Koritni fait partie de la longue lignée australienne du rock n’ roll et l’incarne à merveille. Il suffit d’entendre le nouvel album du combo, Night Goes On For Days, pour s’en convaincre, avec ses relents bluesy, ses refrains à chanter à tue-tête, ses odes à la vie, à la fête et au rock. Koritni fonce tête baissée, proposant presque chaque année un nouvel album, qu’il soit studio ou live, depuis 2007, venant régulièrement à la rencontre de ses fans, y compris – et surtout – dans l’hexagone où on a l’occasion de le voir régulièrement. Et pour cause, Koritni a une relation toute particulière avec la France où le chanteur Lex Koritni a élu domicile. C’est ainsi qu’on a souvent vu le guitariste Manu Livertout faire les intérims en live, idem pour le bassiste de Trust Vivi Brusco que l’on retrouve d’ailleurs sur trois titres du nouvel opus en compagnie du batteur de Trust Farid Medjane. Un peu plus et on pourrait se demander si Koritni ne serait pas en train de virer de nationalité. Mais dans le fond, le rock n’ roll n’a pas de nationalité, pour preuve les autres membres du groupe qui sont éparpillés à travers la planète.
Il est d’ailleurs intéressant de constater comme dans ces conditions, et en ayant un tel turnover de musiciens en live, Koritni parvient toujours à faire preuve de constance, avec des shows très divertissants et des albums fidèles à sa ligne de conduite, comme le démontre une fois de plus Night Goes On For Days dont Lex nous parle ci-après.
« J’ai toujours été un noctambule et une fois que la fête a commencé, c’est compliqué de s’arrêter [rires]. Et ces dernières années ont clairement été pleines d’alcool, de fun et de rires. »
Radio Métal : L’album a été mixé par Kevin Shirley. Il a produit beaucoup d’albums de rock et de metal qui ont eu beaucoup de succès. Est-ce que tu penses que le groupe avait besoin de lui pour passer à l’étape supérieure ?
Lex Koritni (chant) : Kevin Shirley a mixé l’album et, comme pour tous les albums que nous avons faits, c’est moi qui me suis occupé de la production. Je suis un peu un « control freak », je sais à quel produit je veux aboutir donc c’est moi qui le produis ! L’album précédent a été mixé par Mike Fraser, et cette fois-ci nous avons décidé de le faire avec Shirley parce que Mike était occupé. Nous avons cherché un autre mec qui soit aussi bon que lui, nous lui avons demandé et il a dit oui. Je crois que le produit parle de lui-même, il sonne super bien et je suis très content du mixage. C’est un magicien derrière sa table de mixage ! Et nous avons travaillé avec Ryan Smith pour le mastering, comme pour nos deux derniers albums je crois, pour Game Of Fools puis il me semble pour Crossroads. Il a encore une fois fait un super boulot. C’est le professionnel ultime. Evidemment, plein d’autres groupes ont travaillé avec lui car c’est l’un des meilleurs !
Mark Wilkinson a, pour la quatrième fois, dessiné la pochette de l’album. Est-ce qu’il est indissociable de l’identité visuelle du groupe désormais ?
Oui et non. Je veux dire que si un autre artiste qui bosse super bien nous donne quelque chose qui nous plaît, nous l’utiliserons. Mark est souvent cette personne parce que nous savons qu’il fait ça bien. Nous pouvons lui donner une idée pour l’artwork que nous voulons et il l’exécute parfaitement. Cette fois-ci, c’était un peu différent parce qu’aucun d’entre nous n’avait d’idée pour cette pochette, donc nous avons donné à Mark le titre de l’album et il nous a fait plusieurs propositions. Il est parfait. Je ne nous vois pas travailler avec quelqu’un d’autre pour le moment. Je dis toujours : “Si ça fonctionne, ne change rien !” Il fait un très bon boulot donc je pense que notre collaboration va continuer.
