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Interview   

Killer Be Killed : les voies du collaboratif


« Dans le hip-hop ou dans le jazz, les gens font des disques ensemble et collaborent souvent alors que dans le metal tout le monde semble tellement préoccupé par son propre succès et personne ne prend vraiment de risque. » Voilà un constat qui dénote de l’état d’esprit dans lequel a émergé Killer Be Killed, projet réunissant trois grandes figures vocales et créatives du metal : Max Cavalera (Soulfly), habitué aux collaborations en tout genre, Greg Puciato (The Dillinger Escape Plan) et Troy Sanders (Mastodon), tous les trois accompagnés par Dave Ellitch (ex-Mars Volta), un batteur de standing. Toute collaboration comporte le risque d’échouer, par exemple entravée par les egos, mais est toujours enrichissante et peut même s’avérer être très gratifiante. Cet album de Killer Be Killed est donc un premier pas dans cette expérience, où les chanteurs ont d’abord dû apprendre humainement à se connaître.

Greg Puciato a beau être un impulsif et un intuitif, il n’en est pas moins doté d’une grande intelligence, comme nous avions pu déjà nous en rentre compte avec le (très) long et passionnant entretien qu’il nous avait accordé l’année dernière à l’occasion de la sortie du dernier album de The Dillinger Escape Plan. Voilà pourquoi c’est avec un grand plaisir que nous lui redonnons la parole pour nous parler de ce nouveau groupe et de sa soif de collaborations.

Radio Metal : Apparemment lorsque l’idée de cette collaboration entre Max Cavalera et toi est apparue, vous ne saviez pas si c’était juste une blague ou si c’était sérieux. Même chose avec Troy. À quel moment avez-vous réalisé que c’était sérieux et que cela pouvait réellement fonctionner ?

Greg Puciato (chant/guitare) : Nous ne le savions pas avant de nous retrouver tous ensemble dans une pièce. Le premier test a été d’aller à Phoenix, où vit Max, et de passer quelques jours là-bas et voir ce qui se passait. Alors après avoir parlé du fait que nous étions vraiment très intéressés par le projet, je suis allé là-bas et nous sommes restés trois ou quatre jours à écrire, à parler du matin au soir, à essayer de trouver les points communs et les jonctions entre nos affinités musicales. Lorsque nous sommes repartis après ces trois, quatre jours, nous avions enregistré tellement d’idées, de riffs et de sections que nous savions que nous allions en faire quelque chose. Il restait juste à savoir si nous allions ou non y impliquer d’autres personnes et l’arrivée de Troy et Dave s’est faite très naturellement.

Ce qui est drôle c’est que, visiblement, pendant la tournée que Dillinger Escape Plan a faite avec Mastodon, tu as parlé du projet à Troy et quelque temps après, Troy est allé trouver Max et lui a dit « Hey, je suis Troy et je crois que nous jouons dans un groupe ensemble ». Est-ce une histoire vraie ? Comment Max a-t-il réagi ?

Oui, Troy est venu me voir pendant la tournée en me disant « hey, mec, tu fais toujours ce truc avec Max ? », j’ai dit oui et il a dit « alors qui joue de la basse ? » et je lui ai dit « je ne sais pas » et il m’a dit « et bien c’est moi qui joue de la basse dans ton groupe et j’ai envie de chanter aussi… donc, je voulais juste te le dire ». Il s’est mis lui-même dans le groupe, en quelque sorte. C’est quelqu’un de très pragmatique alors il m’a dit « si ça ne te dérange pas, je joue dans un festival avec Max le mois prochain alors je lui dirai, hey, on joue dans un groupe ensemble » et il m’a dit « dis-moi simplement où et quand me pointer et je serai là avec ma basse ». Donc, oui, je crois qu’il est allé voir Max lors d’un festival en Amérique du Sud dans lequel Matodon et Cavalera Conspiracy jouaient et il lui a dit quelque chose comme « hey je suis votre homme, dis-moi où je dois aller ». Nous étions excités. Je connais Troy personnellement depuis très longtemps, peut-être depuis 2001 ou 2002 lorsque nous étions tous les deux chez Relapse Records et ce n’est pas seulement une personne géniale, il a aussi un style de jeu vraiment cool et je pense que, quand il a joint sa voix aux nôtres, cela a vraiment élargi notre gamme dynamique.

« L’ego fait vraiment de gros dégâts d’un point de vue créatif, parce que cela te met sur la défensive, tu n’es plus ouvert aux idées extérieures, ni aux critiques. »

Killer Be Killed n’est pas seulement un trio vocal puisque vous jouez aussi les instruments. Était-il important pour vous que cette collaboration prenne la forme d’un groupe à part entière ?

Oui, je ne pense pas que nous ayons essayé d’aller prendre un peu de Mastodon, un peu de Max, un peu de Soulfly et un peu de Dillinger et de tout mettre ensemble, ce n’était pas ça l’idée. Nous voulions nous poser et passer du temps ensemble. Dans la mesure où nous sommes des mecs qui avons déjà accompli quelque chose au sein d’autres groupes, nous devons mettre notre ego de côté et réaliser « hey, nous sommes encore un nouveau groupe ». Que nous ayons ou non fait quelque chose en-dehors de ce projet, nous, ensemble, c’est quand même quelque chose de nouveau. Alors il faut passer du temps ensemble pour laisser les choses se développer et pas seulement en tant que musiciens jouant dans une pièce, mais en tant que personnes, et plus tu parles, plus tu t’identifies aux autres, plus la musique sera bonne.

