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Interview   

Insomnium : les années noires


Si c’était encore nécessaire, Insomnium prouve définitivement que metal et littérature font bon ménage. Après Winter’s Gate – une chanson de quarante minutes basée sur une nouvelle rédigée par Niilo Sevänen lorsqu’il était étudiant – et le plus conventionnel Heart Like A Grave, les voilà de retour avec Anno 1696, un album basé sur un nouveau récit du chanteur bassiste, inspiré à la fois par des faits historiques et le recueil de contes d’Aino Kallas, La Fiancée Du Loup. Anno 1696 présente donc la bande originale de cette sinistre histoire, mêlant chasse aux sorcières, loup-garou, famine et histoire d’amour tragique. D’où une teneur musicale particulièrement sombre, Insomnium offrant parmi ses musiques les plus black.

Nous en discutons de long, en large et en travers avec Niilo qui nous raconte la conception d’un disque très « finlandais » et sa vision de l’art en général, et expose le contexte historique et littéraire de cette histoire, mais aussi sa passion pour ces domaines – il nous apprend d’ailleurs travailler actuellement sur son premier roman.

« C’était l’année d’une famine catastrophique en Finlande. C’était la pire année de l’histoire finlandaise. Enormément de gens sont morts. Et c’est assez étrange que même dans les livres d’histoire, y compris dans nos écoles, on ne parle pas beaucoup de ces années-là. »

Radio Metal : L’album précédent d’Insomnium, Heart Like A Stone, est sorti en octobre 2019, ce qui signifie que vous n’avez eu que quelques mois pour le promouvoir avant la pandémie de Covid-19. Malgré tout, penses-tu que cet album a eu suffisamment l’occasion d’atteindre les gens ou bien gardes-tu une sorte de frustration à cet égard ?

Niilo Sevänen (chant & basse) : Oui, nous avons fait une tournée européenne, puis nous sommes partis aux Etats-Unis. Nous y avons joué un concert et nous avons dû rapidement revenir chez nous, c’était en mars 2020. C’était un peu nul pour cet album, mais à la fois, tout le monde sur le globe a souffert, donc je n’ai pas d’amertume par rapport à ça. Je sais que nos fans ont beaucoup aimé l’album. Nous avons joué quelques chansons dans des festivals maintenant. En plus, nous avons fait une tournée avec Moonspell et Borknagar – nous sommes d’ailleurs passés en France en octobre – où nous avons aussi joué ces chansons. L’album était toujours disponible de toute façon, les gens pouvaient l’écouter, et nous avons quand même pu en jouer un petit peu en live. Après, des gens ont peut-être découvert Insomnium durant la pandémie parce qu’ils avaient plus de temps, mais ça reste à voir. On verra ce qui se passe avec ce nouvel album maintenant : avons-nous de nouveaux fans ou avons-nous perdu des vieux fans ? Je ne sais pas, mais j’ai l’impression que ça se présente bien. Honnêtement, nos fans sont très fidèles et d’un grand soutien. Je suis sûr que lorsque nous passerons jouer dans certaines villes, ils seront au rendez-vous. Je suis optimiste quant à l’avenir d’Insomnium.

Quand la pandémie vous a forcés à annuler toutes les tournées, vous vous êtes immédiatement mis à faire de nouvelles chansons qui ont ensuite donné l’EP Argent Moon. Ces quatre chansons représentent la facette plus calme, mélancolique et contemplative d’Insomnium. Dans quelle mesure est-ce que ça traduit votre humeur durant cette période ?

Je pense que ça correspond bien à l’humeur d’un peu tout le monde à ce moment-là, face à l’incertitude, se demandant ce qui allait se passer maintenant. Malgré tout, le fait qu’à ce moment-là, nous avions autant de démos plus calmes était plus une coïncidence. Ou peut-être que c’en n’était pas une, peut-être que nous étions tous affectés émotionnellement par le Covid-19 et que nous avons conséquemment fait de la musique calme et sombre. C’est toujours pareil avec l’art, c’est toujours difficile de mettre des mots sur son origine. Ça vient de quelque part et plein de choses affectent le résultat, que ce soit son sentiment sur le moment, ce qu’on vit, ce qu’on voit, ce qu’on lit ou ce qu’on écoute. N’importe qui et n’importe quoi peuvent influer sur la tournure que prend notre art. Peut-être que c’est de l’ordre du subconscient.

Vous sortez désormais un nouvel album intitulé Anno 1696. Vous y êtes-vous mis tout de suite après avoir fini l’EP ou avez-vous eu besoin de recharger vos batteries créatives ?

