Sortie imminente pour The Shadow Theory, le nouvel album du groupe de power metal américain Kamelot. Après Silverthorn et Haven, deux opus initiant une nouvelle ère dans l’histoire du combo avec l’arrivée du chanteur Tommy Karevik et qui racontaient des histoires respectivement dans le passé ou dans un présent dystopique, The Shadow Theory développe un concept qui en ce moment revient assez régulièrement dans les thématiques des groupes : prendre les choses en main à titre individuel pour faire bouger les lignes et bousculer un peu l’ordre établi qui est particulièrement injuste.
De passage en France, le guitariste, fondateur et tête pensante de Kamelot, Thomas Youngblood, nous invite dans les dessous de ce concept et revient sur l’écriture et l’enregistrement de l’album qui s’est étiré sur une année, sur le challenge de « faire bien mais pas trop » côté effets et orchestration. On cause aussi réseaux sociaux et accordage, pour le plaisir…
« Ma propre création, avec Kamelot, m’a rendu un peu prisonnier parce que ça me ronge constamment. […] C’est un peu comme si j’étais prisonnier de ma propre création, ce qui parfois peut-être une bonne chose, au moins pour… J’espère que c’est une bonne chose pour les fans parce que j’y pense et j’y investis tout ce que j’ai. »
Radio Metal : The Shadow Theory est un concept basé sur trois éléments clés : The Shadow Empire (l’esprit global), The Shadow Key (la résistance) et The Shadow Wall (le voile qui nous cache la vérité). Peux-tu nous expliquer le concept et le sens de ces trois éléments ?
Thomas Youngblood (guitare) : Bien sûr. On peut commencer avec The Shadow Empire, qui selon nous est ce un pour cent de la population qui possède grosso-modo quatre-vingt-dix pour cent de la richesse du monde, et ils contrôlent plus ou moins tout, comme les banques, ils peuvent même créer des guerres, établir la vision entre les religions, ce qui fait également partie de ce qu’est The Shadow Wall, le voile des distractions, comme la télé-poubelle. On peut aussi penser aux dettes des banques qui donnent aux gens un peu le sentiment d’être prisonniers en leur devant de l’argent. Et The Shadow Key est la résistance et c’est aussi un symbole de… Chaque personne a vraiment la capacité – et doit l’avoir – de s’occuper de ses propres problèmes, sans devoir compter sur autrui. C’est symbolique : il y a aussi une clé physique dans le coffret en édition limité pour les fans, et ça fait aussi partie de l’illustration avec la serrure. C’est pour déverrouiller votre potentiel.
D’où as-tu tiré ton inspiration pour ce concept ?
J’ai commencé avec la théorie de l’ombre de Carl Jung : on a tous une ombre, elle fait partie de notre subconscient. Si tu ne le comprends pas et ne le réalises pas, elle peut devenir de plus en plus sombre. Pour ma part, mon ombre, c’est que je réfléchis trop mes décisions. C’est une de mes ombres, mais je m’en suis rendu compte, donc je commence à y travailler [rires]. Mais il se peut que ce soit autre chose pour toi, c’est différent pour tout le monde.
En faisant référence à la technologie actuelle, l’intelligence artificielle, et le futur de la race humaine, tu as dit que l’on « est tous prisonniers de notre propre création. » Penses-tu que la technologie est en train de devenir plus asservissante qu’émancipatrice ?
