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Interview   

Killer Be Killed ou les quatre fantastiques


Killer Be Killed aurait pu être l’histoire d’un seul album. C’est d’ailleurs ce que certains fans commençaient peut-être à se dire au fur et à mesure que les années passaient, voyant les réponses évasives des membres du groupe lorsqu’ils étaient interrogés sur un possible second album. Max, Troy et Greg ont en réalité été bien cachotiers : si leurs autres projets les ont tenus très occupés, ça faisait quatre ans qu’ils planchaient en parallèle et sous les radars sur Relunctant Hero.

Ayant accueilli le batteur Ben Koller en 2015 et fort d’une courte mais intense tournée en Australie, Killer Be Killed revient avec la cohésion d’un véritable groupe, la pression en moins. Relunctant Hero, ce n’est que du plaisir, de l’admiration, du partage voire une compétition amicale. Un terrain de jeu contrasté entre accroche, brutalité et émotion, avec quelques expérimentations pour pimenter le tout. Nous avons joint Max Calavera au téléphone pour qu’il nous en parle.

« C’est comme si je jouais avec certains de mes héros, je suis un grand fan de leurs groupes. Pour moi, faire partie de Killer Be Killed, c’est un peu un rêve qui s’est réalisé. »

Radio Metal : Le premier album de Killer Be Killed est sorti il y a six ans. Evidemment, vous êtes tous très occupés avec plein de groupes et projets, ce qui explique les délais. N’est-ce pas frustrant parfois que ce soit si difficile de faire coïncider vos plannings ou, au contraire, est-ce que ça rend ces moments où vous pouvez effectivement vous réunir encore plus précieux et appréciables ?

Max Cavalera (chant & guitare) : Oui, je pense que c’est plutôt la seconde option. C’est d’autant plus excitant que six ans se sont écoulés entre le dernier album et celui-ci, ça nous a donné du temps pour vraiment nous préparer, faire de super chansons, et créer une attente. C’est plutôt cool parce que les fans étaient là : « Oh, je ne savais pas qu’ils étaient en train de faire un second album ! » Personne ne savait que nous faisions un successeur au premier album, donc je pense que ça a créé la surprise. Nous sommes également restés très silencieux au sujet de cet album auprès de notre entourage. Nous n’avons dit à personne que nous étions en train de faire un album et quand nous avons sorti la chanson « Deconstructing Self-Destruction », ça a fait l’effet d’une bombe, c’était une surprise pour tout le monde. Donc oui, c’est plus excitant. Killer Be Killer est très spécial. Nous avons tous nos propres groupes, Troy [Sanders] a Mastodon et j’ai Soulfly et Cavalera. Killer Be Killed est un projet spécial que nous faisons en marge mais cet album en particulier donne le sentiment d’avoir affaire à un vrai groupe. Je suis très excité par cet album parce qu’il est meilleur que le premier. Je pense que les gens vont l’adorer.

Comme tu l’as dit, vous avez composé et enregistré cet album en secret. Penses-tu qu’aujourd’hui le mystère entourant les groupes manque un peu ?

Je trouvais que c’était une super idée, le fait que nous ne parlions pas de l’album. Nous avons tous eu cette idée : « Est-ce qu’on peut faire ça de manière super secrète ? Quand vous donnez des interviews, si les gens demandent des nouvelles de Killer Be Killed, ne dites pas grand-chose, ne dites pas qu’on est en train de répéter et écrire des chansons. » Nous avons tous réussi à garder le secret dans un monde où il est très difficile de garder des secrets ! C’est très dur de garder un secret aujourd’hui. J’ai coupé mes dreadlocks il y a deux jours et la nouvelle a déjà fait le tour du monde [rires]. C’est vraiment incroyable, surtout avec internet. Donc je pense que nous avons fait du très bon boulot, nous sommes parvenus à passer cet album sous silence, personne n’en savait rien alors que nous avions déjà tout enregistré et fini. Je trouve que c’est plus palpitant comme ça. J’espère que nous pourrons faire d’autres choses de cette manière à l’avenir et débarquer avec ce genre de surprise. Je pense que les fans aiment bien ça parce que c’est plus excitant, c’est une véritable surprise quand ça arrive.

Cet album a été réalisé sur quatre ans, en quatre sessions. N’est-ce pas compliqué de se concentrer sur la réalisation d’un album cohérent quand les sessions de travail sont dispersées sur une longue période de temps ?

