Abbath est un sacré personnage, aussi fantasque qu’attachant. Mais c’est aussi un grand bavard avec énormément d’histoires à raconter, que ce soit sur sa vie ou celle de ses idoles. En bon passionné, il dévore toutes les biographies et s’est même constitué une collection impressionnante d’objets entreposés sur une étagère, allant d’une figurine parlante d’Al Pacino donnant ses célèbres répliques dans Scarface jusqu’à une chaussure de scène de Paul Stanley, à côté d’un mur où trône la fameuse hache d’Immortal.
Alors quand on se retrouve sur Skype avec un Abbath au confort chez lui, il faut se préparer à de longs bavardages, sans toujours grand rapport avec le sujet de départ : Abbath parle comme il pense. C’est ainsi qu’après notre dernier entretien réalisé en juin pour parler du nouvel album d’Abbath, Outstrider, nous nous sommes retrouvés avec près de quatre heures d’échanges en rab. Des « flux de conscience » tantôt drôles, tantôt introspectifs ou instructifs, avec quantité d’anecdotes. C’est ainsi que nous avons finalement décidé de les publier de manière brute, au discours direct, dans une série d’articles.
« Il est clair que nous avons fait partie des débuts de la scène black metal. Nous avons pu connaître Euronymous, Øystein Aarseth, Demonaz a écrit avec lui pendant des années. Et ensuite, il a sorti The Awakening, le premier album de Merciless pour la première fois sur son label – c’était quoi le nom de son label ? C’est le même nom qu’une chanson de Sodom sur l’album Obsessed By Cruelty – Deathlike Silence ! D’ailleurs, ça me fait penser : as-tu entendu le nouvel album de Possessed ? Il sonne comme s’il était sorti juste après Beyond The Gates ! Jeff Becerra est l’un de mes héros. C’est un de mes chanteurs préférés de tous les temps. [Chante en imitant Jeff Becerra] « Mutants from the battle, survivor of the blast. Lightning fill the sky, today will be the last! » Quand j’ai rencontré Jeff Becerra au Wacken 2007, il me connaissait et avait trouvé ça très sympa de me rencontrer aussi. Pareil pour Phil Anselmo. Je ne suis pas digne, mais ces gars sont putain de bien.
Je me souviens de Blacky Lawless en Suisse, lors d’un festival à Pratteln. Leur tour bus était juste à côté du nôtre. J’étais prêt à y aller et j’ai vu Blackie assis là : « Hey Blackie, est-ce que je peux prendre une photo avant le show ? » « Non, peut-être après notre concert… » Donc je l’ai attendu à côté des escaliers quand ils sont sortis de scène, j’étais là : « Blackie ! Est-ce que je peux prendre une photo maintenant ? » Ils n’avaient pas fait un bon concert, j’avais une cigarette et il était là [sur un ton peu commode] : « Ouais, mais ne fume pas à côté de moi ! » [Rires] Je vais te montrer cette photo. Et W.A.S.P. est une énorme influence pour moi, surtout leur premier album. Je n’ai pas beaucoup écouté cet album depuis… Il est sorti autour du Noël 84, il était sous le sapin, je l’ai déballé et nous l’avons écouté tous les jours à l’école pendant des semaines. Nous n’arrivions pas à en croire nos oreilles ! Bordel ! Il y avait Creatures Of The Night de Kiss, Mötley Crüe, mais bon sang, ça déchire tellement ! Je crois que j’ai eu mon premier… Pas ma première trique, mais mon Dieu, je continue à regarder ce clip de « L.O.V.E. Machine » [rires]. C’est genre : « Ouais ! » W.A.S.P. faisait un show avec des femmes, etc., ou il y a l’album Love Gun de Kiss avec des femmes… Genre, Gene Simmons ne peut même pas faire venir le service de chambre sans qu’il y ait de témoin [rires]. Il parle directement avec le cœur, tu sais…
J’ai lu un livre où Paul Stanley parle de Gene Simmons, c’est vraiment extraordinaire. J’ai trouvé le discours d’intronisation du guitariste de Rage Against The Machine génial quand les quatre musiciens de Kiss sont montés sur scène pour le Rock And Roll Hall Of Fame, c’était : « Wow, Yeah ! Voilà comment parle un véritable fan de Kiss ! » Donc non, ce n’est pas embarrassant d’être un fan de Kiss. Je n’ai jamais été embarrassé à ce sujet et, putain, je ne le serai jamais. Rien que de penser à Kiss, ça me renvoie à… Aussi Star Wars, quand j’avais dix ans… En fait, j’ai découvert Kiss avant d’avoir sept ans, avant que nous ne déménagions à Bergen, grâce aux cartes Kiss qu’on trouvait dans ces sachets de bonbons, j’étais là : « Oh, ils sont réels ! Ils ont même des guitares ! » Il m’a fallu du temps avant d’entendre Kiss. J’ai découvert le groupe sur ces cartes ; il a fallu presque un an avant que j’entende ce qu’ils faisaient.
