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Interview   

Intronaut se refuse à compromettre sa créativité


L’histoire d’Intronaut aurait de quoi décourager n’importe quel musicien prêt à se lancer dans l’aventure musicale pour vivre de sa passion… En effet, on peut ouvrir pour Tool, Meshuggah ou Mastodon sur leurs tournées américaines, jouer sold-out tous les soirs, sortir quatre albums salués par la critique internationale et ne pas gagner suffisamment sa vie pour ne vivre uniquement que de son art. C’est la dure réalité financière de l’industrie musicale d’aujourd’hui. Mais ce n’est pas ce qui dérangera un groupe comme Intronaut, attaché avant toute considération mercantile à sa liberté de création artistique.

Enraciné dans le jazz et allant parfois flirter avec les percussions indiennes ou africaines, le propos musical d’Intronaut voit large et ne se cantonne pas à un univers post-core/sludge dans lequel il évolue néanmoins mais qui est bien trop étroit pour le potentiel d’ouverture de ses musiciens. L’un des deux guitaristes-chanteurs, Dave Timnick, aussi membre de M.T. Void, l’autre groupe de Justin Chancellor (Tool), nous parle du processus de composition d’Intronaut, de leur passion pour le jazz qui ressort forcément dans leurs créations, ainsi que du dernier opus, Habitual Levitations, qui place la barre un peu plus haut que le précédent Valley Of Smoke (2010), notamment d’un point de vue vocal.

« Nous nous défions constamment, ce n’est pas toujours beau à voir, mais c’est très enrichissant. »

Radio Metal : L’année dernière, Intronaut a tourné avec Tool, cette année avec Meshuggah, deux grands noms du Rock/Metal. Cela signifie-t-il qu’Intronaut a passé un palier dans l’esprit des gens ?

Dave Timnick (guitare, chant) : Eh bien, je ne sais pas vraiment comment nous sommes perçus par les gens, mais ces tournées nous ont certainement donné beaucoup d’exposition que nous n’aurions probablement jamais eu. Tourner avec des groupes comme Tool, Meshuggah, Mastodon, etc., n’est pas seulement un rêve qui devient réalité mais également un grand honneur et privilège pour nous.

Est-ce que Justin Chancellor de Tool est à l’origine de votre participation à cette tournée, sachant qu’il avait été invité sur l’album Valley Of Smoke et que tu joues avec lui dans M.T. Void ?

Oui, je suis sûr que cela a joué. Justin et moi sommes amis depuis des années, et nous jouons beaucoup de musique ensemble, ce qui est la raison pour laquelle il a fini par participer à Valley Of Smoke. Je connais aussi Danny Carey depuis un moment maintenant car nous avons le même professeur de Tabla.

Du point de vue du style, comment décririez-vous le nouvel album ?

Nous essayons vraiment de nous améliorer en tant que compositeurs, et je dirais que c’est notre propos musical le plus cohérent jusqu’ici.

Pourrais-tu nous en dire plus sur le processus d’écriture dans Intronaut ? A partir de quel instrument le processus d’écriture commence ? Est-ce que, par exemple, vous partez de la ligne de basse ou des riffs de guitare, ou plutôt d’un thème général où chaque musicien apporte sa touche ?

Chacun d’entre nous est totalement impliqué dans le processus d’écriture. Parfois une chanson commence avec un riff de guitare. Parfois c’est un rythme de batterie. Nous essayons toujours de développer un thème ou une sorte d’idée musicale, puis nous commençons à graviter autour.

Puisque tous les membres sont impliqués dans le processus d’écriture, est-ce que cela amène parfois des tensions au sein du groupe en raison de visions divergentes sur la façon dont une chanson devrait sonner ou être construite ?

Oui, tout le temps ! Mais je pense que c’est une part importante du processus d’écriture pour nous. Nous nous défions constamment, ce n’est pas toujours beau à voir, mais c’est très enrichissant.

Habitual Levitations ne contient pas autant d’influences africaines, indiennes ou latino-américaines que sur les précédents albums, ou du moins elles sont moins visibles. Y a-t-il une explication à cela ?