Penses-tu que vous allez partir en tournée avec Killer Be Killed ?

Nous aimerions faire quelques concerts, mais nous ne savons pas. C’est de toute évidence une question de planning : nous devons trouver un moment dans nos emplois du temps respectifs. Il serait logique que nous prenions des congés en même temps.

Comment vous êtes-vous organisés pour la composition, comment avez-vous décidé qui allait chanter quoi ?

Nous pensions que cela allait être la partie la plus compliquée et en fait cela ne s’est pas avéré si compliqué. Nous avons composé la musique de toutes les chansons en laissant la place pour les voix, nous savions exactement comment les voix se placeraient, et puis nous nous sommes posés et avons procédé chanson par chanson et si l’un de nous avait une idée vraiment forte pour une section, nous l’utilisions comme point de départ. Si Troy disait « hey, voilà, mon idée, j’ai une idée géniale pour le couplet de cette chanson », nous disions « ok, cool, fais-nous écouter ça » et il la fredonnait ou quelque chose comme ça et nous faisions « oh c’est super, alors si toi tu fais ça, sur la prochaine section, je pourrai faire ça… » et ensuite, bien sûr, la section d’après serait celle de Max. Honnêtement, tout s’est mis en place tout seul très vite. Le processus n’a entraîné aucune friction, nous nous mettions d’accord facilement sur celui qui allait chanter. La voix qui allait sonner le mieux sur telle ou telle section nous apparaissait de façon évidente.

Le fait que les trois chanteurs se partagent chaque chanson était-il important ?

Je crois que le fait d’avoir trois chanteurs est assez unique. Avoir trois chanteurs sur chaque chanson, je ne sais pas si cela a déjà été fait et nous en avons clairement fait notre priorité : nous devions êtres présents tous les trois sur chacune des chansons. Cela aurait été facile de se dire « ok, voilà la chanson que Max va chanter, voilà celle que Troy va chanter », je trouve plus intéressant et plus stimulant d’avoir trois personnes sur chaque chanson. Je crois que le fait d’avoir trois voix différentes sur chaque chanson fait vraiment partie de notre identité stylistique, je ne crois pas qu’il y ait cela dans d’autres groupes.

« Max et moi pensions que nous allions faire un album assez brutal d’un bout à l’autre, et puis Troy est arrivé. »

Lorsque l’on met plusieurs leaders et fortes personnalités dans un même groupe, c’est généralement assez compliqué au niveau de l’ego. Penses-tu que vous avez réussi à éviter cela ?

Oui, je pense, complètement. Je pense que c’est une des choses que nous voulions établir dès le départ en nous lançant là-dedans, pour que ce ne soit pas seulement… Tu sais, l’ego fait vraiment de gros dégâts d’un point de vue créatif, parce que cela te met sur la défensive, tu n’es plus ouvert aux idées extérieures, ni aux critiques, tu essaies de protéger et tu es en mode défensif en permanence. Nous savions que, si nous voulions que cela fonctionne, nous devions faire comme si nous étions des gamins de 15 ans qui n’avaient encore rien accompli musicalement. Alors quand nous nous sommes retrouvés, nous n’avons jamais eu de mal à faire des critiques et à les accepter. Compte-tenu du potentiel énorme, il n’y aurait pas pu y avoir moins d’ego que cela. Nous avons tous beaucoup de recul et sommes très respectueux les uns des autres d’un point de vue créatif alors à aucun moment, nous n’avons écouté notre ego. Je pense que nous avons simplement essayé de trouver ce qui serait le mieux pour les chansons.

Les chansons sont très directes et très accrocheuses. Cela est-il dû à un effort conscient de votre part ?

Nous ne savions pas vraiment ce que cela allait donner, ça a été une grosse surprise pour nous aussi parce que lorsque nous avons commencé à écrire, Max et moi pensions que nous allions faire un album assez brutal d’un bout à l’autre, et puis Troy est arrivé. Mastodon a tellement progressé depuis leur débuts et Troy a développé un très bon instinct d’écriture, il a donné plus de sens aux sections que Max et moi avions écrites, d’une certaine façon. La première fois qu’il est arrivé avec une idée pour la voix, il a dit « hey, j’ai une idée pour cette partie » et c’était une section de chant et ça ne criait pas, ça a en quelque sorte, tout changé. Cela nous a permis de nous aventurer dans une gamme beaucoup plus vaste et puis si tu fais un album qui est brutal dès le départ, tu t’enfermes dans un coin. Maintenant, si nous en avions envie, nous pourrions faire un album avec seulement des cris ou avec seulement du chant, ou on pourrait faire un EP de Doom, si on le souhaitait, il y a tellement de chemins que nous pourrions prendre. S’il n’y avait eu aucune mélodie sur notre premier album, nous nous serions enfermés.

