Il est amusant de voir qu’à l’instar d’un romancier ou d’un peintre, Kadavar semble avoir toujours besoin de définir un sujet ou un cadre pour ses albums. C’est probablement pour ça que chacun d’entre eux développe son propre parti pris, sa propre atmosphère, et fait évoluer la patte du trio dans des directions sensiblement différentes. Le récent voyage de Kadavar en Transylvanie, et notamment au château de Bran – le fameux château de Dracula –, a clairement été le point de départ créatif de leur cinquième album For The Dead Travel Fast.
Inspiré par les récits gothiques de vampire ou vieux films italiens d’épouvante, les Berlinois ont concocté un album dans la tradition du rock occulte et à frissons des années 70. Et si le rock n’effraie plus grand monde aujourd’hui, ce dont Lupus, chanteur-guitariste de Kadavar, se désole ci-après, peut-être au moins créera-t-il des images et des émotions chez l’auditeur.
Mais For The Dead Travel Fast, c’est aussi un album où Kadavar continue d’ouvrir ses horizons, avec des structures plus progressives et en rajoutant des couches (de clavier, de guitare et de voix). L’expérience live en compagnie des Cosmic Riders Of The Black Sun en début d’année n’y est pas étrangère et traduit une volonté de Lupus en particulier de transcender les limites du power trio. Le frontman nous parle de tout ceci et plus encore.
« J’ai toujours été un énorme fan de groupes comme le groupe français Gong. J’adore ce chaos, j’adore quand il y a autant de gens sur scène. C’est ce que je me suis toujours dit : ‘Je veux un groupe psychédélique avec huit ou neuf personnes sur scène.’ Mais ensuite, c’est devenu un trio de hard rock [rires], pas vraiment ce que j’avais en tête. »
Radio Metal : For The Dead Travel Fast est inspiré par les vieilles histoires d’horreur gothiques. Comment en êtes-vous venus à baser ce nouvel album autour de ce type d’atmosphère ? Peut-on même dire qu’il est conceptuel ?
Christoph « Lupus » Lindemann (chant/guitare) : Je pense qu’au début, il n’y avait rien du tout, puis c’est venu morceau par morceau. A l’origine, nous avons juste essayé de composer quelque chose mais nous ne parvenions à rien. Nous avons eu l’idée d’avoir une pochette avec un château en arrière-plan, et à partir de ça, nous réfléchissions à ce que nous pourrions faire. Nous nous sommes dit que nous pourrions aller en Roumanie, au château de Dracula. Nous y avons été pendant quatre jours et, tout doucement, ça a commencé à faire travailler nos méninges, nous commencions à voir ce que nous pourrions faire. D’abord, il y avait les films de vampire, Nosferatu et ce genre de choses qui nous ont inspirés, puis nous avons été explorer plus loin dans les films d’horreur. Ensuite, nous avons trouvé la phrase « for the dead travel fast » dans le roman Dracula [de Bram Stoker], qui est elle-même une citation d’une ballade allemande des années 1800. Nous nous sommes dit que ça pouvait être le titre de l’album. Donc, au moins, nous avions la pochette et le titre qui étaient prêts. Ensuite, progressivement, la musique s’est construite pour coller à ça. C’était un processus assez long mais je pense que tout a pris forme après et ça a du sens maintenant. Ceci dit, il n’y a pas de fil conducteur qui relie toutes les chansons. Enfin, musicalement, elles sont liées, je pense, et de temps en temps… Par exemple, « The Devil’s Master » et « Dancing With The Dead », ce type de chansons sont liées, mais il n’y a pas de véritable concept derrière l’album.
Étrangement, l’album démarre sur « The End »…
Les gens qui font ça n’ont pas de concept, tu sais ! [Rires] C’était une blague au départ et puis ça s’est retrouvé comme ça sur l’album. Nous plaisantions en nous disant que l’album devrait commencer par la fin, car personne ne le fait. Puis c’est resté dessus. Maintenant que plein de gens nous posent la question, je trouve ça vraiment drôle ! [Rires]
Comme tu l’as mentionné, le titre For The Dead Travel Fast est tiré du poème Lenore du poète Gottfried August Bürger. Quelle est la relation à ce poète ?
Je n’avais entendu qu’une seule fois parler de lui avant, quand j’étais à l’école, en fait. Je n’ai plus vraiment prêté attention à lui après, sauf quand nous avons commencé à faire des recherches sur les histoires de vampire et ce genre de choses, et Lenore, cette vieille ballade, a influencé toutes les histoires qui sont apparues après. J’ai donc lu la ballade. C’est marrant parce que ce gars n’était pas gothique ou ce que l’on pourrait penser, c’était juste un conteur, or il a influencé toute cette mouvance.
Qu’est-ce qui vous a plu dans cette phrase ?