Non, nous accumulions de la musique. C’était un petit peu différent du premier album. A l’époque du premier album, Greg [Puciato] et moi avions démarré ce projet ensemble, donc les sessions de composition étaient juste entre nous deux avec une boîte à rythmes, il y avait un côté plus proche de Nailbomb, alors que ce nouvel album donnait plus l’impression d’un vrai groupe dès le début, car les sessions étaient entre nous quatre, nous jouions tous ensemble, et j’apportais des riffs que je leur montrais, Greg apportait des riffs, Troy apportait des riffs. Ce nouvel album est plus collaboratif. Tout le monde a collaboré sur la composition et je pense que c’est la raison pour laquelle il donne davantage l’impression d’un vrai groupe. Il y avait aussi une sorte de compétition amicale, nous essayions tous de surpasser les autres. Si Greg avait un riff, je disais : « J’ai un meilleur riff que ça ! » et je lui montrais le riff. Ensuite Troy avait un autre riff qui pouvait être meilleur que le mien. Idem pour les parties de chant, nous essayions tous de faire mieux que les autres. Il y avait donc cette compétition amicale, le partage, et puis je joue avec des gars que j’adore ! J’adore Mastodon, Dillinger et Converge. C’est comme si je jouais avec certains de mes héros, je suis un grand fan de leurs groupes. Pour moi, faire partie de Killer Be Killed, c’est un peu un rêve qui s’est réalisé.

Tu as déclaré que The Dillinger Escape Plan, Mastodon et Soulfly réunis, « ça ne devrait pas fonctionner. Ça devrait donner la merde. Mais ce n’est pas le cas. C’est bien. » Alors qu’est-ce qui fait que ça fonctionne ?

C’est l’ingrédient secret ! [Rires] C’est de la putain de magie ! Je ne sais pas. Tu as raison, sur le papier, ça ne devrait avoir aucun sens, ces groupes sont tellement différents, mais peut-être que c’est justement pourquoi c’est aussi bon, parce que c’est inattendu. Si ça avait été un projet avec des gens venant de groupes dans une veine plus proche de Soulfly, peut-être que ça n’aurait été pas aussi intéressant, mais là nous sommes tous très différents, nos voix en particulier sont très différentes. Je trouve ça cool que quelque chose, qui ne devrait pas fonctionner, fonctionne, et je n’ai pas la réponse pourquoi ça fonctionne. Je ne sais vraiment pas, c’est l’un de ces mystères magiques qui se produisent avec la musique, mais je suis content que ça fonctionne.

« Je n’aime pas les étiquettes, mais ‘super-groupe’ en est une qui fonctionne dans ce cas parce que c’est effectivement un super-groupe avec des musiciens de haute volée. »

Troy, Greg et toi êtes trois artistes très bien établis, trois fortes personnalités, musicalement parlant. N’y a-t-il jamais de friction ? Comment résolvez-vous une situation de désaccord ?

Nous parlons tous ensemble. Ça fait longtemps que nous sommes tous dans des groupes, donc nous savons plus ou moins comment gérer les situations et nous essayons d’éviter les choses qui pourraient dégénérer en grosse dispute ou en gros problème. Parfois les querelles sont bonnes car quelque chose de bon peut ressortir de ce désaccord. Je pense que bon nombre des plus grands albums jamais réalisés ont été marqués par ce genre de frictions, par des gens qui tiraient dans des directions différentes, et grâce à ça quelque chose de bien en est ressorti, mais la plupart du temps, c’est très agréable d’être dans Killer Be Killed. J’aime ce qu’ils apportent, j’adore le fait que je ne sois pas obligé d’en faire autant que dans Soulfly ou Cavalera. C’est la partie riff que j’aime le plus dans Killer Be Killed, c’est ce qui m’emballe le plus, alors que je ne chante pas beaucoup sur certaines chansons. Je crois que des trois, je suis celui qui chante le moins, mais j’aime ça parce que ça me permet de souffler en n’ayant pas à tout faire, tout le chant, tous les riffs. La plupart du temps je me contente de partager les riffs avec les gars et de trouver des endroits sympas où chanter, j’adore ça. Ce qui est aussi très excitant, c’est quand j’ai un super riff, je le donne à Troy ou Greg et ils font une ligne de chant extraordinaire dessus, ça me fait d’autant plus apprécier le riff.

Comment comparerais-tu vos personnalités dans le groupe ?

