Il ne fait aucun doute que Maria Brink est la figure de proue d’In This Moment – il suffit de voir à quel point elle est visuellement mise en avant dans les clips et les photos promo. Et sa voix autant que le personnage qu’elle incarne sur scène et hors scène jouent énormément dans le succès du groupe californien.
Mais il serait injuste d’occulter les autres forces créatives à l’œuvre, en particulier son partenaire artistique depuis les débuts et élément clé des arrangements musicaux, le guitariste Chris Howorth. En quinze ans de carrière, ce dernier n’a cessé d’évoluer, mettant en pratique les enseignements acquis au fil de l’eau, en particulier depuis le tournant qu’a représenté l’album Blood (2012), et son succès fulgurant. Son objectif : servir. Servir ce qui marche auprès des gens, servir la chanson, servir la voix de Maria et servir un tout qu’il qualifie de « pack sensoriel ».
C’est ce qu’il nous explique dans l’entretien qui suit, évoquant évidemment le nouvel album Mother et sa conception, mais également le trio créatif qu’il forme avec Maria et le producteur Kevin Churko, sa vision d’un « classique » ou encore les implications de proposer plus qu’un concert de rock, une véritable expérience théâtrale.
« Je veux inspirer Maria car les meilleures chansons que nous obtenons sont celles auxquelles elle se sent connectée et qui la poussent à creuser profondément dans ses émotions. »
Radio Metal : Tu as déclaré que votre nouvel album Mother était « un peu une extension de Ritual ». Cependant, ce que l’on remarque, c’est que vous allez un peu plus dans une direction plus posée et émotionnelle sur Mother. D’où vient cette évolution du groupe ?
Chris Howorth (guitare) : A chaque album, nous suivons ce nous ressentons. Il n’y a pas beaucoup d’idées préétablies quand nous nous mettons à faire quelque chose, ça se fait assez naturellement. Nous avons beaucoup aimé le thème et le visuel de Ritual et nous voulions continuer sur cette voie. Déjà pendant l’enregistrement de Ritual, nous parlions de l’idée de la mère et de Maria [Brink] comme étant cette mère, parce que plein de fans l’appellent comme ça. Nous avons toujours trouvé ça assez sympa. Maria est une mère et elle a été élevée par sa mère, elle n’a pas vraiment eu de figure paternelle dans sa vie, si ce n’est son grand-père. Toute la symbolique de la mère, de Mère Nature et du ventre comme point de départ de toute vie, ça semblait être pour tout le monde une bonne thématique générale pour ce nouveau voyage, et tout le reste s’est fait en fonction de ce que nous ressentions. Je suppose qu’au final, le résultat est un petit peu plus heavy avec des moments mélodiques très calmes.
Comment comparerais-tu le processus à celui de Ritual ?
Une chose que j’ai remarquée après sept albums est que c’est différent à chaque fois. Nous avons commencé comme nous le faisons toujours, Kevin [Churko], Maria et moi étant les principales personnes qui allaient écrire, et nous allions aller au studio avec un certain temps pour faire l’album. Cette fois nous voulions essayer d’avoir un peu plus d’idées avant d’y aller, plutôt que d’aller en studio sans rien du tout. Pour les deux derniers albums, nous avons été en studio avec quasiment aucune chanson et nous avons commencé à tout faire sur place, pour voir ce que nous pourrions trouver et pour conserver une certaine fraîcheur. Cette fois, nous avions quelques idées, rien de très élaboré… Mais je dirais que c’était un petit peu plus difficile parce que c’est notre septième album et nous nous mettons nous-mêmes une pression. Maria, Kevin et moi, nous mettons individuellement la pression sur nous-mêmes et sur les autres pour essayer d’obtenir ce que nous pensons être le meilleur album dont nous avons besoin. Nous nous sommes aussi un peu diversifiés cette fois et avons fait deux ou trois chansons avec d’autres compositeurs, principalement Randy [Weitzel], notre guitariste, et Travis [Johnson], notre bassiste, qui ont chacun écrit une chanson avec nous. Nous avons également fait une chanson intitulée « Legacy » avec quelques compositeurs de Los Angeles.
