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Interview   

Iron Bastards crache son venin


Motörhead n’est plus mais il n’a pas fini de faire des émules ! Dans l’Hexagone, on ne peut évidemment pas passer à côté de nos vieux briscards chez Vulcain, eux-mêmes devenus référents en matière de riffing rock sous testostérone, mais plus récemment on peut également se tourner du côté des jeunes loups – ou plutôt serpents – d’Iron Bastards, groupe qui a démarré sa carrière comme cover band de… Motörhead. Mais attention de ne pas non plus trop les réduire ou ils pourraient bien vous envoyer un crochet mortel.

Avec Iron Bastards, ça joue fort, ça joue vite, avec le live en ligne de mire. Vous l’avez compris, Iron Bastards est un trio old school fondé par la nouvelle garde de rockeurs. Autant dire que la relève est assurée. Nous nous sommes entretenus avec le bassiste-chanteur David Bour pour échanger sur tout ceci et qu’il nous parle de leur nouvel opus Cobra Cadabra.

« Je ne sais pas ce que ça donnerait si je vivais sur une autre planète, mais ce que j’aime bien sur la planète Terre, c’est que nous avons eu droit à Motörhead. »

Radio Metal : Ces dernières années, il y a une grosse tendance chez les jeunes musiciens qui forment leur groupe à faire de la musique très typée des années 1970-1980, voire 1990. De façon générale, au-delà de votre propre cas, qu’est-ce qui, à ton avis, amène la génération actuelle de musiciens à jouer cette musique de vieux briscards ?

David Bour (chant & basse) : Je pense que la musique des années 1970 a posé les bases de la meilleure façon d’en faire. C’est-à-dire que le son, l’interprétation, l’énergie, l’esprit de cette époque-là… Je trouve qu’il y a eu un highlight de ce style de musique à cette époque-là. Après, nous n’essayons pas de faire un revival par rapport à ça. À la limite, peut-être une réinterprétation. Une inspiration, une influence, oui, c’est clair, mais nous ne sommes pas nostalgiques. Déjà, je ne me vois pas être nostalgique d’une époque que je n’ai pas connue. Par contre, c’est vrai que c’est une influence, autant que d’autres choses plus anciennes – par exemple j’aime beaucoup la musique des années 1960 ou 1950 – ou des choses plus récentes. Il y a de super groupes actuels qui effectivement font vivre cet esprit-là, sans forcément de nostalgie, mais en utilisant des techniques d’enregistrement comme on nous les offre maintenant, les techniques de promo, les techniques de diffusion que l’on a actuellement qui ont aussi beaucoup d’intérêt. Après, d’un point de vue strictement musical, c’est vrai que ça reflète un peu plus la musique de cette époque-là, le son, le fait que c’étaient de super musiciens qui savaient jouer aussi bien en live qu’en album, ça joue énormément. C’est un peu comme ça que je perçois la chose. D’autres musiciens concernés par la question que tu viens de poser auront peut-être une réponse légèrement différente, mais c’est celle que j’avais envie de te donner.

Est-ce que cette question sur votre jeunesse et sur le fait que vous jouiez cette musique-là est un truc qui vous agace, de manière générale ?

Non, pas trop. Dans l’absolu, c’est vrai que beaucoup de nos influences sont ancrées dans cette époque-là, mais pas que. Après, c’est juste qu’il ne faut pas se limiter à des comparaisons, et surtout nous comparer à un certain trio britannique qui a dû malheureusement s’arrêter il y a trois ans. Ce n’est pas que la question m’agace, mais ça m’agace plus quand des fois c’est un peu réducteur.

Toujours sur cette thématique-là, l’album sort en vinyle. Ça aussi c’est une tendance depuis quelques années. Au-delà du parti pris qu’il y a de rendre hommage à ce format-là, dirais-tu que c’est un parti pris qui est rentable économiquement ?