Dans la ballade Lenore, le mari part en guerre, puis revient en tant que mort-vivant et emporte Lenore dans son monde, où qu’il soit maintenant. Tout d’abord, quand nous sommes allés en Roumanie, nous avons réalisé que nous y avions déjà été lors de notre première tournée en 2012. Nous venions tout juste de sortir notre premier album et maintenant nous y retournions, avec déjà quatre albums, et un cinquième en chantier, seulement sept ans plus tard. On se rend compte à quel point tout va vite. Ça nous a rappelé que notre groupe existait déjà depuis presque dix ans. Nous sommes tombés sur une photo de nous marchant devant le château, ça nous a rappelé que nous étions déjà venus avant, il y a seulement quelques années, mais à la fois, ça semblait si lointain. Donc une fois que nous avons vu cette phrase, associée à tout le reste, ça faisait parfaitement sens pour nous de l’utiliser.
Êtes-vous spécifiquement allés au château de Bran, qui est supposé être le château de Dracula, afin de vous imprégner de l’atmosphère des lieux et vous inspirer pour l’album ? Et quel impact cela a eu sur la musique que vous avez composée ?
Le photographe qui travaille pour nous, il avait été là-bas dans les années 80 et y avait fait un autre shooting photo avec un autre groupe. Il a dit que c’était totalement merdique [petits rires]. Il y a trop d’arbres autour, on ne peut rien voir. Mais je voulais vraiment aller en Roumanie car, comme je l’ai dit, nous avions déjà été en Transylvanie avant et je voulais y rester quelques jours, pas seulement au château de Bran, mais aussi pour visiter d’autres lieux. Tout d’abord, c’était pour prendre des photos mais aussi pour… Ça faisait presque un an et demi que nous tournions, donc c’était juste pour nous libérer l’esprit et faire autre chose, et ça a bien fonctionné. Le château de Bran n’était qu’une partie du périple. Il y a eu d’autres endroits lors de ce voyage qui ont été plus inspirants, mais tout le voyage, qui a été planifié autour du château de Bran, a beaucoup apporté à l’album, c’est certain.
La troisième chanson, « Evil Forces », c’était la première chanson que nous avons écrite et terminée pour l’album. Il a fallu environ deux semaines pour l’écrire et ça n’avançait vraiment pas vite, la moindre note a été difficile à placer, etc. Ensuite, nous avons été en Transylvanie et nous avons écrit tout le reste en un mois et demi. Ça a donc clairement été un déclencheur qui nous a inculqué les idées. Ce n’était pas un problème de riff ou de composition, c’était plus : « Comment devrions-nous sonner ? A quoi devrait ressembler cet album ? » Au moins sur l’album Berlin, je trouve que ça sonnait très pop, alors que Rough Times c’était le contraire, c’était très direct, sale et heavy. Cette fois, je pense que c’était plus équilibré. Nous avons réalisé que nous voulions faire quelque chose de plus sombre que tout ce que nous avions fait auparavant, mais à la fois, il fallait aussi que ce soit élégant. Non seulement il fallait que ce soit un album de doom avec des guitares sous-accordées et des chansons heavy, mais il fallait que ce soit plus comme un voyage, peut-être même comme un film. Les chansons sont plus longues, elles possèdent différentes parties, parfois des parties qui ne se répètent pas, donc c’est comme un voyage, qui se poursuit sans temps mort et menant ailleurs. C’est peut-être quelque chose que nous avons trouvé là-bas, ou peut-être pas, qui sait ? Mais c’est quelque chose qui a complètement changé après ce voyage et nous avons compris que ceci devait être le son et l’approche que nous voulions pour l’album.
« Je ne suis pas un grand fan des films d’horreur américains des années 80 et 90, comme Massacre À La Tronçonneuse. C’est là où c’est devenu trop stupide pour moi, car j’ai toujours aimé les images quand on ne montre pas ce qui se passe. Quand ça montre tout, ça en retire la beauté. »
Est-ce que vous faites souvent ça, vous imprégner d’un environnement particulier ?
Ça arrive. C’est arrivé auparavant avec l’album Berlin, notre troisième album. Nous avons passé beaucoup de temps à Austin, au Texas, en Amérique. Mais cette fois, c’est en Roumanie que nous avons passé du temps. Parfois ça marche, parfois ça n’apporte rien du tout. Mais là, c’était la bonne décision.
Avec Rough Times, vous aviez la pochette et le titre de l’album avant même de commencer à composer la moindre musique ; pour Berlin, vous aviez l’atmosphère de la ville de Berlin comme base. Avez-vous besoin d’un cadre pour construire vos albums ?
Je crois que tu as raison. C’est sans doute pour ça que cette fois, alors que nous n’avions au départ ni nom d’album, ni pochette, quand nous sommes revenus de Roumanie en ramenant les deux – la photo et un nom –, tout a fonctionné. Peut-être que parfois nous avons simplement besoin d’une thématique, de savoir sur quoi nous travaillons. Pour moi, c’est toujours mieux d’avoir quelque chose de visuel, comme voir une photo ou une image, pour qu’ensuite mon cerveau se mette à fonctionner, et alors c’est genre : « Ah, je pense que ça doit être comme ça ! » Et ainsi je peux écrire une chanson sur cette base. Donc oui, peut-être que nous avons besoin d’une thématique ou d’un cadre, comme tu as dit, pour être créatifs.
Est-ce ce qui explique, selon toi, pourquoi vos albums sont si différents les uns des autres, car la thématique, le cadre est différent ? Berlin, Rough Times et For The Dead Travel Fast sont trois albums ayant chacun une identité propre.