Je me souviens du jour où… Car il n’y avait qu’une chaîne de télé à l’époque, en 82 ou 81. C’était la chaîne de télé nationale. Le vendredi, il y avait une émission musicale qui s’appelait Zig Zag. Je veillais pour la regarder, et là, ils ont montré une partie de « Rockin’ In The U.S.A. » tiré de Alive II, il y avait des ascenseurs, ça faisait [chante] : « I’m flying in a 747, I’m passing by the pearly gates. And I’m comin’ real close to heaven. And my guitar just can’t wait, it just can’t wait! » [Rires] « Rockin’ in the USA! » C’était seulement quelques secondes. Ça a totalement changé ma vie. C’était ma deuxième naissance. Et je n’ai jamais eu de troisième naissance [rires]. Mais tu sais, c’est devenu le groupe de Paul Stanley parce que Gene Simmons a sauté sur tous ces trucs à Hollywood, pendant que Paul Stanley essayait de faire avancer le groupe. Il y avait cette interview, avec Gene et Paul, c’était à l’époque de la tournée Revenge, et Paul interrompt Gene Simmons, et Gene dit : « Excuse-moi, es-tu en train de m’interrompre ? » La première fois que j’ai vu ça, j’ai réalisé : « Bordel, ils se détestent ! » C’est juste incroyable que ce groupe soit même capable de rester ensemble dans une pièce ! [Rires] Il y a les Ramones aussi, Johnny s’était tiré avec la copine de Joey, et ils se sont détestés presque jusqu’à leur mort, mais ils continuaient quand même à tourner dans le monde entier et à jouer tous les soirs. J’ai aussi vu un documentaire sur Fleetwood Mac – j’aime beaucoup Stevie Nicks, elle est extraordinaire – et les putains de drames qu’il y avait là, c’est tout simplement dingue ! Mais jamais on ne reverra quelque chose comme ça.
C’est comme David Lee Roth à la grande époque de Van Halen, c’était un alpiniste fou. Une fois, ils n’arrivaient pas à le trouver alors qu’ils étaient sur le point de jouer en tête d’affiche d’un énorme festival sur la tournée US de 83, et à ce stade, c’était le groupe le mieux payé pour un concert de toute l’histoire, c’était genre un million et demi de dollars. Ils n’arrivaient pas à joindre David Lee Roth parce qu’il était au fin fond de la jungle amazonienne ! Par miracle, ils ont mis en place une opération de dingue rien que pour le faire revenir. On peut le voir en backstage, il avait pété un câble, quand ils commencent le concert, il oublie les paroles… C’était une autre époque. C’est comme l’époque de la scène black metal norvégienne, ça aussi c’est fini. C’était pareil que la scène de Sunset Strip en 84, avec Mötley Crüe, etc., c’était une rébellion, mais c’est allé trop loin. On ne vit plus au Xe siècle. On n’est plus obligés de brûler des églises de l’ère viking ! Ce sont des trésors historiques. Ils viennent de trouver de nouveaux navires dans ces cimetières vikings, c’est extraordinaire.
As-tu vu la série Vikings ? Elle est super. Ça vaut le coup de la regarder, rien que pour le personnage de Lagertha, cette reine viking, elle est « wow ! ». Même ma femme est tombée amoureuse d’elle [rires]. J’ai également regardé la dernière saison de Game Of Thrones pour me détendre. J’ai retenu mon putain de souffle ! Au départ, je n’ai pas aimé cette série. Je me souviens d’avoir regardé la première saison jusqu’à la moitié, et ensuite je ne l’ai plus regardée pendant des années. Puis j’ai eu un coffret qui incluait les six premières saisons et je suis parti dans un chalet pendant une semaine, j’ai acheté de quoi fumer, tout seul, et pendant une semaine j’ai tout regardé. Car il y a beaucoup de dialogues, beaucoup de politique, donc il faut vraiment prêter attention. Même Dynastie, c’était génial à revoir. Ou La Conquête De l’Ouest, la série de 78… En fait, nous l’avons utilisée comme introduction pour une tournée US. Ça créait une atmosphère et c’était un peu symbolique, mais personne n’a remarqué que ça venait de cette série. De même, avec Immortal, sur la tournée All Shall Fall : je regardais le film Quand Les Aigles Attaquent, avec Clint Eastwood et Richard Burton, et le thème d’ouverture, c’est ce que nous avons utilisé avant de démarrer la chanson « All Shall Fall » [chante la mélodie]. »
Photo : Francisco Munoz.
Il faut faire lire tout ceci au leader de Benighted, il est du métier et il pourra sûrement analyser tout ceci et donner un avis « médical » pertinent.
Quelle logorrhée, on dirait qu’il ne peut pas s’empêcher de verbaliser tout ce qui lui passe par la tête. Ça doit être très pénible d’essayer de discuter avec lui.
Effectivement il part sévèrement en live.