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Interview   

Incantation : un savoir-faire authentique entre death et doom


John McEntee vit sa passion pour le metal à fond, ce qui a pu par le passé faire de lui quelqu’un d’assez radical dans ses opinions musicales, jusqu’à trouver les premiers albums de Cannibal Corpse… commerciaux ! Et si, en tant qu’auditeur, il s’est assagi et ouvert avec le temps, il n’a pas moins mené sa carrière avec Incantation avec la ferme intention de ne faire aucun compromis, suivant sa propre voie, y compris à l’époque où le studio Morrisound régnait sur le death metal américain ou lorsque la tendance était au death thrashisant. Non, le credo d’Incantation a toujours été le même : jouer sur une forme de dualité entre agression death metal et lourdeur doom, avec juste ce qu’il faut d’aspérités dans la production, inspiré autant par Possessed que les tout débuts de Paradise Lost.

Sect Of Vile Divinities, le onzième album des Américains, en est l’exemple parfait, avec un groupe en grande forme, fidèle à sa formule qu’il peaufine autant qu’il faut. John McEntee nous en parle ci-après, revenant avec nous sur la marque de fabrique d’Incantation et son histoire, avec des propos souvent révélateurs de son honnêteté et de sa sympathie.

« On veut ressentir le riff vibrer dans nos os, pas seulement l’entendre, réfléchir et se dire : ‘C’est un bon riff.’ On veut qu’il y ait de la passion. »

Radio Metal : Vous avez retenu la sortie de Sect Of Vile Divinities pendant plusieurs mois à cause de la pandémie. Ça n’a pas été trop frustrant ?

John McEntee (chant & guitare) : Ça craint à chaque fois qu’on doit retenir une sortie, mais ça arrive de temps en temps parce que quelque chose foire dans le processus quelque part. Cette fois ce n’était pas si dramatique. Je veux dire que notre dernier album, Profane Nexus, a été retardé d’environ six mois durant le processus de mixage parce qu’une fois que nous l’avions envoyé à Dan Swanö, il y avait une erreur avec le montage, donc nous avons fini par devoir attendre encore six mois pour retrouver du temps de studio. Ce genre de délai, je ne dirais pas qu’on s’y habitue, mais nous ne sommes pas surpris quand les choses dérivent. Je ne m’attendais pas forcément à ce qu’il y ait une pandémie, mais ça n’a retardé l’album que de deux mois, donc ce n’est pas si grave. Ça aurait vraiment été nul de devoir le sortir l’an prochain – ça aurait fait plus d’un an depuis la fin du processus. Pour moi, ça aurait été trop long, je suis trop inspiré à écrire de la musique, et j’ai envie de sortir des choses régulièrement et près du moment où c’est terminé.

Kyle Severn a enregistré la batterie il y a deux ans, or vous avez terminé les enregistrements vers la fin de l’année dernière et le début de cette année. Qu’est-ce qui vous a pris autant de temps pour enregistrer cet album ?

[Rires] La raison pour laquelle il a enregistré la batterie à ce moment-là c’est parce qu’il était sur le point de déménager, et son studio de batterie se trouve dans le sous-sol de sa maison. Il voulait donc enregistrer l’album tout de suite car il ne savait pas combien de temps ça lui prendrait d’installer son nouveau studio. Il a fini par l’installer assez rapidement après son déménagement mais, à l’époque, nous avons pensé : « On a ces chansons qui sont prêtes, alors autant les enregistrer. » Ça craignait un peu parce que nous avions enregistré la batterie il y a deux ans à partir des pistes maquettées et il nous a fallu un an et demi de plus pour trouver le temps d’enregistrer tout le reste, car nous avons été très occupés à tourner entre autres. La plupart des pauses que nous avions entre les tournées n’étaient pas suffisamment longues pour que nous puissions nous concentrer et nous préparer à faire l’album. Résultat, ça a complètement dérivé à force d’attendre le bon moment. L’été dernier, nous avons tous eu une discussion et nous avons dit : « Bon, maintenant il faut finir ça, avant de laisser filer encore plus de temps, parce que si on attend encore, on va vouloir tout réenregistrer. »

Ça veut donc dire que vous avez fini la composition de cet album seulement quelques mois après la sortie de Profane Nexus, n’est-ce pas ?

Oui, plus ou moins. Comme je te disais, il y a eu un retard de six mois sur Profane Nexus, parce que nous avions fini d’enregistrer l’album et nous l’avons envoyé à Dan Swanö pour qu’il soit mixé. Je ne me souviens plus quand c’était, mais c’était six mois avant qu’il ne le mixe réellement. La personne qui s’était chargée de faire le montage a créé un problème quelque part – je ne connais pas les détails exacts – mais Dan ne pouvait pas faire le mixage, nous avons dû refaire le montage, et ensuite le renvoyer. Le processus pour refaire le montage n’a pas pris beaucoup de temps, mais le temps que Dan soit à nouveau disponible pour refaire le mixage, six mois s’étaient écoulés. Donc pendant ce temps, nous avons continué à écrire pas mal de musique ; en plus, nous avions beaucoup de musique que nous n’avions pas utilisée pour les trois derniers albums et que nous voulions utiliser pour cet album. Pour chaque album que nous avons fait, nous avions entre cinq et huit chansons inutilisées ; elles n’avaient pas été inutilisées parce qu’elles étaient mauvaises, mais parce qu’elles n’allaient pas dans le paysage de l’album que nous étions en train de faire à l’époque. Nous avions donc beaucoup de matière et nous voulions incorporer ces vieilles musiques dans le nouvel album parce que nous aimons ces chansons. Nous voulions élaborer un tableau musical sur la base de certains trucs que nous avions faits au cours des huit dernières années plutôt que de simplement faire de nouvelles chansons. Les nouvelles chansons que nous avons écrites ont plus ou moins rempli les trous entre les anciennes pour constituer un album complet, si ça a du sens.

Je viens de te donner la version longue, mais pour faire court, la plupart des structures de chanson étaient finies probablement quelques mois après la sortie de Profane Nexus. Nous avons fait des changements dans la structure de certaines chansons l’été dernier, pour ajuster quelques parties qui ne nous convenaient pas un an et demi plus tôt, quand nous avons enregistré la batterie, car presque toute la batterie date d’il y a deux ans voire deux ans et demi maintenant. C’est un peu bizarre de faire un nouvel album avec des parties de batteries vieilles de deux ans, ça ne paraît pas toujours très frais. Heureusement, nous avons fait en sorte que ça fonctionne et nous nous sommes remis dedans, mais ça reste étrange. Nous avons l’habitude d’enregistrer la batterie et de toute suite passer à l’enregistrement des guitares, pour rester dans le feu de l’action, ne pas passer trop de temps dessus et devoir se remettre dans l’état d’esprit de quelque chose qui date d’il y a deux ans. C’est un peu comme si on commençait une peinture, puis deux ans plus tard : « Ah ouais, il faut finir cette peinture » [rires].

