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Interview   

Jirfiya : le cri du cœur


Il est facile, surtout, dans le metal d’associer la rage au cri ou au growl. Dommage, car il y a bien des manières d’exprimer de la colère. Des raisons d’être en colère, dans l’actualité, Jirfiya en a une flopée et pas uniquement du fait de la crise sanitaire, celle-ci éclipsant médiatiquement d’autres injustices et drames du monde. Musicalement, le groupe parisien ne l’exprime pas uniquement par le cri et le metal extrême dans un album qui répond directement et avec agacement aux problématiques de l’EP précédent.

D’autant que le cri s’est démocratisé et a gagné en maîtrise – et heureusement pour la santé de nos cordes vocales – au point de devenir une recette et de perdre un peu de sa folie. C’est pourquoi Ingrid et ses collègues s’autorisent le petit dérapage qui vient du cœur et qui donne du charme à la musique. Dans cette interview, nous nous sommes également arrêtés quelques instants sur Jeff Buckley, influence majeure et véritable coup de foudre musical pour la chanteuse, qui incarnait pour elle ce mélange magique entre maîtrise et folie.

« C’est vraiment le premier confinement qui a conditionné la production de cet album. Nous nous sommes tous retrouvés à la maison. Jérôme, en particulier, avait deux choix : soit déprimer, soit se lancer et recracher tout ça. »

Radio Metal : Vous sortez un album, après avoir sorti un EP. Pour un jeune groupe, le passage du premier EP au premier album est quelque chose de significatif. Qu’est-ce que cela représentait pour vous de passer d’un format court à un format long ?

Ingrid Denis-Payet (chant) : C’est une forme d’aboutissement. C’était notre projet dès le départ. Nous avons monté le projet assez rapidement après notre rencontre, nous avons fait l’EP assez rapidement aussi… En fait, tout s’est fait de façon très rapide voire fulgurante depuis le début. Il faut dire que cette accélération a bien été conditionnée par le premier confinement de l’an dernier. C’est aussi pour des raisons pratiques que ça s’est fait ! [Rires] Dans tous les cas, l’EP était notre carte de visite, et l’album, c’est vraiment pour poser le style et s’affirmer.

Par rapport à un EP où il faut forcément aller à l’essentiel et convaincre rapidement, sur un album, on a forcément quelques libertés en plus par rapport à ce qu’on a envie de dire. Sur cet album-là, qu’avez-vous pu mettre de plus ?

En termes de composition, il y a peut-être eu un peu plus de liberté, d’audace, de la part de Jérôme qui est le compositeur et le parolier principal. En fait, ça fait suite à son premier projet qui était Born From Lie. Donc les thématiques sont un peu les mêmes, très ancrées dans l’actualité et les différentes problématiques sociales. Ma voix lui a certainement apporté plus de possibilités. En termes de composition, ça tire un peu plus sur le prog, avec des moments un peu suspendus. Maintenant, par rapport au propos, aux thèmes, c’est vraiment dans la lignée de l’EP. Nous avons même hésité à remettre sur l’album les cinq morceaux de l’EP, mais nous avions de quoi faire un album plus un ou deux bonus. Nous sommes restés sur les mêmes thématiques, et c’est plus affirmé musicalement. Déjà, nous avons un line-up fixe – je l’espère, maintenant [rires] – avec un autre batteur par rapport à l’EP, donc c’est plus posé, plus carré.

Il y a pas mal de guitare acoustique dans votre musique, et il y a presque un style flamenco – il y a cette couleur-là notamment sur « The Hill Of Shame » ou « Silently ». D’où vient cette influence ?

Pour le coup, Jérôme pourrait mieux répondre que moi. Maintenant, j’ai l’impression que tout ce qui est mélancolie, il l’associe à ce style-là. Je vais faire court pour ne pas trop m’avancer… [rires] Je pense que c’est ce qui lui vient naturellement quand il fait de l’acoustique. Quand c’est un peu introspectif, voire mélancolique par moments, je pense que c’est la couleur qui lui vient naturellement. Ce n’est pas lié à des origines !

Au niveau des textes, comme tu l’as évoqué plus tôt, ça traite de la noirceur de notre monde et surtout, ils sont le reflet de votre « indignation », de votre « rage », et de votre « envie de [vous] exprimer ». Par rapport à ce besoin de vous exprimer, qu’est-ce que la musique vous apporte ? Est-ce qu’elle vous permet de soulager cette colère-là, de passer des messages ?