Économiquement, je pense que le vinyle n’est pas particulièrement rentable. C’est clairement moins rentable que le CD. Par contre, le vinyle déjà a carrément un meilleur son, ça a une durée de vie supérieure au CD, c’est un bien plus bel objet, et je ne suis pas étonné qu’il y ait ce retour en force du vinyle à l’époque de la musique en ligne. C’est-à-dire que la musique est facilement accessible actuellement, et ce qui l’est moins, et ce qui donne le prestige au vinyle, c’est l’objet en lui-même. C’est un bel objet, ça permet de voir la pochette en grand, et ça permet d’avoir un son, avec ces craquements et autres que tu ne retrouves clairement pas dans la musique numérique. Et ça ne m’étonne pas que le vinyle fonctionne aussi bien actuellement, parce que quitte à acheter un objet, pour à peine trois ou quatre euros de plus, tu as un objet beaucoup plus beau, beaucoup plus intéressant que le CD.

Tu l’as évoqué il y a quelques instants, vous êtes régulièrement comparés à Motörhead. On ne va pas non plus se mentir, il y a une influence que l’on entend au niveau de la voix, des thèmes et du style de musique. Quelle est votre relation à Motörhead et que représentait ce groupe pour vous ?

Le meilleur groupe que cette planète ait porté ! [Rires] Je ne sais pas ce que ça donnerait si je vivais sur une autre planète, mais ce que j’aime bien sur la planète Terre, c’est que nous avons eu droit à Motörhead. C’est notre influence commune à tous les trois, c’est un groupe dont j’adore la musique, l’esprit, l’imagerie, c’est clairement un groupe majeur dans nos vies respectives. Ce groupe, c’est la raison pour laquelle nous nous sommes mis à jouer ensemble, puisque nous avons commencé en faisant des reprises de Motörhead. C’est pour ça que quand on nous compare à eux, il n’y a aucun souci, c’est un compliment, c’est quelque chose que nous faisons plus qu’assumer, nous le revendiquons très clairement. Après, les années passant, nous avons nos propres choses à dire. Comme je te le disais, nous ne sommes pas là pour faire dans la nostalgie, nous ne sommes pas là pour faire dans le revival, nous avons des choses à dire personnellement qui concernent l’année 2019, et nous essayons musicalement de laisser notre propre touche. C’est peut-être plus flagrant pour ceux qui ont écouté nos albums depuis les débuts, et qui ont vu l’évolution à ce niveau-là. Nous avons essayé, non pas de nous détacher, mais juste de nous affirmer, et affiner notre identité musicale. Si tu veux, la question de la ressemblance avec Motörhead, nous nous en foutons, en fait. Quand nous composons, nous ne nous demandons pas si ça y ressemble trop ou pas assez. Nous nous demandons juste si ça correspond à ce que nous avons voulu jouer. Alors derrière, si ça ressemble à Motörhead, pas de souci. Maintenant, moi-même étant un assez gros fan et connaisseur de ce groupe-là, la personne qui n’entendra que ça là-dedans, en général, je connaîtrai mieux Motörhead qu’elle, et c’est pour ça que je ne serai pas forcément trop d’accord. Connaissant bien le groupe, il y a tout un tas de trucs que nous faisons, et qu’eux n’auraient pas fait, et il y a tout un tas de trucs qu’eux ont faits, et que nous ne nous permettrions pas de faire.

« Nous faisons de la musique énervée, nous sommes des énervés, mais nous restons des gentlemen ! [Rires] »

Parmi les groupes avec lesquels vous avez partagé la scène, il y a eu le groupe de Phil Campbell. J’imagine que ça a dû être une rencontre un peu différente des autres…

Écoute, malheureusement, nous n’avons pas rencontré Phil Campbell ! [Rires] Il a fait une soirée tour bus – concert – tour bus. Mais nous rejouons avec eux en septembre, j’ai bon espoir que cette fois-ci nous puissions quand même échanger un peu. J’aimerais déjà quand même le remercier pour son œuvre, ce serait pas mal. Par contre, le soir où nous avons joué avec eux, j’ai pu rencontrer l’ingénieur du son de Motörhead de 2005 à 2015, et c’était un super échange, un vrai plaisir. C’était super intéressant. Nous avons pu discuter des aspects humains, de qui et comment était Lemmy, puis nous avons pu discuter de choses un petit peu plus techniques sur le son, etc. Notre ingénieur du son à nous s’en est donné à cœur joie de discuter avec lui ! C’était une belle rencontre, et en plus il était super sympa, et étant donné que j’avais de l’herbe à lui filer, il était très content de me rencontrer ! [Rires] Je préfère à la limite avoir discuté deux ou trois heures avec lui plutôt que d’avoir échangé trois mots avec Phil Campbell.