Je fais toujours référence à Greg comme à un taureau enragé parce qu’il est toujours à fond, excité et électrique. Troy est un peu le magicien du groupe, il a un côté mystérieux, presque comme un sorcier qui fait des tours de magie. Ben [Koller] est un peu le batteur hors de contrôle, très puissant. Moi, je suis Max, tel que les gens me connaissent. Je suis très serein et de bonne humeur la plupart du temps mais quand il s’agit de musique, je prends ça très au sérieux et je fonce. C’est la raison pour laquelle je me concentre beaucoup sur ce que je fais. Je pense que c’est une bonne combinaison de différentes personnalités qui permet à un tel album de voir le jour.

C’est le premier album de Killer Be Killed avec Ben Koller : qu’a-t-il apporté à l’équation ?

Ben est un super batteur ; il joue dans Converge depuis des années et il a aussi plein de super projets comme All Pigs Must Die et Mutoid Man. Je suis un grand fan du jeu de Ben. Nous l’avons essayé en Australie quand nous donnions des concerts et il est resté avec nous depuis. Ca fait donc six ans qu’il a intégré le groupe. Sur cet album en particulier, il a fait des parties de batterie avec beaucoup de goût. Elles peuvent parfois paraître simples, mais en réalité c’est très efficace et intéressant à écouter, surtout dans des chansons comme « From A Crowded Wound » et « Inner Calm From Outer Storms », je trouve que le jeu de batterie est extraordinaire, et j’aime beaucoup sa personnalité. Nous avons fait une chanson tous les deux ; il n’y avait presque que lui et moi sur « Animus » qui est un morceau de grindcore/thrash et c’était vraiment amusant de se donner à fond en bataillant l’un contre l’autre. Je lui ai donné ce riff de dingue et il est complètement parti en vrille sur la batterie. Je trouve qu’il convient parfaitement au groupe ; c’est le meilleur batteur que nous pouvions avoir pour Killer Be Killed.

L’album part dans toutes les directions, avec une chanson très brutale comme « Animus » mais aussi « From A Crowded Wound » qui est plus progressive ou « Reluctant Hero » plus émotionnelle. Le but était-il d’étendre votre terrain de jeu ?

Oui, et de faire des choses auxquelles les gens ne s’attendent pas vraiment, de repousser les limites. J’ai la chance d’être dans un groupe qui est très différent de Soulfly et Cavalera. Comme je l’ai dit au début, ça a commencé plus comme Nailbomb et ça a muté pour devenir ce… Je n’aime pas les étiquettes, mais « super-groupe » en est une qui fonctionne dans ce cas parce que c’est effectivement un super-groupe avec des musiciens de haute volée. Pour moi, c’est plutôt cool parce que j’ai l’occasion d’explorer certaines choses, niveau riff, que je n’ai pas beaucoup l’occasion de faire dans Soulfly ou Cavalera, c’est-à-dire les trucs plus mélodiques ; j’écris des refrains et des riffs mélodiques pour Killer Be Killed. J’ai toujours fait de la mélodie, si on remonte à Sepultura, si on écoute des choses comme « Mass Hypnosis » et « Desperate Cry », il y a un peu de mélodie là-dedans. J’ai toujours joué avec des riffs mélodiques, mais avec Killer Be Killed je peux le faire davantage et expérimenter. Tu as raison, « Animus » est diamétralement à l’opposé de « Reluctant Hero ». C’est bien que ces deux chansons soient sur le même album pour montrer que nous savons ce que nous sommes capables de faire et que nous le faisons sans crainte, nous n’avons pas peur d’expérimenter. Je pense que c’est bien dans la musique actuelle de faire ça, de ne pas avoir peur d’essayer de nouvelles choses.

« J’espère être devenu un bon modèle pour les gens. J’en parle dans mon livre sur mes combats contre l’alcool et la toxicomanie, comment j’ai surmonté tout ça et avec un peu de chance, j’ai inspiré des gens à suivre mon exemple. »

Qu’est-ce qu’un « héros réticent » pour toi ?

Je pense que c’est une personne qui n’a pas envie d’être un héros mais qui se retrouve dans une situation où il doit l’être. Ça pourrait être quelqu’un pendant une guerre qui se retrouve dans une certaine position ou un joueur dans une équipe de football ou de basketball qui doit devenir le héros, mais ce n’est pas vraiment ce qui est attendu de lui, donc il devient un héros réticent. Je trouve que c’est cool, c’est un titre de Troy, donc tu devrais lui demander pour en savoir plus ! Ce ne sont pas mes mots, c’est Troy qui a trouvé ça. La seule chose pour laquelle j’ai un peu aidé, c’est l’illustration, c’était mon idée de mettre la statue de l’ange provenant d’un cimetière de Cleveland et je trouvais que ça allait très bien avec cet album.

