A quelques jours de la sortie de Rough Times, leur tout nouvel opus, la pression monte pour les chevelus berlinois de Kadavar… ou pas ? Il faut dire que la sortie de Berlin, leur précédent album, leur a mis pas mal de plomb dans la cervelle. La pression, les trois compères la gèrent maintenant à leur manière.
Malgré l’esprit de compétition d’un côté et le stress lié aux courtes deadlines de l’autre, ils reviennent plus posés et sûrs d’eux, avec un léger esprit de revanche face aux vautours de l’industrie. Inaugurant leur studio d’enregistrement construit pour l’occasion et de tout nouveaux sons, loin de l’homogénéité de Berlin, Rough Times est un disque plus riche qui foisonne d’effets, de sons saturés et d’expérimentations en tout genre, sans pourtant autant perdre en énergie.
Enregistrement, état d’esprit, tournée… : cette fois, ce sont Christoph « Lupus » Lindemann, chanteur-guitariste et Simon « Dragon » Bouteloup, bassiste, qui se prêtent avec décontraction au jeu des questions / réponses.
« Le temps n’est pas toujours l’indicateur d’un bon disque. C’est plutôt le fait d’avoir la bonne idée au bon moment, de bien fonctionner avec le groupe, bien se connaitre et bien connaitre son rôle dans le groupe. »
Radio Metal : Avant d’enregistrer votre album au début de l’année, vous avez construit votre propre studio d’enregistrement. Qu’est-ce qui a motivé ce changement ?
Simon « Dragon » Bouteloup (basse) : Nous avons dû déménager de notre ancien studio parce qu’il y avait une invasion de champignons ! [Rires]
Christoph « Lupus » Lindemann (chant & guitare) : Il y avait de la moisissure partout sur les murs, tout était noir et ça sentait tellement mauvais que nous ne pouvions juste plus rester là. Et puis il y avait une petite pièce pleine de matériel, et nous ne pouvions plus répéter parce qu’elle était pleine de trucs de la tournée, nous nous disions : « OK, après sept ans, c’est la fin, il faut faire quelque chose. » Pour notre sécurité, notre santé, et aussi pour composer, parce que c’était un vrai taudis et nous n’aurions pas pu y écrire un autre album. Alors nous avons essayé de trouver un autre endroit, et nous l’avons trouvé, plus près de chez nous. C’était une pièce vide, donc nous avons dû construire tout un studio, en faire quatre pièces, les sols, les murs et tout afin de pouvoir y enregistrer l’album. Ça nous a pris un moment, mais c’était très amusant.
Vous avez fait une grande partie des travaux vous-mêmes ?
Lupus : Presque tout, à part l’électricité et le chauffage, où je ne veux pas mettre les mains [rires]. Quand il s’agit d’eau et d’électricité, là il ne faut pas toucher ! C’était une activité physique. Au lieu d’être créatif avec notre tête et d’écrire des chansons, nous avons été plutôt créatifs avec nos muscles pour créer une pièce, un endroit où l’on puisse travailler, et c’était très intéressant.
Vous vous êtes découvert une passion pour les travaux…
[Rires] Je ne sais pas si je pourrais faire ça tous les jours ! Je suis content que ce soit terminé. Presque terminé, il nous reste des trucs à faire, mais au moins ça marche maintenant. C’était marrant pour quelques mois, mais je ne veux pas faire ça au quotidien.
D’après Tiger, « vous avez beaucoup réfléchi à la façon dont [vous vouliez] continuer après le dernier album ». Et Simon a évoqué votre remise en question sur « tout ce que [vous avez] déjà mis en place afin d’évoluer en tant que groupe ». Et d’un point de vue créatif, Rough Times est différent et très ouvert. Pensez-vous avoir atteint un tournant après Berlin ? Qu’est-ce qui vous a fait penser que vous deviez changer votre approche de la musique ?
