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Interview   

Kadavar : de l’isolement à la transformation


The Isolation Tapes : tout est dans le titre. A peine partis en début d’année pour une longue tournée européenne, les Berlinois de Kadavar ont dû se résoudre à rentrer chez eux dans la perspective d’un confinement imminent. Pas près de se laisser abattre, ils auront été peut-être le tout premier groupe à organiser ce qui est désormais largement répandu : un live sans public diffusé en direct sur internet. Surtout, comme ils ont pris les choses avec prudence d’abord, puis philosophie, l’idée de profiter des circonstances a doucement fait son chemin dans leur esprit.

Voilà comment Christoph Lindemann alias Lupus et Christoph Bartelt alias Tiger ont commencé à s’échanger des idées puis se retrouver, rejoints plus tard par le bassiste Simoin Bouteloup alias Dragon. Pas de pression. Pas de contrainte. L’isolement était pour eux l’occasion de réfléchir à leur vie intrépide d’artiste et d’expérimenter en toute sérénité. Le résultat, The Isolation Tapes donc, est un album qui se démarque radicalement dans leur discographie, planant, psychédélique, plus proche de Pink Floyd que de Black Sabbath, où la guitare électrique et la batterie se mettent en retrait au profit des atmosphères au piano et aux synthétiseurs.

Tiger nous explique dans l’entretien qui suit tout le cheminement du groupe depuis la tournée annulée jusqu’à la sortie de The Isolation Tapes, en passant par l’introspection à laquelle ils se sont prêtés, favorisée par la situation, la création de leur propre label Robotor Records et un retour sur les débuts du batteur.

« Nous avions besoin de savoir qu’il est possible pour nous de faire une pause, et ça a fait beaucoup de bien. Ça m’a fait réaliser à quel point ça me manquait de passer du temps à la maison. »

Radio Metal : Comment vas-tu ?

Christoph « Tiger » Bartelt (batterie & piano) : Jusqu’ici, nous avons vécu une année très intéressante – une année qui ne ressemble à aucune autre. Plein de surprises, plein de changements, et pourtant, pour moi, pour le groupe et pour ma famille, ça a été une bonne année. Ça faisait au moins huit ans que je n’avais pas eu l’occasion d’être à la maison. Nous sommes quand même parvenus à composer un album et à utiliser ce temps. Globalement, je dois dire que tout va bien pour moi.

Vous étiez en tournée, je crois, quand la crise du Covid-19 a commencé par chez nous ?

Nous étions même en France. Nous avions planifié un paquet de concerts en Europe, en Australie, en Amérique du Nord, et je crois que plein d’autres concerts étaient sur le point d’être calés. La tournée a commencé le 10 mars et avant le second concert à Tourcoing, nous avons regardé votre président faire son premier discours sur la situation et il était assez évident que le confinement allait arriver. C’était au début d’une très longue tournée et c’était très étrange de prendre la décision de rentrer chez nous. Nous n’avions aucune idée de ce qui allait se passer, nous ne nous doutions pas une seconde que nous serions là en octobre après six mois qui se sont avérés très différents.

Vous avez vite réagi, car vous étiez l’un des tout premiers groupes à diffuser un concert en live-stream, dès le 21 mars…

Je crois que c’était la première chose à laquelle nous avons pensé quand nous sommes revenus du dernier concert : « D’accord, du coup qu’est-ce qu’on va faire pour au moins donné un petit quelque chose aux gens qui ont acheté une place et qui voulaient voir notre concert ? » Nous avions répété et fait quelques concerts, nous étions au point sur tout, donc nous nous sommes dit que nous allions tout installer dans le studio et essayer de faire comme si c’était le troisième concert de la tournée, et proposer un concert à tous ceux que ça intéressait ou qui n’ont pas eu leur concert. Il s’avère que nous avons atteint beaucoup de gens, y compris dans des endroits où nous n’avions pas prévu de jouer. C’était super de voir autant de bons retours et d’énergie positive, ça nous a fait espérer que, même si nous ne pouvons pas faire de concert, nous pouvons quand même établir un lien avec les gens.

Vous revenez déjà, presque exactement un an après For The Dead Travel Fast, avec un nouvel album intitulé The Isolation Tapes. Comme son nom l’indique, il a été conçu durant le confinement au printemps. Est-ce que ça signifie que vous avez passé tout le confinement au studio ?

Non, ce n’est pas comme ça que ça s’est passé. Nous avons pris très au sérieux la distanciation sociale au début, parce que personne ne savait comment le virus se propageait, il n’y avait pas beaucoup d’information. Nous sommes restés chez nous et nous regardions les informations tous les soirs. Après les informations de vingt heures, il y avait toujours un programme spécial sur tout ce qui était lié au coronavirus. Ça faisait très peur, nous ne savions pas ce qui se passait, donc nous ne nous rencontrions pas. Nous avons songé à mettre en place des idées. Voici comment ça s’est passé : nous avons commencé à nous envoyer des e-mails avec de nouvelles idées et à esquisser des idées sur notre ordinateur. Je me suis beaucoup enregistré au piano avec mon iPhone et j’ai envoyé ça aux autres. Ça a commencé avec une approche un peu en mode patchwork. Nous nous envoyions simplement les idées que nous avions. Si Lupus m’envoyait une idée, je pensais à une seconde partie, je lui donnais mon idée et il disait : « Peut-être qu’on peut faire ça… » Seulement deux ou trois semaines plus tard, je me suis réuni exclusivement avec Lupus ; je n’allais voir aucun de mes amis et Simon nous a rejoints au studio un peu plus tard. Il y avait donc quand même un grand sentiment d’isolement, car je passais mon temps uniquement chez moi et au studio. J’ai dit à mes amis que je ne pouvais pas aller les voir, que je n’avais aucune idée de ce qui se passait et que nous devions tous être très responsables avec la situation. C’était différent de toutes les autres sessions de studio que nous avions connues, où nous sortions parfois après pour rencontrer des gens, boire des bières, nous détendre et nous déconnecter du boulot. Ca n’avait rien à voir.

