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Interview   

Jayce Lewis contre-attaque


Jayce Lewis se bat contre l’ordre établi. Très critique à l’égard de la manière dont l’industrie musicale a évolué ces dernières décennies, il a décidé de réagir et de prendre, comme de plus en plus d’artistes, le contre-pied des attentes tant d’une partie du public que des maisons de disque. Million, disque en deux parties, réalisé dans son propre studio est le produit de cette volonté.

Jayce a eu la chance de pouvoir travailler avec bon nombre d’artistes de renom (tels que Brian May ou Gary Numan) ayant influencé différents aspects de son art, de sa pratique instrumentale à son rôle de frontman. Parmi eux, il y a l’acteur David Prowse, à savoir Dark Vador, avec qui il est très proche au point que ce dernier a joué un rôle actif dans sa carrière, si bien que celui-ci a choisi de faire sa dernière apparition publique dans le clip de « Shield ».

Compte tenu du timing, vous ne nous en voudrez donc pas d’avoir conclu cet entretien par quelques questions et anecdotes sur Star Wars. Car même si toutes les opinions se valent, il était trop tentant d’essayer d’en savoir plus sur l’opinion de Dark Vador lui-même sur ce qu’est devenu la saga Star Wars, notamment la si controversée Prélogie.

Que l’interview soit avec vous.

« Tout semble très porté sur l’indépendance de nos jours et personne ne comprend vraiment comment développer un artiste. Il faut déjà avoir du succès pour que les maisons de disques s’intéressent à nous, c’est dingue. »

Radio Metal : Tu as pris neuf mois pour construire ton propre studio d’enregistrement afin de réaliser cet album. Avais-tu besoin de ton propre environnement de travail pour t’exprimer pleinement ?

Jayce Lewis : Oui. Lorsque j’ai vu le bâtiment, c’est l’acoustique de la pièce qui m’a attiré parce que je voulais vraiment un gros son ambiant pour la batterie. Car je mélangeais les sons organiques avec des synthés, donc il me fallait une batterie qui dégage une vraie atmosphère. Je voulais qu’elle sonne aussi ample, organique et naturelle que possible. Donc ouais, le design du studio a été en grande partie fait sur cette base.

De plus en plus de groupes construisent leur propre studio d’enregistrement et même leur propre label. On dirait que de nos jours, les groupes ont un besoin d’indépendance. Ressens-tu la même chose ?

Oui, effectivement. Je pense que l’industrie de la musique a été très lente à réagir à l’évolution rapide de la technologie et la façon dont les gens accèdent à la musique ou n’importe quel produit de nos jours. Je pense que la bête était complètement endormie, la bête étant les majors. Elles ont sérieusement sous-estimé la vitesse à laquelle la technologie évolue ainsi que l’activité sociale d’internet. Donc les groupes doivent désormais faire les choses à leur façon et les maisons de disques deviennent presque obsolètes, à un certain niveau. Tout semble très porté sur l’indépendance de nos jours et personne ne comprend vraiment comment développer un artiste. Il faut déjà avoir du succès pour que les maisons de disques s’intéressent à nous, c’est dingue.

Ce nouvel album est la première partie d’un double album. Quelle est l’idée derrière le concept ?

Je voulais que l’auditeur s’investisse dans le voyage du développement de l’album. Au lieu que je passe du temps à écrire un album pour ensuite simplement le sortir et basta, je préfère écrire la première partie, vraiment bien la réaliser, tourner en soutien de l’album et maintenir l’auditeur dans le développement de l’album jusqu’au second. C’est donc presque comme une série. Ils ont Million partie un, qui sortira avec deux singles, et ensuite ils attendront avec impatience la seconde partie, qui là encore aura deux singles et leurs clips. C’est donc un investissement d’intérêt de la part du fan et de l’auditeur. Ceci étant dit, j’ai pensé à un moment donné à sortir le tout en un album mais telle est la nature de l’industrie musicale aujourd’hui : la musique est presque comme un fast-food, les gens la digèrent et ensuite l’oublient. Donc je me suis demandé : « Comment peut-on changer le destin de cet album ? » Donc j’ai décidé de le sortir en deux parties.

Million partie deux doit sortir en mars 2018. A quel stade d’avancement est-elle ?

Je dirai que j’en suis à la moitié. Il ne reste que quelques trucs à finir, à compléter et produire, et ensuite ce sera prêt.