Dans l’album Berlin, nous avons fait l’essai d’intégrer d’autres personnes dans tout le processus d’enregistrement. Nous sommes allés dans un studio différent et avons travaillé avec quelqu’un d’autre qui a fait le mixage et le mastering de l’album. Nous étions curieux de savoir comment des personnes extérieures interpréteraient notre musique, ce qu’elles en feraient si nous la leur donnions, et comment elles allaient travailler avec. C’était vraiment intéressant et ça a donné un son inattendu à l’album Berlin. C’était très bien pour ce moment-là, en 2015 : c’était le disque qu’il fallait faire. Mais maintenant, deux ans après, en ayant aussi notre propre studio, nous avons décidé que nous voulions revenir aux sources de nos deux premiers albums : des sons un peu plus sales, un peu plus garage. Bien sûr, il s’est passé quatre ans entre le deuxième album et le dernier, avec Berlin entre les deux. Nous ne voulions pas copier le deuxième album mais prendre les bons côtés de cette période en y ajoutant l’expérience acquise depuis en tant que groupe, et rassembler tout ça : c’est certainement ça qui donne le son du dernier album. Ouais, nous voulions un style un peu plus crasseux, plus garage. C’est plus puissant aussi, je pense, il y a davantage d’énergie. Ça a toujours été difficile pour nous de capter l’énergie de nos concerts sur disque. Ce n’est toujours pas exactement pareil, mais on s’en approche. Nous sommes sur la bonne voie, peut-être qu’un jour nous y arriverons !
Comment vous y êtes-vous pris pour approcher de ce son live ?
Nous avons poussé le son de tous les instruments ; nous avons mis la basse plus fort pour que tous les instruments soient au même volume sur le disque. Sur l’album précédent, on avait parfois du mal à entendre la basse, ça donnait un son très mince. Ce n’était pas très représentatif de notre son live, qui est vraiment un gros son. Donc nous avons beaucoup changé ça, et puis nous avons de nouveau joué en live. Je pense que nous étions davantage en place lorsque nous avons joué pour l’album, nous étions simplement meilleurs, après tant d’années à jouer ensemble. Nous avons enfin grandi ! [Rires] Ils grandissent plus vite que moi, mais bon… Nous avons grandi, ouais.
On peut remarquer notamment la diversité des sonorités sur cet album, en particulier en ce qui concerne la guitare. Dans la chanson « Into The Wormhole », la guitare a un son très gras, très semblable à celui d’un groupe comme Electric Wizard, alors qu’elle sonne complètement différemment dans une chanson comme « Words Of Evil ». Avez-vous mis l’accent sur les réglages et les jeux de textures pour adapter le son au contexte de chaque chanson ?
Il est tout à fait vrai que sur cet album, chaque chanson a un son différent, et nous avons essayé de trouver le bon son pour chacune. C’est quelque chose que nous n’avions jamais fait auparavant. Sur les autres albums, nous avons toujours essayé d’avoir le même son pour toutes les chansons. Or ce n’était pas toujours la bonne décision. Cette fois, chacun d’entre nous a écrit des chansons. Non pas que nous ayons toujours composé ensemble, parfois quelqu’un écrivait une chanson, et quelqu’un d’autre en écrivait une autre. L’idée que chacun se faisait de la façon dont l’album devait sonner était très différente, parce que nous n’écrivions pas ensemble. Quand nous avons tout mis en commun pour enregistrer, on pouvait entendre qu’il y avait différentes idées pour faire l’album. Donc nous avons changé le son de la guitare, nous avons utilisé différentes basses, du coup ça aussi ça change le son, nous avons essayé aussi différentes choses avec les voix, rien que pour trouver le son parfait pour chaque chanson. C’était très drôle de jouer avec tout ça, et c’était intéressant à faire.
« Avec le nouvel album, nous avons vraiment montré à ces personnes qui voulaient nous dire comment travailler que nous ne les écoutions pas et que nous ne les aimions pas, elles et leurs idées. »
A propos des instruments, avez-vous un instrument fétiche, duquel vous ne vous séparez jamais ?
Oh ouais, j’ai toujours la même guitare. On a une relation très étrange [petits rires] parce qu’une fois que n’ai pas été gentil avec elle, je l’ai jetée sur la batterie et le manche s’est cassé. Mais depuis, je dirais qu’on a une bonne relation [rires]. Ça n’a fait que s’améliorer depuis, et c’est vraiment mon instrument préféré. Je joue avec presque à chaque concert, je crois. Depuis que je l’ai, je joue tout le temps avec.
Dragon : Une SG pour moi aussi, mais une SG basse. J’essaie toujours différentes basses pour voir le genre de son que je peux avoir avec un autre instrument, ce qui a été utile pour l’album. Mais je reviens toujours à la SG de départ.
Vous avez dit avoir essayé une nouvelle façon de travailler. En quoi cela a-t-il impacté le résultat final ?
