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Live Report   

Jeff Beck : émotions et commotions


Artistes : Jeff BeckAstrid
Lieu : Lyon
Salle : Salle 3000
Public: environ 2000 places

Afin de titiller encore le blackeux aigri, le deatheux avide de sang, le thrasheux borné et le dark-ambient electrohead névrosé embusqués à la sortie des studios de Radio Metal (oui, ils sont de plus en plus nombreux à vouloir notre peau), nous vous reparlons de Jeff Beck. Plus sérieusement, nous espérons que les petits remous qu’il a pu y avoir sur le site ainsi que sur le Facebook de Radio Metal n’étaient que très épisodiques et que la sélection naturelle aura fait son œuvre pour que ce live report ne fâche personne.

Et de toute façon, qu’importe, ce live report devait apparaître dans ces colonnes en raison d’un concert en parfaite résonance avec le dernier album de monsieur Jeff Beck intitulé Emotion & Commotion, deux mots qui ont connu une sublime expression grâce à cette représentation à la Salle 3000 de la Cité Internationale de Lyon.

Jeff Beck à Lyon

Mais avant la grande époustouflade Jeff Beck, un sentiment étrange doublé d’un questionnement éthique : habitué aux salles au sol de béton nu, coincé la plupart du temps dans ces parallélépipèdes sombres, debout, entre mille furieux sentant la sueur et s’évertuant à garder leur gobelet de bière droit et plein dans la cohue inhérente à tout bon concert de metal, comment assiste-t-on à un concert dans cette salle ? Si vous n’avez jamais connu l’intérieur de cet espèce de soucoupe volante qu’est la Salle 3000, sachez d’abord que c’est un amphithéâtre. Et qu’il n’y a pas de fosse, que le sol est couvert de parquet, qu’il y a des sièges rembourrés couverts de velours, que l’ambiance y est feutrée. Mais, décidément, comment assiste-t-on à un concert dans un endroit pareil ?

Puis une autre interrogation, plus pragmatique cette fois : est-ce qu’il y aura une première partie ? Après enquête auprès du proche voisinage, on apprend qu’un certain groupe de rockabilly du nom de Hillbilly Moon Explosion est habituellement chargé de chauffer la salle en attendant notre tête d’affiche de ce soir-là. Du rockabilly ? Pourquoi pas ? Ça peut être amusant. Mais alors, il n’avait pas encore dû installer la scène pour le groupe parce qu’on imagine mal un combo de ce genre jouer assis sur des chaises et avec seulement une grosse caisse comme percussion. Eh bien, la scène était bel et bien mise pour la première partie mais ce n’était pas ceux qui étaient attendus.

Astrid (source image : MySpace)

Force est d’avouer que je ne suis pas sûr de vous intéresser avec ce groupe. Imaginez : ils jouent assis ! Une seule guitare électrique parmi ce quatuor ! Une grosse caisse et une demoiselle (au charme asiatique qui ne pouvait tout de même pas me laisser indifférent, soit dit en passant) remuant un tambourin à cymbalettes pour toutes percussions ! Après deux morceaux, le groupe se présente, ils se nomment Astrid et ils viennent de Reims. Mais Astrid interprétait une musique qu’on pourrait qualifier de hard folk (non, pas de vikings ici) alimenté de psychédélisme avec une guitare électrique tantôt énergique (pauvre guitariste qui avait l’air de brûler d’envie de bondir de sa chaise), tantôt colorée de distorsions et des effets électroniques, des réverbérations de voix, etc.

Et si je m’inquiétais de savoir comment on peut faire pour vivre un concert assis, grâce à l’acoustique sublime de cet amphithéâtre, cette question ne me frôlait plus l’esprit. Le son d’Astrid, la pulsation de cette grosse caisse et ces effets ainsi répercutés ont fait de la performance des Rémois une délicieuse mise en bouche, qui n’aura pas fait se lever l’audience mais aura bien bénéficié de sa part d’applaudissements. Entracte.

Enfin le moment est arrivé. La lumière se fait sur la scène. Jeff Beck est là avec ses musiciens. Il nous interprète à sa manière « Corpus Christi Carol », un hymne anglais du XVIe siècle, introduisant déjà son dernier album avant d’enchaîner directement avec le deuxième titre de ce même album : « Hammerhead ». Émotion et Commotion se sont succédés en un instant. Après la beauté de ce chant ancien nous transportant avec volupté, voici l’explosion hard rock ! La guitare fuse, la guitare fuzze, les amplis hurlent et on a déjà tout compris : Jeff Beck n’est pas un guitariste, il n’est pas non plus Le Guitariste, il est La Guitare !

