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Interview   

Kamelot : ancien monde, nouveau monde


« Se réveiller dans un monde différent ». C’est effectivement l’impression qu’on a pu avoir ces dernières années. Des années qui, du fait des confinements vécus lors de la pandémie et du ralentissement induit de la vie, ont été propices à l’introspection. Une idée qui est au cœur du nouvel album de Kamelot, intitulé The Awakening, sur le plan thématique mais aussi musical, puisque le groupe, après avoir opéré une certaine modernisation de son son sur Haven et The Shadow Theory, a fait un effort délibéré d’analyse de ce qui a constitué à travers son histoire l’ADN de Kamelot. En résultent des morceaux à la croisée des époques, avec lesquels on retrouve certaines caractéristiques d’albums passés, mais sous une forme modernisée.

Une démarche qui vient à point nommé, puisque cela fait désormais dix ans tout juste passés que le chanteur Tommy Karevik officie au sein du groupe, et The Awakening semble bel et bien être celui où il a mis le plus de lui-même, y compris en matière de composition. L’occasion de parler de cette nouvelle étape dans la carrière du groupe – qui est toujours en train de préparer sa biographie Veritas : A Kamelot Legacy qui prend plus de temps que prévu – mais aussi d’en apprendre plus sur un chanteur à part, qui a su rapidement se faire accepter à son arrivée mais qui se démarque par ses influences incluant Whitney Houston, Mariah Carey, Céline Dion et… sa sœur ! Entretien pour parler de tout ceci et plus encore avec Tommy et le guitariste et membre fondateur Thomas Youngblood.

« Au fil des années, je me suis demandé ce qui rendait Kamelot unique aux yeux et aux oreilles des fans, et c’est en grande partie des détails dans la musique, le fait que nous ne nous contentons pas d’enchaîner les couplets et les refrains, mais que nous faisons et donnons à l’auditeur des choses en plus. »

Radio Metal : La toute première date qui avait été annoncée pour la sortie de The Awakening était mars 2021. Ce qui signifie que deux ans se sont écoulés entre ça et la date effective de sortie de l’album. A quoi avez-vous passé tout ce temps ?

Thomas Youngblood (guitare) : Pour moi, il s’agissait en partie de me remettre du Covid-19. De même, nous ne pouvions pas tourner, donc nous avons passé plus de temps sur l’album. Quand ils disent qu’il n’y aura aucune tournée durant les dix-huit prochains mois, à quoi ça sert de sortir un album ? Tu ne peux pas tourner dessus et il faut un album pour tourner. Nous ne sommes pas Kiss. Nous sortons des nouveaux albums et nous tournons pour les défendre. Or, honnêtement, nous ne savions pas quand les tournées allaient revenir. Nous avons donc travaillé davantage sur l’album et passé peut-être un peu plus de temps à la maison pour profiter de la famille. Je pense que tout ce temps supplémentaire valait le coup.

Tommy Karevik (chant) : Avant le Covid-19, nous avions toujours une petite fenêtre de temps pour faire un album, car c’est ainsi que ça fonctionne : il faut sortir un album au bout d’un certain temps pour entretenir l’élan, et ça prend du temps de faire un album. Ça implique énormément de choses, la musique bien sûr, mais aussi l’artwork, la planification des clips, etc. Dans le meilleur des cas, ça prend un an, mais cette fois, nous avons gagné quelques années de plus et c’était bien, car ça nous a permis de réévaluer, d’enlever des choses qui n’étaient pas assez bonnes, de réarranger, etc. Par exemple, « One More Flag In The Ground » était l’une des dernières chansons créées et, même si elle peut paraître plus simple dans son approche, parfois « plus simple » nécessite plus d’effort. Je suis très content du résultat, car je trouve qu’elle a toutes les caractéristiques de Kamelot, mais dans une nouvelle forme. Elle a peut-être un côté plus radiophonique, mais ça sonne quand même comme du pur Kamelot, ce qui est loin d’être facile à faire, je dois dire [petits rires]. Si les gens croient que nous n’avons pas travaillé tant que ça, qu’ils sachent que nous avons bossé comme des dingues sur ce morceau !

Tommy, tu as sorti The Testament avec Seventh Wonder l’année dernière. As-tu fait les deux albums en parallèle ?

Oui, clairement. Généralement, Seventh Wonder prend beaucoup de temps et Kamelot doit être un peu plus rapide à cause des cycles de tournée. Nous ne tournons pas vraiment avec Seventh Wonder. Cette fois, c’était l’inverse : le cycle a été plus rapide avec Seventh Wonder – il fallait que ça le soit – et Kamelot a eu beaucoup plus de temps. Donc, au final, ça s’est passé en même temps, mais j’en ai l’habitude. A un moment donné, j’étais sur The Shadow Theory de Kamelot, Tiara de Seventh Wonder et The Source d’Ayreon. Ça faisait un peu beaucoup… [Rires]. Il peut m’arriver de mélanger les processus. Je pense qu’une de mes forces est que j’arrive à puiser assez facilement dans Ayreon, Seventh Wonder et Kamelot, mais ça reste stressant pour moi, sur le plan personnel. C’est quelque chose que j’ai appris suite au Covid-19 : ma santé mentale ne s’en porte que mieux si je fais une chose à la fois.

The Shadow Theory a été un joli succès : il était rentré dans les classements hard rock du Billboard en seconde position et a été bien placé dans d’autres classements hard rock et metal. Etiez-vous sensible à ce genre de pression quand est venu le moment d’un nouveau cycle de composition ?

Non, pas vraiment, en fait. Nous étions excités à l’idée de faire de la nouvelle musique. Il nous restait de bonnes idées issues de sessions d’enregistrement précédentes, si bien que nous avons pu tout de suite commencer et nous avions d’emblée un bon feeling. Je ne dirais pas qu’il y avait de la pression, en tout cas, pas pour moi. Il y avait de l’excitation et une certaine nervosité. Je ne sais pas si je regarde vraiment en arrière. Je vois surtout ce que je vais faire ensuite plutôt que ce que j’ai déjà fait.

Thomas : Nous n’avons jamais vraiment ressenti une pression liée à ce que nous avons fait avant. L’album Haven était numéro un, par exemple, et une fois que tu as été numéro un du Billboard, tu ne peux pas faire mieux. Donc nous ne pensons pas en ces termes. Nous pensons toujours : « Ne nous focalisons pas sur ce que nous avons fait hier. Focalisons-nous sur le présent et sur ce que nous allons faire demain. » Ça a toujours été notre philosophie : travailler autant que possible durant le temps qu’on a entre les albums, et essayer de ne pas trop y penser et de faire de son mieux. Cette philosophie a toujours bien marché pour nous. La seule différence avec The Awakening est que nous avons fait un effort conscient d’analyse de nos œuvres précédentes en nous demandant : « Qu’est-ce qui a rendu ces chansons spéciales ? » Nous avons pris certains de ces exemples et nous avons essayé de créer ce qui j’appellerais un best of de toutes les époques de Kamelot dans un même album. Nous avons pris des idées de Ghost Opera, de The Black Halo et de tous les autres morceaux que nous jouons encore aujourd’hui, et nous les avons appliquées au type de production, de composition, etc. du Kamelot actuel. Je dirais que c’est la plus grande différence avec The Awakening, le fait que nous avons réfléchi à ce qui rendait les chansons passées si spéciales.

« C’est un numéro d’équilibriste. Si tu sors les mêmes choses, on te défonce parce que tu fais du copier-coller. Et si tu fais quelque chose de nouveau, on te dit que ce n’est pas Kamelot. Nous sommes donc obligés de faire confiance à notre instinct. »

Qu’est-ce qui vous a poussés à faire ce travail d’analyse et de réflexion ?