Lupus : Rough Times, le titre de l’album, était là avant que nous commencions l’écriture de l’album. Nous avions déjà le titre de l’album, et la pochette. Nous avons commencé l’écriture en connaissant le titre et l’artwork. Comme je disais, certaines chansons ont été écrites à la maison par une seule personne. Du coup, chacun avait sa vision de la façon dont l’album devait sonner. Chacun connaissait la pochette, le nom, mais il y en a un qui pensait : « OK, ça doit être plus hard ». Un autre se disait : « Non, je veux faire quelque chose de plus rock ». Et un autre : « Moi je ne veux rien faire, ou bien quelque chose… peu importe ! » Chacun avait sa vision, et nous avons fait un mélange de tout ça. Chacun a apporté ses idées et ensuite, bien sûr, nous assemblions les chansons en groupe ! Mais c’est aussi pour ça que ça sonne si différemment, parfois. Mais si on considère l’album dans son ensemble, ça commence très dur, très lourd, et ça se termine vraiment doucement. Nous avons mis les chansons dans le bon ordre pour que ça fasse une sorte de voyage. Ça commence d’un point de vue vraiment énervé où tu détestes tout le monde et ça va vers une face B plus lumineuse, avec une jolie fin. C’était l’idée d’avoir quelque chose dans cette veine. L’album évolue au fur et à mesure qu’on l’écoute. C’est comme un voyage.
La dernière chanson, « A l’Ombre du Temps », inclut un monologue en français. Qu’est-ce qui se cache derrière cette chanson ? J’imagine que Simon, le Français du groupe, tu as quelque chose à voir là-dedans…
Dragon : Il y avait un texte que Tiger a écrit, et il avait la musique pour aller avec. Nous nous sommes dit qu’il serait peut-être intéressant de le mettre en français et, plutôt que de chanter la chanson, simplement la déclamer, comme un poème ou quelque chose comme ça. C’était écrit en anglais et je l’ai adapté en français. Bien sûr, il n’y avait plus la contrainte du rythme parce que ce n’était pas chanté, donc j’étais un peu plus libre dans l’utilisation de la langue. Et voilà ! C’était marrant… [avec une voix très grave] de réciter. C’est ma voix, je n’avais jamais fait ça auparavant !
Lupus : Ça aurait été trop long de m’apprendre à dire « blablabla » [rires]. Donc ouais, c’était Simon.
Tiger a dit que « le processus d’élaboration de l’album était plutôt intense », qu’il a traversé son enfer intérieur et que tout cela le torturait la nuit. Est-ce que ce disque était particulièrement exigeant à faire ? Qu’est-ce qui l’a rendu si intense, et même « torturant » ?
[Rires] Il a dit ça, oui ! C’est parce que nous avons écrit tout l’album en un mois, en connaissant la date butoir. Nous savions que nous avions seulement deux mois pour y parvenir. C’était en permanence avec nous. On ne pouvait pas dire : « Aujourd’hui, je ne fais rien du tout pour l’album », c’était impossible, parce que nous devions le terminer. C’était comme un processus à temps plein. Ceci dit, je ne sais pas quand lui a trouvé ça infernal, mais…
Dragon : En fait, moi aussi.
Lupus : Ah bon ?
Dragon : Oui !
Lupus : Alors moi aussi ! [Rires] Je dois jouer de la guitare, écrire des chansons, écrire des paroles et chanter, alors qu’ils ne viennent pas me parler d’enfer ! [Rires]
Beaucoup de stress, alors ?
Ouais.
Dragon : C’était plutôt de la concentration poussée à l’extrême. Tu arrives à un niveau où tu dois un peu te pousser toi-même. Ouais, évidemment, ça aide à créer plus vite, et aussi peut-être de façon plus pointue. On devient un peu plus précis.
Lupus : Si nous avions eu un an pour l’écrire, je pense qu’il n’aurait pas été meilleur. Parce qu’avec plus de temps, on est juste trop paresseux pour y travailler régulièrement, on n’a pas une vision globale, et on repousse toujours à plus tard parce qu’il y a autre chose à faire. Je dirais que le temps n’est pas toujours l’indicateur d’un bon disque. C’est plutôt le fait d’avoir la bonne idée au bon moment, de bien fonctionner avec le groupe, bien se connaitre et bien connaitre son rôle dans le groupe : alors ça peut marcher.