« Parfois, on a envie de botter des culs et de pousser la musique dans des retranchements plus brutaux et agressifs, et parfois, on a envie d’une agonie totale et d’essayer de faire en sorte que chaque note ait l’air de lentement nous écraser le cerveau et l’âme. »

Vous avez terminé Sect Of Vile Divinities juste après la tournée avec Morbid Angel : penses-tu que ça a été bénéfique pour l’album de faire cette pause et de partir sur cette tournée avant d’y mettre les touches finales ?

Je dirais que nous avions terminé, environ, à quatre-vingt-dix pour cent l’album, probablement quatre-vingt-quinze, avant de partir en tournée avec Morbid Angel. C’était une super opportunité de tournée aux Etats-Unis avec Morbid Angel et Watain. C’était une belle tournée, et avec nous en plus, ça en faisait un vrai événement, nous ne pouvions pas la laisser filer. Nous nous sommes éclatés à la faire et, en gros, une semaine après la tournée, nous avons pu terminer le mixage de l’album et tout. Je pense que d’une certaine façon, ça a aidé parce que partir en tournée, ça rafraîchit un peu l’esprit en nous sortant du mode studio ; on peut réécouter avec une oreille neuve certains des mix. Nous recevions des mix de Dan pendant que nous étions en tournée, et c’est sympa de prendre un peu de recul avec la musique parce que quand on travaille sur un album, on est vraiment absorbés par chaque aspect de l’album, ça accapare notre esprit et on ne cesse de penser à la moindre petite chose ; c’est sympa de faire quelque chose vers la fin et de dire : « D’accord, je n’ai plus envie de penser à ces chansons pendant un petit moment » de façon à ce que quand on les réécoute, elles puissent retrouver de la fraicheur. A la fin de la tournée, nous avons pu rafraîchir notre vision des chansons. J’essaye de faire de mon mieux en tournée pour ne pas penser du tout aux chansons, de façon à avoir un bon point de vue, car quand tu enregistres un album, en tout cas pour ma part, je suis tellement à fond dedans que je perds parfois la notion de surprise : il n’y a plus rien que tu entends pour la première fois, tu entends tout pour la centième ou millième fois. Donc tu commences à te demander : « Merde, est-ce que c’est bien ? Je ne sais même pas ! »

Sect Of Vile Divinities poursuit dans cette sorte d’ambivalence qui caractérise Incantation, en naviguant entre le death metal brutal et le doom oppressif, apportant une vraie dynamique à vos albums. Dirais-tu que la dynamique, c’est la clé d’un bon album de death metal, voire de metal en général ?

La dynamique, c’est toujours une chose positive, je pense, dans n’importe quel genre de musique, mais dans le metal ou le death metal, absolument. Il n’y a pas une bonne et une mauvaise manière de faire les choses, tout dépend de ce qu’on ressent être la bonne chose à faire. Pour ma part, j’aime beaucoup les groupes qui parviennent à créer de la dynamique sans avoir à passer d’une partie timorée à une partie brutale ; j’aime les groupes qui créent de la dynamique avec différents tempos ou qui utilisent différentes structures pour invoquer certains types de sentiments et ainsi de suite. La dynamique est toujours importante. Je pensais que c’était assez évident que dès le début du death metal, en tout cas pour moi, le doom metal faisait partie du death metal. Je veux dire que j’ai grandi en écoutant Black Sabbath, Candlemass et Trouble… Même très tôt, j’étais un grand fan des démos que j’entendais de Nihilist, Paradise Lost et Autopsy, qui incorporaient du doom dans le death metal. J’ai envie de suivre cette voie, c’est-à-dire ne pas me limiter à dire : « D’accord, on va être un groupe rapide » ou « On va être un groupe technique. » Notre truc a toujours été de vouloir que nos chansons aient du feeling, et le feeling peut aller dans les deux sens ; ça peut être un feeling agressif, ça peut être un feeling doom très sombre ou ça peut être un feeling mid-tempo énervé. Je suppose que notre mantra depuis le début a toujours été que ça dépend plus du feeling qu’on ressent à l’écoute d’un riff et de la musique que de la musique elle-même. Le riff, en soi, n’est qu’un paquet de notes, ce n’est pas important. Le feeling qu’on ressent quand on l’entend, c’est ça qui est important. C’est quelque chose qui a toujours été très important pour moi en tant que compositeur. Je pense que le groupe a vraiment adopté ce concept, tout le monde dans le groupe ressent ça. On veut ressentir le riff vibrer dans nos os, pas seulement l’entendre, réfléchir et se dire : « C’est un bon riff. » On veut qu’il y ait de la passion.

Est-ce que les passages plus rapides et agressifs, comme sur « Ritual Impurity », et ceux qui sont plus doom, comme « Scribes Of The Stygian » qui est vraiment agonisant, émanent de deux états d’esprit très différents quand vous les composez, en termes d’inspiration ?

Oui, ce sont deux atmosphères totalement différentes. Parfois, on a juste envie d’un doom vraiment agonisant. Pour moi, l’atmosphère de cette chanson, « Scribes Of The Stygian », me rappelle un doom typé film d’horreur ou quelque chose comme ça, avec un côté très inquiétant. Cette chanson est en fait assez ancienne. Nous l’avons écrite à l’origine il y a environ cinq ans et nous avons grosso modo copié cette chanson à partir de l’originale que nous avions faite, car tout simplement nous l’aimions telle quelle. Nous l’avons enregistrée une fois et elle avait cette atmosphère doom qui tue. Ça émane d’un autre état d’esprit que « Ritual Impurity » et son côté agressif. Parfois, on a envie de botter des culs et de pousser la musique dans des retranchements plus brutaux et agressifs, et parfois, on a envie d’une agonie totale et d’essayer de faire en sorte que chaque note ait l’air de lentement nous écraser le cerveau et l’âme. On peut faire les deux : on peut broyer les gens avec des trucs rapides, mais d’autres fois ça peut être une lente agonie qui donne l’impression que nos os se font démolir. J’adore ces différentes façons d’exprimer la musique énervée, agonisante et agressive.

Vous êtes toujours restés fidèles à cette marque de fabrique : ça fait que d’un côté, Incantation est une valeur sûre, et d’un autre côté, qu’il est régulièrement critiqué pour son manque de surprise ou de changement. Mais quel est ton point de vue sur ce débat entre évolution ou changement et le fait de rester fidèle à son art ?

Je pense que, pour ce qui est de nous tous dans le groupe, nous faisons ça parce que nous adorons ce qu’est Incantation en tant que concept et il n’y a pas de raison de changer ce que nous faisons, indépendamment des tendances musicales ou de ce que font les autres groupes. Il n’a jamais été question d’essayer de s’intégrer ou, honnêtement, même d’être un groupe populaire ou quelque chose comme ça. Nous écririons probablement des albums qui sonneraient substantiellement différents si nous essayions de plaire au public ; il s’agit plus ou moins juste d’essayer de nous exprimer en musique. Nous faisons les choses à notre manière, en étant nous-mêmes. C’est une expression assez personnelle sur album, et c’est très sympa quand les gens l’apprécient, car ils apprécient quelque chose qui est authentiquement et honnêtement nous, à l’inverse de si nous essayions de leur plaire.

