink Floyd de l’époque de Syd Barrett, mais ce n’est pas utilisé dans le metal, autant que je sache. C’est un peu une façon « illégale » de penser pour composer de la musique mais nous avons montré qu’on pouvait aussi faire ça. Tu peux utiliser une partie toute simple et la développer indéfiniment. Ça aurait pu durer trente minutes, sans problème ! [Petits rires] Mais il n’y avait aucun intérêt à l’amener trop loin.
Et qu’est-ce que « Transmission KRS » signifie ?
En gros, ça renvoie au réseau de métro de Kristiansand où nous vivons [rires]. C’était James qui a trouvé ça parce que nous prenions le bus pour faire des allers-retours au studio, donc il s’est dit : « Transmission KRS… » C’est le métro-bus ! Ce n’est pas très intéressant, donc tu n’es pas obligé de le mentionner [rires] mais voilà ce que c’est. « KRS », c’est l’abréviation de Kristiansand.
Qu’est-ce que vous avez voulu symboliser en appelant l’album Pure ?
Très bonne question ! C’est pur dans le sens où c’est quatre personnes dans le groupe que je considère comme n’étant pas corrompues par des influences extérieures. Nous sommes aussi capables de créer une musique à cent pour cent sans prétention, ce que je trouve est rare dans le metal moderne ou la scène metal des dernières vingt années ou plus. Il y a eu beaucoup de groupes qui ont fait ce que d’autres groupes ont fait avant eux, avec beaucoup de prétention, si tu vois ce que je veux dire. Ce n’est pas comme si je me préoccupais de ce que font les autres groupes mais j’ai le sentiment que ce que nous faisons est extrêmement honnête, ça vient directement du cœur et c’est très, très pur. Ce n’est fait pour aucune autre raison que de faire de la super musique pour nous-même ; ça, en soi, c’est très pur.
Les visuels de l’album font état d’une idée de temps, avec dix phases de la lune pour chaque chanson, il y a aussi une horloge avec dix heures, et puis il y a ce vieil homme sur l’illustration de la pochette…
La perspective sous laquelle la plupart des gens vivent est celle du temps et nous le voyons comme quelque chose de linéaire, alors que ça ne l’est pas. Le temps est, comme Albert Einstein l’a dit, quelque chose de relatif. Notre perspective en tant qu’être humain est évidemment conditionnée par notre expérience du temps, l’échelle des choses qui nous entourent… Tout ce qui nous gouverne vient de la perspective de notre taille, de la vitesse à laquelle nous nous déplaçons, etc. Mais, en un sens, à une échelle cosmique, toutes ces choses sont une illusion. L’illustration met en quelque sorte en avant la notion que tout, du plus petit au plus grand, la vie, la mort… Tu sais, le vieil homme a la planète, le soleil et la lune qui orbitent autour de sa tête, mais ça décrit aussi une forme d’atome, il mange un bol de galaxie, peut-être la Voie Lactée ou la galaxie que tu veux, la fleur symbolise la vie, le crâne symbolise la mort, et le temps est entre les deux. C’est une image qui incite à réfléchir. Je voulais avoir une image qui dit « ceci est tout ».
Les titres de chansons « The Cave Of Dreams », « The Dark Dream » et « Towards The Black Surreal » font penser à un monde imaginaire. En plus, il y a des chansons qui renvoient aux étoiles, « Cult Of Shining Stars » et « Mystery Of The Constellations ». Donc dirais-tu que votre musique est comme une fenêtre sur un autre monde ?