« Comme le groupe est le projet le plus important que j’aie jamais eu, je veux le préserver et le garder intact. Je suis toujours à 120% et s’il y a des gens faibles ou qui essaient de nous emmener là où nous ne voulons pas aller, alors je peux montrer mon autre visage [rires]. Le visage sombre, le loup-garou [rires]. »
L’album s’appelle Rough Times, « Des temps difficiles ». Quel est le sens qui se cache derrière ces mots ?
Cela peut signifier beaucoup de choses mais pour nous, c’est clairement que l’époque dans laquelle nous vivons actuellement change, et les temps sont de plus en plus durs. Si on ne prend pas soin de nos vies, de notre société et de notre environnement, des gens qui nous entourent, on pourrait se retrouver dans des temps difficiles. C’est une sorte de vision politique et sociétale sur la façon dont les choses autour de nous sont en train de changer. Ca nous inquiète un petit peu, et nous sommes… pas effrayés, mais nous y réfléchissons, et c’est pour ça que nous avons pensé que Rough Times serait un bon titre.
Dragon : Mais libre à chacun de l’interpréter comme il veut, c’est aussi ouvert. C’est comme un sentiment universel.
Lupus : Pour certaines personnes, des temps difficiles, c’est… s’ils ne peuvent pas aller sur Facebook pendant dix heures, ou quelque chose comme ça [rires]. C’est complètement ouvert. Nous avons nos idées sur les temps difficiles captés sur l’album, mais nous avons aussi voulu laisser ça un peu ouvert.
Vous avez déclaré que vous aviez « l’habitude de vous mettre beaucoup la pression », et que maintenant vous étiez « libérés de l’idée de figurer au hit-parade ou de remplir de grandes salles pour être heureux. » Pensez-vous qu’à un moment vous ayez pu faire ce que vous faites pour de mauvaises raisons ?
Nous n’avons jamais fait ça pour de mauvaises raisons, ça c’est sûr, mais certainement qu’il y a des gens sur qui tu tombes lorsque tu as un groupe qui a un peu de succès, qui viennent te voir ou qui croisent ta route, et qui veulent être impliqués dans ce que tu fais, et qui veulent en tirer de l’argent, bien sûr. Ils ne travaillent pas dans ton intérêt. Ils te disent que tu pourras avoir tellement plus de succès si tu fais les choses à leur manière. A un moment donné, quand tu commences à faire des choses dont tu n’as pas envie, tu dois te rendre compte qu’il est temps d’arrêter avant que ça ne parte dans une direction qui te ferait perdre tout ton projet, alors que c’est ça qui compte. Je ne sais pas s’il y a eu un moment précis, mais quand nous avons atteint le hit-parade en Allemagne, au moins le top 20, nous avons pu penser que ça pourrait être encore plus gros, que c’était peut-être notre moment et que peut-être en faisant quelque chose de plus, nous deviendrions un plus gros groupe. Mais ça nous a pris seulement quelques instants, quelques semaines, quelques mois, même pas un an, pour réaliser que ce n’était pas ce que nous voulions et que nous préférions rester à notre niveau actuel plutôt que de nous vendre pour des idées stupides, pour un succès très rapide. Il fallait mieux continuer au même niveau pour peut-être de nombreuses années et faire ce que nous voulions jusqu’à ce que ça s’arrête. Peut-être que ça prendra un peu plus longtemps avant que ça ne s’arrête si nous faisons les choses à notre manière et pas comme on nous dit de le faire. Au début, tu es super satisfait quand quelqu’un arrive et te dit : « Tu sais, j’ai plein de contacts et je peux t’emmener ici et là. » Tu te dis : « Ah bon, vraiment ? C’est cool, c’est génial ! » Tu n’y réfléchis pas vraiment jusqu’au moment où tu réalises que la personne n’agit pas vraiment dans ton intérêt. C’est quelque chose qu’il faut apprendre, c’est ce que nous avons fait et nous avons changé ce qu’il fallait. Avec le nouvel album, nous avons vraiment montré à ces personnes qui voulaient nous dire comment travailler que nous ne les écoutions pas et que nous ne les aimions pas, elles et leurs idées.
Certains voudraient profiter d’un groupe « rentable »…
Ouais, le business de la musique est plein de rats. Si tu as quelque chose qui ressemble à un bon produit avec un large public, alors il y a plein de gens qui veulent leur part du gâteau. C’est une chose qu’un groupe doit apprendre et qui te fait grandir à chaque fois. Maintenant, quand quelqu’un vient, nous lui disons : « Montre-moi ce que tu as, parce que je suis en position de force : tu veux quelque chose de moi et tu n’as presque rien à offrir. » C’est quelque chose qu’il faut apprendre mais c’est aussi intéressant, d’une certaine manière, parce que tu ne refais pas deux fois la même erreur. Donc ça va.