C’est certain, ouais. Je le vois chez les adolescents aujourd’hui. J’ai une fille qui a quatorze ans et c’est une gosse géniale, mais… Ils ont du mal à ne serait-ce que parler à des adules aujourd’hui, comme nous pouvons le faire là tout de suite, en se regardant dans les yeux. Il peut m’arriver de parler à certains de ses amis et ils ne sont pas à l’aise. Ce n’est pas parce que son père est un musicien de rock, c’est parce qu’ils ont vraiment du mal quand ils ne peuvent pas communiquer via des messages textes. C’est difficile. Je pense que ça fait partie du problème. Aussi, c’est un truc social… Je veux dire, ce n’est pas un discours nouveau, mais la façon dont les réseaux sociaux nous ont rendus moins sociaux : tu te rends dans un restaurant, tu vois un certain nombre de personnes assises les yeux et les mains rivés sur leurs téléphones au lieu de se parler. Pour ma part, il y a aussi ma propre création, avec Kamelot, qui m’a rendu un peu prisonnier parce que ça me ronge constamment. Même quand je suis en vacances, je suis toujours en train de penser à des idées et… Comme The Shadow Key, par exemple, cette idée d’une clé physique : il était trois heures du matin et je me suis réveillé avec cette idée, et je l’ai enregistrée sur mon téléphone, j’ai écrit certains de ces trucs, de quoi je voulais que ça ait l’air, la forme, je voulais que ça ait une allure particulière, et puis je suis retourné au lit. Donc je suis tout le temps en train d’y penser. Donc, comme je l’ai dit, c’est un peu comme si j’étais prisonnier de ma propre création, ce qui parfois peut-être une bonne chose, au moins pour… J’espère que c’est une bonne chose pour les fans parce que j’y pense et j’y investis tout ce que j’ai. J’y mets tout mon cœur mais c’est aussi dévorant.
Penses-tu que les réseaux sociaux sont en fait une illusion, qu’en réalité ils sont « antisociaux » ?
Ouais, je le crois. Je veux dire, toute cette culture du selfie, les filtres… Nous avons une chanson qui parle des filtres d’embellissement. C’est factice. Je ne sais pas comment sont les gens quand ils rencontrent enfin quelqu’un après avoir vu une photo totalement photoshopée [petits rires]. Qu’est-ce qu’il se passe alors ? Je peux même imaginer un moment, peut-être dans cinquante ou cent ans, où plus personne ne quitte son domicile parce que tout, comme la nourriture, est livré par Amazon ou je ne sais quel service. On ne quitte plus la maison ! Tout est sur un grand écran à la maison, il n’y a plus de réelle interaction sociale, ce qui serait très étrange, la population diminuerait, plus personne ne ferait l’amour [petits rires]. Tout est faux !
Quelles est ta relation personnelle aux réseaux sociaux ?
Ce n’est pas quelque chose de naturel pour moi, car je suis plutôt introverti. Mais les gens qui sont très bons pour utiliser les réseaux sociaux et Instagram sont là : « Je fais ceci, hey je suis là aujourd’hui… » Donc je m’en sers parce que je me sens un peu obligé pour permettre aux fans d’en savoir un peu sur le groupe, ou moi, ou ce qu’il se passe. Ceci dit, ce n’est pas naturel pour moi de faire ça, mais c’est très important en tant que groupe d’utiliser les plateformes que les gens utilisent.
Dans la chanson « Mindfall Remedy », il est dit que « seul toi possède la clé ». Penses-tu que les gens attendent trop souvent que les solutions pour leur bonheur viennent de l’extérieur quand elles sont en fait à trouver à l’intérieur, en eux ?
Absolument, c’est une bonne interprétation. Plein de gens ne comprennent pas la puissance qu’ils peuvent avoir. Souvent, ça dépend de la façon dont ils ont été élevés par leurs parents, peut-être. Ils ne se sentent pas autonomes. Mais tout le monde devrait être capable de prendre soin de soi-même. Ca peut-être aussi simple que… Disons que certaines personnes peuvent dire : « Oh, j’ai toujours voulu apprendre à jouer du piano, » et tous les ans ils disent ceci. Il faut s’y mettre à un moment donné ! Fais quelque chose et accomplis ce dont tu parles ! Créé-toi une nouvelle réalité ! Ou bien tu vois des gars disant : « Oh ouais, l’année prochaine je vais commencer à faire de l’exercice, manger sainement… » Mais tant qu’on n’a pas sauté le pas, fait ce qu’on à faire, rien ne changera ! Mais une fois qu’on l’a fait, ça change la donne dans la vie de beaucoup de monde. Je le vois un peu aux Etats-Unis où désormais les gens commencent lentement à vivre plus sainement, manger moins de viande et tout. Il y a une grande tendance pour les styles de vie végétaliens et végétariens. C’est un bon signe !