Non. C’est pour mettre des formes à certaines questions philosophiques. « The Cave Of Dreams », en l’occurrence, est l’histoire de Platon sur le fait que si tu grandis à l’intérieur d’une petite caverne, alors c’est là tout le monde que tu connais, et la seule chose que tu peux voir depuis cette caverne, ce sont les ombres des gens qui de temps en temps passent à côté ; si c’était ta vie, ta petite caverne serait toute ton existence et tout ton monde parce que tu ne connaitrais rien de mieux que ça. Ce sont des paroles basées sur une philosophie de la Grèce antique, en gros. Deux textes de l’album, « Blue Oceans Rise (Like A War) » et « This Dark Dream », sont des paroles de Chris, et elles sont très, très personnelles pour lui. Et puis le reste est un peu un mélange d‘existentialisme et de questions philosophiques à propos de la réalité. Nous n’avons aucune parole politique ou quoi que ce soit dans In The Woods.
Tu n’aimes pas quand la politique est mêlée à la musique ?
Nous avons choisi de ne pas mélanger politique et musique de façon ostensible. Bien sûr, nous avons des pensées politiques en nous [petits rires] mais nous ne sommes pas des militants. Si nous avions des messages politiques à faire passer alors probablement que nous pourrions le faire ailleurs. La musique est une émotion, c’est quelque chose qui devrait t’emporter ailleurs, te relaxer, te faire penser pas forcément à la vie de tous les jours et tous les problèmes que tu as ou auxquels on t’expose dans les journaux quotidiennement, c’est une petite échappatoire.
En parlant d’émotions, est-ce que la mort d’Oddvar a impacté émotionnellement cet album d’une façon ou d’une autre ?
Oui. C’était probablement le dernier catalyseur pour me convaincre qu’il fallait que nous continuions. C’était aussi une façon d’honorer son nom dans le futur. Ouais, son décès est aussi un paramètre qui a clarifié ma décision que nous avions besoin de continuer. Il était une part importante d’In The Woods à l’époque. Tu sais, je suis prudent pour ne pas rentrer dans trop de détails parce que ce sont pour beaucoup des histoires personnelles pas très joyeuses. J’adorerais pouvoir être honnête à cent pour cent au sujet des choses mais parfois je pense qu’il est plus sage de ne pas l’être. Je dirais juste qu’il y avait quelques difficultés dans la vie de certaines personnes. Oddvar n’a pas eu une vie facile après que nous nous soyons séparés. Son plus grand souhait pendant des années était de faire revenir le groupe. Pas que nous devions le faire ou quoi, mais pour honorer cette personne qui nous a tragiquement quitté trop tôt, j’ai trouvé que c’était une bonne chose de continuer avec In The Woods. Et nous l’honorerons aussi dans le futur, nous jouerons de vieilles chansons en live et tout. Parfois, on a le sentiment qu’il est juste là avec nous. Nous en avons parlé. Son énergie est toujours là, elle n’est pas partie, même si son corps s’est volatilisé.
« Oddvar n’a pas eu une vie facile après que nous nous soyons séparés. Son plus grand souhait pendant des années était de faire revenir le groupe. […] Parfois, on a le sentiment qu’il est juste là avec nous. Son énergie est toujours là, elle n’est pas partie, même si son corps s’est volatilisé. »
Tu as mentionné le fait que vous aviez plein de chansons datant de 2000. Qu’allez-vous faire avec le reste des chansons que vous n’avez pas utilisé ?
Nous sommes maintenant sur le point de recommencer à faire un nouvel album, donc une bonne partie, des morceaux ici et là, sera utilisée. Je veux dire qu’un truc super reste toujours un truc super, il n’y a pas de date de péremption, ça reste valable éternellement. Une grande partie est utilisée mais nous réarrangeons des choses. In The Woods fait des albums, nous ne sommes pas le genre de groupe qui fait des chansons toutes seules, nous nous concentrons de A à Z sur l’ensemble du tableau. Lorsque nous créons de la musique, c’est toujours avec la chose complète en tête, pas des chansons toutes seules. [Se concentrer] sur un album à partir du moment où tu commences, jusqu’à la fin est très, très important pour nous. Et les chansons que nous avons choisies pour qu’elles soient incluses dans Pure étaient celles dont l’album avait besoin. Mais bien sûr, nombre de ces riffs que nous avons faits à l’époque ont également été utilisés dans Green Carnation. La moitié est probablement passée dans Light Of Day, Day Of Darkness. Donc beaucoup de musiques que nous avons laissées derrière nous ont été utilisées là.