Tu as grandi dans une famille d’athlètes. Une fois, tu as dit que dans ta famille, « le deuxième est le premier perdant ». Comment cet esprit de compétition se reflète dans la musique et dans le groupe ?
Bon, c’est certainement une partie de ma personnalité dont je ne peux pas me débarrasser. Ma copine essaie de me montrer d’autres façons de faire, mais je deviens vraiment colérique quand on touche à… Tout ce qui touche au groupe me touche parce que je veux toujours faire le maximum, je veux toujours être meilleur que les autres, et je veux toujours battre les autres…
Dragon : C’est un bon moteur, par contre. C’est une caractéristique très utile de sa personnalité.
Lupus : Ouais mais je veux être honnête : parfois ça va trop loin et je fais ça dans le dos des autres. Mais comme le groupe est le projet le plus important que j’aie jamais eu, j’en suis très conscient et je veux le préserver et le garder intact. Je suis toujours à 120% et s’il y a des gens faibles ou qui essaient de nous emmener là où nous ne voulons pas aller, alors je peux montrer mon autre visage [rires]. Le visage sombre, le loup-garou [rires].
« Je ne sais pas vraiment ce que veut dire ‘old school’ […]. Au début les gens disaient : ‘Ouais, mais vous jouez sur du matériel vintage.’ Plus nous tournons et voyageons et plus je réalise que tous les groupes qui, à un moment donné, soignent leur son utilisent le même matériel que nous. »
Tiger a mentionné à quel point vous pouviez être différents parfois. Ces différences de personnalité créent-elles parfois des conflits ?
Dragon : Oui, mais c’est aussi enrichissant. Je veux dire que chacun peut apprendre des autres différentes façons de faire et ça peut se compléter. Ce sont deux faces d’une même chose, donc tant que chacun respecte l’autre, ça fonctionne. Mais si toi [en désignant Lupus] tu étais comme moi, là ce serait un cauchemar.
Lupus : Horrible ! [Rires] Mais il ne faudrait pas non plus qu’il soit comme moi, sinon nous finirions sûrement par nous entretuer [rires]. Simon est Français, nous sommes Allemands. Ca ne démontre pas que nous sommes différents mais nous avons des personnalités et des parcours différents. J’ai grandi en Allemagne de l’est, notre batteur en Allemagne de l’ouest : ça fait aussi une différence. Nous sommes tous les trois différents mais nous avons tous trouvé nos forces et les bons côtés de chacun, et nous savons comment gérer notre relation. Tant que nous nous respectons… Parfois, il faut prendre du recul, laisser les choses couler pour un temps et réessayer un autre jour. Mais c’est le cas partout, dans n’importe quel job, n’importe quelle famille ou n’importe quel couple, où que tu ailles.
Dragon : C’est sain.
Lupus : Tant qu’il y a un respect mutuel et qu’on ne va pas trop loin, alors je pense que ça marche toujours. Et quand ça se durcit un peu parfois, ça peut aussi être bon pour le travail. Quand tu es en colère, du genre « vas te faire foutre ! », tu veux encore plus prouver que tu peux le faire et tu veux être meilleur que l’autre. Moi, je veux être meilleur de toute façon, comme on a dit juste avant !
Dragon : Parce qu’il ne l’est pas, alors il aimerait bien ! [Rires] Non mais la tension est un état d’énergie poussé à l’extrême. Ce relâchement ou cette colère, quels qu’ils soient, sont aussi bons pour la créativité. Tu en sors quelque chose de différent, mais c’est intéressant.
Avez-vous besoin d’un état d’esprit particulier pour composer ?
Dragon : Eh bien, allongé au soleil sur la plage, ce serait un peu plus dur.
Lupus : Nous écririons sûrement un album des Beach Boys ou un truc comme ça [rires].
Dragon : Nous n’en sommes pas encore là, mais ça pourrait faire l’affaire.