Au fil des années, je me suis demandé ce qui rendait Kamelot unique aux yeux et aux oreilles des fans, et c’est en grande partie des détails dans la musique, le fait que nous ne nous contentons pas d’enchaîner les couplets et les refrains, mais que nous faisons et donnons à l’auditeur des choses en plus, et sur le plan créatif, ça demande un peu plus d’effort. Ça m’a fait dire au cours des deux dernières années : « Souviens-toi que les fans de Kamelot adorent les détails et les parties supplémentaires dans les chansons. Ok, je vais y réfléchir et réécouter certains trucs que moi-même, à titre personnel, j’adore dans notre discographie passée. » Ensuite, Tommy a eu cette idée géniale de finaliser l’histoire de Ghost Opera. Cette chanson, « Opus Of The Night (Ghost Requiem) », est, en gros, l’accomplissement du rêve de cette femme qui voulait être dans l’opéra. Sa petite fille dans l’histoire le fait à sa place, ce qui donne un rebondissement sympa.

L’album démarre avec le très speed « The Great Divide », et on retrouve pas mal de morceaux à tempo rapide qui font écho au passé lointain de Kamelot. Même une ballade comme « Midsummer’s Eve » a un côté à la « Sailorman’s Hymn » ou « Don’t You Cry ». A la fois, l’album sonne quand même moderne, surtout sur le single « One More Flag In The Ground » ou sur « Nightsky ». C’est un peu le croisement de l’ancien et du nouveau…

Tommy : Absolument. Je pense que c’est une bonne description. Comme l’a dit Thomas, c’est quelque chose que nous avons fait intentionnellement. Nous avons voulu ramener du passé un côté hymnique, mélodique à chanter en cœur et le marier au nouveau son de Kamelot en 2023. Si on décortique, on se rend compte que c’est l’un des albums les plus variés que Kamelot a jamais faits en termes de styles.

Thomas : Oui, c’est une belle symbiose d’un peu tout. Nous avons toujours eu des chansons comme « One More Flag In The Ground ». Beaucoup de gens sont là : « Oh, c’est différent », mais quand on y réfléchit, c’est le genre de morceau que nous avons toujours inclus pour nous stimuler, à l’instar de « The Haunting » ou « Amnesiac ». « One More Flag In The Ground » a été énorme pour nous, pour toucher de nouveaux fans. Et puis, oui, « Nightsky » a une approche un petit peu plus moderne dans son instrumentation, mais le refrain a toujours l’ADN de Kamelot. Donc pour moi, c’est un mélange sympa. « Midsummer’s Eve », comme tu l’as mentionné, a un petit côté à la « A Sailorman’s Hymn » ou « Don’t You Cry », mais c’est un enregistrement moderne, donc le son est un petit peu différent. Je suis bien content du résultat.

Pensez-vous que certains éléments du passé ont manqué aux plus albums récents ?

Tommy : Il y a toujours une évolution qui opère. C’était juste le moment de ramener ces éléments sur cet album. Peut-être qu’il aurait pu y avoir une chanson en plus sur le dernier album avec plus de… Mais le dernier album est ce qu’il est. C’est une photographie de ce que les membres du groupe faisaient à un certain moment. C’est dur de savoir comment ce sera la prochaine fois. Ce sera ce que ce sera, et le truc d’après sera aussi ce qu’il sera. Cette fois, nous avons voulu retrouver davantage de ce type de chansons, mais ça ne présage rien de ce que sera l’album suivant.

En juin 2020, vous aviez déjà commencé à travailler sur le nouvel album et, Thomas, tu avais dit : « Tout est neuf, mais on retrouve toujours ce son signature que nous considérons être important. » Comment parvenez-vous à cet équilibre, c’est-à-dire à ne pas être soit trop familier, soit trop différent ?

Thomas : Oui, c’est un numéro d’équilibriste. Si tu sors les mêmes choses, on te défonce parce que tu fais du copier-coller. Et si tu fais quelque chose de nouveau, on te dit que ce n’est pas Kamelot. Nous sommes donc obligés de faire confiance à notre instinct et de faire la musique qui, avant tout, nous plaît. Nous nous disons que la majorité de nos fans aimeront, mais d’abord, nous devons nous faire plaisir en tant que compositeurs et artistes. C’est ce que nous avons fait. On n’entendra jamais deux albums de Kamelot qui sonnent pareil. C’est important pour le développement du groupe et sa pertinence. De même, nous présentons toujours quatre ou cinq nouvelles chansons en tournée, alors que beaucoup de groupes ne jouent qu’un ou deux morceaux de leur dernier album. C’est important pour nous de toujours jouer de la nouvelle musique. Les fans adorent ça. Evidemment, ils veulent toujours entendre des chansons comme « March Of Mephisto », mais c’est important pour nous d’être toujours pertinents et novateurs avec ce que nous proposons en live. Et puis, nous investissons pas mal de temps et d’argent dans la confection de clips qui sont cool.

« Pour nous, c’est toujours important qu’il y ait de la lumière. Tous les groupes n’ont pas ça, il peut y avoir beaucoup d’obscurité chez eux, surtout dans ce genre musical. Nous avons toujours mis un point d’honneur à ce que l’accent principal soit sur une forme d’espoir. »

Vous n’avez pas de recette ou de méthode pour obtenir cet équilibre dans la composition ?

Non, je ne crois pas. Il faut savoir au plus profond de soi si tel morceau a bien tout l’ADN nécessaire pour devenir une chanson de Kamelot. Mais je pense que nous avons la chance d’avoir établi un son signature, en un sens. Par exemple, la première chanson a été co-composée par Jani [Liimatainen], l’ancien guitariste de Sonata Arctica. Il était là : « Eh, je crois que j’ai une chanson de Kamelot pour vous », ce qui est plutôt cool ! [Rires] J’étais là : « Ouais, c’est génial ! » Le thème de la chanson vient de lui et ensuite, nous avons écrit le reste. C’est pareil avec Bob [Katsionis] de Firewind, il a coécrit quelques chansons avec nous. Nous avons aussi eu une chanson de Niclas Engelin – il faisait partie d’In Flames et il a coécrit un titre bonus sur l’un de nos albums. C’est toujours amusant que des gens que nous respectons et admirons contribuent à des idées – enfin, c’est généralement un ou deux morceaux sur un album, ici et là –, et nous avons la chance d’avoir pu forger un son qui est identifiable y compris avec des compositeurs extérieurs. De même, avec le producteur Sascha Paeth, qui est également l’un de nos co-compositeurs, il a pu arriver que des idées de chansons – y compris venant de moi – nous ont fait dire : « Non, ce n’est pas vraiment Kamelot. » Ça joue aussi probablement beaucoup. Nous analysons et nous nous assurons qu’on retrouve tous les éléments nécessaires pour que ce soit sur un album de Kamelot.

Le claviérsite Oliver Palotai n’a pas énormément contribué à l’écriture avant Silverthorn mais il est désormais devenu l’un des principaux compositeurs, et toi-même, Tommy, tu contribues. Dans quelle mesure ça aide à renouveler et enrichir le son de Kamelot ?

C’est génial. Tommy a énormément composé sur cet album et pas seulement des idées de base. Il a écrit des orchestrations complètes au clavier et des idées pour la guitare. Il a tellement de talent. Ça me libère d’un gros poids et ça crée une nouvelle synergie avec de nouvelles idées. Je pense que c’est aussi un aspect important qui permet au groupe de ne pas stagner avec le même type d’approche. Le fait que plusieurs personnes contribuent, c’est super important.