« Nick Holmes est l’un de mes chanteurs death metal préférés. Ça m’a tué pendant des années parce qu’il avait totalement arrêté le chant death metal ! L’un de mes vocalistes de death metal préférés ne chantait plus du tout de death metal, c’était la loose ! »

Comment parvenez-vous à continuellement trouver l’inspiration et éviter de vous répéter dans le cadre de ces paramètres restreints ? N’est-ce pas compliqué parfois ?

Je suppose… Je veux dire que ce serait facile pour nous de singer ou copier exactement ce que nous avons fait dans le passé. Mais en tant que compositeurs, ça ne nous intéresse pas de totalement nous copier nous-mêmes : chaque album doit avoir sa propre raison d’être. Nous n’avons pas envie d’apporter aucune contribution au monde du death metal ou à notre propre discographie. Tout pour nous est une expression importante. Il y a plein de groupes récents qui utilisent notre style comme un modèle pour leur style, et peut-être que c’est plus facile pour eux d’imiter notre style et de faire les choses comme nous les faisons, mais pour notre part, nous allons toujours sonner comme Incantation. Nous serons toujours nous-mêmes, nous sonnerons toujours comme nous-mêmes, mais sur le plan de la composition… Tout le monde compose dans le groupe et tout le monde voit les choses un peu différemment, mais pour ma part, j’ai envie de conquérir différentes idées, faire différentes structures, etc. Je m’inspire des vieux morceaux, j’ai toujours envie d’utiliser nos anciennes musiques et influences comme des influences pour de nouvelles choses, car c’est toujours nécessaire de savoir et de respecter d’où on vient. A la fois, on veut aussi se développer sur certaines choses. Je pense qu’au fil du temps, j’ai appris à mieux m’exprimer, donc c’est beaucoup plus facile pour moi de trouver des structures de chansons et des idées originales, car je fais appel à mon imagination. Ce n’est pas comme si j’essayais d’écrire des riffs individuels, au contraire, j’ai une vue d’ensemble de la chanson dans ma tête et j’essaye de l’exprimer en musique, et ensuite, une fois que j’ai une idée de base de ce que je veux faire, je l’amène au groupe et nous y mettons tous notre grain de sel jusqu’à ce que nous aboutissions à quelque chose qui soit très bon, soit nul, et alors nous le jetons.

On peut remarquer dans Sect Of Vile Divinities que les influences plus doom et sombres sont peut-être un peu plus mises en valeur…

Nous mettons toujours en valeur certains trucs doom, mais il se trouve que je me suis un peu plus focalisé sur les parties mid-tempos sombres, malsaines, comme nous l’avions fait sur des chansons telles que « Profanation » dans Onward To Golgotha, « Iconoclasm Of Catholicism » dans Mortal Throne Of Nazarene ou même « Blasphemy » sur l’album Blasphemy. J’ai vraiment voulu me concentrer sur cet aspect. Les parties doom me viennent toujours naturellement. Ceci dit, je pense que les parties doom sur cet album sont peut-être un peu différentes de certaines que nous avons faites sur nos deux ou trois derniers albums. Je voulais les faire différemment. Nous avons fait de super chansons doom au fil de notre carrière, surtout sur nos derniers albums sur lesquels on retrouve certaines de nos meilleures chansons doom, je trouve. Nous voulions faire des trucs doom mais sans que ça s’arrête à une seule dynamique sur cet album. Le doom fonctionne parce que nous créons d’autres sentiments qui mènent au doom ou qui sont utilisés comme opposition au doom. Nous n’avons pas envie d’être un de ces groupes qui plongent à fond dans le doom sans utiliser d’autres aspects de la musique.

Il y a aussi quelques petits côtés gothiques, sur « Scribes Of The Stygian » par exemple, qui rappellent un peu Paradise Lost ou My Dying Bride dans les mélodies de guitare. Je ne suis pas sûr qu’on ait souvent entendu ça par le passé chez Incantation.

On peut dire ça. Honnêtement, je suis un grand fan du vieux Paradise Lost, y compris leurs démos. Paradise Lost est mon préféré. Je l’admets, j’aime beaucoup les deux derniers albums qu’ils ont faits, il y a de très bonnes choses dessus, j’étais très content. Nick Holmes est l’un de mes chanteurs death metal préférés. Ça m’a tué pendant des années parce qu’il avait totalement arrêté le chant death metal ! L’un de mes vocalistes de death metal préférés ne chantait plus du tout de death metal, c’était la loose ! Heureusement, il fait Bloodbath maintenant et ça tue ce qu’ils font. Mais bref, ce genre d’influence a toujours été là. Même au début de l’histoire du groupe, j’étais très influencé par Paradise Lost, j’adorais les albums de My Dying Bride qui sortaient, et aussi un tas de groupes suédois/scandinaves qui étaient là dans les années 90. J’aimais le fait qu’ils avaient plein de parties sympas de doubles guitares, et nombre d’entre eux incorporaient aussi un peu de doom dans leur musique. Je pense qu’on retrouve un peu plus ce genre de chose dans cet album. Je ne qualifierais pas ça ne gothique, mais je comprends pourquoi tu dis ça, car il y a beaucoup d’harmonies sur certains des passages doom. Pour moi, c’est très naturel, mais si je suis honnête avec toi, il est clair que le vieux Paradise Lost – l’album Lost Paradise – fait partie de mes plus grandes influences dans le domaine death-doom, et probablement les premiers My Dying Bride, qui font partie des meilleurs albums de doom-death. Thergothon était très bon aussi – je crois qu’ils n’existent plus. Il y a un paquet de bon doom ! J’adore le doom. Je suis un grand fan du vieux Trouble et Candlemass aussi. Ces influences sont toujours incorporées dans notre musique.

Tu as déclaré que « chaque album est inspiré par le dernier album que [vous avez] fait ». De quelle façon Sect Of Vile Divinites est-il une réaction à Profane Nexus ?

J’aime beaucoup Profane Nexus, je trouve que c’est un très bon album, mais quand je le réécoute, j’ai l’impression qu’il est un peu plus rigide que je n’aurais aimé qu’il soit. Je préfère quand c’est… je ne sais pas si « plus relâché » est le bon terme… Je trouve que c’était un album trop « propre » et je voulais vraiment que celui-ci soit plus sale. En plus, comme je l’ai dit, je voulais vraiment me concentrer plus sur certains mid-tempos. Je pense que sur les derniers albums, nous n’avons pas fait beaucoup de mid-tempos entraînants. Je voulais aussi développer les doubles harmonies un peu doom, ce que tu considères être un son typé gothique, je suppose. Je voulais tout simplement faire un album très différent de Profane Nexus. C’est un bon album, un album compact et je l’aime bien, mais quand je le réécoute, je pense vraiment qu’il aurait pu être meilleur s’il n’avait pas été aussi rigide. La batterie est super carrée dessus, ce qui est bien, mais… J’aime plus le vrai son old school d’un groupe qui joue ensemble. Parfois, quand les choses sont trop carrées, ça enlève un peu de personnalité. Donc nous avons voulu nous assurer que toute la personnalité qu’on aurait dû, selon moi, retrouver dans Profane Nexus se retrouve dans Sect Of Vile Divinities.