Cette fois, nous avons tout de suite commencé à travailler. C’était encore les années de pandémie et il n’y avait aucune tournée à l’horizon. C’était bien de faire de l’art pour rester occupé. Si nous ne tournons pas, autant faire de la nouvelle musique, donc nous avons immédiatement continué. Peut-être qu’il y avait des mois où nous n’étions pas si actifs que ça, mais assez vite, tout le monde a fait des démos et se les est envoyées pour mettre en place les idées. Evidemment, j’ai écrit l’histoire. Mais dans une situation normale, tu fais un album, puis tu commences à tourner et il peut se passer deux ans avant que tu ne recommences à faire de la nouvelle musique, mais cette fois, c’était différent à cause du Covid-19. Nous avions du temps à passer chez nous, notamment pour faire de la musique. Certaines démos de l’album ont même été faites dès la phase Argent Moon. Par exemple, « Lilian » est l’une des plus anciennes chansons. Ensuite, nous avons décidé qu’Argent Moon serait une collection de sortes de ballades, donc nous avons attendu pour « Lilian ». Et quand nous avons fait de nouveaux arrangements pour cet album, je pense qu’elle est devenue bien meilleure que ce qu’elle était il y a deux ans. C’était une bonne décision de laisser la chanson trouver sa propre voie et se finaliser. Parfois, ça se passe ainsi, il y a des démos qui peuvent attendre plusieurs années avant de trouver la bonne place. On se rend compte de ce qui manquait et on parvient à l’améliorer, elle prend vie et on l’utilise. « Lilian » est probablement la plus vieille chanson sur cet album, mais la majorité des musiques ont été faites en 2021, je pense.

Anno 1696 est basé sur une nouvelle que tu as écrite. C’est quelque chose que tu avais déjà fait avec Winter’s Gate : penses-tu que cet album vous a ouvert les portes d’un nouvel univers de musique associée à la littérature ?

Oui, personnellement, c’est ce que je ressens. Winter’s Gate était un album très spécial comprenant une seule piste de quarante minutes et une nouvelle à découvrir dans le livret. Ça nous a amené une certaine liberté créative. Nous nous sommes dit qu’après ça, nous pourrions oser faire tout ce que nous voulions et essayer de nouvelles choses. Bien sûr, Heart Like A Stone était un album plus conventionnel. Il avait un concept, mais malgré tout, c’était des histoires indépendantes. Mais maintenant, j’ai voulu de nouveau combiner la littérature et la musique, et donc écrire une histoire pour cet album. Heureusement, les autres ont pensé que c’était une idée sympa, donc nous voilà ! La prose et la musique ont toujours été mes deux plus grandes passions. D’ailleurs, je suis actuellement en train d’écrire mon premier roman. Ça fait déjà deux ans et demi que je suis dessus. J’ai une maison d’édition. Ça poursuit l’histoire de Winter’s Gate, mais à plus grande échelle. Ça fera cinq cents pages. Je travaille dessus tous les jours et j’espère pouvoir le terminer le plus vite possible, mais c’est un gros projet et j’ai d’autres obligations, comme les concerts et les albums à faire, ce qui est super, évidemment, mais ça prend du temps d’écrire un livre.

« Je préfère largement penser à des choses sombres et horribles qui se sont passées au dix-septième siècle qu’à celles qui se passent en ce moment. Je pense que pouvoir faire de la musique et écrire une histoire m’a vraiment sauvé durant la pandémie. »

Doit-on s’attendre un jour à un album d’Insomnium pour l’accompagner ?

Peut-être. Je n’ai pas encore réfléchi jusque-là, mais il nous faudra énormément de musique ! Nous pourrions probablement faire plusieurs albums sur cette base si nous le voulions. D’un autre côté, je suis tenté d’essayer peut-être de faire un autre genre de BO pour ce livre, plus comme une BO de film, avec juste un orchestre ou des synthés, quelque chose d’atmosphérique, pas metal. C’est ce que j’ai pensé, mais on verra. Je dois d’abord finir le livre avant de penser à le mettre en musique.

Winter’s Gate était quelque chose que tu avais initialement écrit quand tu étais étudiant en histoire de la culture et de la littérature à l’université. C’était pour une compétition de nouvelles. Cette fois, quelle a été la source de la nouvelle pour Anno 1696 ? Et pourquoi avoir choisi spécifiquement l’année 1696 ?

Cette époque, le dix-septième siècle en Europe, est très intéressante, très sombre, dramatique, avec un affrontement entre la religion et la science, les procès en sorcellerie et les guerres, dans le Nord on avait la grande famine… En 1696 et 1697, un quart de la population est morte. C’était des temps très sombres, mais une histoire en particulier m’a inspiré : Sudenmorsian d’Aino Kallas – La Fiancée Du Loup en français. C’est l’un des meilleurs romans finlandais de tous les temps – certainement mon préféré. C’est une histoire de loup-garou se déroulant en Estonie. Avec Anno 1696, je voulais rendre un peu hommage à cette histoire et écrire quelque chose ayant une atmosphère semblable, très dramatique et sombre. C’était donc clairement la source d’inspiration pour cet album et cette histoire. Mais pour ce qui est de l’année 1696, c’est parce que c’était l’année d’une famine catastrophique en Finlande. C’était la pire année de l’histoire finlandaise. Enormément de gens sont morts. Et c’est assez étrange que même dans les livres d’histoire, y compris dans nos écoles, on ne parle pas beaucoup de ces années-là. J’étais adulte quand j’ai lu pour la première fois que trente pour cent de la population est morte en seulement deux ans. C’est quelque chose qui est presque une part oubliée de notre histoire. Peut-être que c’est notre façon de dire : « Eh, il s’est passé ça. N’oubliez pas. C’était un évènement particulier qui réclame votre attention. »

Sais-tu pourquoi ça a été oublié ?