Oui. La dernière chose que je veux, c’est me répéter. A chaque fois que j’ai une nouvelle thématique et une autre idée qui serait le centre d’attention d’un album, je commence à être créatif et je ne pense pas à : « Oh, est-ce qu’on peut faire ça ? Sur le dernier album, on allait plus dans telle et telle direction… » J’ai envie de faire tout ce qui nous passe par la tête. C’est pourquoi tous nos albums studio sonnent différents, car c’était une autre époque, un autre moment, nous avions d’autres choses en tête, peu importe. Tant de choses se sont passées, aussi, au fil des dernières années que, même si rien n’a changé pour certaines personnes, pour nous ça a beaucoup changé. Je pense que c’est juste un moment que nous capturons et mettons sur album. Peut-être que si nous commencions à faire des chansons aujourd’hui, ça sonnerait à nouveau complètement différent.
Est-ce que tu vous considérerais comme des peintres musicaux, peignant avec des notes sur une toile délimitée par un cadre ?
Au moins, avec cet album, nous avons commencé à prêter plus attention aux détails, comme un peintre le ferait. Je pense qu’il est facile de tracer les contours de quelque chose mais pour vraiment le ressentir et avoir le bon éclairage, les bonnes nuances, etc. ça nécessite beaucoup de travail et de délicatesse. Je ne sais pas, mais je crois que nous passons plus de temps sur les nuances de notre musique. Avant, c’était toujours très rugueux, car nous avions comme règle pour notre musique que nous n’enregistrerions que ce que nous ferions en live. Nous ne faisions donc que de la guitare, de la basse, de la batterie et des voix. Mais cet album, c’est la première fois… Bon, nous l’avons fait un petit peu sur Rough Times déjà, mais cette fois, j’ai dit : « Je ne veux plus avoir de barrière. J’ai juste envie de faire ce que je pense être important pour que cette chanson se transforme et se développe comme je veux. » Je pense que cette fois, c’est la première fois que nous avons autant travaillé avec des chœurs et un tas de couches vocales différentes – je trouve que les voix sont très différentes – et nous avions plus de guitares, de synthétiseurs et tout. Maintenant, nous commençons à nuancer notre musique, comme une peinture ; encore et encore, on se retrouve avec différentes nuances et dynamiques. C’est aussi pourquoi, peut-être, les chansons sont redevenues plus longues, car il faut du temps aussi pour atteindre certaines destinations.
Tu as justement déclaré que ta « première idée pour cet album était de faire une BO horrifique avec du synthé, exactement comme l’a fait Goblin » et tu as même apporté quelques vieux synthétiseurs pour le projet, « mais les deux autres n’étaient pas très fans de l’idée et préféraient faire un album de rock plutôt que de synthé ». Pourquoi étaient-ils réfractaires à cette idée ?
[Rires] Je ne sais pas ! Peut-être qu’ils ont fait exprès parce qu’ils savaient que c’était important pour moi, donc ils ont dit qu’ils n’en voulaient pas [rires]. C’est comme un mariage : on essaye toujours de faire quelque chose qui énerve l’autre. J’ai acheté un synthétiseur et je l’ai transporté à travers toute la ville pour l’emmener au studio, je l’ai mis en plein milieu du studio et j’ai dit : « Le voilà ! » Ils étaient là : « C’est quoi ça ? » [Rires] J’ai dit : « Ecoutez ! » C’est le Roland avec lequel, par exemple, Tame Impala a enregistré tous leurs sons. J’ai commencé à l’allumer, je leur ai montré des sons, et j’étais là : « Vous voyez, voilà le genre de sons horrifiques façon années 70 et 80 qu’on recherche ! » Puis ils étaient là : « Oh, c’est cool, c’est sympa… » On m’a donc autorisé à en utiliser mais pas autant que je le voulais. Je voulais l’utiliser bien plus et le mettre bien plus fort, mais au moins, on m’a permis d’en mettre sur l’album [petits rires]. Mais c’est cool, pas de souci.
La dernière fois, on a un peu parlé du fait que Tiger et toi aviez de personnalités opposées, et tu as toi-même dit que c’était « horrible » parfois, et cette vision opposée sur les synthés en est une preuve supplémentaire. Il y a quelque temps, le batteur de The Police, Stewart Copeland, nous a expliqué à quel point lui et Sting étaient diamétralement opposés, et que c’était la raison pour laquelle The Police était si super mais aussi pourquoi ça ne pouvait pas durer. Bien que votre complémentarité soit une force pour Kadavar, n’as-tu pas peur que ça puisse engendrer trop de frustration et mettre le groupe en péril ?
Oui, c’est toujours sur le fil du rasoir. Un peu de tension, c’est bon pour la créativité, mais trop de tension, c’est le contraire : rien ne se passe et ça se finit juste en prises de bec. Je pense avoir beaucoup mûri au fil des deux ou trois dernières années, nous avons un peu vieilli, et nous savons ce qu’il faut faire pour énerver l’autre et le lancer, mais nous savons aussi quand arrêter. Donc nous ne dépassons pas les limites pour ne pas gâcher toute l’idée. Il y a aussi un peu de tension avec Simon, le Français. Il a des points de vue complètement différents et parfois il m’énerve, et je l’énerve probablement encore plus ! [Rires] C’est parfois lors des moments où on se rend compte qu’il y a de la tension dans l’air que nous nous disons : « Ok, maintenant on peut être créatifs ! » Mais je suis probablement celui qui ne sait pas comment gérer cette tension [rires], mais les deux autres gars sont trop gentils, donc tout va bien. Quand j’ai une idée et que je pense que c’est le chemin qu’il faut suivre, je suis tellement focalisé dessus que je n’entends plus personne et je les énerve parfois, mais c’est normal [petits rires].
