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Chronique Focus   

Jinjer – Wallflowers


Ce que Jinjer est parvenu à réaliser en à peine plus de dix ans est louable. Le groupe ukrainien a su se tailler une place de choix parmi les formations dites de « metal moderne » (pour ce que ça peut signifier), jusqu’à devenir l’une des figures les plus excitantes de la scène de ces dernières années en se distinguant par le charisme et la voix schizophrène de Tatiana Shmailyuk. Une réputation qui s’est traduite par des millions d’écoutes et des milliers de téléchargements sur les diverses plateformes, de quoi considérer Jinjer aujourd’hui comme l’une des têtes d’affiche en devenir. La pandémie a évidemment altéré la dynamique du groupe qui a dû stopper son rythme frénétique de tournée. De quoi prendre le temps de finaliser Wallflowers qui a la lourde tâche de succéder au plébiscité Macro (2019). Wallflowers s’inscrit évidemment dans la lignée de ce dernier, tout en prétendant esquiver la redite. Le fameux petit jeu délicat de « l’album de la confirmation »…

Jinjer a enregistré son album à Kiev, à nouveau assisté de Max Morton à la production. Sur ce plan Jinjer fait un pas en avant, améliorant le son « djent » générique des guitares en leur donnant davantage de cachet par un grain plus travaillé. Wallflowers se veut moins « lisse » que son aîné, motivé par le contexte délétère de la pandémie et les difficultés qu’elle engendre tant sur le plan professionnel que personnel. « Call Me A Symbol » est un titre d’introduction athlétique : Jinjer multiplie les blasts, les growls massifs et les accroches de guitare faites de brèves dissonances. Tatiana n’hésite pas à écorcher son timbre et prouver que sa palette sonore est extrêmement complète. Il faut attendre les deux tiers du titre pour la voir embrasser de nouveau son chant clair. Les musiciens en profitent pour se permettre des arrangements mélodiques plus complexes qu’à l’accoutumée. De quoi éviter de s’illustrer sur le même plan que la pléthore de groupes qui misent sur le clair-obscur sans idées. « Colossus » embraye avec ce riffing audacieux qui n’hésite pas à se déstructurer quitte à perdre en accessibilité. Une caractéristique que corrige très vite Jinjer lors du refrain sans marquer à outrance le contraste. Wallflowers parvient à maintenir une forme d’équilibre du fait de mouvements nuancés. À ce titre, la cohérence du jeu de Vladislav Ulasevich à la batterie mérite d’être mentionnée, les évolutions structurelles ne sont jamais grossières. Surtout lorsque Jinjer décide de vraiment accélérer les débats tout en se laissant aller à quelques riffs labyrinthiques, à l’instar de « Mediator ». Ceux qui redoutaient un Jinjer édulcoré et racoleur ont de quoi calmer leurs angoisses.

Jinjer n’a toutefois jamais autant d’intérêt que lorsqu’il s’essaye à des atmosphères moins rentre-dedans, à l’image de « Wallflower » qui repose sur la délicatesse de sa chanteuse et la souplesse du bassiste Eugene Abdiukhanov et de son comparse batteur. Un rappel de l’œuvre éphémère des Australiens d’Endusk. Bien entendu, Jinjer n’hésite pas à revenir à un riffing cathartique : il s’efforce simplement de le gratifier de véritables antécédents. Jinjer s’amuse ponctuellement à jouer avec un vocabulaire rock plus classique, à l’image de « Disclosure » ou de « Pearls And Swine » et leurs légers accents grunge qui tournent vite au vinaigre. C’est sur ce plan qu’émerge une forme de frustration : Jinjer fait étalage d’une technique maîtrisée et d’une qualité d’écriture certaine qui peine néanmoins à s’extraire de la redondance. Quand Code Orange parvient par exemple à surprendre à tous les instants avec Underneath (2020), Jinjer réutilise les mêmes tracés jusqu’à les faire se confondre. Wallflowers nécessite certaines haltes si on souhaite éviter la monotonie de l’itinéraire.

Wallflowers ravira certainement ceux qui ont érigé Macro comme l’un des albums phares de ces trois dernières années. Il reprend cet affect pour le groove avec davantage d’audace et de profondeur. Wallflowers étire les extrêmes de la musique de Jinjer, là est son principal intérêt. Il est un jalon qui ne vient en rien remettre en cause le trajet prometteur des Ukrainiens. Tout l’enjeu est de maintenir le cap, sans refuser toute forme d’ajustement. Avec ses atouts, Jinjer ne mérite pas la stagnation.

Clip vidéo de la chanson « Vortex » :

Album Wallflowers, sortie le 27 août 2021 via Napalm Records. Disponible à l’achat ici



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