Quand on aime la musique et les musiciens, il y a des nouvelles qui font toujours quelque chose même si, avec le temps et la somme de news de ce type, elles finissent probablement par passer inaperçues auprès du grand public. Car lorsqu’un musicien décide de quitter un groupe sur la base d’un choix pro-actif qui se fait naturellement, donc en étant véritablement acteur de sa propre décision, cela se comprend. Mais quand un artiste quitte un groupe dans lequel il s’est investi pendant des années à cause du fait qu’il ne peut pas/plus « payer ses factures » le choix du départ apparaît ici comme une décision par défaut, que le musicien regrette et que, dans les faits, il subit plus qu’il ne choisit.
C’est pour cette raison que constater, au détour d’une revue de presse effectuée notamment via le site Blabbermouth, que Daniel Liljekvist, le très talentueux batteur de Katatonia, quitte le groupe « pour se consacrer à un travail normal qui paie les factures » peut être source de spleen. Car la décision de Daniel Liljekvist est en fait la conséquence d’un système qui le dépasse et qui dépasse beaucoup de monde. Celui d’une industrie de la musique qui éprouve de plus en plus de difficultés à rémunérer ceux qui la font vivre, les artistes. Celui d’un monde musical où la pompe du téléchargement illégal ouverte à la fin des années 90 a encore des conséquences aujourd’hui et où les sites de streaming comme Deezer ou Spotify, s’ils sont de plus en plus importants, peinent encore à rétribuer les artistes à leur juste valeur.
L’actualité de Katatonia reste un exemple parmi d’autres. Un exemple de plus qui souligne simplement que, pour la masse des artistes, le déplacement d’une économie du disque vers une économie des concerts et du merchandising n’est pas encore assez lucratif pour tenir le coup financièrement. Katatonia paraît être le groupe moyen idéal en termes de notoriété pour subir de plein fouet ces contrecoups car il fait partie de ces artistes qui ont su fédérer une communauté de fidèles juste assez importante pour « survivre », c’est-à-dire enregistrer et faire des albums, mais qui n’est visiblement pas assez importante pour faire passer un cap économique à ses membres et donc permettre à ces derniers de « payer ses factures ».
Katatonia en France, à l’image d’énormément d’artistes de la scène, se produira en tête d’affiche devant approximativement 350 personnes en moyenne, ce qui est plus que correct. Mais la conjoncture fait qu’aujourd’hui il est de plus en plus difficile pour un artiste de metal français ou étranger de faire de la musique sans travailler à côté. Cette réalité est dure. Et lire les témoignages ci-dessous du batteur, et de ses désormais ex-collègues, peut inciter à la mélancolie. Pourtant Katatonia, comme tous les autres artistes, n’a pas le choix : il doit continuer à se battre et à regarder droit devant lui pour prolonger le plus possible son aventure. Et peut-être que, dans quelques années, la roue (économique) finira par tourner en sa faveur.
Voici le communiqué de Daniel Liljekvist :
« J’ai pensé à ça pendant ces derniers mois et je suis venu à la triste conclusion de devoir quitter le groupe. Ca n’a rien à voir avec des ‘différences de point de vue’ ou autres conneries. Je ne peux juste pas combiner le boulot, ma famille et être à 100% avec Katatonia. Les temps sont durs pour les musiciens et j’ai décidé de me concentrer sur ma famille et prendre un travail « normal » qui paie les factures. J’ai passé quelques-uns des meilleurs moments de ma vie dans les derniers 14 ans avec mes gars préférés. J’ai fait le tour de la planète avec ces gars… ma deuxième famille. Merci ! Ca va me manquer de jouer avec vous et de traîner avec vous en tournée. Et ça va me manquer de rencontrer les fans géniaux de Katatonia dans le monde entier. Vous vous reconnaissez. Vous êtres vraiment énormes ! Par contre, les mecs bizarres et les idiots qu’on a rencontré pendant ces années ne me manqueront pas. Et je ne regretterais pas les mauvais catering, la bière de merde et le jus de banane… C’était Daniel, qui rock à fond ! À la votre ! »
Voici le communiqué des membres de Katatonia :
« Nous sommes très tristes d’annoncer le départ de Daniel mais nous comprenons sincèrement sa décision. Rien ne dure pour toujours et toutes les bonnes choses doivent avoir une fin tôt ou tard. Mais ce type de décision est d’autant plus frustrant quand c’est pour les mauvaises raisons ou avant d’atteindre le terminus. En particulier, on ne peut pas prétendre que ça n’a rien à voir avec le climat actuel. En fait, il est certain que c’est un problème de musicien perdu au croisement « musique/industrie » d’aujourd’hui. Malheureusement, cette situation force un membre, un frère – et le batteur de longue durée favori des fans – à quitter le groupe pour lequel il a sacrifié une décade et demi à construire. En encourageant ce sujet à d’inévitables débats et ré-évaluations, on sera toujours reconnaissants pour les années qu’on a partagé et on souhaite à Daniel le meilleur pour l’avenir. Cela va sans dire, nous ne sommes plus membres d’un même groupe mais nous restons amis.
Sur une note plus positive, cela n’affectera pas les concerts à venir. La tournée ‘Dethroned & Uncrowned – Unplugged & Reworked’ du mois prochain va avoir lieu et verra JP Asplund prendre place derrière les fûts. Le batteur remplaçant Daniel Moilanen (ex-ENGEL) jouera pour les festivals de cet été. Accueillons ces gars qui nous aident, ayons un toast d’adieu pour Daniel (notez que ce sera 11 gorgées pour lui) et gardons nos yeux sur l’horizon. Les nouvelles tournées qui arrivent en Amérique du sud et en Australie ainsi que le très attendu DVD anniversaire ‘Last Fair Day Gone Night – Live At Koko’ qui sort cet été, et plus encore…
Le départ de Daniel Liljekvist intervient quelques semaines après que Katatonia se soit séparé du guitariste Per « Sodomizer » Eriksson à cause d’une « différence de points de vue sur les opérations actuelles du groupe ainsi que sa décision de s’installer à Barcelone ».
Traduction communiqués : Hub’
En effet c’est une bien triste nouvelle. Ceci dit c’est assez drôle que l’on ne parle pas du système légal de distribution de musique, à savoir la part majeure des revenus pris par les maisons de disques. M’enfin…
Et pour philosopher un peu, il faut se demander combien de jeunes très talentueux dans ce monde n’ont pas pu ne serait-ce que démarrer dans le monde de l’art en s’achetant un instrument, faute de moyens ? Car au moins Daniel Liljekvist a eu l’occasion de s’exprimer et c’est bien ça le plus important.
(Enfin cette histoire d’industrie musicale reste un débat sans fin tant qu’un nouveau modèle économique viable sera mis en place)
Et les autres membres comment ils s’en sorte ?
Je pense que quand on veut devenir musicien ou artiste il fait renoncer a une vie de famille du moins le temps d’avoir des revenues acceptable. Je trouve ça super triste n’empêche. Bonne continuation a lui.