Comment as-tu travaillé sur la seconde partie, ajoutant de nouveaux éléments sans sacrifier la cohérence entre les deux parties ?

C’était assez facile. En fait, l’album complet était déjà écrit. J’avais quatorze chansons mais comme je m’étais engagé sur une tournée avec Gary Numan et que j’avais certains contrats à signer avec Brian May, car il apparaît sur Million partie un, ça m’a détourné l’attention en m’empêchant de finir l’album. Donc comme j’ai le bénéfice de la tournée de Million partie un, ça va aider dans la direction que prend la seconde partie, en ayant vu la réaction du public et en estimant l’efficacité des chansons et comment les gens les reçoivent.

Dirais-tu qu’il faut écouter attentivement Million partie un avant de plonger dans la seconde partie ?

Oh, c’est clair. Million partie un te mets en condition pour Million partie deux. C’est un album conceptuel, donc les deux parties sont intrinsèquement liées au niveau sonore. Le voyage commence donc vraiment avec la première partie dès la chanson une et se termine avec Million partie deux à la quatorzième chanson. C’est un voyage. Un voyage dans lequel je voulais que les gens s’embarquent. Donc je ne voulais pas tout dévoiler d’un coup, je voulais qu’ils aient hâte d’entendre la partie suivante.

« Lorsque je vois Dark Vador, je vois Dave [Prowse]. Si je vois Luke Skywalker, je vois Mark Hamill. Je vois mes amis jouer, c’est très étrange. […] Je ne pensais pas que ça ferait ça mais le fait d’être devenu ami avec Dave, et puis ami avec tout le reste du casting [de Star Wars] ou les avoir rencontré, ça a emporté la magie du film. »

Tu as déclaré que la chanson « Shield » jouait un rôle charnière dans le son de l’album. Qu’est-ce que cette chanson a de si spécial ?

J’ai décidé de revenir à mes racines, le cœur de mon son. A l’origine, il y avait des guitares mais j’ai retiré ces guitares et j’ai juste voulu rester sur des synthés et de la batterie. Donc, grosso-modo, tout l’album, la partie une et deux, est majoritairement constitué de synthé et de batterie. Je voulais mélanger les sons organiques avec de la programmation synthétique, ceci mêlé à mes rythmes et signatures rythmiques. Je trouve que ça marche plutôt bien. Et je pense que « Shields » donne une idée globale de ce qu’est Million, vraiment. Il y a un peu de chaque chanson de l’ensemble de l’album dans « Shield », donc c’est une bonne représentation. C’est un grand mur de son. Le chant est épique. Elle offre une bonne dynamique et elle a été très facile à écrire, je l’ai composé en un jour. Et avec le clip vidéo, tout collait parfaitement, tout allait bien. J’étais donc très fier que ce soit la première chanson à sortir.

L’acteur David Prowse apparaît dans le clip de « Shield », justement. D’ailleurs, on peut entendre un peu le thème de « La Marche Impérial » à la fin de la chanson. Je ne sais pas si c’était fait exprès mais, en tout cas, tous les deux vous vous connaissez depuis longtemps, il a joué un rôle actif dans ta carrière. Peux-tu nous parler de votre relation ?

Ouais. Dave et moi, ça faisait longtemps que nous parlions de faire un clip ensemble et nous n’y étions jamais parvenus. Mais Dave a 82 ans et il ne va pas très bien. Sa santé n’est plus au top, entre autres choses, donc il a activement décidé d’arrêter les conventions, les apparitions en public, les interviews, tout. Et lui et moi, nous nous sommes assis et avons dit : « Parlons de ce clip. » Et il voulait s’assurer que ce clip soit son ultime au revoir. En raison du rôle de Dark Vador qu’il a endossé, nous voulions dépeindre presque le même personnage, presque la même intrigue que Dark Vador, ce personnage dominant, exigeant, qui asservi les gens. Et c’est pourquoi nous finissons « Shield » avec Dave. L’image s’estompe et tu as Dave, Dark Vador, qui regarde la caméra, ayant l’air menaçant, méchant, comme il l’était dans Star Wars. Nous voulions donc délibérément qu’il soit ainsi.

Comme tu l’as dit, ce sera sa dernière apparition en vidéo. Est-ce peut-être une façon de « passer le témoin » à une plus jeune génération d’artistes ?