Etait-ce prévu, déjà avant le coronavirus, de commencer à travailler aussi rapidement sur un nouvel album ?

Non, pas comme ça s’est passé. C’est arrivé à cause du coronavirus. Nous avions par contre prévu de faire une pause après notre grosse tournée, une fois la saison des festivals passée. Nous avions donc prévu de ne faire aucun concert durant l’automne et l’hiver. Nous voulions faire ça parce que nous avons exclusivement tourné pendant huit ans sans véritable pause et nous ne passons jamais assez de temps à la maison. Chaque automne, nous partions et nous tournions en Europe, et éventuellement nous mettions en place une tournée nord-américaine ou nous partions en Amérique du Sud… Nous ne passions aucun automne à la maison, et nous nous sommes dit qu’après huit ans, ce serait peut-être bien de faire une pause d’un an, nous détendre un peu, et ensuite après un mois ou deux recommencer à travailler en studio. Nous aurions été où nous en sommes aujourd’hui, et nous serions probablement en train de composer un album, mais je suis sûr que ça aurait été un album très différent de celui que nous sommes en train de sortir.

« Ce n’est pas comme si j’avais toujours voulu devenir batteur – c’est arrivé parce qu’il fallait que je sois le batteur. »

On a vu de nombreux musiciens et groupes faire des burn-out ces dernières années. Est-ce votre cas ?

Nous n’avons jamais été jusque-là, car nous adorons ce que nous faisons, mais je pense que nous nous en sommes dangereusement rapprochés parfois. Grâce à tout l’amour que nous mettons là-dedans et à l’amour que nous recevons en retour, nous pouvons toujours le faire avec une telle intensité, mais il est clair que c’était parfois limite. Nous avions donc besoin de savoir qu’il est possible pour nous de faire une pause, et ça a fait beaucoup de bien. Ça m’a fait réaliser à quel point ça me manquait de passer du temps à la maison, car durant les étés, je suis toujours absent trois jours par semaine, à l’automne je suis absent au moins quarante jours d’affilée, parfois soixante voire soixante-dix jours… J’avais oublié comment était l’automne par chez moi ! J’avais oublié comment c’était de se réveiller dans le même lit pendant trois mois. C’est une expérience qui m’avait manqué. Nous pouvons toujours tourner suffisamment longtemps, mais à l’avenir, parfois nous voudrons prendre du temps et vraiment faire des choses en dehors des tournées.

The Isolation Tapes sera une grosse surprise pour les gens : c’est un album très psychédélique et atmosphérique, avec une palette sonore riche. Aviez-vous une vision pour cet album dès le départ ou est-ce que ça s’est développé de manière organique ? Et comment les circonstances ont impacté cette direction ?

Tout d’abord, nous n’avions pas de vision. Nous avions une envie irrépressible, ou disons que ça nous intéressait d’essayer un tas de choses que nous ne ferions pas habituellement. Etant donné la situation, nous n’avions rien d’autre à faire. Ça nous a donc donné l’occasion de ne pas travailler sous pression, de ne pas travailler dans le stress et de faire un album fait pour l’isolement, qui reflète l’isolement. Vu que tout était si différent, nous nous sommes dit : « Faisons des choses qu’on ne ferait pas en temps normal et voyons où ça nous mène. » C’était une approche un peu chaotique au début, parce que nous avons balancé toutes nos idées et il n’y avait pas vraiment de fil rouge. Il y avait plein d’idées différentes et c’est seulement pendant que nous les assemblions, que nous écrivions les paroles et retravaillions toutes les parties, que c’est devenu clair que l’album serait fortement lié à l’isolement et à la solitude, avec tout le temps que nous avions pour réfléchir aux choses.

Comme tu l’as dit, cet album est le résultat d’une absence totale de pression : comment la pression a-t-elle altéré ou influencé vos expériences passées avec vos albums ?

Je dirais qu’il existe du stress positif et négatif. Quand on fait un album, il y a un mélange des deux. Le fait de viser une date butoir nous a toujours aidés à nous mettre au travail et à nous donner un coup de pied au cul, pour éviter que nous expérimentions pendant trop longtemps. Ça nous a peut-être aidés à aller droit au but et à ne pas perdre de temps. Mais il y a toujours du stress négatif au début de la phase d’enregistrement, parce que je me dis : « On n’a que trois mois maintenant, comment est-on censés écrire un autre album ?! Je n’ai aucune idée de ce que je veux faire ! » Donc t’es toujours un peu abattu au début, mais ensuite tu commences à te concentrer sur ta vision et à travailler, et le fait de travailler ensemble, de partager des idées et de passer d’une idée à l’autre, ça a toujours pour effet de t’exalter. Peu de temps avant que l’album ne soit terminé, je suis toujours de très bonne humeur, je suis dans une lancée très créative, et j’ai l’impression de pouvoir continuer éternellement ! [Rires] Je dirais donc que c’est une expérience plutôt positive au final, mais avec quelques hauts et bas.