Penses-tu que ça a joué un rôle dans le fait d’obtenir un album plus varié ?
C’est possible, à certains égards. Quand In This Moment a commencé, le groupe écrivait les chansons tous ensemble. Quand trois gars du groupe originel sont partis, il ne restait plus que Maria et moi, et notre producteur Kevin, pour écrire Blood. Au final, à l’époque, c’était notre album ayant eu le plus de succès et ça a changé notre carrière. Donc nous n’avons pas voulu tout d’un coup avoir de nouveaux membres et recommencer à écrire comme un groupe au complet, car ça n’avait jamais marché avant et notre succès est venu avec une petite équipe de compositeurs. Ça fait maintenant trois albums que nous avons faits avec Randy et Travis à nos côtés dans le groupe, et nous avons appris à étendre nos horizons et à être ouverts aux suggestions de notre maison de disques, genre : « Eh, pourquoi n’essayez-vous pas d’écrire une chanson avec telle personne ? Car elle a beaucoup de succès. » Voyons ce que ça donne ! Nous sommes assez protecteurs envers nos chansons et notre manière de composer. Maria n’aime pas chanter les textes de quelqu’un d’autre et veut se sentir connectée à tout ce qu’elle fait, donc c’est difficile mais nous apprenons aussi à essayer des choses. Je pense que ça apporte des choses différentes parfois quand on sort de notre zone de confort.
Vous avez donc une nouvelle fois travaillé avec votre producteur de longue date Kevin Churko. En fait, la seule fois où vous n’avez pas collaboré avec lui était sur votre premier album, et il semble être très impliqué dans le processus créatif. Dirais-tu que Kevin est devenu indissociable du son de In This Moment ?
Il est clair qu’il joue un rôle important. Nous avons fait quelques albums avec Kevin avant Blood. Ils ont eu un certain succès mais pas de la même manière que Blood. Blood a changé notre carrière et nous a fait passer un palier. A l’époque où nous avons fait cet album, il n’y avait que Maria et moi ; notre management nous avait lâchés après avoir essayé de nous pousser à faire l’album suivant avec quelqu’un d’autre qui était un peu moins cher… Kevin avait également l’impression que les gens ne croyaient pas en lui. Nous avons donc tous pensé que nous avions quelque chose à prouver. Avec l’énorme succès de Blood, nous avions l’impression d’avoir réalisé un véritable exploit. Nous avions mené In This Moments, alors qu’il était au bord du désastre, vers un succès inédit pour le groupe. Ça nous a beaucoup aidés pour nouer des liens forts avec Kevin. Il a un style de production vraiment solide qui fait partie de notre son. Faire un album avec quelqu’un d’autre, ce serait différent, c’est sûr, et qui sait ce qui se passerait ? Ce serait intéressant aussi de tenter le coup, peut-être, un jour, mais Kevin fait clairement partie de notre son aujourd’hui.
« Je comprends pourquoi nous avons du succès et pourquoi les gens sont attirés par le groupe. Je n’ai pas envie d’essayer de rendre ce succès plus difficile à obtenir. […] Je sais où sont nos forces et soutenir ces forces contribue à notre succès. »
Il y a dans cet album un accent qui est mis sur l’atmosphère et qui fait que votre musique est de plus en plus visuelle, ce qui coïncide avec le développement de l’aspect théâtral sur scène. Est-ce que cette dimension théâtrale est quelque chose que vous prenez en compte ou qui est présent dans vos esprits pendant le processus de composition ?