« Alice Cooper, c’est comme une blague quand on le regarde aujourd’hui. Pas parce que lui est une blague, mais parce que […] aujourd’hui, le son du rock n’ roll n’effraie plus personne. Il y a donc un peu perdu de son âme. »
Apparemment, ils savent te dompter…
Oui, ils savent. Nous tournons trop ensemble, ils savent… Généralement, quand je deviens super mauvais et que j’ai faim, ils me donnent simplement un truc à manger et alors je me calme [rires].
Comme tu l’as mentionné plus tôt, on dirait que vous avez développé vos talents de composition et d’arrangement, en termes de structure de chansons, notamment. Tu as même déclaré que « quelque chose comme ceci n’aurait pas été possible plus tôt dans [votre] carrière ». Qu’est-ce qu’il manquait au groupe avant ?
Ce n’est peut-être une question de ce qui manquait, car c’était probablement déjà là mais il fallait que nous le trouvions. Ce n’est pas facile d’écrire une chanson de façon à ce qu’elle raconte une sorte d’histoire. Il y a des parties qui n’apparaissent qu’une seule fois, puis on mène tout le truc ailleurs et ce genre de chose, et ensuite on en fait une chanson qui fait presque six ou sept minutes. Le faire de façon à ce que ce soit intéressant, ça s’apprend. Je pense qu’il nous a fallu quatre albums pour que ça soit plus facile pour nous de… Nous n’avons même pas perdu de temps sur ce que nous ne savions pas faire. Nous nous sommes vraiment concentrés sur ce que nous étions capables de faire. Puis nous avons commencé à mettre différentes couches et nous avons essayé de déterminer quelle couche était toujours mise en avant à un certain moment, pour ensuite la faire disparaître et mettre autre chose en avant. C’est quelque chose qui, niveau composition, s’apprend seulement avec de nombreuses années de pratique et de temps passé ensemble, en sachant ce que chacun pense, en ayant le même objectif et en prenant la même direction. Il faut quelques années pour comprendre tout ça.
En février de cette année, vous êtes montés sur scène avec quatre musiciens invités, baptisé les Cosmic Riders Of The Black Sun. Quel impact a eu cette expérience sur le nouvel album ?
Ça l’a totalement impacté. Ça a été énorme pour nous, car ça nous a montré que notre musique… Car ce que nous avons fait, c’est que nous avons fait un set de quatre-vingt-dix minutes constitué principalement de chansons tirées de nos quatre précédents albums et que nous n’avions jamais jouées avant. Tout d’abord, il était très intéressant de passer en revue les quatre albums et réapprendre nos propres chansons, des chansons que nous avions écrites il y a des années, et aussi de trouver des arrangements pour plus de musiciens – trois guitaristes, un orgue, des synthétiseurs, tout. Ça nous a pris dix mois pour trouver les bons arrangements et tout répéter jusqu’à ce que ce soit bien en place. Ça montrait bien ce qui était possible avec notre possible. Comme je l’ai dit plus tôt, nous composions les chansons seulement de manière à ce que nous puissions tout le temps les jouer en concert, mais cette fois, nous avions plus de gens à disposition, donc nous pouvions avoir plus de couches et de dynamique dans les chansons. C’est vraiment quelque chose que nous avons appris et nous avons beaucoup aimé comment notre musique s’est développée. C’est pourquoi c’était aussi sympa d’en tirer profit sur le nouvel album, afin d’avoir plus de guitares, de chant et tout.
D’ailleurs, comment l’idée de ce concert particulier vous est venue ?
J’ai toujours envie d’entendre notre musique telle que je l’imagine dans ma tête, avec plus de gens, plus d’instruments, etc. J’ai toujours été un énorme fan de groupes comme le groupe français Gong. J’adore ce chaos, j’adore quand il y a autant de gens sur scène. C’est ce que je me suis toujours dit : « Je veux un groupe psychédélique avec huit ou neuf personnes sur scène. » Mais ensuite, c’est devenu un trio de hard rock [rires], pas vraiment ce que j’avais en tête. Mais j’ai toujours eu cette idée et je tapais sur les nerfs de tout le monde à vouloir faire ça, et à un moment donné, ils étaient là : « Ok, faisons-le et essayons. » Et donc nous l’avons fait. Je trouve que c’est la meilleure chose que nous pouvions faire. Il n’y a pas qu’un instrument mélodique. Surtout avec la musique psychédélique, quand on a une ligne de guitare avec beaucoup de délais et tout, c’est toujours sympa d’avoir un orgue ou une autre guitare derrière qui joue le rythme, or nous n’avons pas ça dans le groupe et ça sonne toujours un peu vide quand je pars en solo. Donc j’ai toujours pensé que ce serait sympa d’avoir plus d’instruments mélodiques.