Vous aviez déjà commencé à inclure des synthétiseurs et des côté atmosphériques dans vos derniers albums – Rough Times et For The Dead Travel Fast – et vous aviez aussi eu l’expérience avec les Cosmic Riders Of The Black Sun. On dirait qu’une sorte de transformation du son de Kadavar était en train de couver depuis quelque temps : as-tu l’impression que The Isolation Tapes est l’accomplissement de cette transformation ?

C’est ce qu’on pourrait croire en regardant ça aujourd’hui. Je dirais que nous avons démarré comme un groupe ayant une approche plutôt psychédélique et nous sommes devenus plus directs, plus hard rock, peut-être aussi un peu plus doom, avec moins de jams sur les albums – c’est quelque chose que nous faisons toujours un peu en concert, mais je dirais que jusqu’à Rough Times, nous étions au maximum du côté direct et de la brutalité. Nous avons essayé de ramener une touche psychédélique déjà avec For The Dead Travel Fast. Enfin, c’est un album très sombre et sinistre, mais je pense qu’il est plus psychédélique que Rough Times. The Isolation Tapes est très atmosphérique, très psychédélique, c’est une musique de voyage intérieur. Dans tous nos albums, nous avons pris l’habitude de finir sur une chanson étrange – « Purple Sage » sur le premier album, « Rhythm For Endless Minds » sur Abra Kadavar, la reprise de Nico « Reich Der Träume » sur Berlin, « À L’Ombre Du Temps » sur Rough Times sur laquelle Simon chante… The Isolation Tapes est plutôt une collection de ce type de chanson que nous avions l’habitude de mettre à la fin des albums, avec beaucoup d’instruments, d’arrangements, d’overdubs et un côté planant.

« Nous n’avons pas essayé de lutter contre quoi que ce soit, nous avons essayé d’accepter les choses telles qu’elles étaient, et ça nous a ouverts à une sphère différente de nous-mêmes. »

Je sais que c’est Lupus qui vous poussait à utiliser de plus en plus les claviers, mais je sais aussi, comme nous en avons parlé avec lui, qu’il s’est heurté à une résistance de ta part et de celle de Simon. Est-ce que ça signifie qu’il est enfin parvenu à pleinement vous convertir aux claviers et aux atmosphères un peu cinématographiques ?

Oui, il nous a enfin ensorcelés ! [Rires] Tu le dis d’une manière amusante, mais c’est vrai : quand il est arrivé avec les synthétiseurs, je trouvais que c’était très inspirant et intéressant d’incorporer différents sons dans un album, mais je pense qu’à l’époque, nous n’étions pas encore prêts ou disposés à complètement virer les guitares. C’est ce que nous avons fait maintenant, en fait : il n’y a pas beaucoup de guitares dans l’album, en tout cas pas beaucoup de guitares distordues. Les synthétiseurs et les instruments électroniques jouent un très grand rôle. D’ailleurs, je joue toutes les parties de piano, car j’ai un piano chez moi ; c’est là que j’ai écrit les parties de piano. Pour ce qui est des parties de synthés, je crois que c’était principalement Lupus : il possède un synthé Juno-106 que nous avons beaucoup utilisé. J’ai aussi fait quelques parties de Mellotron, car j’ai un instrument virtuel qui émule un Mellotron, et j’ai trouvé ça très inspirant, car on peut créer des sons qui font très Beatles, comme des chœurs ou des sons de verre à vin [il imite le sifflement d’un verre dont on frotte le rebord]. Nous avons utilisé de nombreux samples de Mellotron pour cet album. J’ai donc moi aussi travaillé sur certains instruments électroniques.

Tu es connu comme étant un batteur, donc quelle est ta relation au piano ? Est-ce l’instrument avec lequel tu as commencé ?

J’ai joué du clavier à partir de dix ans, pendant deux ou trois ans, et j’ai essayé de me mettre au piano quand j’avais quatorze ans, je crois… Mais boire de la bière et traîner avec mes amis est devenu plus important que le fait d’aller à l’école de musique. J’ai commencé à écouter du punk, donc j’ai voulu jouer de la batterie et de la guitare électrique – je n’ai pas intensifié mes leçons de guitare, mais j’ai beaucoup travaillé sur mon jeu de batterie. C’est là que j’ai arrêté de jouer du piano, mais j’ai encore des connaissances de base pour en jouer.

Comment étaient tes premiers pas en tant que batteur ?