Je ne sais pas s’il y a une raison ou si c’est juste que d’autres choses sont considérées comme plus importantes. Je sais que durant les années de guerre froide, le terme de « finlandisation » est apparu, c’est-à-dire que nous avons fait de la lèche à la Russie, nous avons essayé d’être amis avec eux et de ne pas les froisser. Donc, dans nos livres d’histoire, on ne parlait pas tellement des attaques de la Russie contre la Finlande entre le quinzième et le dix-huitième siècle, on gardait ça un peu sous silence, on ne voulait pas trop en parler. Mais concernant cette famine, il n’y a aucune raison de la dissimuler. C’était juste pas de chance et le fait que la société n’était pas suffisamment développée pour gérer la situation. Pendant l’hiver, toutes les mers étaient gelées, il n’y avait aucun moyen de transporter la nourriture d’une partie du pays à l’autre. Il n’y avait aucune solution au problème avec la technologie de l’époque.

Cet album, c’est clairement « Insomnium sous sa forme la plus black », comme l’a bien dit Markus Vanhala, et on dirait que ça va de pair avec le côté sinistre et horrifique de l’histoire. Avez-vous spécifiquement composé la musique pour qu’elle en soit la BO ?

Oui. La première fois que j’ai parlé de cette histoire aux autres, c’était en 2019. Je leur ai dit que j’avais cette ébauche de concept en tête. Le Covid-19 est arrivé et a mis un peu le bazar. Nous avons fait l’EP Argent Moon d’abord, mais comme je l’ai dit, nous avons tout de suite commencé à travailler sur l’album. J’ai terminé l’histoire, les gars l’ont lue et la majorité des morceaux a été composée ensuite. Je pense qu’il n’y avait qu’un tout petit peu de musique avant que je termine la nouvelle, mais la plus grande partie a été composée spécifiquement pour cette histoire. Les autres gars avaient donc aussi l’histoire en tête pendant qu’ils composaient et je pense que nous nous sommes tous mis d’accord pour que, cette fois, ce soit une version plus black d’Insomnium, tout le monde s’est mis dans le même état d’esprit. Donc, surtout ce qu’a composé Markus, c’est devenu très sombre, rugueux, froid et blackened, plus proche de Winter’s Gate que d’Heart Like A Grave. C’est effectivement la BO de cette histoire, c’est le sentiment que j’en ai, ça colle très bien au côté tragique. Evidemment, il y a quelques morceaux, comme « Lilian » justement, qui sonnent un peu plus légers, mais je pense avoir trouvé le bon chapitre qui convient à cette ambiance. C’est un genre de flashback sur l’époque où tout allait bien et où le couple était en train de tomber amoureux, donc ça va bien avec cette chanson. Autrement, ce sont des musiques très sombres.

« L’art est une épreuve et ça doit en être une. L’art ne devrait pas non plus être trop facile d’accès pour le spectateur ou l’auditeur. L’art devrait être complexe et stimuler nos idées et nos pensées, et nous faire réfléchir, nous faire voir le monde sous un nouveau jour. C’est la fonction de l’art. »

Evidemment, on a tous vécu des moments sombres dernièrement, donc est-ce que ça pourrait avoir aussi impacter la direction musicale voire certains choix de thématiques dans l’histoire ?

C’est dur à dire. Bien sûr, les deux ou trois dernières années n’ont été faciles pour personne et il semblerait que le monde a changé à bien des égards, et pas pour le mieux. Au moins, quand je fais de l’art, que je compose de la musique, que j’écris une histoire, ça me permet de m’évader. Je préfère largement penser à des choses sombres et horribles qui se sont passées au dix-septième siècle qu’à celles qui se passent en ce moment. Je pense que pouvoir faire de la musique et écrire une histoire m’a vraiment sauvé durant la pandémie. C’était mon salut durant ces années.

Winter’s Gate était une seule et unique grosse chanson, alors que cette fois, c’est plus un recueil traditionnel de morceaux. Est-ce que ça fait une différence pour suivre la narration et la traduire en musique ?

Oui, les albums conceptuels requièrent plus d’organisation ou, en tout cas, de réflexion que les albums normaux. Donc, bien sûr, l’ordre des chansons, les paroles et comment tu planifies l’ensemble jouent un rôle important. Nous avons dû choisir assez vite que telle chanson serait la première et que telle autre serait la dernière pour que je puisse tout de suite écrire les paroles et qu’elles suivent l’histoire, avec une véritable fin sur la dernière chanson. Mais avec certains morceaux, nous avons pu changer un peu l’ordre sans que ça affecte vraiment l’histoire. Dans la nouvelle, ce n’est pas toujours chronologique, il y a des flashbacks de temps en temps. Nous pouvions donc jouer avec l’ordre des chansons tout en étant confiants sur le fait que les gens comprendraient, qu’ils liraient l’histoire et les paroles, et qu’alors tout ferait sens.

D’un autre côté, il y a aussi pas mal de clair-obscur, où on est sur la corde raide entre la tristesse et la colère. Est-ce important pour vous de ne pas faire un album unidimensionnel, qu’il y ait de la dynamique, des pics et des creux ?