« La pire chose en tant que musicien, en général, c’est de ne pas pouvoir accepter la critique ou de laisser la critique nous anéantir. »

Ton chant est plus profond et diabolique que jamais, surtout sur « Chant Of Formless Dread » qui sonne vraiment inhumain. Quelles sont les « astuces » pour chanter comme John McEntee ?

[Rires] Ça fait pas mal de temps maintenant que je travaille avec ma voix, donc c’est en grande partie de l’expérience. Ça m’a pris du temps pour ne serait-ce qu’apprendre à faire du growl, ensuite il a fallu que j’apprenne à jouer de la guitare tout en chantant, puis il a fallu que j’apprenne à jouer les chansons en concert d’une manière qui me permette de toujours me concentrer sur le chant. C’est une progression qui s’est faite au fil du temps et maintenant j’en suis à un point où j’ai l’impression d’avoir un meilleur contrôle de mon timbre et de mon expression. Parfois ce genre de voix gutturale très grave convient parfaitement, mais j’essaye aussi d’adopter un timbre plus aigu ou medium. Je fais avec ce qui sonne le mieux pour une chanson donnée. Je suis content, parce qu’à ce stade de ma carrière, je suis très à l’aise en tant que frontman et chanteur du groupe, c’est-à-dire que ça ne me demande aucun effort. Il n’y a pas de grand secret, si ce n’est qu’il faut travailler comme un acharné. Une chose qui ne s’invente pas, c’est le fait que j’ai énormément de passion et d’émotion quand je fais des vocaux, parce que c’est très important pour moi et j’ai vraiment envie de faire ça du mieux que je peux. J’écoute beaucoup les autres gars dans le groupe : ils me guident ou jugent mon chant et me disent si quelque chose est bon ou mauvais. Je les écoute parce que je sais qu’ils veulent aussi le meilleur. Je suis toujours ouvert aux critiques. Je ne m’énerve pas si je fais une ligne vocale et que les autres ne l’aiment pas. J’essaye de voir ou je leur demande ce que je pourrais faire pour que ce soit mieux. Ce qu’il faut retenir, c’est que j’essaye de rester ouvert et je travaille avec les gens qui, je le sais, ont en tête l’intérêt du groupe et mon propre intérêt, de façon à les écouter et pouvoir critiquer tout ce qui pourrait être mauvais.

La pire chose en tant que musicien, en général, c’est de ne pas pouvoir accepter la critique ou de laisser la critique nous anéantir. Certaines personnes ne supportent pas la critique, elles veulent que tout ce qu’elles font soit la bonne manière de faire, or on a parfois besoin que quelqu’un nous dise : « C’est nul. Tu dois tout refaire » ou « Il faut faire mieux ». J’ai l’habitude d’enregistrer avec un groupe en studio avec des ingénieurs et des producteurs qui, après que j’ai fait une partie de guitare ou de chant, me disent : « C’était nul, retournes-y et refais ça », et j’ai dû le refaire cent fois jusqu’à ce que ça soit bien. Ça me frustre, mais je ne suis pas en colère contre la personne, parce que je sais qu’elle veut tirer le meilleur de moi. Le simple fait d’accepter cette critique et de ne pas être trop sûr de soi… C’est important d’avoir de l’assurance mais pas d’être arrogant au point de ne pas supporter la critique. Premièrement, il y aura toujours quelqu’un de meilleur que toi. Deuxièmement, tout ce que tu peux faire, c’est mettre tout ce que tu as dans le chant et espérer que ça produise le meilleur résultat possible. Pendant des années j’ai manqué d’assurance quand il s’agissait de chanter sur nos albums, je donnais tout ce que j’avais et je croisais les doigts. Ca a bien marché pour moi, parce que même quand je ne chantais pas encore au niveau que je le fais maintenant, il y avait de la passion dans ma voix, c’était quand même éloquent, donc c’était quand même bien.

D’après le dossier de presse, « Sect Of Vile Divinities est un hymne funèbre dédié à différentes variantes anciennes du mal dans diverses cultures ». Qu’est-ce que le mal t’inspire ?

En fait, c’est notre bassiste Chuck [Sherwood] qui a écrit tous les textes de cet album. C’est un mordu d’histoire, il adore lire sur les anciennes cultures et ce genre de choses, donc sa recherche globale sur les anciennes cultures a amené des sujets très intéressants, des trucs auxquels je n’aurais jamais pensé. Il adore lire sur les cultures, les différentes religions, les différentes variantes des religions, leurs pratiques et ce genre de choses. Nous avons beaucoup de chance d’avoir quelqu’un qui aime beaucoup exprimer ces idées. J’ai écrit beaucoup de paroles pour le groupe par le passé, mais la plupart des miennes étaient juste des paroles antireligieuses classiques, ce qui est sympa, mais à un moment donné, combien de fois peut-on dire « je déteste la religion et Dieu est nul » ? C’est sympa d’avoir quelqu’un qui apporte des concepts plus profonds. Ça colle bien à la musique.

Est-ce que toi ou Chuck voyez des parallèles entre ces maux anciens et les maux de notre monde moderne ?

C’est une question intéressante. Honnêtement, c’est une question pour Chuck. Certaines des paroles font écho à ce qui se passe aujourd’hui. Malheureusement, dans la société, partout dans le monde, il y a des religions qui ont des pratiques barbares. C’est dingue de se dire qu’à notre époque ce genre de choses existe encore. Mais on dirait que dans la société, en général, on finit toujours par trouver des moyens pour presque nous bouffer mutuellement. De mon point de vue, les gens sont le problème. On dirait que dès que des gens sont impliqués, ils trouveront toujours une manière de s’autodétruire ou de détruire la chose qu’ils ont construite. C’est un gros bordel. C’est dur de croire que les choses qu’on voit se produire dans le monde aujourd’hui se produisent à une telle époque.