Oui. Ça n’était pas comme ça au début de la carrière d’In This Moment, mais à mesure que notre son et notre style progressaient en même temps que notre spectacle, c’est devenu un gros pack sensoriel, où on a envie de tout écouter, voir et ressentir. C’est une expérience. Quand nous faisons un album, composons des chansons, pensons aux atmosphères et aux sons à mettre, Maria pense aussi au spectacle et à ce que nous pouvons faire visuellement pour lui donner vie. Maria est très passionnée par certains petits bouts de musique que nous mettons parfois entre les chansons, car elle visualise comment tout ceci s’enchaîne. Il nous est même déjà arrivé de prendre un thème visuel sympa et d’essayer d’en faire une musique. Le plus souvent, c’est la musique qui dicte le visuel, mais Maria pense constamment au visuel. Si nous commençons une chanson et que nous n’en sommes qu’aux premiers accords, dans sa tête elle se demande déjà : « Comment ça va être sur scène ? »
Il y a eu une grosse évolution de ta part à la guitare en quinze ans. Comment abordes-tu ton rôle aujourd’hui en tant que guitariste, surtout au sein de la direction que vous avez prise sur Mother où la guitare a peut-être moins un rôle de premier plan, tout du moins en termes de riffing ?
C’est une excellente question. C’est vrai, au début du groupe, tout dans la musique tournait autour du riff de guitare. Nous commencions une chanson avec un riff de guitare : « Est-ce qu’il a un phrasé sympa ? Qu’est-ce qu’on ressent ? Est-ce que ça envoie ? » Une fois que nous avons commencé à avoir plus de succès, à développer et explorer différentes choses après Blood, j’ai commencé à voir ce qui faisait notre réussite et pourquoi nous avions plus de succès aujourd’hui après toutes ces années. J’ai réalisé que oui, j’adore les guitares, j’ai toujours adoré les guitar heros, le shred et les super plans de guitare, mais il faut aussi que ça ait sa place dans la chanson. Il y a des groupes qui sont à fond sur le shred, mais dans In This Moment, je pense que nous cherchons plutôt à ce que chaque chanson se démarque. Je veux inspirer Maria car les meilleures chansons que nous obtenons sont celles auxquelles elle se sent connectée et qui la poussent à creuser profondément dans ses émotions. Elle met cette émotion dans ses textes et sa prestation, et ça attire les gens. Donc mon approche de la guitare durant ces dernières années a été de servir la chanson et ne pas du tout me soucier de savoir si je joue un solo de guitare, de faire du riffing ou du shred… C’est difficile aussi, parce que je pense toujours comme un guitariste et que je veux faire du riff, mais j’essaye toujours de faire ce qui est le mieux pour la chanson et pas vraiment ce que j’ai envie de faire à la guitare. Ce n’est pas vraiment la guitare qui est importante, c’est tout l’ensemble.
Donc tu dirais que quand vous composez dans ce groupe, il s’agit surtout de soutenir la prestation vocale de Maria ?
Je dirais que oui, à quatre-vingts pour cent. Evidemment, si nous entendons un riff ou une partie de guitare sympas, ça va là aussi guider les choses. Mais la plupart du temps, il s’agit de soutenir la chanson, faire que Maria se sente bien et ait une bonne partie de chant, plutôt que se focaliser sur le riff de guitare en tant que tel. Ceci étant dit, nous sommes passés par une phase où nous avions beaucoup de guitare sur Blood et ça a diminué sur Black Widow et Ritual. Maintenant, j’ai l’impression que cet album est celui qui a le plus de guitare depuis Blood. Nous avons quelques solos et nous avons mis un point d’honneur à ce que les guitares soient un petit peu plus brut. Le focus est donc un petit plus sur la guitare sur cet album.
A quel point faut-il acquérir une certaine sagesse, quand on est guitariste, pour faire ce qui est le mieux pour la chanson et pas ce qui est le mieux pour notre ego ?