Je n’ai pas envie de qualifier cela de « militant », mais la démarche est un peu militante. Aucun de nous, surtout pour les deux principaux compositeurs et moi l’interprète, n’est militant associatif, mais nous avons une conscience sociale, voire politique, depuis de nombreuses années, et c’est aussi ce qui a fait que ça a matché entre nous. C’est Jérôme qui fait les paroles, mais moi, je les porte, je suis vraiment interprète, je me fonds dans son univers. J’adhère totalement au propos. La musique est pour nous une façon de mettre en lumière de petites histoires, car souvent, ça parle de ce qu’on pourrait appeler des « faits divers ». Je dis souvent que ce sont des petites histoires dans la grande. Par exemple, sur « Silently », c’est le problème de la situation de l’avortement au Salvador, où des femmes se retrouvent en prison après avoir fait des fausses couches, pour crime d’infanticide. Il y a des dossiers accusateurs, certainement montés de toutes pièces… Ce sont de petites histoires dont les thèmes reviennent dans les grands thèmes d’actualité comme l’avortement, qui a récemment été légalisé par l’Argentine, ou qui fait l’objet de combats pour être maintenu en Pologne. Nous mettons en lumière des faits divers d’actualité, mais qui touchent des thématiques plus grandes. Il y a aussi le problème de l’immigration et des réfugiés – je les appelle « réfugiés » plutôt que « migrants » – qui sont relégués aux portes de Paris, comme à Porte de la Chapelle, que l’on met sous le tapis et qui se retrouvent au milieu des dealers, complètement cramés par la drogue et zombifiés. Pour nous, la musique est vraiment une façon de porter une voix, de se sentir concernés, et d’essayer de faire en sorte que le public se sente concerné aussi, sans que ce soit rébarbatif ou mélodramatique. C’est une façon de rester le poing levé quand même !

Tu as évoqué que le fait que ça ait matché entre vous, c’est que vous soyez d’accord sur ces sujets-là. Est-ce que tu penses que s’il y avait eu des désaccords, non pas sur la musique mais sur des questions politiques ou sociales, ça n’aurait pas matché ? Faut-il vraiment que vous partagiez ça pour que le groupe fonctionne bien ?

Pour moi, oui. A partir du moment où je n’écris pas les paroles… J’ai intégré un projet et, même si ce n’était pas le deal de départ, nous nous sommes retrouvés sur ces affinités-là, et je ne pourrais pas chanter ces paroles-là avec autant d’émotions et de parti pris si ce n’était pas aussi fort pour moi. Je suis un peu comédienne aussi, donc j’ai besoin de textes qui me parlent. C’est vraiment un boulot d’interprète. Il pourra peut-être y avoir des désaccords par la suite, mais nous nous retrouvons à la fois sur les thématiques et sur cette façon d’envisager le rock, le metal, aussi comme quelque chose qui peut être à la fois introspectif et puissant.

« Je prends le disque [de Jeff Buckley, Grace,] et là, avec les premières notes de ‘Mojo Pin’, je m’assois et c’était vraiment comme si j’avais vu la lumière ! C’était magnifique, parce que c’était comme une boîte de Pandore musicale qui s’ouvrait. »

Le titre de l’album fait directement référence à celui du premier EP. Still Waiting suggère l’idée d’agacement et l’idée d’exaspération de votre part, avec cette idée de : « Voilà, on est encore en train d’attendre, rien n’a changé. » C’est ce que vous ressentez ?

C’est ce que nous avons ressenti. C’est vrai que ça s’est un peu imposé, le fait de faire une continuité de l’EP. Comme je disais, c’est vraiment le premier confinement qui a conditionné la production de cet album. Nous nous sommes tous retrouvés à la maison. Jérôme, en particulier, avait deux choix : soit déprimer, soit se lancer et recracher tout ça, comme beaucoup d’artistes. La situation était vraiment catastrophique et pour faire suite à l’EP qui était sorti l’année précédente, effectivement, nous attendions toujours. Je parlais de la grande histoire, c’est un peu comme si celle-ci nous donnait raison à ce moment précis où nous, jeune groupe émergent de metal, avec ce style-là et ces thèmes-là, nous nous lancions aussi. Still Waiting s’est donc imposé. Je ne sais pas si nous ferons une trilogie ! [Rires] Ça revient souvent, mais oui, pourquoi pas !