« Plein d’ingénieurs et de producteurs avec qui nous avons travaillé par le passé ont parfois voulu trop nettoyer notre son, mais Dan est capable d’être sur la corde raide, c’est-à-dire qu’il s’assure que tout est de qualité et en place, sans être forcément trop merdique ou trop sale, mais à la fois pas trop immaculé non plus. »

Vous avez une nouvelle fois changé de guitariste lead : Sonny Lombardozzi a apparemment quitté le groupe l’an dernier et a été remplacé par votre bassiste live Luke Shivery. Vous n’avez pas officiellement communiqué sur le départ de Sonny, et il est toujours marqué comme étant membre du groupe sur la page Facebook d’Incantation, ce qui pose des questions sur la situation…

Oh, je n’avais pas réalisé qu’il était encore sur la page Facebook ! Le truc c’est que nous avons terminé l’album et probablement quatre-vingt-dix pour cent des leads sur l’album ont été faits par Sonny et dix pour cent par Luke, donc ça ne fait aucun doute que Sonny a joué un grand rôle dans l’album. Niveau rythmique, il en a fait certaines, pas beaucoup ; la plupart c’est moi. Mais il a fait beaucoup de leads, et il y a probablement deux ou trois chansons, je ne me souviens plus exactement, qui contiennent des riffs et des parties que Sonny a écrits. Si on se base uniquement sur l’album, il est encore dans le groupe, c’est un partenaire pour l’album. Il a quitté le groupe dans la mesure où il ne va pas tourner avec nous ou quoi que ce soit, mais pour ce nouvel album, je le considère comme faisant partie du groupe, dans une certaine mesure. Je ne trouvais simplement pas qu’appuyer le départ de Sonny était la meilleure chose à faire. Je ne voyais rien de bon en ressortir : tout ce que ça allait faire, c’est créer la controverse. Il a quitté le groupe parce qu’il voulait faire un autre style de musique, des trucs plus techniques et plus centrés sur la guitare que ce que nous faisons et pour une raison, au lieu de travailler sur son propre projet solo tout en restant dans le groupe, il a décidé de quitter le groupe et de se concentrer sur cet autre truc. Je le soutiens là-dessus, parce que je comprends, je suis aussi musicien et si je n’étais pas content de la musique, je voudrais aller ailleurs où je serais heureux de m’exprimer musicalement. Ce n’est rien de mal ou de négatif. Nous sommes extrêmement reconnaissants d’avoir travaillé avec un guitariste aussi incroyablement talentueux que Sonny. Nous avons beaucoup tourné ensemble. C’est toujours triste aussi quand quelqu’un avec qui tu as été dans le groupe pendant un certain temps et qui est un bon ami part.

Mis à part ça, c’est aussi génial d’avoir Luke dans le groupe. Nous avons tourné pendant environ cinq ans avec Luke en tant que bassiste de session quand Chuck ne pouvait pas tourner, et Luke a été un extraordinaire atout pour le groupe. C’est sympa qu’il joue de la guitare dans le groupe, parce que lui aussi est très talentueux à la guitare. Il est d’ailleurs plus en phase avec ce que nous voulons faire musicalement que Sonny ne l’était. Sonny était un guitariste plus talentueux que n’importe qui dans le groupe, donc je peux comprendre pourquoi, peut-être, faire des trucs primitifs comme nous le faisons n’était pas vraiment sa tasse de thé. Mais Luke est plus ouvert à faire le genre de choses que nous cherchons à faire dans le groupe. Nous sommes très contents. Luke a fait un boulot phénoménal, et même avec les nouvelles chansons, il a beaucoup contribué. Est-ce que Sonny nous manque ? Oui, il nous manque, et nous apprécions tout ce qu’il a fait, mais nous voyons avant tout ça comme une situation positive pour nous et pour lui : il peut faire ce qu’il veut faire et nous pouvons faire nos trucs comme nous aimons les faire et travailler avec Luke qui est une personne extraordinaire. C’est super pour tout le monde.

Sect Of Vile Divinities est le quatrième album d’Incantation mixé par Dan Swanö. Tu l’as même qualifié de quatrième membre de groupe pour ce qui est du mixage. Qu’est-ce que Dan a compris au sujet d’Incantation et du son du groupe pour être un ingénieur de mix parfait pour vous ?

C’est surtout parce qu’il vient de la même époque du death metal que nous. Edge Of Sanity était un de nos contemporains dans le temps. Je pense que même s’il existe plein de super ingénieurs et producteurs, pour nous c’est naturel de travailler avec quelqu’un qui vient de la vieille école, qui a l’habitude des vieux enregistrements sur bande et de faire les choses en analogique. Avec lui, nous pouvons être en phase avec le niveau de production actuel, tout en préservant l’essence old school, ce qui selon moi n’est pas forcément si facile que ça à faire. Il y a plein de groupes qui essayent de recréer le style old school, mais nous voulons le faire de manière qui soit plus authentique, et il fait un putain de bon boulot ! Quand nous avons commencé à travailler avec lui, j’ai tout de suite su qu’il comprenait le côté plus brut du death metal. Plein d’ingénieurs et de producteurs avec qui nous avons travaillé par le passé ont parfois voulu trop nettoyer notre son, mais Dan est capable d’être sur la corde raide, c’est-à-dire qu’il s’assure que tout est de qualité et en place, sans être forcément trop merdique ou trop sale, mais à la fois pas trop immaculé non plus. Il est capable de trouver le juste milieu. C’est super d’obtenir ça. Dans le temps, nous galérions à trouver les personnes qui savaient comment travailler avec le metal, mais là Dan a fait un boulot phénoménal. A chaque fois que nous lui envoyons nos pistes, nous recevons en retour le mix et c’est à quatre-vingt-dix pour cent parfait ; nous devons juste trouver quelques petits trucs à corriger. Maintenant, il sait exactement ce que nous recherchons, il sait que nous n’essayons pas de réinventer la roue ou d’avoir un gros album surproduit. Il sait que nous voulons juste faire du death metal sombre et sale, et il fait le boulot parfaitement. Je suis très content avec lui. C’est un chouette type aussi, et un super gars avec qui travailler.

Vous avez célébré trente ans d’Incantation l’an dernier. Si on remonte au tout début du groupe, à l’époque, en Amérique, le death metal se résumait au studio Morrisound. Tous les groupes de death metal américains de l’époque faisaient leurs albums là-bas : Death, Morbid Angel, Obituary, Deicide, Cannibal Corpse… Mais vous n’avez jamais suivi ce modèle sonore. Avec le recul, d’après toi, est-ce que ça a joué en votre faveur ou en votre défaveur ?