Tommy : J’ai effectivement contribué davantage musicalement cette fois parce que j’avais plus de temps pour travailler sur les morceaux, mais j’écris toutes les lignes mélodiques vocales, les arrangements de chant et les paroles depuis le premier album. Donc, de ce point de vue, je suis pas mal impliqué depuis le premier jour. Mais oui, sur cet album, il y a eu bien plus de musique et d’idées qui sont venues de moi, ce qui est cool pour moi. J’aime composer ! Venant de Seventh Wonder, au moment où j’ai rejoint le groupe, évidemment, je n’avais globalement pas énormément d’expérience avec Kamelot, donc il a fallu que j’apprenne et étudie ce que le chanteur précédent faisait, le style des chansons et le genre de paroles qu’ils avaient pour voir si j’étais capable de recréer quelque chose dans cette veine pour les fans. Puis, à mesure que le temps passait, j’ai trouvé mon chemin et c’est devenu une seconde nature. Aujourd’hui, ça me vient très naturellement.

Comme nous venons de le dire, cet album de Kamelot mélange pas mal l’ancien et le nouveau, mais c’est aussi un mélange de symphonique et de power metal, ainsi que de lumière et d’obscurité : diriez-vous qu’avec ce groupe, tout est une question d’équilibre ?

Thomas : C’est certain ! Je dirais que c’est même plus une question de variété que forcément d’équilibre, mais ces termes se recoupent un peu. Nous essayons généralement d’avoir une grande diversité entre les éléments lumineux et sombres sur un album, y compris dans les textes, mais je trouve que la diversité sur cet album est énorme. C’est parfois difficile d’avoir autant d’éléments différents et d’en faire une œuvre d’art cohérente, mais je pense que nous y sommes parvenus. Un autre élément clé est de toujours faire des chansons propices aux émotions. C’est vraiment le critère numéro un. La première étape est d’essayer de faire des morceaux, des paroles et des mélodiques qui provoquent une réponse émotionnelle chez l’auditeur.

Tommy : Je pense que nous voulons toujours faire qu’un album qui ressemble à un voyage quand on l’écoute en entier, et ce voyage doit avoir des hauts, des bas et toutes sortes d’émotions pour être percutant. Je pense que ça correspond à ce que tu dis, la lumière et l’obscurité, le contraste, mais pour nous, c’est toujours important qu’il y ait de la lumière. Tous les groupes n’ont pas ça, il peut y avoir beaucoup d’obscurité chez eux, surtout dans ce genre musical. Nous avons toujours mis un point d’honneur à ce que l’accent principal soit sur une forme d’espoir, sur cette idée de combat remporté ou de passage forcé au travers d’un obstacle, et sur le fait d’apprendre et de passer à autre chose – c’est ce truc de lumière au bout du tunnel. C’est important pour nous, parce que c’est ce que nous voulons transmettre avec la musique. Je pense que c’est aussi ce qui permet au groupe de se démarquer.

« Dans l’essence-même de la musique de Kamelot, on retrouve ce côté théâtral, mystérieux, de rencontre entre ombre et lumière… Il y a un certain mysticisme. Quand je pense à la musique de Kamelot, je vois la scène du Fantôme De L’Opéra. »

Cet équilibre entre lumière et obscurité est très présent sur des morceaux comme « New Babylon » et « My Pantheon (Forevermore) », avec les parties en chant death…

Oui, absolument. En fait, dans « My Pantheon (Forevermore) », c’est Sascha Paeth, et dans « New Babylon », c’est Melissa Bonnie. Je ne suis pas un chanteur de metal agressif. Je ne sais pas si je le serai un jour, mais je trouve que c’est cool de jouer avec différentes textures. Il m’est arrivé de mettre ici et là du chant rugueux pour créer un effet, mais ce n’est pas ce que je fais de mieux. Je ne me suis jamais concentré sur ces techniques. Je préfère me focaliser sur le chant mélodique qui est davantage mon point fort, je trouve.

Il y a plusieurs couleurs musicales qu’on retrouve à peu près tout au long de la carrière de Kamelot et qui sont très présentes sur The Awakening : les influences classiques et moyen-orientales. Thomas, peux-tu nous en dire plus sur ton histoire avec celles-ci ?

Thomas : Le classique a été une part importante de Kamelot dès le premier jour. Quand j’ai commencé, j’avais une guitare classique avec des cordes en nylon, et j’aimais des gars comme Andrés Segovia. Puis j’ai commencé à m’intéresser au metal et à différents guitaristes, évidemment comme Yngwie Malmsteen, mais aussi Al DiMeola, Alex Lifeson de Rush… Rush a été une énorme influence pour moi au début. J’ai donc été élevé avec l’amour de la musique classique, mais j’aimais aussi la musique new age, ce qui incluait, comme tu l’as dit, les influences arabes et orientales, ainsi que le celtique et la folk. Nous avons commencé à incorporer ça dans notre son avec The Fourth Legacy, en apportant différents éléments issus de la world music. Je pense que nous avons pu en mettre un peu plus sur cet album que sur les deux précédents. C’est aussi quelque chose qui m’avait manqué et je pense que les fans adorent ça. Mais j’ai une tonne d’influences différentes, y compris le jazz et Stevie Wonder !

Te verrais-tu inclure du jazz dans Kamelot un jour ?

Oli adorerait ! C’est un musicien de jazz extraordinaire. Il est capable jouer du jazz au piano et à la guitare comme un furieux. Mais non, je ne pense pas, à moins que nous fassions une sorte d’album de jazz basé sur les thèmes de Kamelot ou quelque chose dans le genre. Ce pourrait être intéressant, mais il n’y aura probablement pas beaucoup de jazz ou même de blues dans nos albums futurs [petits rires].

Florian Janoske joue du violon sur l’album et Tina Guo du violoncelle sur « Opus Of The Night (Ghost Requiem) » et « Midsummer’s Eve ». Tina a des affinités avec le metal, mais elle est aussi connue pour son implication dans des BO de film et de jeux vidéo. Considérez-vous la musique de Kamelot comme une forme de BO, en un sens ?

Oui, clairement. On nous dit tout le temps que ceci ou cela devrait être dans un jeu vidéo ou dans un film. Evidemment, ce n’est pas notre objectif lorsque nous faisons la musique, mais celle-ci a toujours une approche cinématographique, par ses couleurs. Les BO de Hans Zimmer, par exemple, sont une autre partie de nos influences. C’est extraordinaire que Tina ait participé, car je suis fan d’elle depuis des années et son emploi du temps s’est enfin libéré pour que ça puisse se faire. Elle est donc sur deux chansons de The Awakening. C’est génial de travailler avec elle. Nous adorons ce qu’elle a apporté.

Tommy : Je pense que nous restons l’un de ces groupes qui font de la musique faite pour être écoutée comme une histoire, comme nous en parlions tout à l’heure. C’est fait pour être écouté du début à la fin et pour les gens qui aiment ce genre de chose. Nous mettons l’accent sur le fait que ça forme un tout. Ça implique qu’il faut que ça respire d’une certaine façon, il faut qu’il y ait les hauts et les bas qu’on retrouve dans une histoire et l’enchaînement des tempos doit être naturel. C’est très réfléchi, et c’est parfois très comparable à un film. De même, la musique en soi à un côté très BO dans de nombreuses chansons. Nous avons une intro et une outro. Je pense que tu as raison. Notre musique se prête bien à ce côté théâtral aussi.

Est-ce que des images vous viennent en tête quand vous composez les chansons ?

Thomas : Clairement. Je pense aussi aux concerts, à la façon dont la chanson se traduira sur scène. Je crois qu’avec The Awakening, c’est la première fois que je me suis dit que chaque chanson pourrait être jouée en live telle quelle. Je pourrais même imaginer jouer l’album en entier à un moment donné pour un concert spécial.