[Rires] Oui, c’est le cas. En fait, ça fait partie des autres choses dont nous avons parlé. Il veut que je perpétue l’héritage et on dirait vraiment… Un certain nombre de personnes l’ont dit : « Est-ce qu’il passe le témoin ? » Au début, je ne voyais pas les choses sous cet angle mais maintenant, en réfléchissant à la manière dont ça s’est passé, en particulier dans le clip, je pense que c’est bien ça. Dave et moi sommes des amis très proches, et il voulait faire un dernier adieu et il l’a fait avec mon clip. Donc je suppose que, peut-être, oui, c’est un soutien de Dave Prowse, « aimez ceci et s’il vous plaît, soutenez. » Voilà grosso-modo ce que c’est, selon moi.

Je ne sais pas si tu en as discuté avec lui mais n’est-il pas fatigué qu’on l’associe tout le temps au rôle de Dark Vador ?

Non, il n’en a jamais marre. C’est le plus grand méchant au monde ! Il est très fier d’avoir joué le rôle de Dark Vador. C’est un homme très humble et il n’arrive jamais à croire qu’il a joué Dark Vador. C’est quelque chose dont nous parlons souvent, car je le vois comme Dave, je ne le vois plus comme Dark Vador. Mais parfois je me secoue la tête et je dis : « Dave, c’est dingue, tu es Dark Vador ! Tu es l’homme qui a joué le méchant dans Star Wars ! » Et il dit toujours : « Je sais, c’est fou, n’est-ce pas ?! » Nous devons parfois nous pincer pour y croire et nous rappeler qu’il a eu une superbe carrière et c’est assez dingue mais il n’en a jamais marre, non. Il a eu une merveilleuse carrière et il adore tous ses fans.

Connais-tu son opinion sur les autres acteurs qui ont joué son personnage, tu sais, Anakin Skywalker ? A-t-il un avis sur les autres films qui ont été faits après la trilogie initiale ?

Dave a toujours dit qu’ils auraient dû laisser Star Wars où il était. Lorsqu’ils ont sorti La Menace Fantôme, L’Attaque Des Clones et La Revanche Des Sith, il trouvait ça un peu bizarre et qu’ils ne représentaient pas vraiment ce qui avait originalement été discuté dans le script. Donc, voir Anakin Skywalker devenir Dark Vador, ça n’avait pas l’air du personnage menaçant qu’il dépeignait. Il m’a toujours dit ça. Il trouve tous les nouveaux Star Wars plutôt étranges, et ça ne représente pas vraiment ce qui avait initialement été filmé il y a des années.

Es-tu toi-même un fan de Star Wars ?

Oui. J’aime beaucoup Star Wars, je regardais quand j’étais gamin mais maintenant c’est très étrange de revoir les films parce que je connais beaucoup de gens dans Star Wars. Lorsque je vois Dark Vador, je vois Dave. Si je vois Luke Skywalker, je vois Mark Hamill. Je vois mes amis jouer, c’est très étrange. Donc ouais, la magie qui en émanait n’est plus là aujourd’hui.

« Ce qui importe c’est la musique que j’écris, le fait de rencontrer, saluer et travailler avec des gens qui m’ont inspirés, et grâce à ça ma vie me paraît complète. »

Faudrait-il donc ne jamais rencontrer les acteurs qu’on voit dans les films car autrement ça gâche la magie ?

Parfois ouais, ça gâche vraiment la magie, je suis d’accord. Je ne pensais pas que ça ferait ça mais le fait d’être devenu ami avec Dave, et puis ami avec tout le reste du casting ou les avoir rencontré, ça a emporté la magie du film, ouais, absolument. Voilà donc une histoire qui doit servir d’avertissement pour les gens [rires].

Tu as travaillé avec Brian May, Roger Taylor, Gary Numan, Mattias IA Eklundh, David Prowse… Est-ce important pour toi de travailler avec des artistes qui ont marqué le monde de leur emprunte afin de t’en inspirer ?