« Plein de gens ne comprennent pas la puissance qu’ils peuvent avoir. Souvent, ça dépend de la façon dont ils ont été élevés par leurs parents, peut-être. Ils ne se sentent pas autonomes. Mais tout le monde devrait être capable de prendre soin de soi-même. »
Considères-tu avoir trouvé la clé de ton bonheur ?
Pas complètement, mais ouais. Pour moi, ça a commencé avec le fait de ne pas devoir d’argent, ne pas avoir de dette. Et c’est aussi un mélange de Kamelot et de vie de famille, m’assurant qu’il y a un équilibre. Car pour beaucoup de musiciens, si tout tourne autour des tournées et des enregistrements, tu peux rentrer dans une vraie spirale dépressive. Car quand tu n’as pas ça, et tout ce que tu fais c’est être assis chez toi, genre « oh, je n’ai pas de famille, je n’ai pas de petite amie, » ou peu importe, ça peut être dévastateur. Car ce monde est tellement extraordinaire, tu tournes et rencontres des gens… Quand tu as des temps morts, si tu n’as pas cet équilibre, ça peut être difficile. On voit souvent ça avec les musiciens qui n’ont pas cet équilibre. Il se peut qu’ils se tournent vers l’alcool. Si je n’avais pas Kamelot et seulement la famille, je serais quand même heureux, mais c’est très important pour moi, personnellement, d’avoir ces deux éléments.
Tu as déclaré qu’il s’agit d’un album qui mélange « de nombreux mondes, offrant à l’auditeur une échappatoire au sein de nos propres réalités. » Et en fait, c’était là toute l’idée de l’album précédent, Haven. Dirais-tu que The Shadow Theory est un développement à partir de ce que vous avez commencé avec Haven, que ces albums sont liés ?
Nous avions le sentiment que ce que nous voulions faire avec Haven n’était pas totalement fini, comme cette notion de résistance, ce truc de révolution qu’il y avait sur Haven. Toute l’idée de l’intelligence artificielle est amenée à un autre niveau, plus science-fiction. Nous voulions conserver un bout de cet album, en apportant de nouveaux éléments et peut-être ressortir certains truc que nous avons faits dans le passé, comme peut-être des éléments de Ghost Opera, par exemple, des éléments plus théâtraux. Donc ouais, nous voulions rester un peu sur ce que nous avons commencé sur Haven, car c’était probablement notre album ayant rencontré le plus grand succès et nous ressentions qu’il y avait encore des éléments qui… Par exemple, il y a une chanson qui s’appelle « Amnesiac » qui aurait pu être sur Haven, comme « Insomnia », ce même style. C’est un style très particulier de chanson de Kamelot qui, selon nous, va beaucoup plaire aux fans.
Et cette chanson, « Amnesiac », mentionne la « terre abandonnée » (« wasteland » en anglais, NDLR) qui est une référence directe à la chanson « Liar Liar (Wasteland Monarchy) » de l’album précédent…
Exact. Cette terre abandonnée, c’est aussi cette région où toi et moi nous trouvons et qui ne fait pas partie des un pour cent qui font la loi. C’était donc effectivement une référence directe. Comme je l’ai dit, nous voulions extraire certains morceaux d’intrigue de Haven pour les réutiliser dans cet album. Tommy [Karevik] a pu le faire de manière intelligente dans les paroles.