« J’ai mené une sale bataille contre le Covid-19. Ca a été une grosse prise de conscience, comme quoi il fallait vivre un peu plus intensément, sans se dire qu’il nous reste encore vingt ans, parce qu’on ne sait jamais si c’est le cas ou pas. »

Tommy : Je vois des images très vives dans mon esprit quand j’écoute n’importe quel type de musique. C’est ça la musique pour moi, ce sont des émotions qui peignent des images, peu importe le genre musical. Je pense que c’est une façon assez commune d’écouter la musique : tu sens des odeurs, tu as des visions, des souvenirs remontent… C’est le pouvoir de la musique, ça peut vraiment faire ressortir les émotions. Je me souviens, quand j’avais douze ans, je suis allé avec ma mère voir Le Fantôme De L’Opéra, et ça eu un profond effet sur moi. J’ai l’impression que dans l’essence même de la musique de Kamelot, on retrouve ce côté théâtral, mystérieux, de rencontre entre ombre et lumière comme tu l’as dit… Il y a un certain mysticisme. Quand je pense à la musique de Kamelot, je vois la scène du Fantôme De L’Opéra.

Vous avez de nouveaux costumes signés Nina Korento. Tommy, non seulement tu fais un effort vestimentaire sur scène et dans les clips, mais tu es aussi un chanteur très expressif avec ta gestuelle. Considères-tu que le côté acteur fait partie intégrante du boulot de chanteur ?

Oui, mais je pense que ça me vient naturellement. Si tu te mets dans une situation où tu ressens tes textes, ça passe d’une façon ou d’une autre à travers ton corps. Maintenant, après avoir fait autant de concerts – je suis dans le groupe depuis une bonne décennie –, nous en sommes à un point où nous savons qui nous sommes en tant que groupe et quelles sont nos forces théâtrales. Je trouve que c’est cool pour les gens d’aller à un concert de Kamelot aujourd’hui, parce qu’il y a beaucoup d’interaction, de mouvements et d’éléments théâtraux. Peut-être qu’il a fallu que je le travaille au début, mais aujourd’hui ça vient tout seul. Je n’ai aucun vrai background dans le théâtre ou quoi que ce soit, mais quand j’étais à l’école, j’adorais faire l’acteur et j’ai joué dans des pièces de théâtre. Je n’ai jamais pris de cours, mais ça aurait pu être sympa de le faire. D’ailleurs, je ne sais même pas si je joue vraiment la comédie sur scène. Il s’agit peut-être plus d’essayer de canaliser l’atmosphère de la musique.

En parlant de visuels, les couleurs semblent importantes pour Kamelot, comme l’ont démontré vos artworks qui étaient tous dominés par le violet au début…

Thomas : Giannis Nakos a fait l’artwork, il est grec, et le livret est plein de visuels de fou, et la pochette, bien sûr, est splendide. Evidemment, c’est un aspect important de Kamelot. Il n’y a pas que la musique, mais aussi les illustrations que nous présentons et qui interviennent dans le spectacle visuel. Tout ça fait donc partie du plan consistant à offrir le meilleur possible avec ce que nous faisons. Je ne me souviens pas exactement pourquoi nous avons changé le violet, mais je pense que je ne voulais pas m’enfermer dans une couleur. Nous avons toujours une femme sur la pochette, mais nous ne ressentons pas ça comme une obligation. Je pense que dernièrement, nous avons eu une plus grande affinité avec le bleu pâle. Je trouve que ça colle bien au changement un peu de notre son, mais ça ne veut pas dire qu’à l’avenir nous ne reviendrons pas au violet. Qui sait ce qui se passera ?

Même s’ils ont un côté science-fiction, les concepts de Kamelot ont toujours une lecture en rapport à la réalité. Ce nouvel album s’intitulant The Awakening, avez-vous l’impression que c’est ce que le monde ou nos sociétés occidentales sont en train de vivre : un éveil ?

Absolument. C’est totalement basé sur l’idée de se réveiller dans un monde différent. Nous ne voulons pas que ce soit un album de pandémie, mais on ne peut ignorer ce qui nous est arrivé à nous tous et la façon dont ça nous a affectés. Une bonne partie traite de santé mentale. Une autre traite de la guérison physique après le Covid-19, un cancer ou autre. Nous essayons toujours d’inspirer un sentiment de force dans les chansons, et je pense que c’est encore plus en adéquation avec l’époque actuelle.

Tommy : Cette période était très déprimante pour plein de gens, mais il faut souligner que tout le monde a été obligé de ralentir un peu. Pour les gens, c’était le bon moment de se demander qui ils sont, qui ils veulent être, ce qu’ils font dans la vie et s’ils font la bonne chose. On n’a jamais ce genre d’opportunité en temps normal. La vie défile et il faut se battre pour saisir cette occasion si jamais elle se présente, mais là, tout le monde se disait : « Maintenant, souffle un coup, tu n’as pas grand-chose d’autre à faire. » Je pense que de nombreuses personnes se sont tournées vers elles-mêmes et ont regardé en elles. Les membres du groupe l’ont clairement fait, notamment moi. Durant les deux premiers mois, je me suis retrouvé la plupart du temp dehors à couper du bois. D’habitude, je ne fais jamais ça. Avant je vivais en ville mais là, nous étions à la campagne et on avait du temps, on pouvait penser. Ça a vraiment changé ma façon de voir les choses. En ce sens, si on regarde les chansons que nous avons, ça parle beaucoup de changer des choses, ce qui n’est pas forcément facile ou sans douleur. Il faut passer au travers de la douleur pour arriver de l’autre côté et se libérer. Nous écoutions les chansons et Thomas a eu cette idée d’appeler l’album The Awakening. Je trouve que c’est un titre génial pour symboliser l’époque que l’on vit et ce que les chansons reflètent.

« Les réseaux sociaux ne sont pas du tout sociaux, en fin de compte, car la plupart des gens dessus ne se rencontrent jamais en vrai et il y a toute une génération qui a du mal à communiquer autrement qu’au travers de messages écrits. C’est assez dystopique, quand on y pense. »

On a vu durant la pandémie beaucoup de gens songer à changer de boulot notamment…

Thomas : C’est sûr. Tu as une personne avec un boulot qu’elle n’aime pas, elle ne s’arrête pas de bosser, et tout d’un coup, elle ne peut plus travailler à cause de la pandémie. Puis, deux mois plus tard, elle réalise que ce n’est de toute façon pas la direction qu’elle veut prendre dans la vie et veut changer. On a vu ça dans plein de secteurs différents, que ce soit dans l’enseignement ou la restauration. C’est un éveil qui a été très important pour ces gens. Il y a peut-être aussi cette idée qu’on est sur cette planète pour un temps limité, alors pourquoi faire un travail qu’on déteste ? Allez faire autre chose. C’est un petit peu comme dans Fight Club quand le personnage raconte aux gens : « Tu vas te trouver un autre boulot parce que tu détestes celui-ci. » Personnellement, j’ai réalisé ce qui était super important et ce qui ne l’était pas tant que ça que durant cette période.

Du coup, qu’est-ce qui est important pour toi et qu’est-ce qui ne l’est pas ?

Je savais que tu allais me poser la question [rires]. Le plus important, c’est la famille et les relations qu’on a avec elle. De même, le fait de ne pas être trop sous l’emprise du stress, de trouver le moyen de le réduire pour être heureux dans sa vie. Ce qui n’est pas si important que ça, je dirais, ce sont des petits détails qu’on pensait être importants. Par exemple, me concernant, avant, si nous mettions notre backdrop en concert – nous en avons un grand – et qu’il était un peu bas d’un côté de deux centimètres, je faisais grimper les gars pour corriger ça, et ça demandait beaucoup d’efforts. Personne d’autre que moi le voyait. Ce sont des petits TOC qui, en temps normal, me faisaient stresser et que je n’ai plus maintenant. Ce n’est qu’un petit exemple, mais il y en a un tas d’autres.

Avez-vous déjà connu un moment d’éveil dans votre vie, à titre personnel ?

Oui. J’ai mené une sale bataille contre le Covid-19, pour être honnête. J’ai fait des allées et venues à l’hôpital pendant deux mois et ce n’était pas sûr si j’allais m’en sortir. Evidemment, ça a été une grosse prise de conscience, comme quoi il fallait vivre un peu plus intensément, sans se dire qu’il nous reste encore vingt ans, parce qu’on ne sait jamais si c’est le cas ou pas.