N’avez-vous pas voulu pousser l’expérience plus loin en incluant les musiciens de The Cosmic Riders Of The Black Sun dans le nouvel album ?
L’échéance était trop courte pour vraiment impliquer des gens. Ça aurait été un plus gros projet, mais il est clair que le plan est de faire autre chose avec ce projet, The Cosmic Riders Of The Black Sun. Donc, tout d’abord, il s’agirait de tourner davantage, et ensuite peut-être écrire des chansons spécifiquement pour cet arrangement, car ça offre plus d’options et ce serait intéressant d’écrire… Je ne sais pas si ce sera un album mais au moins quelques chansons spécifiquement pour ce projet.
Cet album joue beaucoup avec les superstitions : es-tu superstitieux ? Crois-tu aux forces surnaturelles, aux forces démoniaques, etc. ?
Il y a toujours des moments dans notre vie où en arrive à penser : « Ce n’est pas possible que ça se produise, ce n’est pas réel, il y a quelque chose qui cloche. » J’essaye de m’y intéresser mais je pense que je suis trop réaliste, et j’essaye toujours de trouver des réponses dans la science et ce genre de chose, plutôt que d’essayer de trouver les réponses ailleurs. Je ne pense pas être superstitieux. Enfin, c’est toujours plus facile d’écrire et de parler à propos de ce type de chose. C’est plus intéressant. On se sent plus connecté à ce genre de thème que d’autres thèmes sur des trucs jolis et joyeux. Au final, c’est écrit de façon plus dramatique que ça ne l’est vraiment, donc c’est un petit peu exagéré, c’est certain. C’est plus symbolique. Ça parle à moitié de vrais événements ou de choses qui sont importantes pour nous, ou qui nous sont arrivées, mais c’est toujours écrit de façon à ce que ce soit lié à l’idée de l’album et théâtral ou dramatique. C’est donc un peu plus que ce que c’est réellement. C’est plus un effet de style. Mais il y aussi, par exemple, la chanson « Poison » qui n’a rien à voir. Cette chanson parle plus du nouvel essor, en ce moment, de la droite. Dans le refrain, ça dit : « Je ne veux pas être comme toi. Tu blâmes les autres pour tes propres fautes », et ce genre de choses. C’est donc plutôt une déclaration politique et ce n’est pas vraiment lié à l’idée de l’album, mais cette chanson a été écrite en dernier, je pensais qu’elle devait être incluse avec ces paroles, je ne voulais pas faire une autre histoire de vampire [petits rires].
« J’ai juste envie que les gens apprécient à nouveau d’écouter quelque chose sans rien faire d’autre, et voient ça comme du temps de vie de qualité, au lieu de passer des heures à regarder combien de likes et de commentaires ils ont. »
On pourrait prendre pour exemple la chanson « Saturnales », en référence à Saturne, une figure entourée d’un tas de mauvais présages et d’occultisme, et qui obsède pas mal un groupe comme Electric Wizard, par exemple…
Oui, mais nous avons tourné avec eux une fois et quand on les rencontre et qu’on traîne avec eux, alors on se dit que ce sont juste des Anglais quelconques. Je pense qu’on a tout ça en nous, d’une certaine façon, mais peut-être que c’est leur façon de l’expliquer aux gens.
Tiger a déclaré qu’on « veut tous se sentir plus proches de la mort, d’une certaine façon, ce qui explique pourquoi les films d’horreur ont autant de succès ». Du coup, toi, quel est ton rapport à la mort ?
Je crois que dans la société dans laquelle on vit aujourd’hui, on essaye de la repousser aussi loin que possible. On ne lui permet pas de faire partie de notre quotidien. Tout le monde essaye de rester jeune, et ensuite, quand on vieillit – en tout cas en Allemagne -, ils nous placent dans une vieille résidence pour les vieux afin de ne pas être un fardeau et taper sur les nerfs de notre famille. Donc je crois que la mort est quelque chose qu’on bannit de notre société et de notre quotidien, mais à un moment donné, ça nous frappe très fort, car ça se produit directement dans notre entourage, avec des membres de la famille, des amis ou d’autres. C’est là que la mort nous rappelle qu’elle est toujours là et qu’elle peut frapper à n’importe quel moment. Elle nous dit aussi qu’on devrait vivre notre vie autrement, sans perdre trop de temps et en en profitant. J’ai vécu un épisode avec ma mère il n’y a pas très longtemps où elle a failli mourir. C’était clairement un moment de ma vie où j’ai réalisé qu’on avait toujours un lien fort avec la mort, quoi qu’on fasse. Même si on essaye de la repousser autant que possible hors de notre vie, elle est toujours là et elle revient. Sans la mort, il n’y a pas de vie. C’est un genre d’équilibre.
Cet album a évidemment des liens avec toutes les vieilles histoires d’horreur et les vieux films d’épouvante. C’est quelque chose que tu aimes particulièrement ?
