Au départ, quand un artiste se lance dans la musique, il se dit forcément les phrases suivantes : « La musique c’est génial ! Ça te permet de faire ce que tu aimes, d’en vivre, de se produire devant des dizaines de milliers de personnes, de boire à l’œil, de prendre toutes les drogues que tu veux si tu en as envie et, cerise sur le gâteau, ça te permet en parallèle de coucher avec énormément de filles qu’il aurait quand même été nettement plus difficile de choper si tu n’étais pas monté sur scène ! ».
Du coup, quand le musicien réalise qu’en fait être artiste aujourd’hui signifie certes composer, mais aussi et surtout faire de la communication, du marketing, de la gestion, de l’administratif, des tonnes de mails etc. – et ce sans aucune drogue (si ce n’est de l’eau et du Doliprane) et avec quelques rares filles autour de soi qui te disent avec un angélisme désespérant « C’est pas mal ce que tu fais… mais bon je préfère quand même Trivium et en plus le chanteur est trop mignon !!! » – il a, et c’est bien compréhensible, un gros coup de blues. Au final, il finit donc par penser « Wah… le secteur de la musique c’est un peu différent de ce que j’imaginais et en fait ça va me prendre un paquet d’années pour réussir ! ».
Mais il faut savoir que cette analyse est également valable pour une activité importante dans la vie de l’artiste : le journalisme musical. Et c’est cela qu’Adrien Durand souhaitait railler avec son excellent papier sorti il y a quelques jours à propos « des gens désagréables qui ne veulent pas payer les concerts ! ».
Car avouons-le tout de suite : quand le journaliste se lance dans la musique, au départ il se dit quoi ? Eh bien il raisonne ainsi : « Héhé trop bien ce métier ! Tu assistes à plein de concerts gratuitement, tu écris deux ou trois notes sur le show en question et surtout tu as des accès privilégiés en backstage où tu peux boire à l’œil, prendre toutes les drogues que tu veux si tu en as envie tout en couchant avec énormément de filles qu’il aurait été quand même nettement plus difficile de choper si tu n’avais pas travaillé dans ce secteur (ndlr : mince il nous semble déjà avoir lu ça quelque part, étrange…) ».
Bilan : au final le journaliste lutte comme un chien pour trouver un job salarié et quand il l’obtient il fait tout pour le garder car dans la musique les places sont extrêmement chères. D’ailleurs, comme l’accès backstage est réservé « à ceux qui connaissent un tel qui lui-même connaît un tel qui lui-même connaît un tel… »… forcément l’accès backstage attendra. Un peu comme ces filles magnifiques pendues aux bras des musiciens que le journaliste observera de très loin, l’œil sombre, en étant caché derrière un grillage où il n’a de toute façon pas le droit d’être… puisqu’il n’a pas de All Access.
Triste vie.
Par conséquent, comme l’une des plus grandes injustices de notre belle société matérialiste est que « plus vous êtes riches, plus vous obtenez de passe-droits alors que plus vous êtes pauvres moins vous avez accès aux choses essentielles », le journaliste et les acteurs du monde de la culture en règle générale ont conscience, pour une grande majorité, qu’ils ont le privilège de travailler dans un secteur de passionnés où les plaisirs et avantages sont nombreux. Dans cette optique, certains journalistes extrêmement avares seraient ainsi capables de tuer leurs deux parents pour entrer gratuitement à un concert et ne pas sortir leurs portefeuilles.
L’article d’Adrien Durand présent sur le Blog In Bloom (et sur le site de Kongfuzi, une structure qui se définie elle-même comme « une plateforme indépendante de booking et de promotion pour une culture offensive et ambitieuse ») résume d’une manière pertinente et très drôle cette idée.