C’était peut-être quand j’avais quatorze ou quinze ans. Mes parents étaient très permissifs pour ce qui était de faire du bruit à la maison ; nous avions un sous-sol. Mon frère avait déjà une guitare électrique et un amplificateur. Je crois que le kit de batterie, initialement, était un cadeau pour lui mais, comme il était installé là, j’ai commencé à jouer sur mes albums préférés. Je crois qu’à peine deux ou trois semaines plus tard, j’avais mon premier groupe ! [Rires] Les Ramones étaient ma référence à cette époque. Tout ce qui m’intéressait était de jouer aussi vite que possible au charley ! [Rires] Je n’étais pas vraiment un batteur de rock. Je ne connaissais même pas toutes les influences qui sont aujourd’hui importantes pour moi – Ringo Starr, John Bonham, Ginger Baker, tous ces gens ; c’est venu plus tard. Donc je me contentais de jouer des rythmes aussi vite que possible [rires]. Après deux ou trois ans, quand j’ai eu dix-huit ans, ça faisait un petit moment que je n’avais pas de groupe, jusqu’à ce que je déménage à Berlin : c’est là que j’ai rencontré les gars et que j’ai eu un autre groupe, et j’étais le seul batteur du coin. En fait, je voulais jouer de la basse à l’époque, mais nous avions déjà un bassiste, et c’est comme ça que j’ai recommencé à jouer de la batterie. Ce n’est pas comme si j’avais toujours voulu devenir batteur – c’est arrivé parce qu’il fallait que je sois le batteur.

Ton passé punk explique ton énergie quand on te voit jouer…

Oui, ça joue sans doute. C’est comme ça que j’ai appris à jouer de la batterie, et le punk a toujours été important pour moi. Vivre cette énergie sur scène est très important pour nous. Bon, je peux seulement parler pour moi, mais ça vient de ma première expérience à jouer dans un groupe.

Dans The Isolation Tapes, ton jeu est beaucoup plus subtil, plus dans la finesse… Comment est-ce que ce type de musique a changé ton approche ?

Il faut comprendre que la plupart des idées de chanson – je crois même toutes – ont initialement été faites sans batterie. Habituellement, quand nous composons la musique, la batterie est là dès le départ. Quand je pense à un riff de guitare, j’ai déjà la batterie en tête, mais cette fois, l’approche était plutôt que j’ai fait des overdubs de batterie quand les parties étaient déjà faites, un peu comme une nuance qu’on rajoute par-dessus. Nous pensions qu’il fallait un rythme sur la plupart des parties, mais c’est le dernier élément que nous avons mis dans la musique.

Lors d’une interview précédente avec Lupus, nous avons un peu évoqué le fait que tous les deux, vous aviez des personnalités opposées et comme quoi c’était parfois « horrible ». Comment on en a discuté, tu as finalement été d’accord pour utiliser du clavier, par exemple, donc penses-tu qu’à la longue, vos personnalités finissent par converger, plutôt que s’opposer ?

Totalement. Quand vous débutez un groupe et que vous ne vous connaissez pas, lors de la première phase, vous adorez être dans ce nouvel environnement et tout est parfait, puis à mesure que vous devenez professionnels et passez beaucoup de temps ensemble, il devient évident qui vous êtes et à quel niveau vos personnalités entrent en conflit. Je dirais que nous avons passé quelques années à comprendre ça : comment travailler et communiquer ensemble. Nous avons eu quelques disputes – certaines que je n’ai même pas envie de ressortir de la boîte ! – parce que quand tout le monde a le même rêve mais pas toujours la même vision ou approche, c’est inévitable de parfois se disputer car c’est très important pour tout le monde. Comme tu l’as dit, ça prend beaucoup de temps, il faut quelques années avant de s’adapter au caractère de l’autre. Je pense que nous avons atteint ce stade il y a longtemps maintenant, nous nous connaissons très bien, nous avons survécu à tout et nous sommes désormais sur la même longueur d’onde.

« Nous avons fait quelque chose sans savoir où serait la fin et nous nous en fichions. Peu importe où ça nous mènerait, ça nous allait. »

Il se passe beaucoup de choses instrumentalement parlant dans cet album, et vous mettez un peu de côté l’approche purement trio. Lupus nous avait parlé de votre expérience avec The Cosmic Riders Of The Black Sun, du fait qu’il a toujours eu « envie d’entendre [v]otre musique telle qu[‘il] l’imagine dans [s]a tête, avec plus de gens, plus d’instruments, etc. » et qu’il adore « ce chaos quand il y a autant de gens sur scène ». The Isolation Tapes pourrait-il être un tremplin pour repenser Kadavar et inclure plus de membres à l’avenir ?

Je pense que nous pouvons jouer à trois les morceaux de cet album, et l’approche en trio est toujours quelque chose que nous aimons tous beaucoup, mais comme te l’a dit Lupus, il y a clairement eu des passages et des chansons spécifiques par le passé pour lesquels nous n’avons pas pu concrétiser notre vision avec seulement trois personnes. C’était la raison pour laquelle nous avons créé les Cosmic Riders. Je trouve l’idée de retrouver et commencer à répéter les nouvelles chansons avec les membres des Cosmic Riders très intéressante. Dans la setlist que nous avons faite l’an dernier, il y avait quelques chansons que nous avons beaucoup réarrangées et rendues complètement différentes, tandis que d’autres étaient plus proches des originaux, mais je trouve que ça serait très intéressant d’aller à fond dans les trucs plus fous. Les chansons de The Isolation Tapes pourraient être très intéressantes et amusantes à jouer dans ce contexte. Je pense aussi que l’approche en trio est quelque chose que nous voulons poursuivre, mais tout est possible. Peut-être que nous en arriverons au stade où nous voudrons avoir quelqu’un pour nous aider en permanence. Aujourd’hui, nous avons l’idée originale du groupe et puis cet autre truc que nous avons essayé une fois et que nous voulons retenter, et peut-être qu’un jour ces deux approches convergeront. Je ne sais pas, ce serait possible.