Oui, enfin, tout dépend. J’aime les trucs italiens. J’aime les trucs des années 70. Je ne suis pas un grand fan des films d’horreur américains des années 80 et 90, comme Massacre À La Tronçonneuse. C’est là où c’est devenu trop stupide pour moi, car j’ai toujours aimé les images quand on ne montre pas ce qui se passe. Quand ça montre tout, ça en retire la beauté. C’est comme les enregistrements digitaux. Ça montre tout et c’est pourquoi c’est si moche. Par exemple, si on prend Susperia, le film italien du début des années 80 (le premier Susperia est en fait sorti en 1977, NDLR). C’est un film avec une ambiance douce-amère, avec la façon dont le personnage vit toute l’expérience qu’elle traverse. Ça donne toujours la chair de poule et c’est terrifiant, mais ça ne montre pas vraiment de vraie horreur, donc ça se passe dans la tête du spectateur, c’est lui qui se crée ses propres images à partir de ce qu’il voit. C’est vraiment ce que j’aime. Certains films allemands sont aussi comme ça. Je trouve que c’était l’époque parfaite pour les films d’horreur et ce type de cinéma.
Est-ce que tu établis un parallèle entre les films et la musique de cette même époque, avec les productions analogiques qui ne sont pas totalement précises et sont un peu floues ?
Oui, c’était peut-être un peu flou mais c’était aussi imparfait. Surtout les enregistrements rock de cette époque étaient toujours des enregistrements live, avec plein de gens dans la pièce, parfois il n’y avait que des musiciens de session… Prends Bob Dylan, par exemple. Sur certains albums, on entend que certains gars dans la pièce ne connaissaient rien de la chanson avant de devoir la jouer, et ça reste un bon album. Il s’agit de capturer l’instant et de l’enregistrer, au lieu de dire : « Ok, donc aujourd’hui c’est le batteur, demain ce sera au tour du bassiste, dans trois jours ce sera celui du guitariste… » Comment peut-on enregistrer un album avec de l’émotion et de la personnalité si tout le monde enregistre un jour différent ? Je suis un très grand fan de cette époque pour cette raison. Aussi, on se contente d’aller en studio, de presser le bouton d’enregistrement, de jouer ensemble et de conserver la meilleure prise, et c’est tout.
Sur l’album, il y a une chanson qui s’appelle « Children Of The Night » : des enfants de la nuit, est-ce ainsi que vous vous considérez ?
Oui. Tout du moins dans ce contexte, car cette chanson parle de la façon dont le rock choquait auparavant, dont le son du rock était assimilé au son de Satan ou je ne sais quoi. Les groupes n’avaient pas le droit d’aller dans certains pays, etc. Aujourd’hui, le rock est une blague, d’une certaine façon. C’est du divertissement. Tout le monde a un groupe de rock qui joue dans son jardin, enfin peu importe. Alice Cooper, c’est comme une blague quand on le regarde aujourd’hui. Pas parce que lui est une blague, mais parce que ça n’a pas évolué comme ça aurait dû. Cette chanson parle de ça. Avant, pas à mon époque car je suis trop jeune et c’était probablement déjà fini, mais dans les années 70 et 80, les gens étaient choqués par les rockeurs. Aujourd’hui, le son du rock n’ roll n’effraie plus personne. Cette musique a donc un peu perdu de son âme, je trouve. Je trouve qu’il n’y a aucun son aujourd’hui qui emmène le rock en 2019 ou en 2020, c’est plus du réchauffé, ou des vieux groupes comme les Scorpions ou Iron Maiden qui jouent… Maintenant Lemmy est mort, ça a créé un énorme vide, personne ne sait quoi faire. Le rock est un peu mort et c’est de ça que parle cette chanson. Quand j’étais gamin et que j’allais aux concerts, je pense que certaines personnes avaient peur de nous [rires], mais ce n’est plus le cas maintenant. Et ce n’est pas seulement dans le rock, mais aussi dans le punk et tout, avant il y avait un esprit d’émeute ou de rébellion, mais tout ça a disparu. Si on repense à Iggy Pop, il était tellement loin, les gens avaient peur de ce gars, mais aujourd’hui, c’est juste : « Oh, Iggy Pop, ouais, je l’adore. » Tout le monde est là : « Oh, c’est tellement mignon ce qu’ils font » [rires].
« Il n’y a aucun son aujourd’hui qui emmène le rock en 2019 ou en 2020, c’est plus du réchauffé, ou des vieux groupes comme les Scorpions ou Iron Maiden qui jouent… Maintenant Lemmy est mort, ça a créé un énorme vide, personne ne sait quoi faire. »
J’imagine que c’est lié à la façon dont le monde a évolué : tout est démystifié. Donc pour choquer ou effrayer les gens, il faut aller beaucoup plus loin, soit dans quelque chose de complètement absurde, soit dans quelque chose de bien réel, qui ne simule pas.