Quel impact a eu la crise sanitaire sur vous, par rapport à la colère que vous aviez déjà avant ? Est-ce que ça a été l’incarnation de ce que vous aviez dans vos têtes ?

Pas totalement. Je dirais que ça a tendu la perche, ça a réuni les conditions pour. De base, nous bossons à distance parce que nous ne nous voyons pas énormément, mais là, effectivement, nous ne nous sommes pas vus du tout, nous avons tout maquetté à distance. Par rapport aux thèmes, il y a des choses que Jérôme avait déjà en lui. Nous avions commencé à travailler avant, au mois de janvier, pour poser le thème de ce qui est ensuite devenu « House Of Poison » qui, pour le coup, était plutôt une mésaventure personnelle. Donc il y avait déjà des embryons, des brouillons de morceau. Je pense qu’il ne nous serait pas venu à l’idée de parler du virus même. Ça serait assez redondant, de toute façon nous sommes surinformés là-dessus. Ça allait déjà mal avant, ça ira certainement mal encore après… Justement, à travers cette crise qui étouffe énormément d’autres sujets, tout est quand même revenu sur le devant de la scène, nous avons fait la continuité de ce que nous proposions sur le premier EP, c’est-à-dire sur des faits divers particuliers, des choses qui étaient un peu restées en suspens et que nous avons voulu approfondir. Nous avons profité de l’occasion pour approfondir tout ça.

Jérôme a déclaré qu’écrire cet album avait été salvateur pour lui pendant le confinement. Dans cet album, au-delà des thématiques sociales, y a-t-il aussi un ressenti plus intime par rapport à la manière dont vous avez vécu l’enfermement ?

Non, pas directement. S’il y a un morceau plus intime, je dirais que c’est « House Of Poison », que nous avons aussi choisi pour ça. Peut-être que l’on peut retrouver inconsciemment la thématique de l’enfermement dans le « House » (la maison), mais ce n’est pas directement lié à la crise sanitaire. Même la pochette évoque un retour à soi, dans cette idée-là. Cette idée du retour à soi est peut-être inconsciemment ressortie. Cette période-là a permis aux gens – pour ceux qui le vivaient bien [rires] – de se retrouver. Mais ce n’est pas directement notre ressenti par rapport à l’enfermement.

L’album contient trois reprises de l’ancien groupe de Jérôme et Pascal, Born From Life. C’est un choix un peu particulier. Qu’est-ce qui vous a poussés à faire ça ?

Ce que nous avons mis comme bonus tracks avait été enregistré dans la même session que l’EP. Nous les avions aussi clippés, donc ils sont disponibles en vidéo sur YouTube. Il y a eu une demande de les mettre sur un support, donc nous avons profité de l’occasion. C’est vrai que pour le coup, ça s’est fait rapidement, donc c’était un peu court, ces quelques mois de crise et d’enfermement, pour vraiment faire dix morceaux. Donc nous avons un peu triché. Il y a quand même un choix artistique de la part de Jérôme et Pascal de remettre en lumière certains anciens morceaux de Born From Life qui n’avaient pas eu le traitement adéquat selon eux, notamment au niveau du mixage. C’était l’occasion de revisiter ces morceaux. Il y a « This Is My Home » que nous avons réenregistré spécialement pour cet album, et qui est aussi un fait divers sur l’expropriation de pauvres gens aux États-Unis par des banquiers peu scrupuleux. C’était dans la même thématique. Mais c’était vraiment pour faire un format album et pour redonner justice à certains morceaux qui le méritaient.

Dirais-tu qu’il y a un lien entre les deux projets, à part la présence de Jérôme et Pascal, au niveau musical, thématique ou au niveau de ce qu’ils dégagent ?

Oui, je pense. C’est dans la droite lignée. De toute façon, il était question à la base que nous continuions Born From Lie avec moi. J’avais été auditionnée dans cet état d’esprit. Enfin, ils cherchaient à collaborer avec d’autres chanteurs et chanteuses, puis il était question que j’intègre le groupe, et ils n’ont pas tous été d’accord, donc il y a eu un hiatus à ce moment-là. C’était au départ un projet parallèle, puis finalement, c’est devenu une forme de continuité de Born From Lie. Maintenant, je pense que j’apporte plus d’émotions, une autre sensibilité, voire un autre regard sur les thématiques qu’aborde Jérôme.

Quand il faut chanter ces morceaux issus de Born From Lie, est-ce que tu te les appropries différemment qu’un morceau traditionnel de Jirfiya ?