Tu viens de dire que vous êtes sur le point de commencer un nouvel album. Sais-tu comment ça sonnera ?
J’ai certaines idées, ouais. Nous ne nous contenterons pas de ceci. L’album suivant sera toujours bien mieux, ça c’est une promesse. Un développement constant, pas forcément un défi mais quand même le fait de pouvoir pointer dans la bonne direction, avec un peu de chance. Les nouvelles musiques sont extrêmement bonnes, ça c’est certain !
Tu as déclaré qu’à l’époque du split du groupe « la direction musicale partait trop dans tous les sens. » Qu’est-ce qui te fait dire que ça ne se passera pas ainsi maintenant ? Est-ce le fait qu’il n’y a que quatre membres maintenant ?
Ouais, c’est aussi simple que ça. Nous avons les mêmes genres de souhaits sur la façon dont nous voulons procéder. Musicalement, nous venons du même background. Donc je n’ai aucune inquiétude par rapport au fait que ça puisse redevenir un problème un jour. Evidemment, nous aurons des désaccords, nous nous battrons et toutes ces choses, mais au final, le résultat sera parfait pour tout le monde. C’est très important que nous ayons le même background et que nous parlions le même langage musicalement.
Toi et les jumeaux Botteri, vous contribuez à parts égales aux compositions. Peux-tu nous dire comment la dynamique de travaille fonctionne entre vous ? En l’occurrence, je sais que tu t’es toi-même qualifié de Chris-catalyseur… Qu’est-ce que ça veut dire ?
[Petits rires] Si tu nous connaissais personnellement, tu comprendrais sans que je dise quoi que ce soit. C’est une dynamique que nous avons entre nous qui fonctionne et fait In The Woods. Expliquer ceci est un peu difficile. Chris a ses idées et ébauches, si tu veux appeler ça comme ça, il me les présente, et c’est très… C’est comme un grand puzzle désordonné, avec des pièces éparpillées partout qui ne vont pas ensemble et ce genre de choses. Ensuite nous prenons les pièces pour les assembler et faire quelque chose que nous aussi bien que la plupart des gens peuvent comprendre et s’y identifier. Et ça marche très bien comme ça. Il y a beaucoup de sang, de sueur et de larmes dans ce processus, et à partir de là, de grandes choses généralement se produisent. Rentrer dans les détails de ces choses serait peut-être un peu trop personnel, d’une certaine façon, mais c’est probablement une manière très inhabituelle de créer, mais dans notre cas, nous trois, nous nous complétons parfaitement les uns les autres. Si tu retirais l’un d’entre nous, ce ne serait pas pareil. Mais la chose la plus importante pour nous est de nous amuser. C’est l’idée principale et c’est la raison pour laquelle nous avons commencé à faire ça à l’origine. C’est très important de se souvenir de pourquoi nous faisons ça. Car lorsque nous étions enfants, nous ne pensions pas à [vendre des albums]… Evidemment, nous le faisions aussi, mais nous avons commencé à faire ceci parce que c’est quelque chose que nous adorons faire.
J’ai lu une interview où tu disais que « s’il y avait quelqu’un qui se rapprochait d’un leader dans le groupe, ce serait [toi], [tu es] celui qui doit prendre la plupart des décisions. » Comment es-tu arrivé à cette position ?