Tommy : Le Covid-19 en a clairement été un pour moi aussi. Comme je l’ai dit, quand c’est arrivé, ça nous a forcés à nous regarder nous-mêmes. Je venais de passer une période où je n’avais aucun temps de repos et je disais oui à tout ce qui me branchait, mais sans que ça me fasse forcément me sentir mieux. Donc, en sortant de ça, je pense mieux savoir quoi faire et quel doit être mon niveau d’investissement, en m’assurant de faire ce qu’il faut pour mon bien-être.

Plus généralement, on dirait que vous n’avez pas quitté le monde dystopique que vous aviez instauré sur Haven et The Shadow Theory : considérez-vous que l’on vit actuellement une dystopie ?

Thomas : C’est dur à dire. Je n’ai pas envie de passer pour le vieux type qui se plaint que les choses changent, mais il est évident que le monde est différent. Les téléphones portables ont changé notre manière de vivre, de penser et de consommer l’information. Les réseaux sociaux ne sont pas du tout sociaux, en fin de compte, car la plupart des gens dessus ne se rencontrent jamais en vrai et il y a toute une génération qui a du mal à communiquer autrement qu’au travers de messages écrits. C’est donc assez dystopique, quand on y pense, et je ne vois pas les choses s’améliorer à cet égard. C’est d’ailleurs le seul bon côté de la pandémie : il y a eu une forme de retour à la normale, avec des gens qui se posaient chez eux, qui dînaient ensemble, allaient se promener dans les bois, prenaient du temps pour faire des choses simples plutôt que de rentrer dans une routine quotidienne complètement folle.

Tommy : C’est sujet à débat, mais pendant cette période, on avait clairement l’impression d’être dans un film dystopique. Ceci dit, nous nous éloignons un petit peu de ça, même si la première chanson avait cette atmosphère. Comme nous en parlions plus tôt, nous avons aussi voulu remettre une part plus importante de romantisme et de l’ancien style. Tu as mentionné la ballade « Midsummer’s Eve » qui a un côté plus celtique. Ça ne sonne pas très moderne. Je pense que nous avons un pied dans le monde dystopique, c’est certain, mais peut-être pas autant que sur le dernier album.

« Nous étions au Brésil il n’y a pas longtemps et une fille était là : ‘Les gars, vous m’avez sauvé la vie.’ Je prends ça très à cœur et je ressens une responsabilité en tant que ‘personnage public’ pour faire du mieux que je peux. Certaines personnes s’en fichent, mais moi pas. »

A propos de « One More Flag In The Ground », tu as déclaré que c’était « une métaphore pour les difficultés à combattre la maladie, qu’elle soit physique ou mentale. Chaque étape de la guérison est un nouveau drapeau planté dans le sol. Chaque petit pas est une victoire supplémentaire. » Evidemment, on a beaucoup parlé de maladie ces dernières années, y compris mentale à cause des confinements. Était-ce ton inspiration directe ?

Ça en fait partie, c’est certain. Si on met la pandémie de côté, je pense qu’on n’a jamais vu autant de gens souffrir de maladie mentale. Ça en dit long. Et le Covid-19 n’a rien amélioré. Il y a aussi beaucoup de maladies physiques, des formes de cancer et tout un tas de choses pour lesquelles on travaille très dur afin de les prévenir, mais notre société est conçue pour que ça arrive, d’une certaine façon, parce que l’on mange et respire toute cette merde qu’on peut difficilement éviter. Ce que nous avons voulu dépeindre est que personne n’est seul, il y a d’autres personnes que soi. Ce sont les petits pas qui comptent. Tu mets constamment un pas devant l’autre et tu finiras par atteindre ton objectif, c’est-à-dire la guérison. Le fait d’être positif est très important. Nous cherchons à éveiller les consciences sur ces problématiques et nous disons aux gens de continuer à se battre.

On dirait qu’on parle de plus en plus de maladie mentale : est-ce parce qu’il y en a plus ou est-ce parce qu’on la reconnaît davantage ?

Les deux, je pense. Le fait que l’on soit conscient que c’est un gros problème est un grand progrès. Ensuite, il y a aussi aujourd’hui plus de gens que jamais sur cette terre, et ça continue d’augmenter, donc c’est peut-être une autre partie du problème. Très honnêtement, les réseaux sociaux et toutes ces choses mettent énormément la pression sur les gens. Ils veulent avoir du succès ou ont l’impression que certaines choses leur sont dues, et s’ils ne l’obtiennent pas, ils sont malheureux. Ils voient d’autres gens réussir ou posséder des choses qui leur font envie, ils croient que cette illusion est réelle et éprouvent le besoin d’être pareils, sinon ils sont malheureux. C’est dur de décrypter ce qui est réel. Je pense que c’est un gros problème aujourd’hui, surtout chez les jeunes. Ils ne savent pas faire la différence entre ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas, et ça les déboussole. Je n’ai jamais parlé à une seule personne qui n’a pas connu ce genre d’expérience avec les réseaux sociaux, la faisant se sentir vulnérable, pas suffisamment accomplie, pas suffisamment bonne, pas suffisamment belle… Il y a tellement de choses qui s’intègrent là-dedans. Quand on est plus âgé, c’est plus facile parce qu’on a vécu la majorité de sa vie sans ça, mais quand on est une jeune personne aujourd’hui et que c’est tout ce qu’on connaît, c’est dur de voir ce qui est vraiment sain pour soi.

Vous avez trois chansons – « Opus Of The Night (Ghost Requiem) », « Bloodmoon » et « NightSky » – faisant référence à la nuit. Est-ce un moment spécial pour vous ? Avez-vous une relation particulière avec la nuit ?

Thomas : Je ne peux pas parler à la place des autres, mais personnellement, la nuit est le moment où je suis le plus créatif. C’est calme. Généralement, tout le monde dort, donc on est libre de s’étendre et d’être créatif. Probablement que la plupart des chansons de Kamelot ont été composées la nuit. Il est clair que la nuit est séduisante et sexy, et tout simplement cool.

Tommy : C’est aussi pour moi le moment où toute ma musique me vient. Ça a toujours été ainsi. Quand tout le monde est couché ou quand moi-même je devrais être en train de dormir, c’est là que mon cerveau s’allume et que l’inspiration afflue. Je devrais être au lit, mais je reste éveillé et je travaille sur des choses à la place. Donc oui, je suppose. Les musiciens ont tendance à être nocturnes et ma femme est pareille. On part sur la route, on joue la nuit, on reste éveillés la nuit, on devient un peu comme ça, d’une certaine façon [petits rires]. Je me fatigue plus facilement de nos jours quand je reste debout la nuit. J’aurais aimé pouvoir allumer ma créativité plus tôt dans la journée, mais ce n’est tout simplement pas ainsi que ça fonctionne pour moi.

A propos de The Awakening, Thomas, tu as déclaré que « cet album offre tout ce que les fans de Kamelot veulent mais [qu’]il va aussi chercher au-delà des frontières les nouvelles légions metal et hard rock ». Est-ce que le fait d’ouvrir les frontières musicales et de vous étendre le plus possible fait partie de votre objectif ?

Thomas : Bien sûr, en tant qu’artiste, tu veux que les gens rejoignent ton camp. Maintenant, l’astuce est de ne pas le faire de manière commerciale avec des chansons qui n’ont pas l’ADN de Kamelot. C’est quelque chose que nous ne ferons jamais, mais si nous pouvons faire des chansons sympas, uniques et qui peuvent toucher de nouveaux fans de Kamelot, tout en stimulant les fans actuels, ça fait aussi partie de notre objectif, bien sûr. Si on continue à faire sans arrêt les mêmes chansons, d’abord, les fans vont s’ennuyer, on en perdra certains, et on ne gagnera aucun nouveau public. Le premier single « One More Flag In The Ground » a totalement ouvert de nouvelles voies pour le groupe en dehors du monde du metal symphonique, mais il possède quand même tout l’ADN de Kamelot qui nous est cher et qui est cher à la majorité des fans.