Oui. Je pense que c’est l’essence du son d’Insomnium, le fait que ce ne soit pas totalement sombre et désespéré, mais qu’il y ait de faibles rayons de lumière qui passent quelque part à travers les arbres. Il y a donc toujours des contrastes dans notre musique. Il y a ces passages plus calmes et magnifiques, et il y a les trucs presque black metal, les parties doom et différentes nuances. Je trouve que c’est important de maintenir cette tension tout le long de l’album, qu’il y ait de la variété au sein des chansons et différents types de musique. Mais bien sûr, c’est un numéro d’équilibriste de faire en sorte que ça sonne comme un ensemble uni, un album, et pas juste un amas d’idées. C’est très délicat à assembler, mais j’espère que nous sommes quand même parvenus cette fois à faire en sorte que ça sonne comme un album.

La première chanson, « 1696 », démarre très calmement avant d’exploser et de partir dans l’une des parties les plus intense et agressives d’Insomnium. Vois-tu cette chanson comme une sorte de transition de la lumière à l’obscurité, de la paix à la violence, et au final, de l’EP Argent Moon à l’album ?

Oui, on peut le voir comme ça. Surtout si certaines personnes pensaient qu’avec Argent Moon, nous étions devenus vieux et mollassons, que nous faisions de la musique radiophonique, quand elles entendront ce premier morceau, elles comprendront que nous sommes toujours Insomnium et que nous faisons la même chose qu’avant. J’aime beaucoup cette transition où ça se transforme en heavy metal et où tu te dis : « Ah d’accord, ça va être comme ça, en fait ! » J’adore. C’est un bon démarrage.

Depuis Heart Like A Grave et l’ajout de Jani Liimatainen au groupe, vous êtes désormais quatre compositeurs. Quels sont les effets d’avoir autant d’apports ? Penses-tu que ça produise des albums plus riches ou est-ce que ça peut aussi apporter de la confusion créative parce que ça vient de tous les côtés ?

Je pense que ça n’a été que positif. Personne n’a trop de pression pour finir une chanson ou accoucher de quelque chose. Il y a quatre gars qui composent et font des démos, et ensuite, nous pouvons choisir les meilleures idées, les meilleures chansons, et laisser le reste pour l’album suivant ou l’avenir. Si une chanson n’avance pas, d’autres peuvent prendre le relais et en faire leur propre version, en ajoutant ou en changeant peut-être des parties. De très bonnes chansons ont résulté de ce genre de processus. Je dirais qu’avec quatre compositeurs, Insomnium est plus fort que jamais. Jani s’est très bien adapté au son et à l’état d’esprit d’Insomnium. Quand il compose de la musique pour nous, ça sonne comme Insomnium.

« Je vis à soixante-dix kilomètres de la frontière Russe. Disons que je ne dors pas toujours bien. »

Apparemment, cet album n’a pas eu une genèse très facile. Tu as déclaré que « faire de l’art est toujours une bataille avec soi-même ». Peux-tu nous parler des défis auxquels vous avez été confrontés ?

Ce truc de l’artiste qui bataille avec lui-même, je pense que c’est généralement ainsi que ça se passe. Tu es posé seul avec tes idées et tu essayes de créer quelque chose. Un jour, t’es déprimé, genre : « Je suis un gros nul. C’est de la merde. » Le lendemain, t’es là : « You hou ! C’est génial, je suis un génie ! » Je pense que c’est vraiment typique chez une personne artistique. Dans ce groupe, nous sommes tous très personnes très artistiques qui se sentent comme ça. C’est toujours une épreuve. Il y a des hauts et des bas. Je pense que ce qui sépare les pros des amateurs est que, malgré tout, les premiers continueront à bosser quoi qu’il arrive. Tous les jours, tu te mets devant l’ordinateur, tu commences à faire ton truc le matin, que ce soit écrire ou composer, tu n’arrêtes pas. Il se peut que tu n’aies pas envie, mais tu sais que si tu persévères, à la fin, ce sera bien. Il y a des moments de désespoir, où tu n’as plus confiance en toi-même, mais ça fait suffisamment longtemps que tu fais ça pour savoir que ces moments passeront et que probablement, le lendemain tu te sentiras mieux. Ça nécessite beaucoup de travail de composer ou d’écrire quelque chose. Je ne dirais pas que cet album était plus difficile qu’un autre, il y a toujours le même genre de difficultés à chaque album.

Penses-tu que créer de l’art de qualité ne devrait jamais être facile ? Penses-tu que la difficulté en fasse partie intégrante ?

Oui, je pense. C’est très rare qu’une chanson ou qu’une histoire naisse de manière magique, comme ça, et soit tout de suite prête. Généralement, ça nécessite beaucoup de travail, d’effort, de tâtonnements, et peut-être de demander l’opinion d’une autre personne, car généralement, on ne voit pas son art objectivement, alors que d’autres peuvent faire remarquer qu’on peut peut-être changer quelque chose et que ce serait mieux ainsi. D’abord, on peut dire : « C’est mon boulot, n’y touche pas ! » Mais si on y réfléchit bien, ça peut souvent être sage d’écouter les commentaires d’autres personnes. Bref, l’art est une épreuve et ça doit en être une. L’art ne devrait pas non plus être trop facile d’accès pour le spectateur ou l’auditeur. L’art devrait être complexe et stimuler nos idées et nos pensées, et nous faire réfléchir, nous faire voir le monde sous un nouveau jour. C’est la fonction de l’art.