[Petits rires] C’est étrange. J’ai vécu un tournant dans ma carrière, car je n’ai jamais pensé que j’allais me retrouver dans un groupe avec une fille, je n’ai jamais planifié ça ainsi. Ceci est mon premier groupe a succès, je n’ai pas eu beaucoup de groupes qui ont rencontré du succès, donc j’ai appris au fil des années : ai-je envie de me battre contre le progrès de mon groupe ou bien ai-je envie de soutenir ce qui fonctionne ? Je comprends pourquoi nous avons du succès et pourquoi les gens sont attirés par le groupe. Je n’ai pas envie d’essayer de rendre ce succès plus difficile à obtenir. Maria, In This Moment et moi-même, nous réussissons. C’est du bon sens, c’est ce qui va le mieux marcher. Si j’ai envie de faire un album de guitare, je peux toujours le faire, je peux toujours composer des trucs différents ou faire un projet parallèle pour ça. Je veux réussir, c’est ma carrière et j’investis beaucoup de temps et d’énergie dans In This Moment. Je suis partenaire à parts égales avec Maria, il y a plein de domaines dans lesquels elle tient les rênes mais elle m’en parle toujours. Je sais où sont nos forces et soutenir ces forces contribue à notre succès.
L’album s’intitule Mother et tu as expliqué plus tôt le sens de ce mot. Maria est ta chanteuse et collègue, elle est aussi sans doute une sorte de sœur pour toi, mais est-elle parfois une mère pour toi et le reste du groupe, d’une certaine façon ?
Absolument ! In This Moment est comme un élevage de poulets ou de canards – je parle du groupe et de l’équipe. Maria est la cheffe et tout le monde se tourne vers elle pour savoir quoi faire. Je suis là aussi, je suis comme le papa coq, mais elle est clairement la mère poule. Tout le monde se blottit sous elle le soir [rires].
« In This Moment est comme un élevage de poulets ou de canards. Maria est la cheffe et tout le monde se tourne vers elle pour savoir quoi faire. Je suis là aussi, je suis comme le papa coq, mais elle est clairement la mère poule. Tout le monde se blottit sous elle le soir [rires]. »
L’un des temps forts de l’album est sa reprise de « We Will Rock You » de Queen où Maria partage le micro avec Lzzy Hate et Taylor Momsen, deux autres femmes très fortes dans les scènes hard rock et metal actuelles. Ça rappelle aussi la tournée que vous aviez faite avec Halestorm et New Years Day. A quel point cette tournée et cette reprise sont des déclarations fortes à notre époque, selon toi ?
Je pense que ce sont effectivement des déclarations fortes mais ça n’a pas complètement été pré-pensé pour l’être. Avant que la tournée européenne avec Halestorm, nous et New Years Day, nous en avons fait une ici aux Etats-Unis en deux étapes et ça a été une grande réussite. Les gens étaient excités de venir voir toutes ces filles. Il y a eu une sorte de résurgence de femmes dans le rock et le metal. Maria, Lzzy, Taylor, Amy Lee, la fille de Jinjer… On voit toutes ces filles aujourd’hui et c’est super puissant. Je pense que Maria ressent une camaraderie, pareil pour Lzzy et Taylor. Quand Maria a eu l’idée de reprendre la chanson « We Will Rock You », j’étais très hésitant, car c’est une chanson très emblématique et je me disais que nous ne devrions même pas y toucher. Mais elle a eu l’idée d’inviter ces filles et j’ai trouvé que c’était une super idée et que ça serait génial, mais je ne savais pas si elles allaient être partantes, car elles auraient pu aussi penser qu’il ne fallait pas toucher à cette chanson. Mais Maria leur a parlé et elles ont accepté. Elles ont toutes les deux été à fond dans l’idée, ça n’a même pas été difficile de les convaincre. Et j’ai trouvé que c’était une déclaration très forte pour le rock, de la part des femmes les plus puissantes de la scène aujourd’hui. Il est impossible d’entendre cette chanson sans ressentir cette puissance. D’ailleurs, au départ, quand nous avons enregistré la chanson, j’avais fait un solo de guitare au milieu, mais nous nous sommes dit : « Vous savez quoi ? Laissons Lzzy le faire. » Donc c’est en fait Lzzy qui fait le solo de guitare dans la chanson aussi. C’est une chanson vraiment cool sur la puissance des femmes.