L’album commence avec un morceau instrumental très progressif et psychédélique qui donne le ton, un peu comme un jam d’échauffement pour se mettre dans l’ambiance. Est-ce que c’était le point de départ des sessions ?

C’était effectivement le point de départ. Ça vient en fait du live-stream que nous avons fait en mars, et c’est l’intro de « Children Of The Night ». L’idée initiale quand nous avons commencé à composer était : « Commençons avec ça et voyons où ça nous mène. » Nous avons pris cette intro de « Children Of The Night », nous avons écrit des parties pour ça et quand nous avons commencé à le faire, à un moment donné, il est devenu clair que nous voulions remplir l’intégralité d’une face de vinyle, comme une seule grosse chanson, assemblée à partir de différentes idées, et au début, il y avait ce jam que nous avions fait sur le live-stream.

Par le passé, vous avez souvent été comparés à Black Sabbath, mais on peut dire que vous vous êtes complètement émancipés de cette référence avec The Isolation Tapes. En contrepartie, on ressent une grosse influence de Pink Floyd, surtout sur une chanson comme « I Fly Among The Stars », avec ses sons, les harmonies vocales, le solo de guitare qui fait très David Gilmour… Quelle a été la place de Pink Floyd dans ton éducation musicale, si l’on compare à Black Sabbath ?

Pink Floyd est clairement l’un des groupes les plus importants dans mon éducation, surtout les albums The Piper At The Gates Of Dawn, Wish You Were Here et bien sûr Dark Side Of The Moon, en particulier parce qu’ils ont pris la suite quand les Beatles n’existaient plus. Les Beatles étaient mon éducation ; mon éduction et mon inspiration musicales principales, c’est les Beatles. Avec Abbey Road en 1970, ils ont laissé un héritage, et Pink Ployd a emmené cet héritage plus loin. Voilà pourquoi ce groupe est aussi important pour moi. Pour être honnête, l’aspect heavy des choses, pour ma part, n’a pas été aussi important que ça jusqu’à mes vingt-deux ans, peu de temps avant que je ne fonde le groupe. J’ai eu un second avènement avec tous les albums des Beatles quand j’ai déménagé à Berlin, et je crois que c’est une phase qui a duré une année pendant laquelle j’ai écouté tous les albums tous les jours, à analyser le moindre détail et à essayer de comprendre pourquoi ils étaient aussi géniaux. Une fois que j’ai fait ça, j’ai commencé à écouter des trucs plus heavy ; j’ai commencé à écouter Led Zeppelin et Black Sabbath, et ce faisant Black Sabbath est devenu très cher et important pour moi, et incontestablement un grosse influence parmi mes goûts musicaux, mais c’était plus tard, seulement quand Kadavar était formé et que nous avons décidé de jouer de la musique heavy.

Et je pense que les deux ne sont pas vraiment comparables, même s’ils viennent de la même époque – Pink Floyd c’est 67 et Black Sabbath 68, donc ils viennent du même cosmos. Black Sabbath a inventé le heavy metal et a dessiné les contours de la musique heavy telle que nous la connaissons encore aujourd’hui ; Pink Floyd, d’un autre côté, était très psychédélique, et aussi un peu diabolique au début, mais c’est devenu de la musique plus atmosphérique, mélodique, relaxante et lente. Mais c’est bien que tu poses cette question parce que nous ne voulions pas vraiment écrire un album heavy à ce moment-là et, partant d’un jam initial avec une fin chaotique, j’ai pensé que c’était le riff parfait pour enchaîner sur l’atmosphère très onirique et détendue d’« I Fly Among The Stars ». Une fois que nous avons fait ça, je pense que nous avons su que nous étions en train d’embarquer dans un voyage très différent et que l’album allait devenir ce qu’il est devenu aujourd’hui.

The Isolation Tapes est aussi l’occasion de redécouvrir Lupus en tant que chanteur. A quel point cette musique planante l’a ouvert à de nouvelles approches vocales ?

Ça l’a clairement ouvert à de nouvelles approches, et je pense qu’à chaque album, il a essayé de déterminer où il veut aller avec sa voix, et comment il peut apporter à la musique. A chaque album, il a montré qu’il était très bon pour ça, qu’il est très bon pour ressentir la musique, pour s’identifier à ce qu’il entend et pour mettre quelque chose par-dessus qui rende les choses plus intéressantes et crée une chanson plus aboutie. Avec la musique que nous avions pour cet album, il y est une fois plus parvenu : il a de nouveau montré une énergie différente, une atmosphère émotionnelle différente qu’il a posée par-dessus la musique. C’était très intéressant de travailler là-dessus avec lui. Parfois on a les idées musicales déjà depuis longtemps et on rajoute les parties de chant à la fin – ce n’est pas toujours comme ça mais dans notre cas, c’est ainsi que nous travaillons le plus souvent – donc il y a toujours un effet de surprise quand le chant est enfin là. La musique étant très différente de tout ce que nous avons fait avant, le chant a encore plus changé la donne et a été une d’autant plus grande surprise.

« Il y a quelque chose de l’ordre de la conscience spirituelle supérieure et du bonheur quand on joue de la musique, ce qui est, à mon avis, dur à atteindre autrement ou difficilement comparable à autre chose. »

Curieusement, autant on vit une période vraiment stressante et angoissante, autant cet album transmet un vrai sentiment de sérénité, presque mystique. Est-ce que ça traduit l’état d’esprit dans lequel vous étiez durant ces sessions ?