C’est une excellente observation ! Je ne sais pas vraiment pourquoi ces éléments sont moins présents sur cet album que sur les précédents, mais je pense que c’est vrai. Normalement, on ne commence pas à écrire un album avec un plan préétabli, donc je pense que les chansons que nous étions en train d’écrire ne correspondaient pas nécessairement à ces styles. Mais nous sommes déjà en train de parler du prochain album, et nous avons décidé qu’il serait beaucoup orienté vers les percussions et rythmiquement intense. Nous avons déjà commencé à écrire de nouveaux titres.

A l’inverse, le jazz reste prédominant dans beaucoup de parties de chansons. Nous savons que vous avez écouté du jazz ensemble lors de l’écriture de l’album, est-ce que cela devient une influence majeure dans le son d’Intronaut ?

Le jazz a toujours eu un rôle dans notre musique. Joe (Lester, le bassiste, Ndlr) et moi venons du milieu jazz, et sa compréhension de la théorie de la musique est particulièrement utile pour développer des arrangements d’accords complexes et intéressants.

« Après l’album Prehistoricisms, nous étions fatigués de crier tout le temps. […] Si nous voulions continuer à mettre du chant, nous devions avancer d’un pas et commencer à traiter les voix comme un instrument. »

Qui sont vos références en matière de jazz et plus spécifiquement sur cet album ?

Miles Davis, Wayne Shorter, Charles Mingus, Jaco Pastorius, Herbie Hancock, Bill Evans, Art Blakey, Dizzy Gillespie, John Coltrane, Thelonious Monk, Mahavishnu Orchestra, Shakti, David Sanchez, Roy Hargrove, Brad Mehldau, Nik Bartsch… pour en nommer quelques unes.

En ce qui concerne la production, pourquoi avoir choisi de travailler avec John Haddad et Derek Donley ? Comment les deux ont-ils partagé le travail, et comment pourriez-vous mesurer leur contribution à l’album ?

Nous avons enregistré la batterie avec John Haddad car nous le connaissons depuis longtemps et il sait comme obtenir un bon son de batterie. Il a un home-studio sympa à une heure environ de là où on habite, alors on est allé passer quelques jours là-bas en prenant notre temps pour être sûrs de faire de bonnes prises de batterie. On a enregistré tout le reste avec Derek, qui est aussi un bon ami du groupe. Il a un studio cool et nous voulions faire une plus grande partie de l’enregistrement nous-mêmes cette fois-ci. Derek nous a facilité la tâche pour obtenir le son que nous voulions.

Comment se fait-il que John Newell, qui a produit Valley Of Smoke, s’est retrouvé au mixage de cet album ?

Nous adorons Josh. Il connaît vraiment son boulot. Comme je viens de le dire, nous voulions faire une plus grande partie de l’enregistrement nous-mêmes pour cet album, alors nous avons décidé que Josh ferait seulement le mixage ; et il a fait un super boulot.

Le travail fait au niveau des voix a passé un palier sur cet album, allant plus loin dans les variations, ainsi que des mélodies qui deviennent plus douces. Est-ce que votre approche des voix a évolué depuis le début d’Intronaut ? Et si oui, pourriez-vous nous expliquer et décrire cette évolution ?

Quand Intronaut a commencé, nous nous concentrions vraiment seulement sur la musique instrumentale et accordions peu de temps et d’attention aux voix. Comme nous commencions à grandir en tant que groupe, nous avons voulu que les voix deviennent un peu plus intéressantes. Après l’album Prehistoricisms, nous étions fatigués de crier tout le temps. Cela ne collait vraiment pas tout le temps à la musique, alors nous avons décidé que nous si nous voulions continuer à mettre du chant, nous devions avancer d’un pas et commencer à traiter les voix comme un instrument. Ce qui voulait dire de la mélodie et de l’harmonie. Nous étions plutôt contents des voix sur Valley Of Smoke, mais nous avions toujours un peu d’appréhension à chanter, alors c’était parfois encore un peu contenu sur cet album. Sur Habitual Levitations, Sacha et moi avons vraiment commencé à développer nos propres styles en tant que chanteurs. Nous avons des voix qui sonnent différemment, et des idées différentes au niveau des arrangements, alors nous essayons de tirer le meilleur de nos différences et forces.