[Petits rires] Ca n’a rien d’une dictature ou quoi que ce soit mais quelqu’un doit avoir la responsabilité des décisions non musicales et ce genre de choses, et probablement que je suis la meilleure personne pour le groupe pour endosser ce genre de rôle. Ce n’est pas inhabituel que les batteurs aient cette fonction. Les batteurs sont généralement les leaders qu’on ne voit pas dans le groupe [petits rires]. C’est un truc mental, et il y a d’ailleurs eu beaucoup de recherches à ce sujet ! Car nous sommes très bons pour résoudre les problèmes. Nous communiquons pour faire ressortir le meilleur d’une situation pour tout le monde et ce genre de choses. Et nous n’avons pas cette grande envie d’être des rock stars, ce qui est aussi très important. Nous n’avons pas une façon de penser égoïste. Mon boulot est de faire en sorte que tout le monde soit globalement meilleur, c’est ainsi que je le vois. C’est ça le but d’un bon batteur : rendre tous ceux qui l’entourent bien meilleurs [rires].
Tu es donc un bon psychologue ?
Je suppose, ouais !
On dit généralement que les jumeaux ont un lien très fort. Je sais que tu as rencontré les jumeaux Botteri lorsque vous étiez très jeunes, mais comment as-tu trouvé ta place dans ce lien qu’ils ont en tant que jumeaux ?
C’est une question difficile. Via le respect, je suppose. Et nous nous traitons plus ou moins comme si nous étions des frères. Je ne suis pas un jumeau mais je suis un peu comme leur plus jeune frère ou quelque chose comme ça, je ne sais pas [rires]. C’est probablement plus facile pour d’autres gens de l’extérieur de voir ça. Je n’y ai vraiment pas réfléchi. Nous sommes amis et frères, ce genre de relation. Donc là où j’ai mes faiblesses, ils ont de la force, et vice versa. Ça colle bien.
Comment vois-tu maintenant, avec le recul, vos trois premiers albums ?
Je suis fier de tous. Ils sont tous gravés dans l’époque à laquelle nous les avons faits. Je n’ai pas à avoir honte de quoi que ce soit [petits rires]. Bien sûr, tu te développes en tant que musicien et je n’avais que seize ou dix-sept ans lorsque nous avons enregistré Heart Of The Ages, nous étions très jeunes mais quand même un peu matures. Je peux encore me dire fier de ce que nous avons fait à l’époque, et c’est pareil pour les autres gars. Ils sont aussi très satisfaits. Ceci dit, il n’y a aucun intérêt pour nous de regarder dans le passé. C’est aussi une chose importante pour In The Woods : ne jamais regarder en arrière, toujours regarder en avant. J’ai sorti beaucoup d’albums au fil des années et majoritairement, à chaque fois que tu sors un nouvel album, les gens veulent toujours que tu fasses l’album que tu as fait avant ! Et ensuite le temps passe et le nouvel album est de toute façon accepté. C’est un peu là où nous avons une manière différente de penser : nous regardons toujours devant et oublions le passé. Nous pensons de façon anti-conservatrice. Ce qui est dans le passé est dans le passé, nous pouvons nous concentrer sur ce qu’il y a devant nous, car nous pouvons faire quelque chose pour ça ; nous ne pouvons rien faire pour le passé.
« A chaque fois que tu sors un nouvel album, les gens veulent toujours que tu fasses l’album que tu as fait avant ! Et ensuite le temps passe et le nouvel album est de toute façon accepté. C’est un peu là où nous avons une manière différente penser : nous regardons toujours devant et oublions le passé. Nous pensons de façon anti-conservatrice. »
Omnio est souvent considéré comme votre meilleur album…
Il y a des opinions mitigées quant à savoir lequel de ces albums est le meilleur. Certains préfèrent Omnio, certains préfèrent Strange In Stereo… J’entends chaque album être cité mais pour la majorité des gens, ouais, peut-être qu’Omnio est perçu comme [notre meilleur] album. Nous les gens, nous ne sommes pas si différents. Ce que j’entends est généralement la même chose que ce que les autres gens entendent. Donc s’il y a quelque chose que j’aime, il y a de grandes chances pour d’autres gens l’aiment aussi. Je peux probablement mentionner cinq chansons sur lesquelles nous serons tous d’accords pour dire que ce sont de grandes chansons. Disons Simon & Garfunkel, en l’occurrence, « The Sound Of Silence », tout le monde sera d’accord sur le fait que c’est une grande chanson. Tout le monde sera d’accord pour dire que « Strawberry Fields Forever » des Beatles est une grande chanson. Ou disons « Stairway To Heaven » de Led Zeppelin est une grande chanson. Personne ne contredira ça. C’est le cœur de la chose car, je veux dire, pour ce qui est de ce qui rend quelque chose génial ou pas génial, les gens ne pensent pas tellement différemment, nous sommes la même espèce, nous sommes en gros la même famille [petits rires]. Si je pense que telle chose est quelque chose que j’aime vraiment, alors je sais aussi qu’il y a de grandes chances pour que plein de gens l’aiment aussi.