Je crois, oui. C’est parce qu’avec toutes les bizarreries et tout le danger dans lesquels le coronavirus a plongé le monde – je crois qu’il y a un million de morts maintenant dans le monde… Je ne veux pas le nier, il y a des effets très négatifs pour plein de gens, mais il y a plein de choses qui se sont passées à cause ça qui ont été très bonnes pour nous, personnellement. Nous avons passé beaucoup de temps à la maison. Nous avons plus ou moins accepté la situation telle qu’elle se présente et je pense que ça nous a donné une atmosphère détendue, cette sérénité dont tu parles. Nous n’avons pas essayé de lutter contre quoi que ce soit, nous avons essayé d’accepter les choses telles qu’elles étaient, et ça nous a ouverts à une sphère différente de nous-mêmes. Je pense que c’est ce qui a rendu cet album possible, le fait que notre situation nous convenait.

Avez-vous utilisé ces sessions pour vous fermer non seulement au monde mais aussi à l’angoisse du contexte ? Avez-vous pris ça comme une évasion pour vous en tant qu’artistes et pour l’auditeur ?

Absolument, parce que je ne sais pas comment ça aurait été si nous nous étions contentés de rester tout le temps assis chez nous, si nous n’avions pas eu d’exutoire créatif, et si nous avions cédé à l’anxiété et à la peur permanentes, à absorber toute la négativité – ce n’est clairement pas bon pour la créativité mais, surtout, ce n’est jamais bon de se laisser abattre. C’est toujours mieux de tirer le meilleur parti d’une situation et aussi, comme tu l’as dit, de s’en évader un petit peu, de se construire son petit monde de rêve avec des instruments musicaux qu’on ne connaît pas, et de simplement suivre au jour le jour ses intentions, sans établir de grands plans. Car je pense que c’est ce que nous faisons normalement : nous établissons de grands plans, nous nous mettons beaucoup de pression, nous avons un emploi du temps plein et ce que nous allons faire est tout tracé. Là, nous avons fait quelque chose sans savoir où serait la fin et nous nous en fichions. Peu importe où ça nous mènerait, ça nous allait.

De façon plus générale, à quel point la musique a été un moyen d’évasion dans ta vie ?

Il est clair que je me sens toujours bien quand je joue de la musique. Même quand j’arrive en répétition de mauvaise humeur, dès que nous faisons quelque chose ensemble, ça me file toujours la banane, ça nous donne une raison d’être et ça nous donne le sentiment de faire collectivement quelque chose qui a du sens. Je ne dirais pas que c’est le contraire avec le reste de ma vie. J’ai une raison d’être dans ma vie et je suis généralement une personne plutôt heureuse que l’inverse, mais il y a quelque chose de l’ordre de la conscience spirituelle supérieure et du bonheur quand on joue de la musique, ce qui est, à mon avis, dur à atteindre autrement ou difficilement comparable à autre chose.

On a parlé d’évasion mais d’un autre côté, la plupart des chansons de l’album semblent directement se rapporter, à un niveau soit personnel, soit plus global, à la situation, et tu as mentionné que c’était un album qui reflétait l’isolement. Quand bien même ce serait une échappatoire, était-ce également un exutoire pour intégrer ce que vous ressentiez et ce à quoi vous assistiez ?

Oui, c’est clairement une manière d’intégrer tout ça. Pour moi, ça s’est passé ainsi : nous sommes revenus chez nous, et c’était comme piler en voiture et ensuite se rendre compte que tout ce qui était dans la voiture a été secoué et est sens dessus-dessous. C’était un peu comme ça dans le cerveau, donc il a fallu intégrer tout ça. Quand tu redescends et que tu es chez toi, plein de choses auxquelles tu n’avais pas pensé depuis longtemps te viennent à l’esprit. Nous avons essayé de mettre de l’ordre dans toutes ces choses et les laisser être traitées, et de les utiliser comme idées de chansons. C’était un processus qui a transformé toutes ces idées qui étaient peut-être un peu chaotiques et qui a mis en valeur ce qui était vraiment important : c’est bien d’être à la maison avec ceux qui nous sont chers, ça fait du bien que tout soit différent maintenant, on voit que ce que nous avons fait dans le passé avait peut-être besoin d’un peu de changement. A cet égard, ce n’est pas que de l’évasion, c’est aussi une manière de réfléchir aux choses et de les digérer, d’accepter ce qui nous affecte.

Le communiqué de presse parle de « transformation et d’essor spirituel »…

L’isolement était une situation dans laquelle on s’est retrouvés sans l’avoir demandé, et ça nous a montré notre environnement habituel sous un nouveau jour, il n’y avait personne marchant dans les rues, on ne voyait personne – par exemple, j’étais chez moi avec ma famille, Christoph était chez lui avec sa petite amie – et ça a changé notre regard sur ce qu’est la vie citadine normalement. Quand tout ce qu’on connaît s’arrête, il ne reste pas grand-chose. C’est comme le disent certaines paroles : « Maintenant, il ne reste plus que toi et moi. » Du coup, que sommes-nous censés faire avec ça ? C’est là que la transformation intervient pour nous et nous avons commencé à voir les choses sous un angle différent. On nous avait accordé beaucoup de temps pour réfléchir sur nous-mêmes, chose que nous n’aurions pas faite dans un environnement très stressant, dans lequel on doit passer d’une chose à l’autre, toujours à se presser. Ces six derniers mois ont été une période d’essor spirituel, parce que nous avons eu beaucoup de temps pour penser.