Il y a une partie de trois minutes à la fin de la chanson « The Way Down ». Au départ, nous avions pensé qu’elle avait été enregistrée en utilisant la technique de l’enregistrement inversé (backmasking), mais en la jouant à l’envers, cela ne prenait pas plus de sens ! Pouvez-vous nous aider à comprendre l’idée derrière ceci ?

Ha ! Il n’y a pas vraiment d’idée derrière cela. Nous avons improvisé avec du delay et des effets de modulation pendant que nous enregistrions la chanson, et nous avons pensé que ça sonnait vraiment cool, alors nous l’avons gardé sur l’enregistrement.

« Nous avons un total contrôle sur l’aspect créatif de notre musique, de tout temps. Nous l’avons toujours eu, et nous l’aurons toujours. »

Vous jouez tous dans Intronaut et dans d’autres side-projects, pourtant certains d’entre vous continuent à travailler hors de la musique. Comment trouvez-vous le temps de mener de front toutes ces activités ? Prévoyez-vous de vous concentrer pleinement sur la musique un jour, peut-être bientôt ?

Rien ne nous rendrait plus heureux ! Malheureusement, nous ne faisons pas vraiment d’argent avec la musique, alors il faut que nous travaillons dans divers jobs pendant que nous écrivons de la musique, et entre les tournées, pour pouvoir payer les factures. Ce n’est pas facile et cela peut être extrêmement stressant. Mais nous adorons tous faire de la musique, alors c’est ce que nous allons faire.

Pour parler plus spécifiquement de vos side-projects (Murder Construct, M.T. Void, Bereft…), comment évaluez-vous l’apport de ces projets au travail fait dans Intronaut ? Ont-ils une influence dessus, même si vous jouez des styles différents dans ces groupes ?

L’inspiration et l’influence vient de partout. Jouer dans d’autres groupes, d’autres styles de musique, même avec des instruments différents, tout cela est un bon moyen d’étendre son horizon de musicien. Rester impliqué dans différents styles de musique est l’essence même d’Intronaut.

Dans les interviews, vous parlez plus de vos influences jazz et des autres styles, mais pas beaucoup de ce que vous aimez dans le metal, alors qu’Intronaut reste un groupe de metal ! Y-a-t-il des groupes de metal qui influencent quand même Intronaut ?

Oui, quelques-uns. Meshuggah (bien sûr !), Opeth, Cannibal Corpse, Neurosis, Gojira, Yob, Suffocation, Gorguts, Incantation, Death et probablement quelques autres que j’oublie.

Est-ce que votre label, Century Media Records, garantit d’une certaine manière votre liberté de création ? Pensez-vous que vous auriez plus de contraintes stylistiques et créatives si vous étiez dans une plus large structure, telle qu’une Major ?

Century Media a été très bon avec nous. Nous avons un total contrôle sur l’aspect créatif de notre musique, de tout temps. Nous l’avons toujours eu, et nous l’aurons toujours. Nous ne signerions pas avec quelqu’un ou ferions quelque chose qui signifierait l’abandon de notre liberté créative. Jamais.

En avril vous tournerez en Europe pour quelques dates dont trois en France. Jouerez-vous également à l’occasion des festivals européens cet été ?

Nous jouons au Roadburn Festival (du 18 au 20 avril, au Pays-bas, ndlr), ce qui est très excitant pour nous ! De ce que je sais, c’est le seul festival pour lequel nous sommes programmés, mais cela pourrait changer.

Interview réalisée par e-mail en avril 2013.
Traduction : Amphisbaena

Site internet officiel d’Intronaut : intronautofficial.com

Album Habitual Levitations, sortie le 18 mars 2013 via Century Media



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