Dirais-tu que la pop n’est pas de l’art, en l’occurrence ?

[Rires] C’est très différent. Je suis sûr qu’on pourrait faire une sorte d’analyse de données sur l’écoute des chansons de pop et celle de death metal, et relever les différences, genre : « Celles-ci sont courtes, celles-ci sont longues, celles-ci sont complexes, celles-ci sont simples. » Je ne juge pas la musique mainstream et j’aime aussi certains morceaux pop, bien sûr, et c’est aussi une forme d’art de faire des chansons hyper accrocheuses que des millions et des millions de personnes adoreront, mais c’est différent de faire du death metal progressif [petits rires].

Après avoir travaillé sur trois albums avec Teemu Alto en tant que producteur, vous avez opté pour Jaime Gomez Arellano. Qu’est-ce qui vous a fait penser qu’il était temps de changer ? Penses-tu que le côté sinistre et cru de l’histoire et de la musique exigeait ce genre d’approche plus brute et organique pour laquelle Jaime est réputé ?

Oui. Nous avons aussi encore travaillé avec Teemu – j’ai fait mes enregistrements de chant et de basse avec lui – mais Jaime était en charge de l’ensemble et il a mixé l’album. Il a travaillé par le passé avec des groupes comme Paradise Lost et Moonspell, et il a fait des albums qui avaient un côté un peu old school, façon années 90. Nous voulions vraiment avoir ce genre feeling pour cet album, vu qu’il est plus blackened et cru. Il ne fallait pas que ce soit trop poli. Il fallait que ce soit rugueux et heavy. Jaime utilise de vrais sons de batterie, il ne la sample pas, donc, à bien des égards, il est un peu de la vieille école et nous le respectons, car nous sommes aussi comme ça. Il a fait un boulot formidable et son style convient parfaitement à ces chansons et à cet album. Nous avons fait appel à plein d’ingénieurs de mix au cours de notre histoire, donc on verra ce que nous ferons avec le prochain album et ce que nous rechercherons, mais Jaime a trouvé exactement ce que nous recherchions cette fois.

« C’est l’hiver qui nous rend plus résilients et organisés ; nous sommes toujours obligés de planifier pour l’avenir. Ici, si on ne fait pas ça, on meurt l’hiver suivant. »

Les groupes comme Paradise Lost et Moonspell ont-il été des influences pour vous ?

Au début, dans les années 90, oui. L’album Icon de Paradise Lost sorti en 93 était l’un des premiers… Bon, après Metallica, quand je me suis mis à écouter des trucs plus heavy, c’était l’un de ces albums. Donc, c’est un album qui m’est très cher. Nous avons aussi tous écouté Irreligious de Moonspell dans les années 90. Nous avons tourné avec les deux groupes. Ce sont tous des gars géniaux, c’est vraiment plaisant de les côtoyer. Je dirais qu’au début de notre carrière, c’était deux des groupes que nous admirions, donc c’était super de tourner avec eux plus tard.

Pour revenir au concept et l’année 1696 : comme tu l’as dit, c’était en plein pendant la grande famine en Suède et en Finlande. On n’y est pas encore, mais à cause du contexte actuel, notamment la guerre en Ukraine, on commence à voir une pénurie de certains aliments et on parle de panne d’électricité. Penses-tu que l’idée d’une telle famine en Europe est en train de redevenir une possible réalité ?

Je suis à peu près sûr qu’en 2019, personne n’aurait imaginé que nous serions dans cette situation avec une guerre ayant lieu sur le territoire européen. En mars, j’étais en état de choc, je ne pouvais même pas travailler, j’étais inquiet à propos de ce qui était en train de se passer. Espérons que ça s’améliorera à un moment donné et que ça n’escaladera pas en troisième guerre mondiale ou qu’on ne se retrouvera pas en manque de nourriture dans toute l’Europe. D’abord, il y a eu le Covid-19 et ensuite la Russie a attaqué l’Ukraine, et je me disais : « D’accord, ce sera quoi après ? » Je ne serais plus surpris si des extraterrestres atterrissaient pour conquérir la Terre. Les choses ont vraiment pris un sale tournant depuis deux ou trois ans. Si les sociétés s’effondrent dans nos pays modernes, il est très possible qu’il y ait une famine. On n’est plus du tout des chasseurs-cueilleurs. S’il n’y a plus à manger dans les épiceries, on est mal barrés ! Il faut que ce soit un problème dans la chaîne d’approvisionnement ou je ne sais quoi, mais de petites choses peuvent les affecter et mener à une énorme crise où les gens ne peuvent plus trouver à manger. Espérons que nous n’en arrivions pas jusque-là.

D’ailleurs, qu’est-ce que ça te fait maintenant d’être voisin avec la Russie, surtout compte tenu de l’histoire de la Finlande avec ce pays ?

Je ne me sens pas tranquille ! [Petits rires] Je vis à soixante-dix kilomètres de la frontière. Disons que je ne dors pas toujours bien. On pourrait avoir à évacuer vers la France un jour, mais j’espère que la situation s’améliorera.