Jeff Beck interprétant « Hammerhead » en avril dernier au Grammy Museum, Los Angeles
(source vidéo : Yahoo Music)

En près de cinq décennies passées accroché à son instrument, Jeff Beck en a réellement fait un prolongement de lui-même, un organe symbiotique. Il parle avec sa guitare. Jeff Beck ne chante jamais, il dit tout en six cordes. Et c’est quand on croit qu’il est arrivé au bout de ce qu’il est capable de dire dans ce langage, quand il a atteint tout ce qu’on entend habituellement chez un guitariste, qu’il réinvente encore ce langage, qu’il remodèle encore et encore son lexique et sa grammaire. Tout semble être à sa portée : Puccini avec « Nessum Dorma » ; les classiques de la musique pop américaine avec « Over The Rainbow », tiré de la comédie musicale The Wizard Of Oz ; les Beatles avec une version d' »A Day In The Life » (extrait de Sergent Pepper’s Lonely Heart Club Band) qui, dès les premières notes, remua l’assistance entière et, adaptée par Jeff Beck, semble alors avoir toujours été faite pour ressembler à ce qu’il en fait .

Et du blues, bien sûr. Et c’est aussi là qu’on voit la qualité des musiciens qui l’accompagnent. Combien de fois eut-on au cours de ce concert l’impression de voir un bande de zicos de très grand talent taper le boeuf dans des élans de blues, de jazz, de funk… Quelques mots pour le batteur, Narada Michael Walden, carré, toujours dans le rythme, pas un coup à côté (et quand on jette un œil à la carrière du bonhomme, on ne trouve rien d’étonnant à cela) mais aussi excentrique, exubérant, jovial, joueur.

Rhonda Smith à la basse (source photo : jeffbeck.com )

Plus qu’un mot pour la bassiste Rhonda Smith. Dans son treillis camouflage, montée sur ses bottes à semelles compensées bardées de plaques de métal, on se dit qu’elle a de quoi plaire aux lecteurs de ce site. Mais c’est avant tout une musicienne stupéfiante, un sens du groove et des riffs de basse hors du commun. Encore là, rien d’étonnant, mademoiselle Smith a travaillé auprès de Prince et on sait le niveau d’exigence de l’artiste. Et Rhonda, c’est aussi une voix. Une voix qui nous scotche par son timbre de mama blues sur « Rollin’ And Thumblin' » et, au cours des rappels, sur le « I Wanna Take You Higher » de Sly And The Family Stone.

Par moment, un petit morceau planant dans le set et on se sent bien assis dans l’amphithéâtre. Mais à la fin, le public ne tient définitivement plus en place. Au cours des derniers morceaux, il envahit le devant de la scène, le reste de la salle est debout à applaudir, le groupe communiquant avec le public dans un échange basé sur la musique et non sur un blabla qu’il pourrait resservir dans n’importe quel autre lieu. Les rappels seront inévitables. Parmi les titres interprétés, le très oldy « People Get Ready » de et en hommage à Les Paul. Oui, celui de la guitare du même nom !

Jeff Beck aura toujours vingt ans (source photo : jeffbeck.com)

Un dernier petit coup de « Corpus Christi Carol », le concert se termine. Le groupe s’incline devant son public qui s’immole les mains en incessants applaudissements. Quant à votre serviteur, il dut ramasser sa mâchoire qui, à force d’être décrochée, a fini sur le parquet. Émotion et commotion, vous dis-je ! Un océan de beauté dans lequel on ne savait plus où commençait et où s’arrêtait le génie et où chaque instant nous mettait du baume à l’âme et nous mettait en même temps sur le carreau.

Et depuis, Tonton Animal se passe en boucle le dernier album de Jeff Beck ainsi que son dernier live, Live and Exclusive From the Grammy Museum, sur lesquels on peut percevoir la classe et le génie de cet homme qui aura toujours vingt ans, même plus de quarante ans après le temps des Yardbirds.



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  • Hm, j’avais gagné une place grâce à votre jeu-concours, mais je n’ai malheureusement pu y assister. Je l’ai finalement donner à mon prof de guitare, qui a vraiment été ravit de ce spectacle ! En même temps, on ne peut pas vraiment être déçu avec de telles têtes…
    La prochaine, c’est Satriani au même endroit dans deux semaines ! Et j’y serai !

  • Red Hot Chili Peppers @ Lyon
    Queens Of The Stone Age @ Lyon
    Kiss @ Lyon
    Skid Row @ Lyon
    Hollywood Vampires @ Paris
    Depeche Mode @ Lyon
    Scorpions @ Lyon
    Thundermother @ Lyon
    Ghost @ Lyon
    Spiritbox @ Lyon
    Metallica @ Saint-Denis
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