C’est dur à dire. Je ne pouvais pas suivre un autre chemin que celui que nous avons suivi. Dès le début, et c’est toujours le cas aujourd’hui, nous n’avons jamais voulu être un de ces groupes de death metal typés Morrisound. Il n’y a rien de mal à ça et un tas de groupe qui ont enregistré là-bas sont super, mais ça ne nous correspondait pas. Je ne voulais pas de ce son death metal clair et propre. Plein de super albums sont sortis du Morrisound, mais aucun d’entre eux n’était « nous », aucun ne sonnait comme nous voyions le death metal. Nous avons toujours aimé avoir ce côté « boueux » et hirsute dans notre son. J’ai toujours été influencé par le côté plus rugueux de l’époque démo du death metal, comme le début de Death, Necrovore, les démos de Morbid Angel sur Abominations Of Desolation, Necrophagia… Je voulais donc ce genre de production pour Incantation, ce genre de feeling. Morrisound fait partie de ces studios qui nettoient le son et font que le death metal sonne vraiment gros. Nous nous sommes dès le début montés comme un groupe underground. C’est dur à dire ce qui se serait passé si nous avions été au Morrisound. Nous sonnerions totalement autrement en tant que groupe ! De toute façon, je ne pense pas que nous étions suffisamment bons musiciens à l’époque pour prétendre aller au Morrisound. Ils auraient dit : « Les mecs, apprenez d’abord à jouer avant de venir ici ! »

« Quand j’ai quitté Revenant, à dix-neuf ans, j’étais clairement un élitiste du death metal. Je considérais une grande partie du death metal qui sortait comme étant commerciale. »

Le producteur avec lequel nous avons travaillé sur notre premier album, Onward To Golgotha, était Steve Evetts. Il a travaillé avec pas mal de metal. Si je me souviens bien, il a travaillé avec Demolition Hammer, il a peut-être travaillé avec Sepultura, et plus tard des groupes comme Hatebreed ou autres. A l’époque, je ne connaissais pas grand-chose des albums sur lesquels il avait travaillé, je savais juste que c’était un metalleux, même s’il venait plus de l’époque des poseurs, il avait joué de la guitare dans un groupe qui s’appelait American Angel qui était un groupe à la Def Leppard. Nous étions juste contents d’avoir avec nous quelqu’un qui connaissait le metal ! Quand nous nous sommes mis à faire Onward To Golgotha, c’était un désastre total pour trouver le son et nous avons fini par faire une multitude de mix parce qu’il ne comprenait pas vraiment ce que nous recherchions – il essayait de rendre tout ça trop propre. Pour revenir à ta question, jusqu’à présent notre style a davantage bénéficié d’une production sale que d’une meilleure production. A long terme, le fait que nous ayons décidé de suivre notre propre voie nous a aidés, car maintenant, notre style, surtout nos premières productions, a engendré son propre style de death metal, ce qui est dingue quand on y pense ! C’est sympa d’avoir cet héritage, de savoir que la musique qu’on a faite à un moment donné de notre carrière est devenue une inspiration pour d’autres groupes qui ont fait des choses similaires.

Tu avais vingt ans quand tu as commencé Incantation. Avant ça, tu étais dans Revenant, mais ta passion pour la musique remonte à plus loin, avec Kiss en fait…

Oui, j’étais super jeune, j’avais dans les cinq ou six ans. J’adorais Kiss. Je me souviens que j’écoutais tout le temps Kiss Alive et tous leurs premiers albums. J’ai plus ou moins grandi en écoutant Kiss et ensuite, j’ai commencé à m’intéresser à d’autres groupes de hard rock, certains des plus populaires à l’époque, comme Queen et AC/DC. C’était une transition normale vers le metal. Mais oui, ça a commencé assez tôt. J’ai très vite réalisé que j’étais vraiment obsédé par la musique et, déjà quand j’étais enfant, je voulais jouer de la guitare, mais malheureusement, mes parents m’ont acheté une guitare acoustique et ça ne m’intéressait pas parce que je voulais faire de la guitare saturée. Ils ont cru que la musique ne m’intéressait pas mais ensuite, quand j’ai fini par bosser comme livreur de journaux, j’ai décidé d’économiser tout mon argent pour acheter une guitare électrique et un ampli. A partir de là, il n’y avait plus que le metal qui comptait !

Quand je suis devenu adolescent, j’ai commencé à vouloir me mettre plus sérieusement à la musique. Je voulais découvrir tout ce qui sortait, c’était comme une obsession, comme un collectionneur d’information. Je me suis intéressé à pas mal de précurseurs. Au début des années 80, j’ai commencé à m’intéresser à des groupes comme Iron Maiden, Venom, Exciter, Judas Priest… Même certains des groupes de poseurs de l’époque, comme les premiers Mötley Crüe, les premiers Ratt – le heavy metal pré-poseur. Je voulais vraiment m’informer sur tout ce qui existait. Quand j’ai commencé à entendre des groupes comme Exodus et Slayer, le côté plus rugueux, c’est là que les choses ont vraiment commencé à changer. Surtout Metallica aussi, et en particulier les deux premiers albums – le troisième est super aussi. Tous ces albums ont eu un gros impact sur moi. J’ai commencé à creuser plus loin dans l’underground. J’ai commencé à travailler dans un magasin de disques vers l’âge de seize ans et j’ai rencontré Henry Veggian, qui était le leader de Revenant, et Jim Plotkin, qui a joué dans un groupe qui s’appelait Regurgitation, et plus tard Old Lady Drivers et maintenant il fait de la musique expérimentale. Ces gars étaient à fond dans l’underground, plus que moi. Je me souviens que je trainais avec eux et j’apprenais à les connaître, et je découvrais des démos de groupes. Je me souviens que j’écoutais Master ou des groupes comme Papsmear, etc. Je me souviens que j’étais très impressionné qu’il y ait toute cette musique extrême, avec de la super agressivité et qui n’existait pas sur disque, et c’est vraiment ça qui m’a intéressé dans l’underground. Quand j’ai rejoint Revenant, je me suis vraiment plongé dans le monde underground des échanges de cassettes et des fanzines. J’écoutais aussi beaucoup de radios universitaires à l’époque – c’est là que j’ai entendu pour la première fois des groupes comme Mercyful Fate et Hellhammer. J’étais juste une éponge à information.

Quand je jouais dans Revenant, c’était super : nous nous intéressions à un paquet de super musiques et nous nous portions bien en tant que groupe. Nous étions influencés par le punk et le hardcore à l’époque aussi, comme les Dead Kennedys, MDC, Black Flag… Après avoir vu en concert des groupes comme Death sur la tournée Scream Bloody Gore et Morbid Angel quand nous avons joué avec eux avant la sortie d’Altars Of Madness, quand Pete Sandoval venait d’arriver dans le groupe – Immolation et nous avions calé quelques dates avec eux dans notre coin, et j’étais encore dans Revenant à l’époque –, j’ai réalisé que je voulais aller dans une direction musicale plus sombre que ce que Revenant faisait. C’était un tournant pour moi, il fallait que je prenne une décision en tant que musicien : est-ce que j’ai envie de faire de la musique pour l’argent ou est-ce que j’ai envie de le faire par passion ? Revenant était sur le point de signer chez Nuclear Blast à l’époque et j’aurais pu faire l’album, mais je l’aurais fait uniquement pour le faire ou pour être sur l’album. Je ne voulais pas être comme ça. Quitte à faire un album, je voulais qu’il soit important pour moi, qu’il représente vraiment quelque chose. J’ai donc décidé de quitter Revenant dans leur intérêt et dans mon intérêt. Je voulais juste suivre ma propre voie et fonder un groupe avec ma vision qui consistait à le rendre aussi sombre et méchant possible.