Vous êtes entrés en studio fin 2016 et ça a pris toute une année pour créer cet album. Qu’est-ce qui a requis un tel investissement ?
Ce n’était pas douze mois d’affilée en studio. Nous avons commencé en 2016, en décembre. Ce que j’ai fait est que je suis allé en Allemagne en décembre et environ deux mois après, j’y suis retourné et j’ai fini la structure de base. Donc probablement juste avant l’été, environ, nous avions la base des chansons qui était finie. Notre chanteur a un autre groupe qui s’appelle Seventh Wonder et il travaillait sur leur album. Il a donc fallu que nous fassions une petite pause sur notre album. Et les quatre derniers mois ont été chargés en travail, à finir la composition, faire le chant, les batteries, enregistrer les invités, concevoir l’illustration… Il y a donc eu beaucoup de boulot, mais c’était étalé dans le temps, donc ce n’était pas douze mois fermes. Nous aurions probablement pu créer trois albums si ça avait été le cas [rires]. Mais c’était quand même beaucoup de boulot. Quand maintenant je réécoute tout l’album… Je veux dire que nous avons douze chansons complètes sur l’album, et tout est très chargé en information cruciale, car c’est très détaillé.
Vous avez dû arrêter de faire de grandes tournées pendant toute une année pour faire cet album. Est-ce que c’est viable pour un groupe de nos jours de faire ceci, alors que les albums ne se vendent plus aussi bien et que les revenus viennent principalement des tournées ?
J’imagine que ce n’est pas normal, mais comme on en a parlé plus tôt au sujet de l’histoire de dettes, j’ai le luxe de pouvoir faire des pauses et me concentrer sur des choses comme un album, et aussi passer un peu plus de temps à la maison. Le cycle de cet album pourrait très bien prendre deux ans de tournée intensive et puis peut-être, au lieu de prendre une année complète de pause, nous prendrions six mois pour le prochain album. Peut-être qu’une année c’était un peu extrême, mais aussi Tommy ayant son autre groupe, je pense que ça fonctionnait bien par rapport à ça.
Vous avez ajouté davantage d’éléments électroniques et industriels à votre son pour cet album. Est-ce le concept dystopique et technologique qui vous a poussé là-dedans ?
Clairement, ouais. Le fait d’utiliser des synthés sur certaines chansons, avec les parties symphoniques, je trouve que c’est une façon sympa de mélanger les deux mondes. Ce n’est pas sur toutes les chansons mais sur certaines, comme « Amnesiac » et d’autres. C’est important que l’illustration et tout ce qui est image fonctionne avec la musique. Il est clair que ce sont des éléments que nous avons délibérément ajoutés. J’adore certains de ces trucs, certains de ces sons de clavier Moog bizarres des années 70 et ce genre de choses. Je suis un grand fan de plein de groupes comme Depeche Mode, j’ai toujours adoré ce type de musique. Donc c’était sympa de mettre un peu de cette fibre dans la musique.
« C’est l’ensemble du voyage qui est important, pas juste l’objectif que tu veux atteindre. »
Avec le côté orchestral toujours présent, le jeu de guitare qui est riche et maintenant ces éléments électroniques et industriels qui sont plus proéminents, il se passe beaucoup de choses dans cet album. A quel point est-ce difficile de conserver un équilibre entre tout ça ?