Oui, mais encore une fois, c’est peut-être comme ce que je disais sur les films d’horreur américains des années 80 et 90 qui montraient tout. On n’est plus choqué aujourd’hui parce qu’on sait de quoi ça a l’air. Dès qu’on montre tout, toute la magie disparaît. Comme tu l’as dit, c’est ainsi que la société a évolué au fil des années, c’est bizarre. Les gens ont plus peur de perdre des followers qu’ils n’ont peur de la musique aujourd’hui [rires]. C’est une étrange époque ! Il y a l’ère pré-internet et l’ère post-internet, c’est-à-dire aujourd’hui, et nous sommes la dernière génération à avoir connu les deux. Donc je ne suis pas sûr si ça peut revenir, en tout cas pas comme c’était, je pense. Je pense qu’il va y avoir une saturation d’internet et on va atteindre un pic où tout le monde utilise internet et les réseaux sociaux dix heures par jour, et ensuite, ça va lentement revenir à la normale, c’est-à-dire des gens qui en font usage pendant seulement quatre heures par jour [petits rires], je ne sais pas. Mais peut-être qu’alors les gens seront plus disposés à s’asseoir et repasser un plus de temps sur ce genre de choses, ou bien c’est fini à tout jamais et on est baisé. Je ne sais pas. Je ne suis pas sûr.
J’aurais aimé qu’il y ait à nouveau plus d’émotion, dans un sens comme dans l’autre, de façon choquante mais aussi peut-être de façon tendre. Depuis que les productions sont devenues vraiment plates, avec rien que de la compression, plus aucune dynamique, des chansons de seulement deux minutes et demie, les gens cherchant à avoir plein de clicks sur les plateformes comme Spotify, etc., ça a tout anesthésié. J’aimerais voir les gens se poser à nouveau pour écouter la musique et vraiment rentrer dedans, passer plus de temps sur les œuvres des autres. Ce serait déjà suffisant. Ils n’ont pas forcément à être choqués ou quoi. J’ai juste envie que les gens apprécient à nouveau d’écouter quelque chose sans rien faire d’autre, et voient ça comme du temps de vie de qualité, au lieu de passer des heures à regarder combien de likes et de commentaires ils ont. Ce serait sympa. Je le vois lors de nos concerts avec les gens du premier rang qui écrivent des SMS pendant que je me démène à jouer ! J’explose ! Il y a eu des moments lors de nos concerts où je me suis arrêté et j’ai dit : « Range ton téléphone et alors on reprendra le concert. Ou alors tu pars. Enfin, va ailleurs, va au bar ou je ne sais où, mais pas au premier rang où je peux te voir ! C’est assez irrespectueux. » Enfin, je me fiche de ma personne, mais c’est genre : pourquoi tu payes trente balles pour rester planté là, peut-être en écrivant à des amis pour leur dire à quel point c’est super ?! « Je suis au concert le plus dingue de tous les temps ! » « Ouais, mais pourquoi tu ne leur dis pas après ? » [Rires] Le monde dans lequel on vit est tellement étrange ! Car on vit dans deux mondes en ce moment.
La chanson « The Devil’s Master » a un feeling et des mélodies qui peuvent rappeler Ghost. Vous sentez-vous proches de la vision du rock qu’a Tobias Forge ?
[Petits rires] Je n’ai jamais passé beaucoup de temps à écouter Ghost. Je les ai vus une fois en concert et je pense avoir entendu chaque album d’une façon ou d’une autre. Mais c’est marrant parce que sur cet album, il n’y a plus beaucoup de gens qui nous comparent à Black Sabbath. Maintenant c’est Ghost. Je ne sais pas trop ce que je devrais en penser, mais Ghost, ce sont de brillants compositeurs, car ils prennent un peu le concept pop d’Abba et en font du metal. Je pense que c’est pour ça qu’ils sont si bons. Donc, lorsque quelqu’un nous compare à Ghost, ça veut dire que nous sommes doués pour la composition, donc ça me convient parfaitement [petits rires].
Tiger a dit une fois qu’il essayait « non seulement d’être un musicien, mais aussi de penser, composer et jouer comme un artiste ». Quelle est, selon toi, la différence entre un musicien et un artiste ?
Oh, Tiger a dit tellement de choses ! [Rires] A minima, j’ai plus de mal à me voir comme un artiste qu’un musicien. Un artiste peut faire de l’art à partir de n’importe quoi, je pense. Il peut faire de l’art à partir de n’importe quelle situation, avec tout ce qu’on peut lui donner, il peut créer quelque chose et appeler ça de l’art. Je suis plus un artisan, quelqu’un qui connaît son… Je n’ai pas envie d’appeler ça un boulot, mais quelqu’un qui sait ce qu’il fait et il fait son truc, et au sein de cette structure que j’utilise, je peux être créatif et c’est peut-être mon moment artistique. Je vois d’autres gens qui se considèrent comme des artistes, la façon dont ils utilisent les mots, comment ils écrivent, comment ils peignent, comment ils font, et je pense à moi et je me rends compte que j’en suis bien trop loin pour me considérer comme un artiste. Mais quand Tiger dit qu’il essaye d’être un artiste, ça peut aussi vouloir dire qu’il n’en est pas encore un [rires]. Pour ma part, j’ai du mal à me voir comme un artiste. Mais j’aime voir d’autres artistes faire leur travail. Peut-être est-ce simplement que je ne me considère pas assez bon pour me voir comme un artiste.
C’est marrant parce que Bobby Blitz, qui chante dans un groupe très différent, Overkill, a lui aussi cette vision d’être un artisan plutôt qu’un artiste.