« Nous sommes revenus chez nous, et c’était comme piler en voiture et ensuite se rendre compte que tout ce qui était dans la voiture a été secoué et est sens dessus-dessous. C’était un peu comme ça dans le cerveau, donc il a fallu intégrer tout ça. »

Penses-tu que c’est en des temps comme ceux-là que la spiritualité devient importante ?

C’est quelque chose que je trouve intéressant. Je me suis intéressé à la philosophie dès mon adolescence, mais le fait de s’accepter et d’accepter ceux qui nous entourent, et de penser à ce qui compte vraiment est peut-être quelque chose qui vient plus tard dans la vie – j’ai trente-six ans maintenant. Découvrir sa propre idée du sens de la vie, ce qui est vraiment important pour soi et être connecté aux gens qui accompagnent son aventure et partagent les mêmes idées, c’est ce qui me vient à l’esprit quand je pense à un essor spirituel ; être davantage conscient de toutes ces choses, apprécier ces choses, essayer de faire des choses qui sont bonnes pour notre esprit et pas seulement pour notre porte-monnaie. Il ne s’agit pas que de gagner de l’argent, il s’agit de laisser quelque chose derrière soi pour d’autres gens.

As-tu des croyances sur l’au-delà ?

Je pense que l’au-delà, c’est dans la tête des gens, et c’est dans les souvenir que tu laisses derrière toi. Je crois vraiment que quand je vais mourir, je vais perdre ma notion du temps et peut-être que ça donnera l’impression d’aller au paradis… J’espère que, si cette fonction dans le corps humain existe, elle nous offre des derniers instants sur Terre très agréables. Mais je crois aussi que quand le corps se décompose, ma perception se décompose, et c’est terminé pour moi. Je ne crois pas en l’au-delà.

« The Flat Earth Theory » semble globalement évoquer les théories du complot. Quel est ton point de vue sur le sujet ?

Ma question initiale était : « Comment est-ce possible ? » Je me suis demandé : « A une époque où il y a tant d’opportunités d’accéder à l’information, comment ce genre de chose peut-il encore exister ? Comment est-ce possible que des gens pensent que la Terre est plate ? Que des gens au pouvoir peuvent faire croire à d’autres gens qu’il y a une meilleure couleur de peau ? » En référence aux complots, en particulier, nous mentionnons les « têtes argentées » ou les « têtes d’aluminium », car certaines personnes croient que [porter un chapeau en papier d’aluminium] les protège de je ne sais quelle radiation – je ne sais pas exactement. Ce que je veux dire, c’est que le manque de connaissance mène à de véritables problèmes dramatiques dans le monde. C’est regrettable. Je pense que plein de gens – une grande partie du monde, en fait – n’adhèrent pas à ces idées et sont prêts pour un meilleur monde où ces vieilles théories et croyances seraient de l’histoire ancienne. A la fois, on est toujours surpris – surtout durant les mauvaises périodes économiques – de voir à quel point ça reprend de l’ampleur, et de découvrir que les gens veulent des leaders forts qui répandent ces idées et font croire aux gens toutes sortes de conneries pour qu’ils se sentent mieux par rapport à leur pauvre existence. Voilà les idées qui m’ont traversé l’esprit.

As-tu écrit d’autres paroles dans l’album ?

J’ai aidé pour certaines. J’ai écrit les paroles de cette chanson et de celle que je chante, « Eternal Light ». Je peux contribuer si je le souhaite et j’aime bien écrire des paroles. Lupus reste évidemment le parolier principal, c’est celui qui met le plus de mots dans les albums, mais je suis en position de pouvoir aider quand j’ai de bonnes idées, et c’est une bonne chose.

Comment t’es-tu retrouvé à chanter sur « Eternal Light » ? C’est une première…

Oui, c’est une première. Je crois qu’il y a deux ans, j’étais beaucoup trop timide de toute façon, et je ne me suis jamais imaginé en chanteur – que ce soit sur album ou en concert. Après avoir fait le précédent album, j’ai dit : « D’accord, quelqu’un doit le faire, car il y a plein de bons chœurs dans les chansons. » Je me suis donc fait violence, j’ai amené un microphone et j’ai commencé à chanter en jouant la batterie ! Ça m’a donné beaucoup plus confiance en moi avec le chant. Je pense que c’est la raison pour laquelle je suis venu au studio et j’ai commencé à chanter les paroles d’« Eternal Light » sur un coup de tête, une version grossière. Au début, je pensais quand même que Lupus finirait par la chanter, et c’est ce que j’ai proposé, mais il m’a dit : « Eh, allez, c’est ta chanson, tu dois la faire. » J’étais là : « Oups… » [Rires] Ces paroles viennent d’un truc très personnel entre moi et ma fille. Je suis content de l’avoir fait au final. Ceci étant dit, pour le futur, je pense que je me contenterai des chœurs, car mon rôle principal reste de jouer la batterie et j’ai envie que ça reste comme ça. J’ai envie de pouvoir bouger et balancer la tête. Les chœurs, c’est bien, mais je ne crois pas vouloir devenir un second chanteur ! [Rires]

Quel est le sens des points d’exclamation et d’interrogation entre parenthèses dans les titres « Unnaturally Strange (?) » et « Peculiareality (!) » ?