Oui. Dans l’interprétation, c’est forcément différent. Je le ressens différemment. Je ne saurais pas dire pourquoi ! Je ne les écoute pas énormément. Déjà, nous prenons ceux qui sont un peu plus adaptés à ma voix, pour ne pas non plus trop changer de tonalité et que ça ne dénature pas complètement l’esprit du morceau. Je suis vraiment dans mon truc.

« Il y a de plus en plus de stages de chant saturé, growl… C’est presque un passage obligé, maintenant ! On parlait de la rage, tout à l’heure, mais pour moi, il faut que ça reste une impulsion. Il faut que ça vienne de quelque part. […] Evidemment, plus il y a de maîtrise, moins tu te plantes, mais il faut que ça te dépasse à un moment donné. C’est un lâcher-prise. »

Tu es arrivée au metal par le rock indé, à la base, et l’album qui a changé ta vie est Grace de Jeff Buckley. Peux-tu nous parler de ce que représente ce disque pour toi ?

Je crois qu’il y a des rencontres humaines et qu’il y a des rencontres artistiques, même si on ne rencontre pas l’artiste lui-même ! [Rires] Avec ce disque, c’était vraiment une rencontre, un peu par hasard. A la base, je crois que je l’avais vu chez un marchand de journaux, j’avais vu la couverture des Inrocks, avec cet artiste, que je ne connaissais pas du tout. A l’époque, j’étais toute jeune et je cherchais à m’ouvrir à d’autres styles. Je prends le disque et là, avec les premières notes de « Mojo Pin », je m’assois et c’était vraiment comme si j’avais vu la lumière ! C’était magnifique, parce que c’était comme une boîte de Pandore musicale qui s’ouvrait. J’ai vraiment tiré tous les fils de chaque morceau et ça m’a ouvert au jazz, au prog… C’était magique. Et effectivement, avec l’empreinte qu’il a eue sur beaucoup d’artistes vocalement, c’est une grande source d’inspiration. Je pense que j’ai façonné ma voix avec son influence et puis j’ai fini par trouver ma patte. Ça fait vraiment partie des artistes qui infusent en moi, je n’ai même plus besoin de l’écouter tellement il est vraiment en moi.

Grace est un album très connu, mais le premier truc auquel on pense quand on pense à Jeff Buckley et quand on interroge le grand public, c’est que tout le tout le monde va te citer sa reprise de « Hallelujah ». Pour toi, qu’est-ce qui fait de Grace l’album mythique qu’il est ?

Peut-être que c’est réducteur, mais c’est vrai qu’il a une voix phénoménale, beaucoup imitée et rarement égalée. C’est sa voix qui accroche tous les auditeurs. C’est une façon de chanter un peu glam-rock, mais avec une sensibilité à fleur de peau, et une puissance… Quand tu regardes des lives, tu te prends vraiment une grosse claque. Il a des tenues de notes excellentes. Et puis il avait un petit côté transe. Dans l’album, il y a l’influence de Nusrat Fateh Ali Kahn, il y avait peut-être ce côté un peu transe quand il était sur scène. Après, musicalement, c’était la période du grunge, avec Nirvana, Soundgarden, et lui est arrivé avec cette magie en plus. Après, il y a eu des groupes comme Muse, Coldplay, qui étaient un peu dans la même veine, on va dire un peu plus « romantiques », pour faire un peu cliché ! [Rires] Il a été une espèce de frontière dans les années 1990. Il y avait Queen, qui était très musclé, très glam, mais lui a amené quelque chose d’un peu plus hétéro aussi ! C’est vrai, je pense que ce n’était pas hyper viril, mais il y avait une espèce d’hypersensibilité, tout en gardant toute la puissance… Une puissance érotique !

Dans ce que vous souhaitez exprimer, il y a beaucoup l’idée de rage qui revient. C’est vrai que dans le metal, la rage, on a tendance à l’associer aux cris et au chant guttural. En plus, dans le groupe, tu as Jérôme qui fait le chant guttural. Pourtant, tu as des lignes de texte qui expriment beaucoup de colère, notamment sur « The Right Side Of The Border ». Dirais-tu que c’est difficile pour toi d’exprimer de la rage avec du chant clair, quand il faut tenir la comparaison avec un mec à côté qui fait du chant guttural ?