Est-ce qu’il vous a donné des conseils en particulier ?

Non, même pas. La discussion n’était pas trop sur ce registre. C’était vraiment une discussion de passionnés, c’était même plutôt agréable, nous n’étions pas regardés comme des jeunes gamins. Nous discutions comme nous sommes en train de discuter tous les deux, quoi.

Justement, à propos d’expérience de scène, vous avez déjà une expérience européenne solide, puisque vous avez fait trois albums, et vous avez déjà pas mal tourné dans plusieurs pays en Europe, et vous avez fait un bon gros nombre de dates…

Nous en sommes à deux cent cinquante concerts dans onze pays !

Est-ce que c’est l’objectif premier du groupe de tourner, se montrer, se faire son expérience ?

Ouais, clairement. Nous adorons ça, nous avons une musique taillée pour le live, nous avons commencé à jouer ensemble pour faire ça, et c’est pour ça que nous y allons à fond aussi, parce que nous nous sommes bien trouvés, et nous sommes sur la même longueur d’onde à ce niveau-là. C’est la priorité. Nous ne nous posons pas la question de : « Qu’est-ce qu’on fait le week-end prochain ? » C’est plus : « Merde ! On n’a pas de concert le week-end prochain. » Donc ouais, c’était clairement l’objectif, de voir du pays. Après, comme nous sommes assez curieux et intéressés par d’autres cultures, d’autres géographies, le fait de voir du pays, de voir d’autres pays, c’est très intéressant de le découvrir par le biais de la musique, par un biais commun, qui est à chaque fois celui de la musique. Des fois, la façon dont vont se passer les concerts, ça peut en dire assez long sur certains pays. Je n’aurais pas forcément découvert l’Allemagne ou l’Angleterre de la même façon si je n’y étais pas allé pour y jouer.

À propos du disque, pour des groupes comme le vôtre qui ont un désir fort de jouer sur scène, on peut se poser cette question : est-ce qu’il y a du plaisir à jouer en studio et à composer ? Que représente le studio pour vous ? Est-ce que c’est une partie du boulot qui vous plaît ?

Carrément, ouais ! Après, nous sommes plutôt du genre efficace en studio, donc ça a tendance à ne pas être une plaie pour nous d’y être. Je m’explique : par exemple, pour cet album, la basse-guitare-batterie a été enregistrée live, et nous avons fait les onze titres en une journée. Nous sommes du genre assez efficace, assez rapide. Nous arrivons en studio, nous connaissons nos chansons. Après, nous bossons le reste à part, donc les arrangements, les solos, les voix, etc. Donc surtout pour cet album, ça a été un processus très agréable au niveau de la composition, parce que par rapport aux précédents, nous avons pu plus prendre le temps dessus. Avant, nous composions en répète entre deux concerts, nous n’avions pas un créneau fixe tout le temps, c’était un peu plus compliqué. Là, nous nous sommes retrouvés à avoir un local de répète dans lequel nous pouvions répéter à peu près quand nous le voulions. Donc nous faisions deux, trois répètes par semaine, et nous avons étalé le processus de composition sur sept mois. Donc nous avons pu rentrer dans le détail, et en même temps, nous avons pu avoir ce processus de composition à la suite de trois mois passés en Angleterre où nous avons énormément joué, plus tout le reste, donc beaucoup d’expérience, nous avons progressé individuellement, nous avons progressé aussi en groupe. Et tu parlais justement du rapport live-studio, nous avons aussi composé des chansons en ayant un regard un peu plus poussé sur comment ça pouvait rendre sur scène, et sur ce que nous voulions faire de ces morceaux une fois sur scène. Du coup, nous n’avons pas voulu refaire des morceaux comme nous avions pu en faire avant où c’était très efficace. Nous avons pu travailler des morceaux plus aériens, un peu plus longs pour certains, pour qu’ils se marient aussi bien avec d’anciennes chansons. Avec les retours que nous avons en live, et nos impressions personnelles, nous sommes très contents de comment les nouvelles chansons se marient avec les anciennes. Nous voulons faire des albums qui soient agréables à écouter pas uniquement en live. Le but premier pour nous est d’écrire de bonnes chansons. Ça paraît con, mais mine de rien, c’est pour ça que tu fais ça.