« A l’époque, je crois que plein de gens se demandaient : ‘Putain mais c’est quoi ce truc ?’ Mais c’était parfait, parce que, selon moi, c’était aussi ça d’être dans un groupe de death metal, c’est-à-dire que les gens soient révulsés par notre musique. »

L’une de mes plus grosses influences en fondant Incantation était Possessed. Pas musicalement, mais l’idée même de Possessed : être exagéré et faire le truc le plus méchant et sombre possible, car quand j’ai entendu pour la première fois leur album, ça m’a fait halluciner de voir à quel point c’était malfaisant. Je voulais avoir ce genre d’impact avec Incantation : un côté obscure exagéré, qui pousse le bouchon à un autre niveau. J’ai commencé à réaliser qu’un certain nombre de groupes qui commençaient à faire du death metal à l’époque utilisaient souvent les styles de production du thrash pour leur musique, et je ne voulais pas de ça : je voulais un style de production typé death metal plus sombre. Il n’y en avait pas beaucoup, mais il y avait les démos de groupes comme Necrophagia, le début de Morbid Angel, et il y avait de super groupes suédois comme Grave et Nihilist, tout ça c’était des influences aussi, ou en tout cas des inspirations.

Tu trouvais que le death metal n’était pas assez sombre et méchant ?

Oui. Quand j’ai quitté Revenant, à dix-neuf ans, j’étais clairement un élitiste du death metal. Je considérais une grande partie du death metal qui sortait comme étant commerciale. J’étais un peu dégouté parce que le genre de death metal que j’aimais n’obtenait pas autant de publicité que certains des groupes de death metal qui sonnaient plus commerciaux. Je trouvais que plein de trucs qui sortaient étaient trop timorés. Quand les gens entendaient notre musique, je voulais qu’ils se sentent perturbés. A l’époque, je crois que plein de gens se demandaient : « Putain mais c’est quoi ce truc ? » Mais c’était parfait, parce que, selon moi, c’était aussi ça d’être dans un groupe de death metal, c’est-à-dire que les gens soient révulsés par notre musique et se disent : « Qu’est-ce que ces trous-du-cul sont en train de faire ? » Tu n’as pas envie que tous ceux qui entendent ta musique disent : « Oh, ça pourrait m’intéresser, c’est pas mal. » Non. Il s’agit de dire à tout le monde d’aller se faire foutre. Il ne s’agit pas d’être sympa et accepté. Nous étions un peu des punks qui pétaient la forme, qui voulaient dire au monde entier d’aller se faire foutre, que ceci était le style de death metal que tous les « trues » devraient écouter, et si vous vouliez être un poseur, vous pouviez écouter le death metal de Roadrunner.

Qu’est-ce que tu qualifiais de death metal « commercial » à l’époque ?

J’espérais que tu me le demandes ! [Rires] Une grande partie de ces groupes sont mes amis maintenant. Je vais répondre honnêtement. Quand Napalm Death a fait Harmony Corruption, je considérais que c’était du death metal commercial. Quand Cannibal Corpse est arrivé, je trouvais qu’ils faisaient du death metal commercial. J’étais très copain avec Cannibal Corpse, ce sont mes amis, j’adore ces gars, mais je ne trouvais pas que c’était du death metal, je trouvais que c’était du thrash avec du growl death metal par-dessus. Pour dire la vérité, j’aime beaucoup Cannibal Corpse maintenant, j’aime vraiment leur album Gallery Of Suicide, il est excellent, mais leurs premiers albums, pour moi, étaient trop thrash pour du death metal. Ce n’est pas que je n’aime pas le thrash, c’est juste que je n’aimais pas l’infiltration du thrash dans le death metal. Parmi les autres groupes… Je suppose que je trouvais que Malevolent Creation était un peu commercial… Enfin, The Ten Commandments est un super album, mais à l’époque, je ne trouvais pas ça assez agressif, mais en réécoutant, c’est un excellent album, je l’adore.

A l’époque, pour tout ce qui me rappelait un peu le thrash, je me disais : « Non. Pas intéressé. » J’étais un gros difficile à l’époque. Je me suis beaucoup adouci, parce que je me suis ouvert l’esprit avec le temps. Mais à l’époque, il fallait que je sois comme ça parce que j’avais l’impression que nous commencions à nous faire un nom, et quand on se fait un nom, on a l’impression qu’on nous pousse vers les tendances, or nous ne voulions pas faire partie d’une tendance death metal. Il y avait une grande mode avec des groupes qui commençaient par faire du thrash, puis qui troquaient leur style vocal pour un growl death metal et alors on les considérait comme des groupes de death metal. Je me voyais autrement, car j’avais quitté mon groupe de death metal thrashy pour fonder Incantation comme étant dès le départ un groupe de death metal. A l’époque, j’avais l’impression que ça me donnait plus de légitimité en tant que groupe de death metal que ces groupes qui ont commencé en faisant du thrash et qui ont suivi les tendances.

Je suis en train de réfléchir et je me dis que tu m’as quand même fait dire que je trouvais qu’Harmony Corruption était un album de death metal commercial [rires]. J’aime beaucoup Harmony Corruption maintenant, mais à l’époque je n’aimais vraiment pas. Ça me tue, parce qu’en fait, c’est vraiment un très bon album ! Je me souviens d’avoir acheté l’EP Suffer The Children quand il est sorti, et j’étais là : « Mouais… » Je m’attendais à un autre Mentally Murdered ou quelque chose comme ça, j’étais un peu décontenancé. Ça craint parce que Mitch [Harris], le guitariste, était un ami à moi, donc je voulais l’aimer, mais à l’époque, j’étais un peu partagé. Je trouvais vraiment que c’était trop commercial. Je voulais entendre indéfiniment un album comme Scum. D’ailleurs, j’ai plusieurs amis qui ont dit qu’il y a un nouvel album de Napalm Death qui sort maintenant et j’ai envie de l’écouter. J’ai bien envie de leur donner leur chance car j’ai entendu dire que c’était très bon. Je suis curieux d’entendre ça, car je n’ai rien écouté de leur part depuis Harmony Corruption. Mais j’ai envie de leur donner une seconde chance, car je ne sais même pas si j’aime ou pas ! Je ne peux même pas dire que je n’aime pas parce que je ne sais pas à quoi ça ressemble. Je n’ai jamais pris le temps de bien écouter. Shane a toujours été un mec super cool, super sympa, et Barney est toujours super cool à chaque fois que je le croise. Il faudrait vraiment que je prenne le temps d’écouter ce qu’ils font !

« Certains gamins aspirent à être les chanteurs d’un groupe ; moi je voulais juste être le guitariste d’un groupe, pas le chanteur. Il a fallu que ça devienne une nécessité pour que ça se fasse. »

Pour revenir à ce dont on parlait plus tôt : es-tu toujours fan de Kiss ?