Lupus : Les Beach Boys, la plage et on est bon ! Je pense que je peux composer de la musique n’importe quand mais pour les paroles, je n’ai pas vraiment le besoin d’en parler si je me sens vraiment bien. Même si c’est quelque chose de positif, je ne le sens pas. Le mieux c’est quand je suis en colère, fatigué, où que je passe un mauvais moment. Alors je pose ça sur le papier en quelques minutes. Autrement, ça prend un peu plus de temps.
[Simon quitte la pièce pour une autre interview]
Bon, il est parti, maintenant je peux dire toute la vérité, recommençons du début ! [Rires] Fermons la porte et disons toute la vérité !
On vous décrit souvent comme un groupe « old school » : qu’en penses-tu ?
Je ne sais pas vraiment ce que veulent dire « old school », « vintage », ce ne sont que des mots ou des étiquettes qu’on nous donne. J’essaie de ne pas penser à ce genre de truc quand j’écris ou que je joue. Au début les gens disaient : « Ouais, mais vous jouez sur du matériel vintage. » Plus nous tournons et voyageons et plus je réalise que tous les groupes qui, à un moment donné, soignent leur son utilisent le même matériel que nous. Je ne dirais donc pas que nous somme spéciaux. Nous vivons en 2017, nous le savons. Nous avons de longs cheveux et de longues barbes, mais il y en a eu d’autres avant et il y en aura d’autres après. Si les gens nous collent une étiquette pour aider les autres à comprendre ce que nous sommes, pas de problème pour moi, je m’en fiche un peu. Je suis trop jeune pour être « rétro » et être mis dans une boite. Ouais, nous nous en fichons un peu. Les gens peuvent m’appeler comme ils veulent [rires].
En France, vous allez tourner avec Death Alley : un petit côté « machine à remonter le temps », non ?
Death Alley, ce sont de très bons amis, nous nous apprécions vraiment et nous avons déjà fait une tournée ensemble. Nous avons aussi enregistré une chanson la semaine dernière et nous allons faire un 45 tours ensemble, sur lequel chacun aura une chanson. Dès qu’ils ont commencé, on pouvait voir qu’ils n’allaient pas cesser de s’améliorer. Je crois qu’ils sont sur les rails pour devenir un très, très bon groupe de rock. Ils le sont déjà, mais ils pourraient avoir encore plus de succès. Ils me font beaucoup penser à nous quand nous avons commencé, parce qu’ils se bougent le cul comme c’est pas possible, ils jouent partout, ils ne s’arrêtent jamais, ils enregistrent et tout ! Moi, après sept ans, j’en suis presque à dire : « Houla, tranquille, mec ! » [Rires] Donc ils me font un peu penser à notre groupe et comment nous étions. Je suis très content de faire cette tournée avec eux. Il y aura aussi Mantar avec nous sur la tournée, un groupe complètement différent avec juste deux musiciens et une sorte de… Je ne veux pas leur coller d’étiquette, mais une sorte de style death metal, très intéressant également. Je crois que tout ça mis ensemble, ça va être très amusant. J’aime inviter des groupes que j’apprécie sur les tournées parce qu’on reste ensemble dans le bus pendant six semaines, alors autant que ça soit marrant ! J’aime bien l’idée d’avoir un petit cirque rock’n’roll qui traverse l’Europe et passer de bons moments avec les gens. Nous l’avons fait il y a deux ans avec The Shrine, Horisont et tous ces groupes. Ça avait très bien marché. Je pense que les gens passeront un bon moment ici aussi en France quand nous viendrons. Nous allons rejouer au Trabendo à Paris. La dernière fois il y a deux ans, ça avait été une date très spéciale parce que c’était quatre jours après les attentats. Je pense que c’était l’un des premiers concerts de rock après le Bataclan et le concert avait été très intense, sûrement le plus intense que nous ayons jamais joué de notre carrière. Les gens se prenaient dans les bras, pleuraient, venaient sur scène et nous embrassaient. Il y avait vraiment quelque chose de spécial. C’était intéressant de voir ce que la musique peut faire aux gens, même quand ils ne se connaissent pas. Je sais que ça ne sera pas pareil cette fois, parce que deux ans ont passé depuis les attentats, mais je suis presque sûr que beaucoup se rappellent ce concert, donc je pense que ça va être un bon moment. J’ai vraiment hâte de jouer les nouvelles chansons, et voir ce qui va se passer.
Interview réalisée en face à face le 8 septembre 2017 par Claire Vienne.
Retranscription & traduction : Claire Vienne.
Photos : Elizaveta Porodina.
Site officiel officielle de Kadavar : www.kadavar.com.
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