En dehors de ça, sur Ritual, vous aviez repris « In The Air Tonight » de Phil Collins, et maintenant c’est « We Will Rock You ». Ce sont deux énormes classiques dans l’esprit collectif. Est-ce que reprendre de telles chansons vous aide à mieux comprendre ce qui fait d’un classique un classique ?
Oui. C’est génial de reprendre des chansons justement pour cette raison : tu peux les analyser et voir pourquoi elles ont été de telles réussites. Obtenir ce genre de chanson, c’est presque comme décrocher la lune. Les gars qui ont écrit ces morceaux n’étaient probablement pas là à se dire qu’ils allaient écrire la chanson la plus emblématique de tous les temps et que tout le monde s’en rappellerait éternellement. Ils ont juste senti le truc à ce moment-là et l’ont fait, et ensuite ça a parlé aux gens. Il faut relativiser tout ça et c’est ce qui est cool avec la musique : on ne sait jamais vraiment ce qui va se passer tant qu’on n’a pas eu l’occasion d’aller auprès des gens.
D’ailleurs, c’est quoi un classique ?
J’appelle ça une chanson intemporelle. Je cherche constamment avec In This Moment à obtenir notre chanson intemporelle. Pour moi, c’est une chanson qu’on entendra encore à la radio et que les gens connaîtront encore dans cinquante ans. Il y a plein de chansons comme ça, comme « In The Air », « We Will Rock You » ou « Bohemian Rhapsody », ce sont des chansons intemporelles. C’est mon rêve, et je sais que c’est aussi celui de Maria. Nous voulons écrire des chansons qui durent dans le temps, ont une importance et auxquelles les gens peuvent s’identifier.
Quand vous écrivez des chansons, essayez-vous délibérément d’écrire des classiques ?
Je ne dis pas que nous essayons d’écrire des classiques mais j’ai toujours envie que chaque chanson soit éloquente. Tu peux aussi parfois le voir quand tu fais un album, certaines chansons se démarquent du reste, tandis que peut-être que tu en laisseras tomber deux ou trois autres parce que tu sens qu’elles ne seront pas intemporelles. De temps en temps, un album sort pour lequel, pour chaque chanson, tu te dis : « Ça alors ! » Mais dans l’ensemble, nous visons le centre de la cible à chaque fois et essayons de faire en sorte que la chanson soit éloquente, qu’elle ait de l’émotion et qu’elle soit écoutée encore et encore. Je pense que ça vient là aussi en grande partie de la connexion avec les paroles. C’est pourquoi je soutiens autant Maria dans son lien à ces chansons, afin qu’elle se sente connectée aux textes, car ensuite les gens l’entendent, ils peuvent se rendre compte que c’est authentique et ça fait qu’eux-mêmes s’y identifient. Plein de chansons intemporelles sont comme ça, les gens peuvent se rendre compte de leur authenticité, ils peuvent ressentir l’émotion et s’y identifier.
C’est toujours délicat de reprendre des classiques. Certains diraient qu’on ne peut faire mieux que l’original. Du coup, quelle est votre approche quand vous abordez des chansons comme « In The Air Tonight » ou We Will Rock You » ?
J’ai d’abord dit non quand Maria a suggéré ces deux chansons. Je ne voulais pas faire ces deux chansons parce qu’elles étaient trop imposantes. Même Kevin était hésitant, si je me souviens bien. On ne peut pas les rendre meilleures qu’elles ne sont déjà… Maria nous a demandé d’essayer de nous les approprier, de les aborder différemment et de faire en sorte qu’elles apportent quelque chose. Avec « In The Air », nous avons fait du très bon boulot, mais c’était encore mieux avec « We Will Rock You ». Comme c’est presque sacré, il a fallu que nous en fassions quelque chose de totalement différent, et une manière de le faire était d’inviter les deux chanteuses et d’avoir une production grandiloquente.