L’histoire d’Anno 1696 est très inspirée des procès en sorcellerie de Torsåker – qui ont eu lieu en Suède un peu plus tôt que 1696, en 1674 et 1675. Dirais-tu que les procès en sorcellerie, c’est du passé, ou bien vois-tu des parallèles avec ce qui arrive parfois aujourd’hui, en l’occurrence sur les réseaux sociaux ?

Oui. La race humaine n’a pas beaucoup appris. Encore à notre époque, les gens sont facilement amenés à faire des choses horribles et à croire des mensonges. Ils se mettent à se battre pour quelque chose qu’ils croient être juste et bon, alors qu’ils font des choses horribles. On a tous vu ça se produire ces dernières années. Le fanatisme religieux et l’incitation à la haine n’ont disparu nulle part, malheureusement. Je n’ai pas écrit cette histoire comme une analogie avec les temps modernes, mais je peux facilement voir les similitudes.

Dans les morceaux, tu parles de Dieu, de la passion du Christ, du diable et de Lucifer. Evidemment, la religion était très présente et faisait la loi à cette époque, mais quel est ton sentiment sur l’évolution de la religion jusqu’à notre époque ?

Evidemment, en 1696, la religion dominait vraiment la mentalité des gens normaux. Une majorité d’entre eux étaient très religieux et croyaient que le diable existait et qu’il y avait partout des démons qui menaçaient leur âme. J’ai essayé de me mettre dans cette mentalité pendant que j’écrivais l’histoire pour décrire les sentiments des personnages. Mais bien sûr, beaucoup de choses ont changé depuis. La Finlande est devenue une société très laïque. Seulement la moitié des enfants sont baptisés maintenant, donc ça a vraiment diminué et les gens vont de moins en moins à l’église. Je ne sais pas si les gens dans les sociétés modernes ont besoin de religion pour quoi que ce soit. Je sais que l’Eglise fait de bonnes choses, bien sûr, elle aide les pauvres et fait du travail social, ce qui est bien, mais le gouvernement pourrait aussi le faire. Donc, je ne sais pas si on a vraiment besoin de l’Eglise. Malgré tout, si ça aide des gens, si ça leur donne de l’espoir, c’est bien. Mais quand il y a une religion organisée qui pousse des gens à détester d’autres gens ou ceux qui pensent différemment, c’est là qu’il y a un gros problème, que surviennent les guerres, etc.

« Mes [récits historiques] préférés étaient ceux sur la Révolution française et sur l’ère napoléonienne. Peut-être parce que les guillotines ou les uniformes et chapeaux des soldats avaient l’air tellement cool. J’étais vraiment fasciné. »

As-tu toi-même une quelconque forme de croyance ?

J’ai renoncé à l’Eglise. Je suis athée. Mes parents allaient à l’église simplement par habitude, donc j’ai été baptisé, mais ils n’étaient pas du tout religieux et je n’ai pas du tout reçu d’éducation religieuse. J’ai donc toujours été athée, dès l’école maternelle. J’aime beaucoup tous les textes sur les vieilles mythologies, religions, etc. mais je crois toujours en la science et en ce qui peut être mesuré et perçu. Je ne crois en aucun dieu. Quand je pense à mon père, qui est maintenant à la retraite et a du temps pour réfléchir, je vois qu’il a pensé à des idées religieuses. Comme moi, c’est un païen, mais peut-être qu’à la fin de notre vie, les gens commencent à se poser les grandes questions, sur la vie après la mort, etc. Peut-être que c’est inné chez nous, peut-être que c’est facile de croire qu’il y a une puissance supérieure. Je ne dis pas qu’il n’y en a pas, simplement je ne l’ai pas encore rencontrée.

Au final, comment ce qui s’est passé vers l’année 1696 en Finlande et en Suède a façonné cette partie du monde et ces pays tels qu’on les connaît aujourd’hui ?

C’est une bonne question. Dans le temps, la Finlande et la Suède étaient un peu le trou perdu de l’Europe, à la frontière de la civilisation. Bien sûr, les choses ont beaucoup changé depuis, mais comment ces événements ont-ils changé la Finlande et la Suède ? Eh bien, c’était une énorme catastrophe et peut-être que, grâce à ça, nous avons été mieux préparés à affronter d’autres catastrophes, car c’était la pire chose qui pouvait arriver. Au dix-neuvième siècle, il y a aussi eu une famine, mais elle n’a pas été aussi grave, donc peut-être que nous avons appris quelque chose, peut-être que les peuples de ces pays sont plus résilients. Mais c’est aussi l’hiver qui nous rend plus résilients et organisés ; nous sommes toujours obligés de planifier pour l’avenir. Ici, si on ne fait pas ça, on meurt l’hiver suivant. On n’aurait rien à manger et on mourrait de froid. C’est différent de pays plus chauds où on peut être plus détendu par rapport à ça. C’est une chose qui explique pourquoi les pays scandinaves ont prospéré : l’hiver fait que nous nous serrons les coudes, nous planifions les choses à l’avance et nous sommes organisés.

Tu as mentionné le fait que c’était aussi un hommage au roman de loups-garous Sudenmorsian de Aino Kallas et le fait que c’était « l’un des meilleurs romans finlandais de tous les temps ». Qu’est-ce qui te plaît tant dans ce roman ?