« J’ai toujours été un peu l’intrus, parce que quand j’étais gamin, je n’ai jamais rêvé de devenir chanteur de metal. Je ne savais même pas ce qu’était le metal, pour être honnête. »

Il y a des artistes qui revendiquent d’être égoïstes avec leur musique, mais tu parles beaucoup des fans, donc on dirait que ce n’est pas vraiment votre cas…

J’essaye toujours d’abord de me faire plaisir, mais je pense aussi aux fans. Je me sens responsable de l’impact qu’a la musique, en général, sur les gens. J’ai toujours été très conscient de l’effort qu’il faut faire pour maintenir une certaine intégrité dans les paroles, pour ne pas aborder des sujets qui ne sont pas en phase avec notre sens moral, pour ainsi dire. Il nous arrive de rencontrer les fans, et par exemple, nous étions au Brésil il n’y a pas longtemps et une fille était là : « Les gars, vous m’avez sauvé la vie », ce genre de choses. Je prends ça très à cœur et je ressens une responsabilité en tant que « personnage public » pour faire du mieux que je peux. Certaines personnes s’en fichent, mais moi pas.

Tommy, tu as rejoint le groupe en 2012 pour l’album Silverthorn, ce qui signifie que tu as fêté tes dix ans dans ce groupe l’année dernière. Quatre albums plus tard, on dirait que Kamelot a plus de succès que jamais. Thomas, comment l’expliques-tu ? Penses-tu que Tommy en est en partie responsable ou est-ce la façon dont Kamelot a évolué musicalement qui, justement, parle à un plus large public ?

C’est une bonne question. Je ne suis pas sûr. C’est probablement une combinaison de tout ça. Tout d’abord, quand Tommy est arrivé dans le groupe, je me suis dit que c’était la bonne personne pour le groupe, c’est certain. Ensuite, à mesure que nous commencions à composer et à travailler sur de nouveaux albums, nous voyions le groupe non seulement perdurer, mais aussi grandir, et ça, c’est assez énorme, surtout quand on change un membre clé du groupe. J’ai alors réfléchi à des exemples passés de groupes qui ont connu la même chose et souvent, ça s’est passé pareil, c’est-à-dire qu’ils deviennent petit à petit de plus en plus gros. Quand j’y pense, de façon générale, c’est une philosophie, comment nous en avons parlé plus tôt, consistant à travailler dur et à faire du mieux qu’on peut sur le moment, à rester fidèle à l’ADN de Kamelot, mais aussi à élargir nos idées pour en créer de nouvelles et attirer de nouvelles personnes dans notre giron. Mais évidemment, le fait d’avoir Tommy a été extraordinaire. C’est devenu un super frontman. C’est un super chanteur. C’est l’un des meilleurs dans la scène metal, selon moi. Tous ces facteurs y ont contribué.

Tommy : Je pense effectivement que la musique parle peut-être à un public plus large, comme tu l’as dit, avec une chanson comme « One More Flag in the Ground », qui est justement une idée musicale à moi. Donc, je suppose que j’ai participé à façonner le son actuel du groupe. Elle n’a pas été faite pour toucher un plus grand public, il se trouve juste qu’elle sonne un peu plus commerciale ou accessible, ce qui n’est pas une mauvaise chose. C’est en attirant de nouveaux fans qu’un groupe grandit. Donc je ne vois pas ça forcément comme quelque chose de négatif.

Avec le recul, quel est ton sentiment sur la façon dont tu as géré ton arrivée au sein de Kamelot, en remplaçant le charismatique Roy Khan ?

Globalement, je me suis bien débrouillé, je pense. Ça n’a évidemment pas été facile, rien n’est facile, et il faut travailler très dur pour être à la hauteur des grands événements de sa vie. Personne n’a dit que ça allait être simple, n’est-ce pas ? J’ai dû aller chercher profondément en moi. Tout d’abord, avant d’accepter, il a fallu que je sois certain d’être capable de faire ce boulot suffisamment bien, mais aussi de me mettre en avant, de non seulement honorer l’héritage mais aussi d’apporter quelque chose de nouveau. Je ne voulais pas que Kamelot devienne un simple tribute band. Le focus était sur le fait de donner vie aux anciennes chansons tout en amenant du neuf. Je pense que c’est la raison pour laquelle les gens m’ont assez vite accepté.

Tu es parvenu à conserver l’identité vocale de Kamelot – les gens ont d’ailleurs noté de fortes similarités avec Roy. Où as-tu fixé, au début, la frontière entre essayer de faire perdurer cette identité et être toi-même ?

Tout d’abord, c’est dur de ne pas être soi-même, parce que justement on est soi-même. On peut faire tout son possible pour essayer d’imiter quelqu’un, ça sonnera toujours, quoi qu’il arrive, différemment, parce qu’on n’est pas la même personne. On n’a pas le même ADN et on vient d’un background différent. Donc, même si j’ai étudié les musiques datant d’avant moi, ça allait quand même être différent. D’un autre côté, c’était important que le groupe ne choque pas d’emblée les fans avec quelque chose de complètement nouveau, en chantant comme je le fais dans Seventh Wonder par exemple. Donc au début, il y a eu beaucoup de réflexion, d’introspection et de recherche musicale, parce que Kamelot a un héritage et ça ne peut pas être complètement différent. Mais ça a été une belle réussite. Le premier album a été bien reçu et les gens étaient contents que ça sonne toujours comme Kamelot. Ensuite, nous avons évolué, et je suppose qu’à chaque album, j’ai essayé de mettre un peu plus de moi-même. Je pense qu’avec ce nouvel album, nous avons atteint l’apogée de cette démarche, car il y a énormément de moi qui transparaît dans ces chansons.

« J’écoutais Whitney Houston, Mariah Carey, Céline Dion, ce genre de chanteuse, et elles font toutes plein de transitions, d’improvisations et d’envolées qui sont très enjouées. Je ne savais pas si le metal proposait ce genre de choses, mais j’ai inconsciemment amené ça dedans. »

Quel genre de « recherche musicale » as-tu fait ?

Je suis d’abord parti en tournée avec le groupe, avant même de le rejoindre. J’ai pu entendre toutes les chansons qu’ils jouaient en live. Le fait de voir ce qu’ils faisaient lors des concerts m’a mis dans l’état d’esprit de Kamelot. J’ai pu me faire une idée. Ensuite, j’ai écouté les anciens albums ou ceux que j’aimais vraiment, c’est-à-dire Ghost Opera, The Black Halo, et ensuite les classiques avant ça, ceux qu’on trouve dans Karma et Epica. J’ai commencé à former cet univers dans ma propre tête pour trouver des idées. J’ai essayé de comprendre les intervalles, les paroles et ce qui faisait l’essence de la musique de Kamelot. C’est très technique maintenant, mais par exemple, tu ne termines pas tout le temps sur la fondamentale, mais sur la sixte ou quelque chose comme ça. Je ne sais pas exactement ce que je fais quand j’écris des mélodies, mais je sais qu’il y a beaucoup de tension plutôt que des résolutions. Tu apprends ce genre de chose. Je peux entendre ces notes dans ma tête. Je ne sais pas forcément si c’est une neuvième, une sixte ou une septième, mais je sais que ce que j’entends n’est pas un choix évident pour d’autres groupes.

En parlant de chant, tu as déclaré que quand tu avais quinze ans, tu as passé tout un été à chanter une chanson de Mariah Carey, « Whenever You Call ». C’est évidemment surprenant pour quelqu’un qui est devenu chanteur de metal. Mais te sens-tu un peu à part parmi les autres chanteurs de metal ?