Par le passé, vous fournissiez des photos de forêts à la place de photos promos du groupe. Qu’est-ce qui vous poussait à faire ça ?
C’était la période où la seconde vague de black metal prenait son essor en Norvège, avec le corpse paint et toutes ces choses, et In The Woods n’as jamais été un groupe obsédé par l’image. Tout ce qui nous importait était la musique. Nous voulions que la musique parle d’elle-même, sans avoir aucune forme d’image qui nous soit associée en tant que personnes et qui retirerait de l’attention à la musique. Voilà comment c’est arrivé. Donc c’est devenu un peu notre anti-image. J’aimais vraiment ça ! Il n’y avait que la musique qui comptait, pas à quel point nous avions l’air forts ou méchants avec des épées et dans du cuir et avec du corpse paint [petits rires], peu importe. Nous n’étions pas ce type de groupe mais pourtant nous appartenions à ce genre musical. Le mysticisme apporte… Regarde ne serait-ce que Ghost, en l’occurrence. Je veux dire qu’ils font la même chose, seulement avec des masques. Ils se couvrent d’un voile de mysticisme, ce qui évidemment est un énorme aimant pour attirer le public. Un voile de mysticisme sur un groupe attirera toujours de l’intérêt et de la curiosité de l’extérieur. Personnellement, j’aime leur stratagème parce que ça fonctionne. Mais pour combien de temps ça fonctionnera ? C’est une autre question et s’ils continuent à écrire de la bonne musique et tout, ils peuvent enlever leurs masques, continuer et rien ne se passe. Mais dans leur cas, ils en sont maintenant à trois albums et un EP, n’est-ce pas ? Donc pendant combien de temps, eux, en tant que groupe, seront à l’aise en se cachant derrière des masques et autres ? C’est une question à laquelle ils doivent répondre. Mais ça ne me dérange pas. Ça me fascine ; pas le corpse paint, non, mais le mysticisme et la façon dont ils peuvent le conserver.
Et comment se fait-il que vous ne fassiez plus ça ?
Parce qu’on est en 2016 et que c’est plus ou moins impossible. N’importe qui avec un smartphone peut prendre des photos de nous n’importe où, donc il n’y a pas moyen d’y échapper. Aussi nous n’avons rien à cacher. Je veux dire que la musique est à cent pour cent honnête, ça vient de très profond en nous ou de nos âmes, donc pourquoi devrions-nous nous cacher ? Je veux dire que nous n’avons pas besoin de maquillage ou de mettre des costumes et jouer la comédie comme si nous étions quelque chose que nous ne sommes pas. Regarde les excellents groupes des années 70, ils n’ont jamais fait semblant d’être quoi que ce soit non plus, ils montaient sur scène comme ils étaient, c’était largement suffisant, et je crois en ça. Je crois que c’est quelque chose que les gens probablement veulent retrouver. Ça fait longtemps maintenant qu’il y a plein d’effets… Evidemment, la musique, c’est un spectacle, etc. Je sais bien mais au final, lorsque tout est à zéro, c’est l’art et la musique en elle-même qui devrait être au centre. Les shows peuvent être faits de plein de façons, tu n’as pas à ressembler à Bozo le clown. J’en suis arrivé à la conclusion que l’honnêteté et le fait d’être simples seraient plus bénéfiques pour nous sur le long terme que d’essayer d’être quelque chose que nous ne sommes pas.