C’est parfois difficile d’expliquer pourquoi on aime tant certaines œuvres d’art, mais c’en est une qui est vraiment unique et le vocabulaire qu’elle utilise… C’est probablement quelque chose qui est perdu à la traduction. Je ne sais pas, je n’ai pas lu la version anglaise, mais la version originale est écrite dans un vieux style archaïque. Ça a été écrit dans les années 1920, mais ça sonne comme si ça avait été fait deux cents ans plus tôt. Le roman emploie un vieux langage et ça paraît authentique. On y retrouve des scènes vraiment cool où les loups courent dans la nature lors du solstice d’été, et ensuite, il y a ce démon de la forêt qui apparaît… Ça n’a aucun sens quand j’en parle comme ça, ça n’a pas l’air particulièrement cool, mais c’est tellement bien écrit et l’atmosphère qui s’en dégage est vraiment spéciale. Je ne connais aucun autre roman qui lui ressemble. Ce n’est pas une très longue histoire, ça fait environ cent vingt pages, mais c’est vraiment unique. Il mériterait plus d’attention. Je pense qu’il est très peu connu hors de Finlande. Je ne sais même pas s’il existe une version en français. C’est vraiment l’un des livres finlandais qui mériteraient une plus grande reconnaissance hors de Finlande, mais ayant fait ce boulot maintenant, m’étant inspiré de cette superbe histoire, j’espère que les gens auront l’occasion de le lire. C’est l’une de mes œuvres préférées. Elle a un ton et une atmosphère très solennelle et tragique, c’est quelque chose que j’essaye souvent aussi d’avoir dans mes propres écrits. Ça m’a affecté à de nombreux égards, au-delà de cette seule histoire que j’ai écrite récemment.

Dans l’histoire d’Anno 1696, il y a donc de nouveau de nombreux liens avec l’histoire, la culture et la littérature scandinaves. Jusqu’où remonte ton intérêt pour ça ?

La faute revient à mes parents. Mon père travaillait en tant que professeur de littérature à l’université et ma mère était à la librairie. J’étais donc entouré de livres quand j’étais gamin. J’avais cinq ou six ans quand ils ont acheté une énorme série de livres historiques. Je l’ai toujours ici sur mes étagères, car je l’ai emmenée chez moi. Déjà à l’école maternelle, je lisais ces œuvres historiques. Mes préférés étaient ceux sur la Révolution française et sur l’ère napoléonienne – ce volume-ci de la série, en particulier, était mon préféré, je l’ai lu et relu. J’ai tout lu là-dessus, je regardais les images, ces vieilles peintures de l’époque. C’est dur de savoir pourquoi je trouvais ça si spécial à six ans. Peut-être parce que les guillotines ou les uniformes et chapeaux des soldats avaient l’air tellement cool. J’étais vraiment fasciné. Ça a probablement commencé avec les grandes images – tu regardes d’abord les images, tu les trouves cool et tu te demandes ce qui se passait, puis tu lis et tu comprends mieux toutes les choses tragiques et horribles qui ont eu lieu. C’est ainsi que je m’y suis vraiment mis et je suis devenu un fan d’histoire dès l’école maternelle, j’ai lu plein de choses et je me suis aussi intéressé à la littérature dans la foulée.

« Les paysages finlandais, ça correspond aussi à l’image que je me fais de notre musique. On a ces forêts obscures et ces lacs brumeux et calmes, et ça a l’air très dramatique. Quand on s’imagine ce qui va se passer dans ce genre d’environnement, c’est toujours quelque chose de triste ou tragique. »

On retrouve deux invités au chant dans l’album – une première pour Insomnium : Johanna Kurkela d’Auri et Sakis Tolis de Rotting Christ. Pourquoi avez-vous songé à faire appel à ces deux voix, respectivement pour « Godforsaken » et « White Christ » ? Est-ce l’histoire qui l’exigeait ?

Non. C’était vraiment les chansons elles-mêmes. « White Christ » comprenait un riff à la Rotting Christ, donc pour plaisanter, nous avons commencé à nous dire que nous devions demander à Mr. Sakis de chanter, mais nous avons fini par penser qu’il fallait vraiment le faire ! Il a beaucoup aimé la chanson. C’est devenu l’une des meilleures de l’album. Avec « Godforsaken », au début, il y avait des samples de chant féminin sur la démo, mais quand nous avons demandé à Johanna de faire son truc, c’est devenu encore meilleur. Elle a fait un boulot formidable. Ces chansons réclamaient ces types de voix. Tout le monde a ses propres méthodes de travail, mais avec ces deux invités, c’était très facile. Ils ont simplement envoyé leurs parties et c’était tout de suite parfait. Nous n’avons pas eu à leur dire : « Ce n’est pas assez bien, refais. » C’était très bien.

L’album est aussi accompagné d’un EP, comme une forme d’extension, intitulé Songs Of The Dusk. Comment le reliez-vous à l’album principal ?

