Nouvelle résurrection dans le monde du metal. En effet, ce n’est pas la première fois qu’un groupe culte renaît de ses cendres après sa séparation, et nous parlons ici de quatorze années de pause. Si l’année dernière était notamment marquée par le retour du groupe de punk hardcore suédois Refused, il s’agit cette année de l’une des toutes premières formations auxquelles nous devons l’appellation « pagan metal », qui sort son nouvel album dix-sept ans après son prédécesseur Strange in Stereo. In The Woods… fait cependant partie des « inclassables » dans le milieu, tirant d’abord ses racines du black metal et ayant évolué sur un style plus expérimental et progressif, évolution assez commune dans la scène norvégienne (on peut penser notamment aux compatriotes Ulver). Mais le groupe a connu quelques bouleversements dans son line-up, avec le décès tragique d’Oddvar en 2013, guitariste et membre fondateur du combo, ainsi que James Fogarty alias Mr. Fog (Ewigkeit, Old Forest) qui prend désormais la place de vocaliste, guitariste et claviériste. Reste à savoir si le nouvel opus Pure conserve l’âme singulière de ce phœnix…
Le vieux public d’In The Woods…, qui a dû prendre son mal en patience, est habitué à s’immerger complètement dans l’univers du groupe à travers l’écoute d’albums copieux. Dès le morceau éponyme d’ouverture, l’adepte du groupe sait qu’il ne sera pas forcément dépaysé. « Pure » démarre sur un rock épique avant de basculer rapidement vers une musicalité lourde, teintée d’une mélancolie ambiante, empruntant les chemins du doom, toujours avec une ouverture aérienne portée par le clavier et le chant majoritairement clair, même si ce dernier sera ponctuellement appuyé par quelques voix graves agressives. In The Woods… distille des compositions aux tempos lents et aux structures progressives, traversées d’ambiances ambivalentes et de sonorités « cosmiques » qui donnent son caractère à l’album. « Devil’s At The Door » est le plus démonstratif des contrastes stylistiques qui opèrent dans Pure, entre death corrosif, psychédélisme, post metal, gothique… L’orgue électrique qui apparaît en plein cœur de « This Dark Dream » apporte même une petite touche des années 70.
On peut cerner un côté très spontané et libre dans le travail de composition, chaque auteur de la trame musicale joue son rôle, amenant sa pièce à l’édifice. Face au cocon réflexif du groupe, l’auditeur peut néanmoins rapidement s’y perdre, tant les structures semblent être le fruit d’une énergie libre, la voix de Fogarty rattrapant et accompagnant l’auditeur sur le trajet où il s’égare ; on peut notamment penser à différents travaux de Borknagar. Le combo parle de son œuvre comme évoquant des questions existentielles. On peut alors percevoir et interpréter ces mélodies comme illustrant l’être humain face à la complexité du monde qui l’entoure avec ses paramètres multiples, se trouvant seul face à ses propres interrogations perpétuelles, où seule l’identité profonde et l’histoire ancrée dans l’individualité de l’homme restent intactes, incarnées ici par ce chant au milieu de l’ensemble musical psychédélique. Le groupe laisse alors parfois l’auditeur seul dans sa propre réflexion, comme avec la longue instrumentale « Transmission KRS », planante et montant progressivement en intensité jusqu’à un long solo extatique, qui installe une ambiance propice à l’introspection.
« Pure » est un album qui se veut plus mûr, y compris au niveau du son, et est indubitablement très riche. C’est en cela qu’In The Woods… conserve son identité, en jouant avec sa variété et sa beauté musicale. Certes, il ne s’agit pas d’un album à l’accès facile, certaines longueurs – malgré un effort de concision par rapport à certains travaux passés – pourront faire décrocher l’auditeur le moins attentif. Mais pour trouver son chemin dans ces bois, il faudra d’abord accepter de s’y perdre.
L’album en écoute intégrale :
Clip vidéo de la chanson « Blue Oceans Rise (Like A War) » :
Album Pure, sorti le 16 septembre 2016 via Debemur Morti Productions. Disponible à l’achat ici.