Tu as mentionné Ghost, que penses-tu de leur musique ?
J’aime pas mal de trucs de Ghost. Ils ont d’extrêmement bons hits qu’ils ont sortis ces dernières années. Le premier album est celui que je préfère, évidemment, mais ils ont deux ou trois très, très bonnes chansons et ensuite c’est beaucoup de musiques qui ne sont pas toutes au top, plus ou moins, à mon avis – c’est juste mon opinion personnelle. Mais je n’ai rien contre Ghost.
In The Woods a toujours été un groupe très créatif qui se tenait à part dans la scène, sonnant comme personne d’autre. Et ça fait un bon moment que vous êtes dans cette scène. Donc quelle est ta vision de la scène metal et de son évolution ?
Personnellement, je suis surtout fan de la musique des années 70, 80 et 90. Ceci étant dit, je ne suis pas étranger à essayer de trouver de nouvelles bonnes choses qui émergent aujourd’hui dans la musique moderne. Mais les très bonnes choses deviennent de moins en moins fréquentes. Evidemment, il y a beaucoup plus de groupes. La scène metal lutte avec internet et la disponibilité de la musique partout. Personnellement, j’adopte toutes ces choses. Je préfère utiliser ça à mon avantage plutôt que de m’en plaindre. Une super chanson sera toujours une super chanson, peu importe quand, comment et où. Un morceau de musique intemporel sera toujours un morceau de musique intemporel. Mais la scène metal est grande, trop grande pour que je prête attention à tout ce qui s’y passe, et je dois admettre que je ne suis pas non plus fan de tout ce qui s’y passe, il y a plein de choses que je ne comprends même pas. Mais je suis le genre de personne qui encouragera tout le monde à persévérer et ne pas perdre espoir. Il faut travailler dur et alors tu parviendras [à tes fins].
Tu as dit dans une interview : « J’approuve et j’encourage tout le monde à ne pas hésiter à télécharger notre musique gratuitement autant qu’ils veulent. » C’est une déclaration peu banale pour un artiste de nos jours…
[Petits rires] Si les gens veulent le télécharger, l’écouter et si vraiment, vraiment ils aiment, bien sûr je ne suis pas non plus contre le fait qu’ils achètent l’album. Mais je ne me dresse pas contre le téléchargement. J’utilise moi-même YouTube ou Spotify. Mais quand même, si c’est quelque chose que vraiment, vraiment j’aime, j’achèterais le CD ou du merch lorsque je vais voir le groupe en concert ou quelque chose comme ça. En général, pour un groupe de nos jours, surtout les groupes qui tournent, il fera son beurre en tournant avec le merch et les ventes de places de concert lorsqu’ils jouent. Tout le reste, c’est de l’argent qui… Bon, le business est ce qu’il est, donc tout le monde doit le gérer à sa façon. Et tant que le produit physique est quelque chose de plus désirable que la version en téléchargement, bien sûr, allez-y, achetez-le. Mais s’ils ne trouvent pas ça intéressant, alors absolument, téléchargez et écoutez la musique. Car la musique est pour tout le monde. Ce serait dommage de dissimuler la musique, surtout lorsqu’elle est bonne. Le téléchargement existe depuis longtemps maintenant, il n’y a pas moyen d’y échapper, donc tout le monde doit accepter et passer à autre chose [rires]. Ça ne me dérange pas si les gens téléchargent ma musique.