« Je plaisante toujours en disant qu’In This Moment est comme une navette spatiale : on ne peut pas juste décoller et partir. S’il y a du mauvais temps ou un ciel nuageux, il faut reporter le décollage. »
Dans la chanson « The In-Between », Maria chante : « I’m gonna bring a little Hell. I’m gonna bring a little heaven. » Est-ce justement ce que fait In This Moment, apporter à la fois un peu d’enfer et de paradis ?
Absolument. Depuis que nous avons fait Blood et avons connu le succès que nous avons connu, tout ce que nous entendons, constamment, c’est : « On veut plus de ça, on veut entendre un autre ‘Blood’ ou ‘Whore’. Pouvez-vous écrire quelque chose comme ça ? » De la part de tous les gens… Que ce soit les fans, notre maison de disques, tout le monde veut plus de chansons à succès. Donc les paroles de cette chanson sont un peu une réaction ironique à ça. « I’m gonna bring a little hell, I’m gonna bring a little heaven. You just keep wanting more, with your blood and your whore » (« Je vais apporter un peu d’enfer, je vais apporter un peu de paradis. Vous en voulez toujours plus, avec votre ‘Blood’ et votre ‘Whore’ »). En gros, Maria parle du fait que tout le monde veut toujours entendre la même chose de sa part. Ils aiment cet aspect chez elle, quand elle crie et est aigre-douce, c’est son truc.
Penses-tu que le groupe soit dans un entre-deux, qu’on ne peut cataloguer In This Moment ?
Bonne observation. Je le pense, clairement. C’est dur de définir quelle est notre place. Nous sommes un peu entre tout.
Il y a une chanson dans l’album intitulée « Legacy » : quel genre d’héritage laissera In This Moment, a ton avis ?
« Legacy » parle, en gros, du fait qu’on est l’héritage de nos êtres chers qui nous ont quittés. On est ce qu’ils nous ont appris et ce qu’on fait de cette connaissance est l’héritage qu’on transmet. Voilà ce que ça signifie pour nous, on est l’héritage des gens qui nous ont précédés et qui ne sont plus de ce monde. J’ai l’impression que l’héritage d’In This Moment, c’est d’écrire de la musique éloquente qui touchera les gens et à laquelle les gens peuvent s’identifier, en n’étant pas moralisateur, en étant attentionné, en aidant les gens, en faisant des choses positives pour les gens, en étant une force positive. Nous ne sommes clairement pas un groupe négatif.
Penses-tu qu’un groupe tel que In This Moment pourrait laisser dernière lui un héritage du niveau de groupes comme Iron Maiden ou Metallica ? Penses-tu que ce soit encore possible ?
Je ne sais pas, je l’espère. On dirait que ces groupes se font rares de nos jours. Je suis arrivé à l’époque d’Iron Maiden où nous avions ces groupes de géants. Mais on dirait qu’il n’y a pas beaucoup de groupes plus récents qui vont prendre cette place. Ce qui a fait que ces groupes sont ce qu’ils sont, c’est l’originalité et le fait de suivre leur propre chemin. Quand on entend Iron Maiden, on sait qu’on écoute Iron Maiden, il n’y a pas de confusion possible. Pareil pour Judas Priest, Metallica et Slayer. Quand on entend tous ces énormes groupes emblématiques, on sait qui c’est. Je pense qu’In This Moment possède cette qualité, nous avons un son original et j’espère simplement que nous pourrons continuer à travailler dur et peut-être qu’un jour nous atteindrons ce statut. C’est tout ce que qu’on peut essayer de faire, essayer d’être original, et le reste se fera tout seul, je pense.
Comme je l’ai dit, vous avez beaucoup développé le côté théâtral sur scène pour proposer plus qu’un concert de rock ou de metal. Selon toi, quelles seront les prochaines étapes pour le groupe en matière de mise en scène ?