« Nous faisons du fast rock’n’roll, nous jouons beaucoup, nous avons fait trois albums en cinq ans, nous avons un peu un côté ‘mecs pressés’ ! [Rires] »

L’album s’appelle Cobra Cadabra. Le cobra a toujours fait partie de votre identité visuelle. Peux-tu nous en dire plus ?

Déjà, je trouve que c’est une esthétique assez agressive, qui colle plutôt bien à notre musique. Il y a toute la symbolique du serpent, c’est le poison et en même temps la guérison, il y a l’ouroboros avec le serpent qui se mord la queue, c’est une thématique assez large. C’est aussi cette espèce de truc qui te chope, qui te mord, et qui se déploie dans tes veines, c’est un peu comme ça que nous percevons le rock et la musique que nous faisons. Cet animal-là colle bien à notre musique. Ça nous inspire bien. Et une fois cette thématique mise en place, nous avons décidé de rester dessus pour avoir une ligne esthétique cohérente.

Si on regarde vos morceaux, il y à la fois un côté dangereux qui colle bien au rock et au metal mais aussi un côté festif et décomplexé. On dirait que vous avez envie de cultiver cette image et de montrer que même si vous jouez une musique rentre-dedans, vous êtes surtout là pour faire la fête…

Ouais, c’est assez bien résumé. Nous faisons de la musique énervée, nous sommes des énervés, mais nous restons des gentlemen ! [Rires] Nous sommes des gens corrects, nous nous comportons bien, si on ne nous fait pas chier, nous ne faisons pas chier. Dans la plupart des endroits où nous avons joué, ça s’est très bien passé, c’est aussi grâce à ça. Nous préférons transformer la rage, la colère que nous avons en nous à cause du monde qui nous entoure en musique, en faire des notes, que de faire n’importe quoi et d’agir comme des trous-du-cul. Et les gens face auxquels nous jouons sont des gens qui souvent peuvent ressentir la même chose, donc ce n’est pas à eux que nous allons nous en prendre. Après, ce côté sérieux, un peu énervé, parfois un peu revendicatif qu’il peut y avoir dans certains textes, je trouve qu’une bonne façon de l’exprimer, c’est justement au travers d’un concert, mais un concert c’est un moment festif, tu dois transformer cela pour en faire autre chose, et tu dois passer un bon moment. C’est ce qu’on appelle un exutoire ! Il faut que ce soit un exutoire pour nous, et nous essayons de faire entrer le public dans la danse.

Il y a un autre thème récurrent dans votre musique, c’est celui de la vitesse. Un de vos albums s’appelle d’ailleurs Fast & Dangerous. Comment vous sentez-vous lorsque vous jouez vite ? Y a-t-il la même sensation que lorsque l’on roule vite, avec le côté dangereux, etc. ?

Du coup, tu vois un peu le lien aussi avec la thématique du serpent. Quand tu dis Fast & Dangerous, tu peux très bien parler d’un cobra. « Jungle Speed », c’est la vitesse de la jungle, tu vois un peu l’idée. C’est ce que je te disais sur la réinterprétation musicale de cette thématique-là. Après, qu’est-ce qui va vite ? C’est notre musique, très clairement. Et nous aimons jouer là-dessus. Je parlais de notre rythme de concerts depuis cinq ans, nous faisons du fast rock’n’roll, nous jouons beaucoup, nous avons fait trois albums en cinq ans, nous avons un peu un côté « mecs pressés » ! [Rires] Donc oui, carrément, il y a aussi cette sensation de danger, d’autant que ça peut aussi être vite pète-gueule, donc il faut rester sur les rails, il faut rester dans le tempo, donc il y a un peu ce côté-là. Je n’y avais même pas forcément pensé, mais oui, c’est vrai ! Et ça participe de l’exutoire global de notre musique, le fait que ça aille vite.

Interview réalisée par téléphone le 11 juin 2019 par Philippe Sliwa.
Transcription : Robin Collas.

Site officiel d’Iron Bastards : ironbastards.com.

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