Je pense que comme nous l’avons fait, c’est le bon équilibre. Il faut en être conscient. Tu ne veux pas non plus dépasser les bornes avec ça. Mais aussi, nos fans s’attendent à ce que nous les stimulions un peu. Je veux dire que c’est une des raisons pour lesquelles nos fans aiment ce que nous faisons, car nous leur donnons un peu de ce à quoi ils s’attendent et un petit peu de ce à quoi ils ne s’attendent pas. Ça maintient tout le monde sur le qui-vive, nous y compris ! En tant que compositeurs, nous voulons ajouter de nouveaux éléments pour que ça reste intéressant pour nous-même. Nous sortons un petit peu de notre zone de confort, mais pas trop non plus. C’est une autre chose dont je suis très conscient en termes de… Quand je crée un album, je regarde les chansons et le style, la vitesse, l’émotion, j’essaie d’arranger l’album sous un angle davantage cinématographique, où il y a une intro, généralement, et ensuite ça doit s’enchaîner de manière fluide dans tout l’album. Nous écrivons quand même un album en espérant que l’auditeur écoute tout le truc du début à la fin. C’est comme ça que j’avais l’habitude d’écouter les albums. Donc ça reste la philosophie et le modèle. Jusqu’ici, ça a été la bonne façon de voir les choses.
L’album semble se reposer encore plus sur les riffs sous-accordés. Comment ton approche de la guitare a évoluée au fil des années jusqu’à cet album ?
C’est une bonne question. On ne me la pose pas souvent. A partir probablement de Silverthorn j’ai commencé à diversifier les accordages, de l’accordage standard jusqu’au drop de Do à la guitare. Ça ouvre à une toute autre palette pour un guitariste. Les riffs pouvant être créés en utilisant le drop de Do changent énormément aussi. Donc ouais, c’est clair que ça a changé un peu ce que nous faisons et je trouve ça cool, car ça rend le son plus gras, plus heavy, peut-être plus sombre. Mais ce que je fais à la guitare, en terme d’accordage et de son, comme sur cet album, ça vient de façon naturelle. Aussi désormais j’utilise un capo, ce qui m’offre tout un tas de possibilités pour les parties en son clair, les parties heavy, les solos… Comme le solo sur « Amnesiac » qui a un son un peu à la façon des années 70 et ensuite on a le son habituel plus moderne sur les autres. C’est super de pouvoir s’assurer qu’il n’y a pas qu’un son de guitare. J’aime mélanger différentes couleurs afin d’offrir un paysage différent. Aussi le fait d’utiliser des cordes en acier pour la guitare acoustique, c’est quelque chose que nous n’avons pas fait depuis un moment, car j’ai pris l’habitude d’utiliser des cordes en nylon, le style classique, donc c’était bien de faire quelque chose de différent.
Comme la tradition désormais le veut dans Kamelot, l’album voit la participation de plusieurs invités : Lauren Hart, Jennifer Haben et Oliver Hartmann. Peux-tu nous parler de ces collaborations ?
Lauren Hart est une artiste montante qui sera mieux reconnue dans les trois ou quatre prochaines années. Elle est dans un groupe qui s’appelle Once Human, c’est un genre de groupe de metal extrême, et elle chante et fait des voix criées sur l’album, donc elle fait deux choses différentes. Nous l’avons rencontrée pour la première fois quand nous avons fait un concert avec Iron Maiden en juillet en Californie, elle est venue sur scène avec nous pour faire « Liar Liar (Wasteland Monarchy) ». Jennifer Haben est une amie de Sascha [Paeth], notre producteur – il a produit son groupe Beyond The Black. Elle est sur la ballade principale de l’album et le résultat est vraiment sympa. C’est un refrain très délicat mais aussi puissant. Nous ne voulions pas partir dans tous les sens avec les invités et tout ; nous voulions que ce soit un peu plus spécifique. Et mon fils de sept ans est aussi sur l’album, ce qui est vraiment cool ! Il chante dans les chœurs de « Burns To Embrace ». Ce n’est pas quelqu’un que nous avons voulu mettre en avant dans la bio, mais à titre personnel, c’est un de mes grands moments de l’album.
Et quelle est la symbolique de cette chorale à la fin de la chanson ?
La chanson parle de la planète Terre que nous laissons derrière nous, que ces enfants héritent de nous et qui n’est pas très bien entretenue. Voilà pourquoi le symbolisme à la fin est très puissant, car ces enfants sont les derniers à fouler cette Terre.
