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Chronique Focus   

Intronaut – Fluid Existential Inversions


Il aura fallu cinq années pour Intronaut avant de revenir sur le devant de la scène. Comme de nombreux groupes, les Californiens ont cherché à éviter le burn-out, souvent la conséquence directe d’une vie d’enregistrements et de tournées fastidieuses que les conditions économiques imposent désormais aux musiciens de la scène. Intronaut avait prévu d’enregistrer un nouvel opus bien avant cette date, il a cependant profité d’un changement de label (en signant chez Metal Blade Records) pour prendre son temps. En outre, Danny Walker, batteur du groupe, a été écarté pour de multiples raisons dont la plus notable concerne les allégations de violence envers sa compagne. En somme, Intronaut se devait de se recentrer et de repartir de plus belle. C’est exactement l’état d’esprit du chanteur-guitariste Sacha Dunable aujourd’hui : Intronaut devait revenir en proposant une musique plus heavy, plus complexe, plus extrême sous tous ses aspects. Fluid Existential Inversions se doit de rendre les choses difficiles au premier abord et gratifier ensuite. De ce point de vue, Intronaut fait carton plein.

La principale inquiétude était le départ de Danny Walker. Son jeu hybride entre metal progressif et plages plus jazzy était devenu une composante sonore primordiale pour Intronaut, soulignée par son alchimie avec le jeu de basse fretless de Joe Lester. Les premières minutes de Fluid Existential Inversions rassurent très vite sur ce point : la performance du batteur de Whitechapel, Alex Rüdinger, est tout aussi délurée sinon plus et surtout davantage explosive. Alex a parfaitement saisi la philosophie qui motive Fluid Existential Inversions : Intronaut privilégie la montée en puissance à l’accessibilité. Le break de l’introduction de « The Cull » est à lui seul l’avocat de cette formule : Intronaut a conservé sa hargne et embelli sa technique. Le chant est en progrès constant depuis les derniers albums et n’échappe pas à la règle en proposant une plus grande versatilité, avec ses multiples grains en saturé comme en clair. Intronaut prône toujours des compositions hybrides : « The Cull » alterne par exemple sonorités de guitare sludge voire deathcore et accalmies subtiles qui transcendent le morceau. La complémentarité du jeu de guitare touche au sublime, les entrelacements raffinés des deux guitares et de la basse de la deuxième moitié de « Cubensis » justifient à eux seuls l’attention qu’on doit porter à Fluid Existential Inversions. Intronaut a su se dépasser en termes d’arrangements, apportant désormais des claviers et du mellotron pour combler ses atmosphères, à l’instar du pont de « Contrapasso » qui vient aérer un propos très dense et ajouter de la dynamique parfaitement rendue par la production de Josh Newell et le mix de Kurt Ballou. Comme si Intronaut en avait déjà manqué.

Les prouesses des musiciens n’occultent pas la qualité d’écriture : c’est là l’aspect crucial de ce que propose Fluid Existential Inversions. Lorsque Intronaut met en avant des mélodies ou des riffs au sein de structures alambiquées, il s’en sert de balises et parvient à masquer la complexité de ce qui est en train de se dérouler. Un tour de magie parfaitement exécuté, à l’instar du riff groovy de « Contrapasso », de la ligne de basse presque trip-hop/indus de « Speaking Of Orbs » (pour une ambiance envoûtante parfois proche de « The Great Debate » de Dream Theater), de son refrain enlevé et de son riffing propice au headbang, ou du riffing massif de « Tripolar » sur lequel semble s’amuser Alex Rudinger. Certes, Intronaut joue toujours avec les registres (« Tripolar » fait intervenir des progressions jazz de manière presque abrupte) mais floute généralement les frontières et nous permet de nous approprier le tout, pour peu que l’attention et la volonté soient présentes. Surtout, la musique d’Intronaut dégage quelque chose d’instinctif, de l’ordre du plaisir spontané. La participation de Ben Sharp sur « The Cull » et à l’écriture du riff polyrythmique de « Sour Everythings » correspond à cette mentalité : partager le goût des choses complexes sans sur-intellectualiser le propos.

Pour ce qui est de rassurer, Intronaut ne traîne pas. Le groupe reste l’un des plus intrigants de la scène progressive contemporaine et surtout l’un des plus délectables. Que ce soit sur les structures, l’efficacité du riffing ou la qualité des mélodies, Fluid Existential Inversions excelle. La polymorphie d’Intronaut est respectée et ne déroute jamais. Évidemment, l’élégance de Fluid Existential Inversions nécessite un contexte d’écoute pour se révéler et sa musique ne correspondra pas à toutes les humeurs. Le jeu en vaut néanmoins la chandelle et bien prétentieux sera celui qui prétend maîtriser tous ses contours sans s’être montré suffisamment disponible.

Chanson « Pangloss » :

Clip vidéo de la chanson « Cubensis » :

Album Fluid Existential Inversions, sortie le 28 février 2020 via Metal Blade. Disponible à l’achat ici



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