Crois-tu que l’esprit collaboratif qui est derrière Killer Be Killed et que nous voyons souvent dans d’autres genres musicaux est quelque chose que nous devrions voir plus souvent dans le metal ?

J’aimerais beaucoup. C’était le but lorsque nous avons démarré cela, j’étais frustré par le manque de collaboration. Je ne comprends pas pourquoi dans le hip-hop ou dans le jazz, les gens font des disques ensemble et collaborent souvent alors que dans le metal tout le monde semble tellement préoccupé par son propre succès et personne ne prend vraiment de risque. Je pense que, lorsque les gens atteignent un certain succès, ils ont plus peur à l’idée de perdre leur image ou de perdre ce sur quoi ils se sont construits, et lorsque tu collabores, tu prends beaucoup de risques : tu risques d’entacher ton image, ou quelque chose comme ça. Je trouve tout cela vraiment idiot mais dans le metal, l’image, l’attitude agressive sont des choses tellement présentes et il faut avoir un certain degré de sensibilité et d’humilité et être prêt à voir quelque chose échouer, et si cela échoue, se dire que cela valait quand même le coup parce que le fait de collaborer et de se mettre en position d’insécurité te fait grandir. Donc, je pense que c’est risqué et que peut-être, beaucoup de gens dans le monde du metal sont dans une posture tellement agressive qu’ils ont peur de prendre ce risque.

« Il faut avoir un certain degré de sensibilité et d’humilité et être prêt à voir quelque chose échouer, et si cela échoue, se dire que cela valait quand même le coup. »

Sur quoi vous êtes-vous retrouvés musicalement dans ce projet ? Est-ce une sorte de colère et d’énergie commune ?

Il y a beaucoup de choses, beaucoup de points communs et pas seulement musicalement. Bien sûr, musicalement, nous venons d’un milieu similaire, nous avons grandi à l’époque du thrash, du hardcore, du punk rock… Nous avons grandi en écoutant les mêmes groupes. Lorsque Max et moi avons commencé à parler de ça, nous avons évoqué des groupes comme Bad Brains, Discharge, Black Flag et des groupes de thrash et quand Troy s’est joint à nous, nous avons parlé de groupes comme The Melvins, des groupes de doom et du crust punk comme His Hero Is Gone. Nous avions les mêmes racines musicales alors la suite a été d’apprendre à nous connaître à un niveau plus personnel pour qu’à l’écriture des paroles, il y ait des thèmes qui nous parlent à tous, puisque nous écrivons tous les paroles de chaque chanson. Les textes des chansons sont interprétés et écrits par trois personnes différentes alors il faut trouver beaucoup de points en commun et des thèmes dans lesquels nous nous retrouvons tous à travers nos vies. Nous avons donc passé beaucoup de temps à parler de la vie, des choses auxquelles nous faisions face, des épreuves que nous avions traversées de façon à trouver un fil conducteur commun lorsque nous écrivions les paroles.

Peux-tu nous en dire plus sur ton projet intitulé The Black Queen avec John Eustis ? À quoi cela va-t-il ressembler et y-a-t-il une date de sortie ?

Nous y travaillons chaque jour depuis environ deux ans et nous avons presque terminé. Je dirai, probablement à la toute fin 2014 ou au tout début 2015. Et ce n’est ni du metal ni du rock alors je pense que les gens seront très surpris.

Est-ce que Killer Be Killed a éveillé en toi une soif de collaboration ?

Oui, j’adore ça ! J’ai l’impression d’y être accro maintenant ! On y gagne tellement d’un point de vue créatif et on progresse tellement artistiquement en s’aventurant hors de son propre terrain que j’ai envie de le faire le plus possible, maintenant ! Il y a bien sûr The Black Queen qui est un autre projet, c’est ma priorité en ce moment alors je dois d’abord finir cet album et ensuite, qui sait. D’ici là ce sera sans doute le moment pour un nouvel album de Dillinger, Ben et moi sommes toujours aussi stimulés et enthousiasmés par notre collaboration au sein de Dillinger. À chaque fois qu’il est temps d’écrire un nouvel album avec Dillinger, nous sommes toujours sincèrement très excités, comme si ce n’était pas devenu un travail pour nous. Donc, voilà, sortir cet album, sortir l’album de The Black Queen, faire un nouvel album avec Dillinger Escape Plan et puis on verra bien… J’ai juste envie de faire ce que je veux, en fait (rire) !

Interview réalisée par téléphone le 18 mars 2014 par Metal’O Phil
Retranscription et traduction : Judith
Fiches de questions et introduction : Spaceman
Photos de Glen La Ferman.

Site internet officiel de Killer Be Killed : killerbekilled.com

Album Killer Be Killed, sortie le 12 mai 2014 chez Nuclear Blast.



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  • Game-system dit :

    Bah dis-donc, il aime bien ce qu’il fait ce monsieur!

    [Reply]

    SDS

    mais c’est cool je trouve !
    C’est de plus en plus rare de voir des mec comme lui qui font ce genre de collaboration juste par passion de la musique !

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