Te sens-tu toi-même parfois comme un héros réticent, d’après ta définition ?

Oui, parfois je me sens comme ça. Il faut que tu sois ce héros, mais tu n’en a pas vraiment envie. Tu veux juste te faire plaisir et t’amuser. Parfois ça peut devenir très sérieux, surtout quand les gens te disent que tu dois essayer d’être un modèle pour les fans. J’espère être devenu un bon modèle pour les gens. J’en parle dans mon livre sur mes combats contre l’alcool et la toxicomanie, comment j’ai surmonté tout ça et avec un peu de chance, j’ai inspiré des gens à suivre mon exemple. Parfois je me sens effectivement comme un héros réticent.

Vous n’avez fait qu’une seule petite tournée avec Killer Be Killed, en Australie. Quels sont les plans avec les concerts ? Penses-tu que, si la situation le permet évidemment, vous pourriez en faire plus ?

Oui, si la situation le permet, je pense que cet album mériterait une belle tournée. Je pense au moins une bonne tournée européenne, une tournée américaine et peut-être quelques festivals d’été en Europe ; je pense que Killer Be Killed serait un bel ajout à l’affiche des festivals d’été. Ce serait très amusant aussi, car quand nous avons joué en Australie, ça nous a procuré l’un des meilleurs sentiments que nous ayons connus en tant que membres d’un groupe, ça nous a à tous donné l’impression de retrouver nos dix-sept ou dix-huit ans, quand être dans un groupe n’était que du plaisir. C’était addictif d’être sur scène avec tous ces gars et de jouer, avec la foule qui devenait folle. Donc je croise les doigts par rapport au coronavirus, à cette pandémie, et j’espère que l’année prochaine, nous pourrons faire des concerts, parce que ce sera extraordinaire de jouer des morceaux de cet album en live.

Tu as l’habitude d’être très occupé à tourner et collaborer avec un tas de groupes et projets : comment vis-tu personnellement la situation actuelle avec la crise du Covid-19 ?

J’essaye de me tenir occupé autant que possible. Je suis actuellement en train de composer de la nouvelle musique pour Soulfly avec mon fils Zyon et nous espérons retourner en studio l’an prochain. De même, je fais les Max Tracks, c’est quelque chose que j’ai commencé à faire sur Facebook avec Gloria [Cavalera]. Elle me filme dans mon salon avec son téléphone portable et je joue des chansons tirées de toute ma carrière. C’est d’ailleurs devenu un boulot assez sérieux parce que je prends quelques jours pour apprendre les chansons, les maîtriser et m’en souvenir, et je pioche dans toute ma discographie, de Morbid Visions et Bestial Devastation à Ritual. Donc c’est vraiment cool ! Il y a des chansons comme « Jump Da Fuck Up » et nous pouvons faire « Escape To The Void », il n’y a aucune règle. Je fais ça avec une installation assez punk rock, pas de grosse production, c’est moi dans mon salon avec le matériel sur lequel j’enregistre habituellement – c’est là-dessus que j’ai enregistré ces chansons au départ – et je raconte des histoires sur les chansons, j’explique comment elles me sont venues et je montre aux fans comment les jouer. Je ne prétends pas être un musicien extraordinaire, parce que ce n’est pas le cas, mais j’essaye de transmettre ce sentiment d’excitation aux gosses. Il y a un gamin dans sa chambre en France, dans l’Iowa ou au Brésil, il a sa guitare avec lui et il peut me voir jouer certaines chansons, peut-être que ça l’emballe et il commence à jouer en même temps, et l’instant d’après on le retrouve dans un groupe ! Je trouve ça très inspirant, c’est fait de manière très sympa. C’est en train de devenir un truc super, plein de gens regardent, quinze mille personnes regardent en direct tous les mardis et samedis. C’est l’un des trucs que j’aime le plus faire durant cette pandémie, les Max Tracks. Je pense que je vais continuer à faire ça même quand il n’y aura plus de pandémie. Mais la raison pour laquelle j’ai commencé les Max Tracks, c’est bien la pandémie, pour offrir quelque chose aux fans qui sont chez eux et n’avaient rien à faire. C’est gratuit, je ne suis pas payé pour faire ça, je le fais pour mon propre plaisir et pour partager du metal avec les fans. C’est vraiment extraordinaire et hyper amusant.

Interview réalisée par téléphone le 22 octobre 2020 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Floriane Wittner.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Victor Yeung.

Site officiel de Killer Be Killed : www.killerbekilled.com

Acheter l’album Reluctant Hero.



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