Ouais, je pense qu’on est quelques-uns. Et je pense que les gens qui se considèrent « artistes » dans l’industrie de la musique, on devrait écouter très attentivement ce qu’ils ont à dire, car je pense que c’est très intéressant. Et alors, j’aimerais savoir s’ils sont si loin que ça de l’artisanat qu’ils le croient. Car ce qu’on fait principalement en tant que musicien quand on écrit une chanson, c’est comme des maths ou un système logique de différentes parties qu’on assemble, et ce n’est pas une approche très artistique, mais ensuite, il y a toujours des espaces là-dedans pour moments artistiques. Donc je me demande ce que les gens qui considèrent être des artistes pensent du type de structures qu’ils utilisent et comment ils réagiraient si on leur montrait que ce sont toujours les mêmes structures, d’une certaine façon. Ce serait intéressant.
« Je vois d’autres gens qui se considèrent comme des artistes, la façon dont ils utilisent les mots, comment ils écrivent, comment ils peignent, comment ils font, et je pense à moi et je me rends compte que j’en suis bien trop loin pour me considérer comme un artiste. »
Qui considérerais-tu comme un artiste dans ce business ?
Qui est le plus fainéant ? [Rires] Je ne sais pas. Je suis né en Allemagne de l’Est, donc mes parents n’ont jamais connu l’impact du rock occidental. Donc je n’ai jamais vraiment eu de héros. Ce n’est pas comme si j’ai essayé d’être quelqu’un d’autre ou que je me comparais à quelqu’un d’autre. Je ne suis pas sûr. Mais je dirais un mec paresseux. Disons Keith Richards… [Petits rires]
Par exemple, tout le monde est à peu près d’accord pour dire que David Bowie était un artiste…
Je ne sais pas. Oui, il se peut qu’il était un artiste, c’est vrai. Et aussi peut-être Nick Cave, parce qu’il utilise des structures simples pour faire de la poésie. C’est un vrai poète, c’est un véritable artiste.
La dernière fois, on a un petit peu parlé du fait que tu as grandi dans une famille d’athlètes et que l’esprit de compétition fait partie de ta personnalité. Même si la musique n’est pas censée être une compétition, il ne fait aucun doute qu’il y a une forme de compétition entre les musiciens et les groupes. Qu’en penses-tu ?
Je trouve ça bien ! On regarde toujours ce que font les autres groupes, surtout ceux qui pratiquent le même style que nous. J’ai eu une conversation à ce propos avec Kevin [R. Starrs], le chanteur d’Uncle Acid, et nous regardons toujours ce que l’autre fait. Nous nous sommes rencontrés pour la première fois il y a quelques semaines et nous avions presque l’impression de nous connaître depuis longtemps parce que nous nous renseignons toujours sur ce que l’autre fait. Donc il y a une forme de compétition, c’est vrai. C’est important. Ça me donne encore plus envie de faire ce que je fais. Ça motive.
Comment se fait-il que tu sois devenu un musicien et non un athlète dans une telle famille et un tel environnement ?
Etant gamin, quand j’étais à l’école et que le professeur me demandait pourquoi je n’avais pas fait ci et ça, pourquoi je n’avais pas fait mes devoirs, etc., je leur répondais toujours que je n’étais pas obligé de faire mes devoirs parce que plus tard j’allais être musicien. Je pense qu’à l’époque, c’était plus une excuse qu’autre chose. Avant, je travaillais dans le business en tant que tourneur, manageur de tournée et ce genre de chose, et je sais que seulement quelques groupes parviennent à faire le grand saut et en vivre. Je n’ai donc jamais pensé que je serais de ceux-là. C’est plus une question de chance et d’être là au bon moment, le fait que j’ai rencontré ces gars et qu’il y avait d’autres gars qui voulaient entendre cette musique. Il y a tant de petites pièces qui doivent s’imbriquer pour arriver là où nous sommes. J’en suis donc super reconnaissant, mais j’aurais tout aussi bien pu me retrouver avec un autre boulot, j’imagine. Mon père est artisan et il gère sa propre entreprise. Je crois qu’il pensait que j’allais monter mon propre business. Donc, au début, il n’aimait pas trop ce que je faisais, il disait : « Tu dois apprendre un vrai boulot. Tu devrais assurer ton avenir d’abord, et ensuite tu pourras faire ce que tu fais » [petits rires]. Mais je crois que maintenant ça ne lui pose plus de problème.
D’un autre côté, être un musicien professionnel, c’est un business en soi.
Oui. Maintenant il voit le boulot que nous abattons. Nous n’avons pas de management ou autre, donc nous faisons tout nous-mêmes. La partie musicale n’est que la plus petite partie du boulot. Je crois que c’est James Brown qui a dit que c’est vingt-cinq pour cent de la musique et soixante-quinze pour cent du business. C’est vraiment ça, en fait.
Si tu étais devenu un sportif, quel aurait été ton sport de prédilection ?
J’ai longtemps fait du handball quand j’étais adolescent. Ensuite, j’ai réalisé que je n’étais pas assez grand, mais c’était un sport que j’aimais beaucoup.
Interview réalisée par téléphone le 6 septembre 2019 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Joe Dilworth.
Site officiel de Kadavar : www.kadavar.com.
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