Il raconte la même histoire. Nous avons donc onze chansons, mais nous nous sommes rendu compte que soixante-quinze minutes de musique, ça allait faire trop pour un album normal. Nous avons donc décidé que nous préférions avoir huit chansons sur l’album et laisser ces trois autres pour l’EP, en bonus. C’est un peu comme une version director’s cut. La dernière chanson de l’EP fait dix minutes. C’est l’une des miennes et, bien sûr, j’aurais aimé la voir sur l’album principal, mais nous devions faire des compromis. Maintenant, elle sera sur l’EP et ceux qui veulent pourront l’écouter. Mais nous allons nous assurer que, tôt ou tard, les gens pourront entendre ces trois chansons. Comme je l’ai dit, elles sont pour l’instant dans une édition intégrale, mais nous avons prévu des choses pour ces chansons. Je ne peux pas encore en parler, mais les gens auront l’occasion de les écouter dans le futur.

Tu as déclaré qu’« Insomnium est la BO du paysage mental et physique de la Finlande ». Peux-tu nous en dire plus sur les parallèles que tu fais entre votre musique et votre pays ?

J’ai très souvent entendu dire qu’Insomnium sonnait tellement finlandais que ce groupe n’aurait pas pu venir d’un autre endroit dans le monde. Les mélodies et les thèmes que nous utilisons sont très distinctement finlandais. Encore une fois, c’est difficile de mettre des mots sur l’origine de ça, car c’est quelque chose avec lequel nous avons grandi. Nous aimons ce genre de mélodies et de chansons. Nous sommes nés avec. Nous avons appris à aimer ces mélodies et c’est aussi ce qui sort de nous. C’est donc très finlandais, ça vient du lait maternel, de notre culture, de la société, de tout ce que nous écoutions gamins. Traditionnellement, la musique finlandaise est très mélancolique et triste. Les paroles sont tristes. C’est un peu ce que nous avons fait avec Heart Like A Grave, parce que le thème de cet album était d’être un recueil des chansons populaires finlandaises les plus tristes, en faisant des versions d’Insomnium de ces histoires. Donc les trucs traditionnels que les Finlandais écoutent sont très sombres et tristes. Durant le processus, quand j’étais en train d’écrire les textes d’Heart Like A grave, à un moment donné, j’ai réalisé que nous nous sommes mis à raconter ce genre d’histoire dès le début de notre carrière, nous n’avons même pas besoin de nous forcer, c’est déjà en nous. C’est comme si la personne qui racontait l’histoire repensait à un âge d’or passé, quand tout allait bien, qu’il y avait de l’amour, mais qu’ensuite quelque chose s’est passé, qu’on avait tout foutu en l’air en faisant un truc stupide, la récolte a disparu, il fait froid et c’est la misère. C’est très finlandais comme chanson et paroles, et nous faisons ça depuis le tout début. Aussi bien avec les textes qu’avec la musique, nous sommes très finlandais.

Et vous associez aussi ça aux paysages finlandais…

Oui, parce que les paysages finlandais, ça correspond aussi à l’image que je me fais de notre musique ; ce sont les images qui me viennent en tête quand j’entends nos chansons. Ce n’est pas le désert, la jungle, la glace polaire ou les montagnes, c’est la forêt finlandaise, les lacs et le bord de mer. Evidemment, les gens peuvent ressentir ça différemment, mais comme j’ai toujours vécu en Finlande, c’est naturel pour moi de voir ce genre d’image quand j’entends notre musique. On a ces forêts obscures et ces lacs brumeux et calmes, et ça a l’air très dramatique. Quand on s’imagine ce qui va se passer dans ce genre d’environnement, c’est toujours quelque chose de triste ou tragique. Ce ne sont pas des gens qui dansent et s’amusent. C’est un paysage magnifique et, à la fois, adapté à une histoire triste et sombre, c’est certain.

Interview réalisée par téléphone le 9 décembre 2022 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Terhi Ylimäinen (2, 3, 5, 6, 7).

Site officiel d’Insomnium : insomnium.net

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  • Merci pour cette interview (juste les yeux qui brulent quand je lis au début « L’album précédent d’Insomnium, Heart Like A Stone » alors que c’est HEART LIKE A GRAVE.. allez je pardonne), c’est toujours un réel plaisir de découvrir les morceaux d’Insomnium, hâte d’écouter ce nouvel album et pour info Niilo, La Fiancée Du Loup d’Aino Kallas existe en français et sera très bientôt mon livre de chevet… d’ici à ce que je déménage en Finlande moi…
    Ma partie préférée de l’interview c’est vraiment la phrase de Niilo « Je préfère largement penser à des choses sombres et horribles qui se sont passées au dix-septième siècle qu’à celles qui se passent en ce moment. »
    Belle époque pour écouter du mélodeath, qu’en pensez vous?

  • La découverte de ce groupe a été une vraie claque à l’époque de winter’s gate, qui est sans broncher un des albums le plus réussi tout genre confondu. Ce qui a de formidable avec eux, c’est la constance de la qualité, tous leurs albums sont excellents.

    C’est vrai qu’ils sonnent vraiment « finlandais ». Beaucoups de groupes inspirés des groupes de ce pays sonnent « finlandais » sans en provenir pourtant.

    Hâte de les revoir en tournée.

  • Red Hot Chili Peppers @ Lyon
    Queens Of The Stone Age @ Lyon
    Kiss @ Lyon
    Skid Row @ Lyon
    Hollywood Vampires @ Paris
    Depeche Mode @ Lyon
    Scorpions @ Lyon
    Thundermother @ Lyon
    Ghost @ Lyon
    Spiritbox @ Lyon
    Metallica @ Saint-Denis
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