Keep Of Kalessin aurait-t-il réussi un petit tour de force ? Beaucoup d’interrogations planent au sujet d’Epistemology, le successeur de Reptilian (2010). Annoncé depuis trois ans et au centre de l’attention des fans depuis le concours organisé pour sa couverture, l’album est le produit de certains changements au sein du groupe et de sa musique. Epistemology est le premier opus composé en trio, avec le guitariste-claviériste-leader Arnt « Obsidian C. » Grønbech au chant, perçu comme un « nouveau départ ». Ce qui est certain, c’est qu’au terme de l’opus, Keep Of Kalessin laisse bel et bien l’impression d’une évolution flagrante, sans abandonner ce qui fait son identité.
La thématique générale présente dans le titre de l’album – l’épistémologie ou « théorie de la connaissance » au sens général du terme – ne relève pas que d’un simple effet de style. De nombreux titres de chansons (« The Grand Design », « Spiritual Relief », « Universal Core »…) s’inscrivent en son sein et révèlent une volonté de créer un opus cohérent, plus « cosmique » que ses prédécesseurs, pour reprendre les termes du groupe. En effet, le premier trait caractéristique d’Epistemology est la prégnance des claviers et autres atmosphères conférant une teinte grandiloquente à chaque morceau, voire quelques traits psychédéliques. Les premières notes d’ « Introspection » et la (très) longue et enivrante outro du titre éponyme n’ont rien d’intimiste. Cette volonté de densifier le propos et de le rendre davantage majestueux par la pléthore d’arrangements, de chœurs et de mélodies répond à ce souci d’évoquer les « questions universelles ». Le parallèle entre les problématiques soulevées par le groupe et sa musique confère à Epistemology une identité que l’on pourrait qualifier de « progressive », qui, il faut le reconnaître, est parfaitement maîtrisée et pourra facilement rappeler les travaux d’un groupe comme Arcturus. La majesté et la grandiloquence de Keep Of Kalessin peut certes déstabiliser mais elle n’a pourtant rien de pompeux.
Pour autant le groupe a su conserver certains aspects de sa filiation avec le black metal, et dans une certaine mesure le thrash, en témoigne les premières mesures de « Dark Divinity » et sa partie de batterie fulgurante dans la plus pure tradition du genre. « Necropolis », sans doute l’un des titres les plus sobres de l’album, n’en est pas le moins efficace. La simplicité du riffage calqué sur une rythmique binaire est une recette qui traverse les âges et ignore les considérations philosophiques. Cette chanson est d’ailleurs l’occasion de répondre à l’une des interrogations premières concernant Epistemology : le chant. N’en déplaise aux aficionados extrêmes du groupe et aux dubitatifs, Obsidian C. s’offre le luxe d’étendre le spectre vocal de sa musique, tout en maîtrisant parfaitement son sujet. Ainsi il alterne entre les registres hurlés et clairs sans sourciller et sans privilégier l’un au détriment de l’autre, mais aussi s’autorise un passage parlé ici, une voix robotique là, etc.
Keep Of Kalessin délivre avec Epistemology un metal plutôt varié, à la croisée de plusieurs genres sans dénaturer ce qui fait sa réussite. La profusion d’effets cosmétiques pourra provoquer une forme de lassitude et en rebuter certains, tout en permettant à d’autres de s’intéresser à ce versant grandiose, quasi-cinématographique, du metal extrême. Ce n’est pas qu’Epistemology marque un pas vers l’accessibilité accrue de la musique de Keep Of Kalessin, loin de là. C’est simplement que sa cohérence et sa diversité en font une œuvre qui prône réellement, à l’instar de la problématique posée par le groupe, l’interrogation et l’ouverture.
Album Epistemology, sortie le 16 février 2015 chez Indie Recordings.
Je ne connaissais pas et franchement c’est pas mal du tout.
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