Oui, j’aime toujours Kiss. Quand j’en écoute, ça me rappelle toujours de beaux souvenirs. J’aime toujours surtout leurs vieilles musiques. Il y a des trucs qu’ils font qui ne sont pas ce que je préfère. Ceci dit, je n’ai jamais été à un concert de Kiss une fois qu’ils ont remis leur maquillage. Je ne sais pas pourquoi, ça ne s’est jamais fait. Je n’ai vu Kiss jouer qu’à l’époque des tournées Animalize et Asylum. Mais je préfère vraiment le Kiss des années 70. Mais oui, j’aime toujours. D’ailleurs, avant de faire cette interview, j’étais justement en train d’écouter Hotter Than Hell.

Tu t’es mis au chant en 2004, avec l’album Decimate Christendom, après pas mal d’années d’instabilité à ce poste. Comment a été la transition quand tu as endossé le rôle de frontman ?

C’est une longue aventure. Ça m’a pris du temps à faire ça. Je n’ai jamais voulu être chanteur. Ça craint de devoir faire quelque chose parce que d’autres gens soit ne sont pas fiables, soit changent d’avis, soit ils veulent faire autre chose… Après l’album Blasphemy, j’ai eu une discussion avec Kyle et nous avons réalisé qu’il fallait mettre en place un plan d’action concernant le chant. Nous en sommes arrivés à la conclusion que, si je faisais le chant, je n’aurais plus à me soucier d’avoir un autre chanteur dans le groupe. Je me débattais pour ne pas avoir à être chanteur, car je ne voulais pas, je voulais juste composer. J’ai toujours voulu être un guitariste-compositeur, un peu comme Mike Torrao. Je ne voulais pas être un frontman-chanteur mais je le suis devenu parce que c’était la meilleure chose à faire pour le groupe, et le fait de me mettre au chant a été la meilleure chose que le groupe ait jamais faite, mais ça a pris du temps. Il m’a fallu environ un an d’entraînement pour trouver comment faire les sons et ensuite pour arriver à jouer de la guitare en même temps. Encore aujourd’hui, y compris sur les albums, je suis coaché sur les chansons… Surtout au début, Kyle et Bill Korecky ont vraiment dû me coacher en studio sur le chant pendant les enregistrements de Decimate Christendom et Primordial Domination, car je manquais encore beaucoup d’assurance. Après tout ce temps, maintenant ça me paraît relativement naturel et je ne me vois pas faire autrement. J’aurais aimé croire en moi plus tôt pour faire le chant dans le groupe, mais je n’avais tout simplement pas la volonté. Certains gamins aspirent à être les chanteurs d’un groupe ; moi je voulais juste être le guitariste d’un groupe, pas le chanteur. Il a fallu que ça devienne une nécessité pour que ça se fasse.

Il se trouve que tu as deux albums qui sortent cette année : le premier avec Incantation, donc, mais aussi The Ancient Ritual Of Death de Beast Of Revelation. Peux-tu nous en parler ?

Oui, celui-ci aussi est super. J’étais aux anges quand ils m’ont demandé de faire partie de ce groupe. A.J. [van Drenth] et Bob [Bagchus] sont des amis à moi depuis un bon moment maintenant, et ils m’ont demandé de faire le chant dans ce groupe. Je me suis dit que ça serait bien, ça m’intéressait clairement, mais dès que j’ai entendu certaines musiques en démo, j’étais très impressionné par ce qui s’en dégageait. Evidemment, j’adore le doom et j’en joue dans Incantation, donc c’était sympa de faire un album qui allait encore plus loin dans le doom que je ne le fais dans Incantation. C’était vraiment génial. J’étais super content du rendu du chant dans l’album, car j’étais seulement chanteur, je ne faisais pas de guitare, donc j’ai pu me concentrer uniquement sur la partie vocale. C’est sympa de faire un groupe dans lequel je ne suis pas tellement impliqué dans la composition en tant que telle. J’ai pu prendre ce qu’ils ont composé et faire de mon mieux pour essayer de faire passer les bonnes émotions avec la musique. Ca a bien marché. J’étais très ouvert d’esprit avec ces gars : je me suis assuré qu’ils sachent que s’il y avait quoi que ce soit qu’ils n’aimaient pas et qu’ils voulaient que je change, je le ferais, parce que mon objectif avec ma contribution était de faire de cet album le meilleur album possible et d’exprimer avec ma voix ce qu’ils essayaient d’exprimer. J’en suis super content, le résultat est excellent. Quand j’ai entendu le mix final de l’album, je me suis dit : « Bordel de merde, ça sonne méga heavy ! » J’aime le chant, la batterie, les guitares… Tout sonne super. J’ai vraiment hâte de travailler sur de nouvelles musiques avec eux. J’ai aussi envie de faire des concerts avec eux. J’espère que quand nous irons en Europe, je pourrai prendre un peu de temps pour caler quelques trucs, même de petits concerts locaux. Ce serait vraiment amusant de me produire dans un groupe comme celui-ci en n’étant que chanteur.

Vous avez apparemment déjà six chansons pour le prochain album d’Incantation…

Oui, c’est arrivé durant notre quarantaine. Je ne sais plus il y a combien de temps c’était, peut-être deux mois, quand on n’avait plus le droit de sortir de chez nous sauf pour des urgences. De toute façon, honnêtement, la composition, c’est quelque chose que nous faisons déjà en temps normal juste après l’enregistrement d’un album, et nous avions prévu de prendre un peu de temps pour composer car nous allions attendre la sortie de l’album. Je ne sais pas si ça vaut pour tout le monde, mais en ce qui nous concerne, après avoir fait un album, je suis tout de suite inspiré, car j’écoute l’album et, peu importe ce que nous faisons, je suis toujours là à le critiquer et le juger, et ça m’inspire ; j’ai envie d’écrire de nouveaux trucs en réaction à ça ou pour développer certaines idées que nous avons faites sur le dernier album. Des chansons commencent naturellement à me venir à un moment donné et là j’ai écrit pas mal de choses – tout le monde a écrit pas mal de choses, notamment Chuck et Luke. J’ai composé un peu chez moi, j’ai fait des structures basiques que j’ai envoyées à Kyle pour qu’il bosse sur sa batterie. Quand nous avons enfin pu sortir de la quarantaine, nous nous sommes tous réunis et des chansons ont commencé à se mettre en place très rapidement, et franchement elles tuent. C’est dingue parce que nous sommes en train de promouvoir Sect Of Vile Divinities, mais nous sommes aussi super inspirés par les nouvelles musiques que nous sommes en train d’écrire. Nous ne pouvons pas nous en empêcher ! En tant que groupe, nous adorons créer de la musique et nous sommes extrêmement excités par les nouvelles musiques que nous composons pour le prochain album. Il y a des trucs vraiment sympas que nous n’avons jamais faits avant, et des trucs agressifs qui tuent vraiment. Nous sommes excités à l’idée de retourner au studio pour travailler dessus. Mais ça ne sera pas tout de suite, car nous avons envie de promouvoir cet album autant que possible.

Interview réalisée par téléphone le 10 août 2020 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Foucauld Escaillet.
Traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel d’Incantation : www.incantation.com

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