« Pour moi, c’est important de connaître tout un tas de types de musiques et être capable de projeter n’importe quel type d’émotion ou de style dans un set et faire que ça fonctionne. Être réduit à un style ou une façon de jouer, ce serait la prison pour moi. »
A propos de ta carrière dans la musique, dans une interview tu as mentionné « des membres dans d’autres projets qui ont fait de terribles erreurs, par exemple, retirant la colonne vertébrale qui portait le groupe. » A quoi faisais-tu allusion ?
Parfois il y a des musiciens qui ne réfléchissent pas avec clarté dans les décisions importantes pour la carrière du groupe. S’ils retirent un pilier qui maintient les choses à un certain niveau, tout va normalement s’effondrer comme un château de cartes. J’ai trop souvent vu ça se produire, personnellement. Peut-être que j’ai dit ça dans une interview en étant un peu affecté parce que ça m’a un peu irrité. Mais, ouais, si un groupe retire la chose qui maintient plus ou moins le groupe ensemble, alors ça revient à commettre un suicide. Il vaut mieux que je ne dise rien d’officiel à ce sujet mais… J’ai connu quelques incidents avec ma carrière où j’ai été remplacé par quelqu’un d’autre et mon avis était que ça n’a pas si bien marché après. Je ne veux vraiment pas donner de nom, désolé [rires]. Je me suis promis de ne pas le faire parce que je ne veux pas rentrer dans des joutes verbales avec qui que ce soit, on n’y gagne rien. Donc peut-être que j’ai dit ça à un moment où j’étais un peu plus irrité que je n’aurais dû l’être, je suppose.
Peut-être que tu ne répondras pas, mais pensais-tu à Green Carnation avec Tchort ?
Ouais, quelque chose comme ça… Oui [rires]. Mais c’est le passé. Je veux dire que je suis très content de là où je suis maintenant parce que tout ce qui est arrivé a mené là où nous sommes aujourd’hui, et là tout de suite, je suis très, très content en faisant In The Woods. Donc il n’y a aucun intérêt à pleurnicher à propos du passé, jamais. C’est également une règle importante. On ne peut de toute façon rien y faire aujourd’hui.
Après que vous ayez lancé Green Carnation avec Tchort, et puis que vous vous en soyez séparé et que vous ayez fait In The Woods toi et les jumeaux Botteri, tu as à nouveau joué avec Tchort dans Green Carnation et dans Carpathian Forest. Et les jumeaux Botteri ont enregistrés le premier album de Green Carnation avec lui. Il n’y a donc pas de ressentiment ?
Aucun ressentiment. Nous avons trouvé nos propres chemins. Maintenant nous nous portons mieux à travailler sans coopérer, disons-le ainsi [petits rires]. Terje [Vik Schei alias Tchort] est aussi un gars du coin, donc nous avons fait beaucoup de choses ensemble. L’histoire remonte à bien, bien plus loin. Nous avons grandi ensemble, lors de notre enfance. Et c’est aussi un sujet qui est un peu trop personnel pour en parler en public. Mais pour ce qui est d’aujourd’hui, nous avons trouvé que le mieux était que nous fassions nos trucs et lui peut faire les siens. Aucune animosité. J’espère qu’il apprécie quoi que ce soit qu’il fasse et nous apprécions ce que nous faisons. Nous sommes si vieux maintenant, nous ne pouvons pas être en colère les uns contre les autres pour des raisons stupides [rires]. Le mieux est d’être ouvert d’esprit et dire « bonne chance à toi et j’espère que tu apprécies ce que tu fais et que tu réussiras avec ça. » Je suis très prudent maintenant avec le fait d’évoquer de vieilles tourmentes ou de vieux désaccords. Je veux dire que tout ça c’est du passé et ça n’a pas d’importance. La meilleure chose, c’est d’être heureux et de suivre le mouvement, c’est ce que je fais maintenant.
Est-ce pourquoi tu n’as pas rejoint Green Carnation lorsqu’ils se sont également reformés en 2014 ?