Le but est de pousser les gens à se poser des questions et à tirer leurs propres conclusions.

« Je souhaite convaincre les plus jeunes qui ne s’intéressent pas énormément à ce type de musique de commencer à en écouter. »

Après sept ans et quatre albums chez Nuclear Blast, vous avez décidé de monter votre propre label, Robotor Records, et de sortir cet album indépendamment. Pourquoi avoir pris cette décision ?

Les droits qu’on possède en tant que musiciens sont notre bien le plus précieux. Quand tu traites avec un label, le bon côté est qu’on a une grande portée, une grosse force de frappe et plein d’employés qui travaillent pour nous, mais en contrepartie, tu partages une grande partie de ton argent. Plein de groupes, quand leur portée est suffisamment grande, prennent cette décision de former leur propre label, et nous sommes dès le début un groupe très DIY et qui aime gérer les choses lui-même. L’idée de lancer notre propre label nous trottait dans la tête depuis longtemps. Pourquoi maintenant ? Parce que nous avions le temps de tout mettre en place et de voir ça comme une expérience. Nous n’étions de toute façon plus sous contrat. C’était le moment parfait pour nous. Nous y avons longtemps songé mais maintenant le moment était venu de le faire et de voir comment ça se passe.

Nuclear Blast est une grosse machine avec de gros moyens financiers et humains. N’étiez-vous pas inquiets de souffrir d’un gros manque en distribution et promotion ?

Je ne dirais pas que ça nous inquiétait. Nous avions conscience que ce ne serait pas pareil, mais nous étions confiants qu’avec le produit que nous avons, la musique qu’on y trouve et la situation dont il est issu et dont il parle, c’était suffisant pour que les bonnes personnes soient au courant. Nous avons vu ça comme une expérience, donc ça ne nous inquiétait pas. Nous avons vu que les préventes marchaient très bien, nous avons de bonnes critiques, nous avons embauché une agence de promo… Je pense que c’est une bonne première étape. Il est clair que si ça avait été une sortie à cent pour cent organisée par Nuclear Blast, certaines choses auraient été différentes, nous aurions peut-être atteint plus de gens, mais je pense que nous en avons atteint suffisamment. Etant donné que c’est une expérience et une base sur laquelle construire, j’en suis plutôt content.

Vous aviez originellement prévu de sortir l’album uniquement en vinyle et numérique, mais parce que les gens l’ont réclamé, vous l’avez finalement aussi rendu disponible en CD. Pourquoi avoir négligé le format CD initialement ?

C’était une décision un peu hâtive. Nous avons pensé : « Nouveau label, nouvelles idées, le CD est mort… On ne sort pas de CD. » C’était une décision très radicale, comme nous l’avons nous-mêmes réalisé, car nous avons reçu beaucoup de commentaires disant : « Pourquoi ne sortez-vous pas l’album en CD ? » Nous avons donc réalisé que c’était un peu trop radical de faire ça. Au final, nous avons corrigé le tir et le CD est désormais disponible. Je pense que c’est comme ça que nous allons fonctionner pendant un certain temps. Les CD intéressent encore des gens et nous nous sommes dit que dans notre cas c’est différent mais, à vrai dire, nous aurions pu le savoir ! [Rires]

A quoi peut-on s’attendre de la part de Robotor Records à l’avenir ? Quels sont vos plans et ambitions avec ça ?

Notre vision est d’emmener le rock dans le XXIe siècle et de signer des groupes qui partagent notre vision. Pour nous, le rock est ancré dans les années soixante et soixante-dix, et il y a un grand nombre de gens qui essayent de transposer ce rock-là à notre époque. Nous voulons convaincre les gens peut-être plus jeunes que le rock est toujours bel et bien là et d’actualité. Il y a plein de gens de notre âge et plus vieux que nous n’avons pas besoin de convaincre. Je souhaite convaincre les plus jeunes qui ne s’intéressent pas énormément à ce type de musique de commencer à en écouter.

Penses-tu que The Isolation Tapes soit le début de quelque chose de nouveau pour Kadavar ? Penses-tu qu’il y aura un avant et un après The Isolation Tapes, musicalement et en termes de carrière ? Ou bien était-ce ponctuel et vous allez revenir à ce que vous faisiez avant ?

Est-ce que ce n’est pas toujours comme ça, c’est-à-dire que tout ce qu’on fait est un peu comme un nouveau départ et que ça façonnera en partie ce qu’on fera à l’avenir ? Je pense que c’est clairement le cas. Pour ce qui est de la seconde partie de ta question : nous allons nous remettre à faire de la musique avec des guitares bruyantes et nous allons nous remettre à composer de la musique pour laquelle les gens nous connaissent. Mais je pense que cet album était une bonne expérience et peut-être que ça va en partie influencer nos albums futurs. Qui sait ?

Sur Facebook, vous avez mentionné « d’autres enregistrements pour un projet… » Que peux-tu nous dire à ce sujet ?

Que c’est un secret ! [Rires] Je ne peux rien te dire parce que c’est un secret pour l’instant, mais le second disque que nous avons prévu est planifié et enregistré. Vous en entendrez parler très bientôt ! Nous avons déjà un coup d’avance et ce sera un très bon disque.

Interview réalisée par téléphone le 14 octobre 2020 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Foucauld Escaillet.
Traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel de Kadavar : www.kadavar.com

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