Iwrestledabearonce, ou iWaBO pour les intimes du groupe nous avait laissés sur le controversé Late For Nothing (2013) et la première participation studio de Courtney Laplante au chant. « Controversé », le mot revient souvent lorsqu’il s’agit d’évoquer la musique des « coreux » originaires de Louisiane. D’une part en raison du style pratiqué souvent sujet aux critiques motivées par sa standardisation et sa surabondance (parfois à raison…), d’autre part car iWaBO a sa propre manière de s’exprimer, souvent loufoque (à l’image de ses titres comme « Letters For Stallone »). Late For Nothing contenait toujours des éléments typiques tel l’alternance chant clair / hurlé parallèle aux transitions entre riffs syncopés et mélodies standards, mais toujours au sein de structures alambiquées (malgré la concision des titres) portées par une voix féminine. Leur nouvel opus Hail Mary démontre une volonté de pratiquer une musique davantage technique, plus agressive. En somme, Hail Mary est censé incarner la notion de progrès telle que l’entend iWaBO.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Hail Mary est effectivement ultra-technique, voire hystérique, et se rapproche parfois davantage de la production djent à l’image du titre en deux parties « Doomed To Fail », sans pour autant que les guitares ne s’adonnent à un concours de basses fréquences (du moins pas de manière outrancière). Ces dernières conservent un caractère tranchant plus proche du hardcore qu’autre chose. Surtout, cela permet de mettre en valeur les nombreuses utilisations de dissonances (« Curse The Spot ») et cassures rythmiques (le très haché « Remain Calm ») tout au long de l’album. De ce point de vue, iWaBO impressionne de virtuosité. Le solo de « Doomed To Fail : Part 1 » a des airs de Periphery et n’a pas à pâlir, lorsque certaines rythmiques de « Your God Is Too Small » frôlent l’Animals As Leaders. Surtout, c’est sur le plan de l’intensité qu’iWaBO donne suite à ses déclarations. Des titres comme « Killed To Death » ou « Wade In The Water » l’illustrent parfaitement lorsque la double-pédale vient frénétiquement appuyer les growls décharnés de Courtney, dans l’ensemble plus convaincante que sur le précédent opus, y compris sur les parties claires. Celles-ci se font beaucoup plus discrètes qu’à l’accoutumée, et paraissent plus percutantes. Le refrain de « Green Eyes » prouve aisément les progrès de la chanteuse dans ce domaine, malgré quelques placements poussifs sur « Trips » et une touche mielleuse sur « Your God Is Too Small ».
Complexe et enragé, Hail Mary l’est très certainement. En ce sens, on ne peut que féliciter iWaBO de chercher à évoluer entre chacun de ses opus, ce qui n’est pas nécessairement une constante parmi les représentants du genre. Alors ce Hail Mary ? Excellent album ? Non. Les musiciens sont virtuoses, la chanteuse maîtrise parfaitement son sujet, les intentions du groupe sont remplies, certes. Seulement, Hail Mary est aride. Terriblement aride. On retrouve certains aspects du « syndrome Monuments ». Un talent considérable, mais des compositions qui peinent à se démarquer malgré d’excellents passages, à l’image du riff de fin de la dernière minute de « Man Of Virtue ». Là est le véritable bémol, l’entrain est sporadique. Sans tomber dans la métaphore disgracieuse d’ « album kleenex », force est de constater que certains traits de ce Hail Mary s’en rapprochent dangereusement.
iWaBO conserve ce qui lui confère une identité assez unique dans le paysage vaste du metalcore / djent, et la sincérité de sa démarche est appréciable. Ce que les musiciens voulaient réaliser, ils l’ont réussi sans se démarquer de leurs intentions d’origine. Hail Mary est un ouvrage bien supérieur et davantage intéressant que nombre de productions similaires. Il n’empêche que bien trop souvent, il peut laisser de marbre.
Ecouter les morceaux « Erase It All », « Wade In The Water » et regarder le clip de « Gift Of Death » :
Album Hail Mary, sortie le 16 juin 2015 chez Artery Recordings.