Nous essayons toujours de faire plus qu’avant ou bien quelque chose de différent d’avant. Nous essayons toujours de prendre une chanson et d’en faire une expérience visuelle en même temps que vous l’entendez lors de nos concerts. Nous nous apprêtons à partir en tournée avec Black Veil Brides, donc nous avons une toute nouvelle mise en scène. Nous essayons toujours de conserver une fraîcheur et d’évoluer. Parfois nous avons une tonne de choses et parfois nous n’avons pas tant de choses que ça. Il y a toujours un thème dans nos spectacles. Ce sera génial cette année ! Nous faisons un truc vraiment cool pour cette tournée, nous avons renouvelé la garde-robe et la chorégraphie, et nous ajoutons quelques nouvelles chansons à la setlist. Ça va continuer à évoluer toute l’année. Nous avons vraiment hâte de pouvoir investir encore plus d’argent dans le show pour qu’il soit encore plus spectaculaire. Nous travaillons constamment sur notre budget et essayons de concrétiser ces idées grandioses que nous avons, en respectant nos contraintes financières. Nous ne sommes pas Metallica, nous n’avons pas encore un budget illimité à mettre dans nos concerts, donc il s’agit pour beaucoup d’essayer de trouver comment nous pouvons faire.
J’imagine que pour se préparer à ce genre de concert il faut faire plus que répéter les chansons. Du coup, qu’est-ce que ça implique ? Quel type de travail de préparation et de planification un tel spectacle requiert ?
Oh purée ! Je plaisante toujours en disant qu’In This Moment est comme une navette spatiale : on ne peut pas juste décoller et partir. S’il y a du mauvais temps ou un ciel nuageux, il faut reporter le décollage. C’est dingue parce qu’il y a énormément de choses à faire ne serait-ce qu’avec les danseuses. Cette semaine, Maria est déjà en train de travailler la chorégraphie avec les danseuses chez elle pour ne pas gâcher de l’argent dans un espace de répétition. Nous sommes basés à Nashville, dans le Tennessee, donc nous devons tous prendre l’avion pour aller là-bas et répéter. Donc les pré-productions typiques, si tout n’est pas déjà prêt, peuvent prendre une semaine ou plus. Il s’agit en gros de mettre en place toute la scène dans une pièce, travailler avec les danseuses, les lumières, les accessoires, et il faut dérouler le tout comme une pièce de théâtre. Pour chaque chanson, certaines choses doivent partir, d’autres doivent arriver, il faut changer des trucs, les gens doivent se positionner à certains endroits précis… Chaque déplacement doit être planifié pour chaque chanson, du début du spectacle jusqu’à la fin. Il y a des moments où nous avons un peu de liberté pour être spontanés, mais la plupart du temps, chaque chanson a une chorégraphie que nous devons suivre. Tout doit être répété et travaillé, encore une fois, des lumières aux accessoires, en passant par les costumes et les emplacements. C’est quelque chose de très poussé.
Interview réalisée par téléphone le 27 février 2020 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Emilie Bardalou.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Site officiel de In This Moment : www.inthismomentofficial.com.
Acheter l’album Mother.
Dans le hard rock, y’as deux écoles:
_Kiss / Alice Cooper, la branche shock-rock
_AC/DC, tu branches, tu joues.
Je suis définitivement de la deuxième.
Tous ces groupes avec une très forte image, une théâtralité ne me touchent pas beaucoup.
Pour moi le rock, c’est être toi même.
Un jean, un t-shirt et tu défourailles.
Pourquoi tant de maquillage, de masque, de chorégraphie, de choses trop préparées, figées?
C’est l’instant qui compte, le côté vivant du spectacle.
« Le rock c’est t’arrives, t’as une guitare, tu sais pas si elle va marcher
Ce soir tu vais jouer, peut-être que ton batteur y va pas venir.
Tu sais pas, mais faut que tu assures. »
Eddy le quartier
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