Absolument. J’ai toujours été un peu l’intrus, parce que quand j’étais gamin, je n’ai jamais rêvé de devenir chanteur de metal. Quand j’avais probablement seize ans, j’ai entendu des chansons de metal qu’un ami m’a fait écouter. C’était un excellent guitariste et il a eu une très bonne influence sur moi. Je ne savais même pas ce qu’était le metal, pour être honnête, et j’étais là : « Ouah, si c’est ça le metal, j’aime beaucoup. » C’était « The Spirit Carries On » de Dream Theater – qui est une ballade, en gros –, quelques chansons de l’album Ecliptica de Sonata Arctica, quelques chansons plus mélodiques d’In Flames… J’aimais bien, je trouvais qu’il y avait une belle énergie et de super chanteurs. Je me souviens avoir enregistré une reprise de Sonata Arctica avec mon petit studio d’enregistrement pour mon groupe acoustique de l’époque. Je l’ai envoyée à mon ami et il était là : « Quand as-tu appris à chanter ? » J’ai répondu : « Je ne sais pas trop. Je me suis mis à chanter sur la musique que j’écoutais dans la voiture » [petits rires]. C’est un peu comme ça que j’ai commencé. Ensuite, il allait jouer de la guitare dans un groupe de metal pour un autre ami et ce dernier lui a demandé s’il connaissait quelqu’un capable de chanter du metal. Il a dit : « Oui, j’ai un pote qui peut essayer. » Ensuite, j’ai tout écrit pour cet album et c’est ainsi que j’ai commencé dans Seventh Wonder, ce qui m’a mené ensuite à Kamelot. Mais avant tout ça, je n’avais vraiment aucun background dans le metal.

Qu’est-ce que l’influence de ce type de chanteuse plus mainstream a apporté à ton style vocal tel qu’on le connaît aujourd’hui ?

Ça a probablement principalement façonné ma manière de chanter sur le plan technique. J’écoutais Whitney Houston, Mariah Carey, Céline Dion, ce genre de chanteuse, et elles font toutes plein de transitions, d’improvisations et d’envolées qui sont très enjouées. Je ne savais pas si le metal proposait ce genre de choses, mais j’ai inconsciemment amené ça dedans, parce que c’est ce que j’aimais – et j’aime toujours – faire. Je pense que cette manière de jouer avec la voix et d’accentuer les émotions par le biais de différentes textures est probablement ce qui me démarque, ainsi que le fait que j’ai une approche plus pop. Ce n’est peut-être pas aussi évident au sein de Kamelot, mais dans Seventh Wonder, il m’arrive d’avoir une approche très pop. Encore une fois, ce n’est pas quelque chose de réfléchi. Je faisais de la musique et c’est une forme plus pop qui en est sortie.

As-tu d’autres influences inattendues ?

Ce n’est pas inattendu, mais j’ai beaucoup écouté Jørn Lande qui fait aussi pas mal de trucs blues ; peut-être que c’est de la que viennent mes phrasés de transition blues. Autrement, j’ai surtout écouté ce que mes parents écoutaient, c’est-à-dire un peu tout, du rock des années 70 aux orchestres, à la country… Plein de choses différentes. Je pense que ça m’a pas mal façonné. J’ai aussi écouté beaucoup de musique suédoise, et j’en écoute encore aujourd’hui. C’est probablement le genre de musique que je préfère écouter actuellement, parce qu’il n’y a aucun filtre quand tu écoutes quelque chose dans ta langue natale, ça te touche directement au cœur. Ça te permet de jouer avec les mots et les nuances d’une façon qui t’est impossible en anglais. De même, j’ai probablement plus écouté ma sœur chanter que n’importe qui, car elle est allée à l’école de chant et elle avait les meilleures notes. C’est une chanteuse extraordinaire ; je trouve qu’elle est bien plus douée que moi. Nous pensons aussi la musique de la même façon, donc quand je l’écoutais jouer au piano et chanter une chanson de Céline Dion ou je ne sais quoi, je me rendais compte que j’avais la même manière de penser les improvisations. C’est un peu comme si nous étions la même personne, mais l’une avec une voix féminine et l’autre masculine. Donc je suppose que j’ai beaucoup appris d’elle, à force de l’écouter chanter dans sa chambre, probablement plus qu’elle ne le saura jamais, d’ailleurs.

« Nous avons essayé de jouer des chansons plus anciennes, par exemple je sais que nous avons joué ‘The Fourth Legacy’ lors d’un concert et quatre-vingt-quinze pour cent des gens ne connaissaient pas la chanson. Alors quel intérêt de la jouer ? »

Pourquoi ne chante-t-elle pas dans Kamelot avec toi ?

[Rires] Elle est maman et doit être à la maison avec les enfants.

La musique de Kamelot a grandement évolué depuis l’époque speed metal. Vous jouez encore des chansons telles que « Forever » et « Karma » de cette époque. Comment est-ce pour toi de chanter ces chansons d’un autre temps ?

Ça devient presque mes propres chansons parce que je les chante depuis plus d’une décennie. Je n’y pense pas trop. Selon moi, le plus important quand nous jouons live, ce sont les gens et leur réaction. C’est toujours extraordinaire. Nous revenons d’Amérique du Sud et généralement, là-bas, ils préfèrent les vieux morceaux de Karma et d’Epica, notamment ceux que tu as mentionnés, comme « Forever », mais c’était dingue quand nous avons joué « Insomnia », par exemple. C’était incroyable. C’est vraiment cool à voir, parce que ces chansons sont maintenant en train de devenir des incontournables, y compris en Amérique du Sud où les gens sont plus portés sur le power metal. C’est super cool, surtout pour moi, que les chansons de mon époque soient aussi reconnues.

D’ailleurs, Karma semble être le plus vieil album dont vous jouez encore des chansons. Je ne crois pas que tu aies déjà chanté des chansons datant d’avant ça – je pense surtout à The Fourth Legacy qui contient plein de classiques pour les plus anciens fans. Pourquoi mettre une limite sur Karma aujourd’hui ?

Thomas : Eh bien, nous avons fait « Center Of The Universe » ce weekend. C’est sur Epica, je crois… Là tout de suite, je n’arrive plus à me souvenir si Epica était avant ou après Karma [rires].

C’était après [rires].

Oh d’accord, donc Karma est le plus ancien. Voilà le truc, nous avons essayé de jouer des chansons plus anciennes, par exemple je sais que nous avons joué « The Fourth Legacy » lors d’un concert et quatre-vingt-quinze pour cent des gens ne connaissaient pas la chanson. Alors quel intérêt de la jouer ? A moins qu’il y ait un genre de message spécial ou que ce soit une soirée particulière pour quelqu’un qui, nous le savons, viendra au show. Quand tu fais un concert, tu veux jouer de la musique qui plaira à une majorité de gens dans la salle. D’ailleurs, nous avons découvert que, désormais, c’est globalement les albums à partir de Silverthorn qui parlent le plus au public. Nous jouons encore « March Of Mephisto » et « Karma », mais je ne sais même pas si ce dernier fera partie du prochain cycle de tournée, par exemple. C’est dur. Quand tu as treize albums, comment choisis-tu une setlist d’une heure et demie ? Si tu as la réponse, je suis preneur ! [Rires] C’est un problème de riche, j’imagine, quand on a plein d’albums et de chansons que les gens veulent entendre, mais au final, il faut faire des sacrifices et ce qui peut être un sacrifice pour une personne peut ne pas l’être pour une autre.

En février 2020, vous avez annoncé la sortie de votre premier livre, Veritas : A Kamelot Legacy. Où en est le projet ?