Oui, je crois. En fait, on dirait que j’ai pris l’habitude de travailler et devenir ami avec des gens qui m’ont influencé en tant qu’artiste ainsi que ma carrière musicale. C’est très étrange. C’est presque comme la loi de la gravitation. J’ai été énormément influencé par Queen, donc que je puisse me poser là et ne serait-ce que te parler d’avoir travaillé avec Roger Taylor et Brian May, c’est très bizarre. Mais il y a une logique ; c’est presque comme si je bouclais la boucle. Dans ma vie, je me sens très accompli maintenant que j’ai travaillé avec ces gens, même si je ne suis pas extrêmement connu dans le monde, mais ça n’a pas du tout d’importance, car pour moi, ce qui importe c’est la musique que j’écris, le fait de rencontrer, saluer et travailler avec des gens qui m’ont inspirés, et grâce à ça ma vie me paraît complète.

Le nom de Queen revient sans arrêt dans ta carrière. Qu’est-ce que ce groupe représente pour toi ?

Queen était le premier groupe dont j’été un énorme fan lorsque j’étais gamin. J’adorais la musique, j’adorais la guitare de Brian May, j’adorais la présence de Freddy Mercury sur scène. Je trouvais qu’il était très à l’aise et imposant. Je trouvais ce groupe vraiment fascinant. Ce groupe faisait donc partie intégrante de l’élan et la construction de mon talent musical. Et c’est incroyablement important que je puisse dire que ces gens on fait partie intégrante de ma carrière.

Quel défi ça représente de collaborer avec des artistes aussi influents sans perdre le contrôle de ta propre vision ? N’est-ce pas tentant d’écouter ce qu’ils ont à dire parce que tu te dis qu’ils savent mieux ?

Ouais, en fait, je trouve que travailler avec eux était très facile. Ce n’était pas difficile ; c’est moi qui ai fait la proposition au départ. Tant qu’ils étaient contents du niveau de leur instrument dans le mix et ce genre de choses, ils étaient heureux. Jim Beach, leur manageur, a été très arrangeant. Nous avons signé tous les contrats de licence avec Universal. En fait, je suis sur la même maison de disques qu’eux, c’est-à-dire Universal Music Group, donc c’était très facile. Et Brian et Roger, c’était un vrai plaisir de travailleur avec eux, compte tenu de leur célébrité avec Queen. Mais non, c’est facile de travailler avec eux et un plaisir.

Apparemment, l’une de tes influences les plus importantes en dehors de Queen, c’est Igor Cavalera. J’imagine que c’est de là que provient les influences tribales, en particulier sur une chanson telle que « OrderArt », n’est-ce pas ?

Oui. Très bien vu ! En fait, « OrderArt », c’est… Igor Cavalera, lorsque j’étais gamin, je ne m’intéressais jamais vraiment aux batteurs, quel que soit le groupe, mais lorsqu’on m’a fait découvrir Sepultura, je me souviens de la chanson « Territory » qui passait sur MTV, et je pensais « wow ! » J’adore le son de batterie de « Territory » et tout. Donc après ça, tout ce que je voulais faire, c’était jouer de la batterie. Donc j’ai été batteur pendant de nombreuses années avant d’être frontman. Donc la composition de mes albums est très basée sur le rythme, c’est très influencé par la batterie et le côté tribal, et tout ça vient d’Igor Cavalera.

Tu as un autre projet baptisé Protafield. Peux-tu nous en donner des nouvelles ?

Ouais, Protafield était une suggestion d’Universal Music. Ils voulaient changer le nom de mon projet, passer de mon propre nom, Jayce Lewis, à Protafield pour lui donner un côté un peu plus mystique. Mais je n’ai jamais été très à l’aise avec ce nom parce que ça faisait déjà cinq ans que j’avais pas mal de succès, surtout en Asie. J’avais un album dans le top dix et ce genre de choses, donc pour moi ça n’avait aucun sens, mais j’ai quand même fait avec. Et une fois que j’ai fait ça, les choses se sont mal passées, je n’étais pas content et j’avais comme l’impression que mon identité m’avait été volée par le label. Donc, au final, nous nous sommes mis d’accord pour arrêter ce nom de projet, et rééditer et ressortir mon second album Nemesis en tant que Jayce Lewis avant que je décide de partir en tournée avec Gary. Nous étions contents d’avoir fait ça. Donc Protafield n’existe plus, Dieu merci !

Interview réalisée par téléphone le 16 octobre 2017 par Philippe Sliwa.
Retranscription : François-Xavier Gaudas.
Traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel de Jayce Lewis : www.jaycelewis.com.

Acheter l’album Million part 1.



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