L’album est intitulé Night Goes On For Days [La nuit dure pendant des jours]. Est-ce que c’est une métaphore qui évoque le style de vie des rockeurs qui vivent et travaillent la nuit ?
Je pense, oui, ça peut avoir plein de significations. Je pense que tu as mis le doigt sur l’influence principale qui a inspiré cette phrase. J’ai toujours été un noctambule et une fois que la fête a commencé, c’est compliqué de s’arrêter [rires]. Et ces dernières années ont clairement été pleines d’alcool, de fun et de rires. J’ai trouvé que ce serait un titre tout à fait approprié.
Au début de l’album, dans la chanson « Horns Up », on peut entendre un extrait de ce qui semble être un très vieux morceau de blues immédiatement écrasé par un gros riff hard rock. Est-ce que c’est une manière pour vous de dire : « Ca suffit les chansons lentes et déprimantes, jouons du rock’n’roll ! » ?
Oui. Je voulais quelque chose qui contrasterait complètement avec l’intro de l’album parce comme nous faisons souvent des choses différentes, les gens ne savent pas toujours à quoi s’attendre et je trouvais ça drôle d’avoir ça au début de l’album pour que les gens flippent et se disent : « Oh non, qu’est-ce que fait Koritni ? » [Rires]
Ce qui est marrant, c’est que l’extrait est à un volume très bas donc j’ai monté le son et au moment où le riff a commencé, mes oreilles ont explosé !
[Rires] C’était le but, donc je suis content que ça ait fonctionné !
Et qu’est-ce que c’est que cette chanson que nous entendons au début ?
C’est quelque chose que j’ai écrit ! Je voulais quelque chose d’un peu cucul comme de la country ou une chanson un peu western. Ce n’est pas une chanson qui existe, c’est quelque chose que j’ai inventé.
Donc il n’en existe pas de version longue.
Non.
Et est-ce que tu comptes en faire une ?
Non ! [Rires] Non, pas du tout !
Il y a une chanson qui s’appelle « Try To Live (A Little Bit) » [« Essaie de vivre (un peu) »]. Est-ce qu’elle s’adresse à l’auditeur ou est-ce que tu t’adresses à toi-même ?
Je m’adresse à l’auditeur. C’est plutôt un commentaire sur la manière dont les gens vivent leur vie. Tu vois des gens dont le but est l’argent, ou des choses qui ne devraient pas être un but en soi. Tu devrais seulement essayer de vivre et d’être heureux. De nos jours, on dirait que tout le monde est dépressif, tout le monde prend du putain de Prozac ou d’autres anti-dépresseurs et je ne vois pas pourquoi. Je trouve que tout le monde a un niveau de vie plutôt bon, bien supérieur à la manière dont les gens vivaient il y a 80 ans. Je crois que les gens devraient se réveiller et se rendre compte d’à quel point leur vie est chouette. C’est seulement un commentaire sur la société en général, je pense.
Il y a une chanson qui s’appelle « Rock N’ Roll Ain’t No Crime » [« Le rock’n’roll n’est pas un crime »]. Est-ce que tu as l’impression que le rock’n’roll est parfois considéré comme un crime ?
Je pense que l’énergie du rock’n’roll a clairement changé. Je crois que si tu demandes à un fan de rap ou de R’n’B, il te dira que le rock’n’roll est un crime [rires]… Cette chanson, c’est un peu l’histoire de la vie de tous les musiciens. Parce qu’en tant que musicien, quand tu grandis, quand tu as 17 ou 18 ans et que tu as un job, tu te rends compte que pour devenir musicien tu dois y consacrer beaucoup de temps et travailler dur sans nécessairement gagner de l’argent. Quand tes parents, tes amis ou ta famille voient ça, ils pensent que tu es en train de gâcher ta vie. Mais je crois qu’avec de la persévérance, tu peux en faire un travail, mais tu as en effet besoin du soutien de tes amis. Je suis conscient que je dois remercier beaucoup de mes amis de mon passé pour m’avoir nourri et m’avoir payé des coups quand j’avais entre 17 et 22 ans, quand je crevais la dalle et n’avais pas d’argent. Je pense que tout musicien aura une histoire de ce genre.