Oliver Palotai a dit qu’il voulait réviser, réécrire et réarranger certaines choses qui n’ont pas été utilisées sur Haven. Du coup, quelle est la proportion de « recyclage » dans The Shadow theory ?
Rien n’a été récupéré, tout est complètement neuf, en fait ! « The Proud And The Broken » était peut-être une idée que nous n’avions jamais pu finir, mais elle s’est avérée être l’une de mes chansons préférées de l’album. C’est une longue chanson placée à la fin, mais elle possède plein d’éléments sympas. C’est celle qui démarre avec la partie de piano toute simple.
Silverthorn était un album conceptuel basé sur une histoire ayant lieu dans le passé, Haven évoque plus l’état du monde de nos jours mais sous un angle dystopique et là, The Shadow Theory poursuit ces thèmes dystopiques mais dans le futur. Est-ce que cette progression du passé au futur était intentionnelle ? Est-ce qu’on pourrait considérer ces trois albums comme une trilogie ?
C’est une idée intéressante. Peut-être que c’est le cas inconsciemment. Car nous ne voulons pas refaire les mêmes choses. Evidemment, si tu as fait quelque chose qui parle du passé, la chose suivante à envisager serait de parler du futur ou du présent. Du coup, qu’allons-nous faire après ceci ? C’est une bonne question ! Peut-être allons-nous revenir à avant Silverthorn. Je ne sais pas. Mais c’est une bonne façon de voir les choses. Je ne l’ai pas vraiment analysé. Je sais seulement que nous ne voulons pas nous répéter. Je pense que c’est une des clés de ce que nous faisons. Nous voulons conserver un certain héritage dans notre son mais en introduisant de nouveaux éléments à chaque album. Peut-être que le prochain reviendra à des trucs plus new age. Mais c’est amusant d’avoir un peu plus de ces éléments modernes sur cet album.
« Nous rencontrons des fans et je sais que la musique est puissante parce qu’ils nous disent à quel point certains albums ou chansons les ont aidés […]. J’accepte cette responsabilité parce que si tu fais quelque chose, quoi que ce soit, et tu sais que ça affecte les gens d’une certaine façon, tu es obligé de ressentir une responsabilité. »
Pour cet album vous avez décidé d’être un peu plus secret au lieu de publier les traditionnels studios reports. Penses-tu qu’on ait perdu une part de mystère entourant les groupes et leurs sorties d’albums, et au final la part d’excitation qui vient avec ?
Absolument ! On nous a demandé de faire tous ces studios reports et vidéos titre à titre pour évoquer les sujets des chansons, et nous étions là : « Pourquoi on ne laisse plus les auditeurs découvrir toutes ces choses par eux-mêmes ? » Je veux dire que nous avons mentionné ces trois éléments dans la bio juste pour en exposer les grandes lignes, mais si tu es obligé d’expliquer chaque petit détail et gâcher la découverte, je ne trouve pas ça artistique. Et je pense que ne pas faire ça a attisé pas mal de curiosité et d’attention autour de l’album, donc c’est une bonne chose !
Tu as déclaré que tu aimes « te promener, regarder les choses, rencontrer les gens. C’est une des raisons pour lesquelles ça [vous] prend plus de temps à écrire des albums. » Dirais-tu que vous avez besoin de vivre des choses afin de pouvoir écrire un album qui en vaille la peine ?