[Rires] Il faut savoir que nous ne le programmons pas à l’avance, ce n’est pas une recette du style la Belle et la Bête. C’est vraiment le morceau qui le conditionne, nous nous disons qu’à tel moment, ça serait bien d’avoir les deux voix, ou juste Jérôme en guttural… Ce n’est pas dit qu’après, nous gardions tout le temps ce côté duo. En chant clair, oui si tu veux rager, tu cries, tu grognes ! Moi, je ne le fais pas systématiquement. J’ai bossé le chant saturé et je ne veux surtout pas que ça devienne une recette, un peu comme Arch Enemy, pour les voix féminines. Quand tu as vraiment quelque chose qui te tient à cœur, ça te dépasse, et ce qui vient naturellement quand tu as de la colère, c’est la rage, donc ça se ressent et ça sature de toute façon.

Vos textes sont globalement chargés de colère et de revendications, mais votre musique, dans sa globalité, est très mélodique. Même le chant guttural ne s’invite pas toujours sur des parties extrêmes, même s’il y a quelques parties de double-pédale et de blast beat. C’était un peu ça, votre pari, le fait de transmettre de la colère sans forcément le faire avec de la violence sonore ?

Oui, c’est vraiment ça. Je pense que c’est ce que j’ai apporté par rapport à Born From Lie. Nous avons ces deux aspects-là. Il y a une puissance émotionnelle qui ne passe pas forcément toujours par la saturation. Quand je dis que c’est le morceau qui conditionne, c’est qu’il y a certaines parties où nous allons nous dire que nous allons le chanter à deux, mais que c’est intéressant, sur le même texte, d’avoir ces deux interprétations, quelque chose d’un peu plus rentre-dedans, et quelque chose d’un peu plus à fleur de peau. Et que ça reste puissant. Ce sont ces moments-là que je trouve vraiment intéressants, sur ces textes-là.

Tout à l’heure, tu as évoqué l’idée de la recette en parlant des mélanges entre chant crié et chant clair. J’ai l’impression que de plus en plus de gens sont agacés par le côté un peu trop maîtrisé du chant guttural, et le côté trop bien produit de l’alternance entre le guttural et le chant clair. Ça a l’air d’être aussi ce que tu ressens, qu’il ne faut pas que ça soit juste une recette musicale, mais qu’à un moment, il faut aussi que ça réponde à un besoin émotionnel…

Oui, j’en reviens à l’interprétation. J’ai encore un peu ce regard extérieur et neutre sur le metal, parce que ça ne fait que deux ans que je m’y intéresse beaucoup plus en tant qu’interprète mais aussi en tant qu’auditrice. Je le vois avec Jinjer, par exemple, que j’aime énormément, c’est effectivement ce que je note. Il y a de plus en plus de stages de chant saturé, growl… C’est presque un passage obligé, maintenant ! On parlait de la rage, tout à l’heure, mais pour moi, il faut que ça reste une impulsion. Il faut que ça vienne de quelque part. Je raisonne vraiment comme une interprète. Il ne faut vraiment jamais oublier qu’il y a un propos à défendre, et je ne vois pas l’intérêt de le placer partout, même en tant qu’auditrice. C’est par exemple ce qui me bloque sur Arch Enemy, même si musicalement c’est très fort. Jérôme est un grand fan, donc il me passe les meilleurs morceaux ! [Rires] Gueuler pour gueuler, c’est un peu lassant, et c’est dommage. Pour le coup, je trouve que le metal a vraiment ce côté rageux, mais ce côté mature de la rage, où ça peut vraiment aller super loin, mais je regrette que par moments ça soit systématique.

Dirais-tu que le cri, pour qu’il soit encore plus fort, il faut presque qu’il ne soit pas complètement maîtrisé, qu’il y ait un peu ce pétage de câble ? Évidemment, il ne faut pas se péter la voix…

Oui ! C’est ça ! J’en reviens au côté transe, les chanteurs que j’aime, c’est quand, en live, il y a le petit accident, sans que ce soit forcément hyper juste. Evidemment, plus il y a de maîtrise, moins tu te plantes, mais il faut que ça te dépasse à un moment donné. C’est un lâcher-prise, et ça doit se ressentir sur scène. L’émotion, c’est le lâcher-prise aussi. Comme la rage. La rage est une émotion ! [Rires]

Interview réalisée par téléphone le 12 janvier 2021 par Philippe Sliwa.
Retranscription : Robin Collas.

Facebook officiel de Jirfiya : www.facebook.com/jirfiya

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