Il n’a même jamais été question de faire ça. Plein de gens me demandent pourquoi j’ai fait Light Of Day, Day Of Darkness, etc. Mais maintenant, je fais In The Woods, et c’est quelque chose avec laquelle je suis content et ils sont contents à faire leur truc avec des gens qui ont fait Light Of Day, Day Of Darkness. Donc tout le monde est content ! Personne ne se plaint ! Tu peux un peu lire entre mes lignes là, mais… [Rires] C’est la meilleure façon de le dire. La vie est trop courte pour être fâché contre quoi que ce soit.
Carpathian Forest n’a pas fait de nouvel album en dix ans. Peux-tu nous donner des nouvelles ?
Pas pour le moment. Ce n’est pas encore enterré ou mort, mais comme Roger [Rasmussen alias Nattefrost] et moi préférons le dire : nous nous dépêchons lentement.
Un groupe comme Carpathian Forest est très différent d’In The Woods, et très différent aussi des groupes avec lesquels tu as grandi, les groupes de classic rock et metal, comme Led Zeppelin, Black Sabbath, Deep Purple, etc. Comment t’es-tu retrouvé à jouer dans des groupes de metal extrême comme Carpathian Forest ?
[Petits rires] C’est une histoire marrante en fait. On m’a demandé de faire des sessions de batterie live pour eux pour deux concerts. L’un était avec Satyricon et Immortal en 1998 dans un festival, et le second était au festival Under The Black Sun quelques semaines plus tard. Pour une raison ou une autre, nous avons passé de bons moments, ensuite nous sommes rentrés chez nous, nous nous sommes retrouvés, nous nous sommes saoulés, avons enregistré « He’s Turning Blue » [petits rires] et ensuite poof ! Il avait quatre albums ! C’était genre : « Bordel, mais qu’est-ce qu’on a fait ? » [Petits rires] Ca a bien marché. Ils m’ont choisi pour les aider pour ces deux concerts mais ça ne s’est pas arrêté là et nous sommes allés un peu plus loin. Et je suis aussi très, très fier de tout ce que nous avons fait avec Carpathian Forest. C’était aussi de très bons moments.
Tu as joué sur une impressionnante quantité d’albums de divers styles. Est-ce que ça a été important pour toi en tant qu’artiste, compositeur et batteur d’avoir une expérience aussi riche, touchant à tant de styles ?
Oui, très important. J’ai une bien plus grande portée que ce que la plupart des gens probablement savent [petits rires]. J’ai fait du trip-hop, du funk et je ne sais quoi d’autre. Pour moi, c’est important de connaître tout un tas de types de musiques et être capable de projeter n’importe quel type d’émotion ou de style dans un set et faire que ça fonctionne. Être réduit à un style ou une façon de jouer, ce serait la prison pour moi. J’ai une perspective très large. Je considère avoir une très bonne connaissance de la musique aussi. En l’occurrence, avec Carpathian Forest, si on me présentait un riff punk ou un truc du genre, je sortais ma crête et je jouais du punk ! [Petits rires] Si c’est de l’acid rock psychédélique des années 60, je joue dans ce style. Mais, tu sais, tu développes ton propre style, ta propre patte avec les années et je suppose qu’avec tout ce sur quoi je joue, les gens peuvent entendre que c’est moi qui joue, d’une certaine façon. Si c’est Carpathian Forest, Green Carnation ou In The Woods, n’importe quel projet que j’ai fait, c’est genre : « Ouais, c’est Kobro qui joue. » C’est probablement la chose la plus importante pour moi. Mais être enfermé dans un certain style ou être contraint par des règles, c’est quelque chose que j’évite. Une large perspective et un esprit ouvert, tu iras très loin avec ça.
Interview réalisée par téléphone le 17 septembre 2016 par Nicolas Gricourt.
Retranscription et traduction : Nicolas Gricourt.
Page Facebook officielle d’In The Woods… : www.facebook.com/inthewoodsomnio
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Raaah lala, dis donc, elle est bien cette interview (et plus généralement celles sur le site), merci!
[Reply]