Sans doute que ça aide, oui. Je veux dire que c’est l’ensemble du voyage qui est important, pas juste l’objectif que tu veux atteindre. Durant les cinq dernières années, j’ai commencé à vraiment faire un effort pour aller visiter les villes, me lever tôt au lieu de faire la grasse matinée, me promener, car tu ne sais jamais quand ce que tu fais va s’arrêter – tu pourrais te retrouver dans un accident de voiture ou peu importe ce qui peut arriver. Donc désormais, j’essaye de m’imprégner de toutes ces cultures différentes. Nous étions en Israël il n’y a pas longtemps, par exemple, je me suis baladé sur le bord de mer, j’ai même été dans les zones arabes ; nous étions en Grèce et en Russie aussi durant le même voyage. Je suis juste fasciné par les différentes cultures et les éléments d’architecture, et j’essaye d’absorber tout ça. J’ai deux enfants et je les encourage toujours à apprendre la géographie, car aux Etats-Unis, plein de gens ne connaissent rien d’autre [petits rires] en dehors de leur pays, ce qui est triste ! Il faut donc être curieux pour apprendre de nouvelles choses. J’ai toujours été un peu comme ça mais durant les cinq dernières années en tant que musicien qui tourne, j’ai commencé à vraiment faire un effort conscient à cet égard. Et c’est aussi inspirant : j’ai commencé à m’intéresser à des musiques de l’Europe de l’Est ou même russes. Sur Silverthorn, il y a une chanson qui s’appelle « Veritas » qui a une sorte de partie centrale avec une mélodie dans un esprit très russe, et nous avons aussi ce genre de choses dans « The Proud And The Broken », cette ligne de piano toute simple qu’on aurait pu entendre dans un café ou autre dans je ne sais quelle drôle de coin en Russie. Nous avons aussi des influences celtiques dans le nouvel album. Donc ouais, ces choses sont toujours importantes, ça a toujours fait partie de mon intérêt, même en remontant à The Fourth Legacy : il y a un tas de styles de musique du monde mélangés à ce que nous faisons.
Tu as déclaré vouloir faire des albums équilibrés avec certains types de chansons, mais en conservant le feeling de Kamelot. Mais comment définirais-tu le « feeling de Kamelot » ?
C’est une bonne question pour un fan, je pense. Si je devais y répondre, je dirais que je veux conserver une part de symphonique, de la mélodie dans le refrain et peut-être ce côté tragique-romantique, pas forcément gothique, mais il y a toujours cet esprit qui est probablement apparu avec Karma. De belles mélodies avec des thèmes sombres et parfois des sujet pas très gais, mais à la fois, il devrait y avoir un message d’espoir, de responsabilisation et de s’en sortir face à l’adversité. C’est l’une des choses que nous avons incorporé à cet album, grâce à The Shadow Key. Nous rencontrons des fans et je sais que la musique est puissante parce qu’ils nous disent à quel point certains albums ou chansons les ont aidés, les ont sauvés ou peu importe. C’est important. J’accepte cette responsabilité parce que si tu fais quelque chose, quoi que ce soit, et tu sais que ça affecte les gens d’une certaine façon, tu es obligé de ressentir une responsabilité. Voilà pourquoi c’était crucial de bien lire les paroles et s’assurer qu’il n’y ait rien là-dedans que je ne puisse défendre moralement.
Ça fait maintenant des années que tu prévois un album solo mais la dernière fois que nous t’avons parlé, ça s’était transformé en projet avec Oliver et tu avais mis l’idée d’un album solo en suspens. Du coup, quel est le statut de ce projet ?
Je viens juste d’avoir aujourd’hui un email d’Oli, il a commencé à travailler sur les démos de ce nouveau projet et nous discutons de qui y participera. L’idée aujourd’hui est de convier des chanteurs de différents groupes, comme Simone Simons, par exemple, Elize Ryd… Afin de créer quelque chose d’unique et spécial, un genre de rencontre entre Ayreon, le Trans-Siberian Orchestra et The Dark Tenor, et nous voulons mêler ça à une sorte d’esthétique à la Tim Burton.
Interview réalisée en face à face le 25 janvier 2018 par Claire Vienne.
Fiche de questions : Claire Vienne & Nicolas Gricourt.
Retranscription : Claire Vienne & Nicolas Gricourt.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Tim Tronckoe.
Site officiel de Kamelot : www.kamelot.com.
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