Il est là, tu ne te l’es pas encore procuré ?! Non, je plaisante [rires]. Le temps nécessaire pour faire ce livre est juste dingue au milieu de tout ce que nous faisons. Je veux vraiment m’assurer que quitte à sortir un livre comprenant des interviews avec certaines personnes, de vieilles photos… Enfin, si tu achètes un livre sur l’histoire du groupe, tu voudras voir des photos de 1982 ou peu importe. C’est juste que, honnêtement, nous n’avons pas encore eu le temps de le faire correctement. Avec le recul, je ne l’aurais pas annoncé avant qu’il soit prêt, mais l’éditeur a voulu l’annoncer. Voilà ce qui s’est passé.

Qu’est-ce que ça fait de plonger dans votre propre histoire ? D’ailleurs, est-ce que ça a eu la moindre influence sur la direction que vous avez prise avec The Awakening ?

Non, pas du tout. Quand nous avons commencé à parler du livre, j’ai d’abord réfléchi à toutes les petites choses qu’on fait pour obtenir un contrat avec une maison de disque. La plupart des gens comprennent que ça nécessite beaucoup de travail pour accomplir quelque chose avant même que le public soit au courant, et ça vaut pour tout le monde, que ce soit un pianiste de concert ou autre. Il y a des heures et des heures de répétition avant même de mettre un pied sur scène. Je n’avais donc pas encore analysé la musique à ce moment-là. La distance entre la finalisation de ce livre et la conception de cet album est assez grande. Donc nous n’y avions pas réfléchi.

Quels ont été les plus grands moments dans l’histoire de Kamelot pour toi ?

Il y en aurait deux. D’abord, quand on m’a donné un enregistreur pour enregistrer de la musique sur quatre pistes – c’est la préhistoire aujourd’hui ! Ça s’appelait un Fostex X-15. C’est là que j’ai commencé à écrire des chansons tout seul en tant que guitariste débutant. Ça m’a aussi permis de ne me reposer sur personne. Le second serait quand nous avons amené Sascha Paeth dans l’univers de Kamelot en tant que producteur et désormais l’un de nos bons amis. Je pense qu’il a été déterminant pour nous aider à affûter notre son à partir de The Fourth Legacy jusqu’à aujourd’hui. Il est clair que ce sont les deux grands facteurs.

« Le fait de ne compter que sur soi-même et pas sur les autres, c’est une des grandes raisons pour lesquelles nous sommes encore là aujourd’hui. Je ne veux pas que d’autres gens, y compris un collègue, influent sur mon parcours. »

Quels ont été les plus mauvais moments ?

C’est probablement quand nous avons dû annuler notre tournée nord-américaine en 2011, parce que nous n’annulons jamais aucune tournée. Nous nous posions plein de questions pour savoir ce que nous allions faire et ce genre de chose. Les pertes financières à cause de ça étaient énormes, mais il y avait surtout une incertitude sur notre avenir. C’est probablement, pour moi, le pire moment. Mais tout ça a contribué à nous amener là où nous sommes aujourd’hui. Je ne fais pas partie de ces gens qui se disent qu’ils auraient aimé faire les choses autrement. Je pense que ça aussi c’est important. Tu ne peux pas trop t’appesantir sur ce que tu as fait par le passé, que ç’ait été bon ou mauvais. Tu écoutes ton instinct et tu avances.

C’est à ce moment-là que Roy est parti, n’est-ce pas ?

L’annulation de cette tournée était liée, oui. Evidemment, il y a d’autres aspects dans cette histoire. C’est ce que je dis, il y avait beaucoup d’incertitude quant à ce que nous allions faire. Comme je l’ai mentionné avant, le fait de ne compter que sur soi-même et pas sur les autres, c’est une des grandes raisons pour lesquelles nous sommes encore là aujourd’hui. Je ne veux pas que d’autres gens, y compris un collègue, influent sur mon parcours. Si vous bossez dans une entreprise et que votre patron est un connard, ne le laissez pas vous empêcher d’aller où vous voulez aller. J’ai toujours eu ce genre de philosophie pour trouver des solutions à tout problème qui se présentait à moi. Deux jours plus tard, nous étions là : « Ok, on y va. » Tout le monde dans le groupe se disait que nous n’allions pas arrêter. Avec le recul, c’est fou que nous ayons même pensé comme ça, parce que maintenant, le groupe a pris de l’ampleur et a atteint un autre niveau. Mais, soit dit en passant, Roy et moi sommes toujours de très bons amis. Je comprends bien mieux la situation aujourd’hui qu’à l’époque. Au final, c’est un autre genre d’éveil. Si tu as trop de rancune, ça t’empêche d’avancer. Tu ne peux pas vivre ta vie comme ça. Mais Roy et moi sommes amis depuis de nombreuses années, et avec le recul, je respecte totalement le fait qu’il ait pris cette décision. Ça a dû être très difficile.

Vous avez toujours eu plein d’invités sur album et même en live. Pourrait-on s’attendre un jour à un duo entre Tommy et Roy ?

On ne sait jamais ! Ce serait à Tommy d’en décider, bien sûr, mais je ne pense pas que ça lui poserait problème. Oui, pourquoi pas !

Tommy : Je ne dis non à rien. Je trouve que ce serait cool s’il voulait faire une apparition sur un album ou venir sur scène. Ça ne me poserait aucun problème. Je trouve que c’est un super musicien. Je ne l’ai rencontré qu’une seule fois et nous avons eu un bon échange. Il a l’air d’être un chouette type aussi. Mais qui sait ? Roy a quitté le groupe ; il n’a pas été viré [rires]. En fait, je ne sais pas quelle est vraiment son histoire, mais la question est probablement plus de savoir si lui aimerait le faire ou pas.

Kamelot n’a pas fait le moindre concert entre octobre 2019 et novembre 2022. Trois ans, c’est énorme selon les standards actuels de l’industrie. Ça ne vous démangeait pas de repartir sur la route durant tout ce temps ?

Thomas : C’est étrange, c’est un peu à double tranchant. Oui, ça démange, mais tu n’as pas joué live depuis un moment, donc tu stresses. Notre premier concert était en Suisse, et honnêtement, après environ deux chansons, c’était littéralement comme si le temps n’était pas passé, ce qui est bizarre. Et ensuite, nous avons fait sept concerts en Amérique du Sud et c’était plus gros que jamais et le groupe jouait mieux que jamais. Peut-être que la pause a été bénéfique.

Tommy : Pour ma part, ça ne m’a pas tellement démangé, parce que mon habitat naturel, c’est le processus de composition. Tu pars jouer et c’est génial, mais ça pompe énormément d’énergie. Tout dépend comment tu es câblé, si tu es introverti – ce qui est clairement mon cas – ou un extraverti, ou comment tu trouves ton énergie. Donc j’adore ça au moment où je le fais, mais ça ne me dérange pas de rester à la maison, de faire de la musique et d’être créatif. Je ne mourais pas d’envie de repartir sur la route, mais j’avais hâte de jouer les nouvelles chansons et ça, ça me donne de l’énergie, tout comme le fait de rencontrer les fans. Recevoir leur énergie est quelque chose d’extraordinaire. Nous sommes très reconnaissants de pouvoir vivre de ça. Mais c’est dur. Pendant le Covid-19, il n’y avait pas beaucoup d’argent, car nous n’avons pas de salaire si nous ne partons pas jouer. C’est clairement bienvenu de pouvoir repartir et recommencer à vivre notre vie comme nous le faisions avant le Covid-19.

Interview réalisée par téléphone le 16 février 2023 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Nat Enemede (1, 2, 3, 5, 6, 8, 9, 12) & Tom Couture (11).

Site officiel de Kamelot : kamelot.com

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  • Les mecs ne savent même plus lorsqu’ils ont sorti leurs plus grands disques, qui soutiennent que personne ne connaît les chansons d’avant Silverthorn. Le chanteur qui dit ne pas aimer les tournées et le faire juste pour bouffer et préfère écouter Mariah Carey et Céline Dion….
    Ça donne envie Kamelot en 2023.
    Roy revient!

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