« J’ai fini par avoir tellement d’avertissements que la police est venue et m’a confisqué tout ce qui faisait ce boucan : ma chaîne hi-fi ! »
Il y a une chanson qui s’appelle « Waking Up The Neighbours » [« Réveiller les voisins »] : est-ce que tu aurais des anecdotes marrantes à nous raconter à propos de réveiller ses voisins avec du rock’n’roll ?
Oh oui ! Cette chanson n’est pas à propos d’une fête en particulier mais à propos de plein de fêtes qu’il y a eu dans ma vie que j’ai rassemblées en une chanson. Lorsque j’avais 22 ans, j’ai organisé quelques soirées dans mon appart’ et la police y était toujours fourrée parce que les voisins se plaignaient ! J’ai fini par avoir tellement d’avertissements que la police est venue et m’a confisqué tout ce qui faisait ce boucan : ma chaîne hi-fi ! J’ai été autorisé à la reprendre deux mois plus tard. Ça arrive pour de vrai ! Donc oui, c’est une histoire vraie, mais c’est en réalité plusieurs histoires que j’ai concentrées en une.
Quelle est la meilleure chanson pour réveiller ses voisins, à ton avis ?
[Rires]
Je pensais à « Chop Suey! » de System Of A Down parce qu’au début de la chanson, il dit « Wake up ! » [« Réveille-toi ! »]
Je suis sûr que j’ai dû réveiller mes voisins avec Toxicity pas mal de fois. Je me souviens que quand il est sorti, il n’a pas quitté ma platine pendant deux ou trois mois. Mais de toute façon je pense que quand quelqu’un essaie de dormir, n’importe quelle musique va l’énerver. Tu peux même mettre du gospel très fort, ça les embêtera tout pareil !
Est-ce que tu penses que « Horns Up » serait parfaite pour ça parce qu’elle commence très doucement et qu’ensuite il y a ce riff ?
Je crois, oui. C’est du rock de base. C’est une chanson de rock’n’roll du genre « 1-2-3 », elle a un bon refrain, elle est entraînante, c’est la musique idéale pour picoler, donc c’est parfait pour faire la fête.
L’intro de la chanson très bluesy « Water Of Life » est intitulée « The Mississipi Delta ». Qu’est-ce que la musique du delta représente pour toi et ta musique ?
J’ai toujours eu des goûts très éclectiques en matière de musique. Mon père jouait dans des groupes de rhythm and blues, donc j’ai grandi en écoutant des vieilles chansons de blues. C’est très important pour moi. À mes yeux, ce sont les racines de ma musique, et c’est pourquoi dans cet album j’ai choisi une atmosphère un peu plus blues, il y a plus de passages de guitare acoustique… Je pense qu’il est temps que je laisse transparaître ces influences dans mes albums.
À ce propos, B.B. King est né dans le delta du Mississipi. Nous avons appris sa mort il y a quelques jours. Est-ce que c’était un artiste que tu écoutais et est-ce que tu as quelque chose à dire à son sujet ?
Bien sûr ! J’aimais tous les grands. Tu sais, B.B. King a été une grande influence, John Lee Hooker, Albert Collins, Albert King, Freddie King, il y a eu tellement de grands musiciens de blues qui s’appelaient King ! B.B. King est définitivement l’un des plus grands, je m’identifiais aussi beaucoup à Freddie King. C’était un artiste formidable lui aussi. Il est mort il y a à peu près 20 ans. C’était évidemment triste d’apprendre la mort de B.B. King, mais ça faisait des mois qu’il était malade. Je trouve vraiment tragique la manière dont se battent désormais sa famille et son management à propos de sa musique et de son argent. Je trouve que lorsque quelqu’un meurt, ça fait réfléchir tout le monde à sa propre vie mais ça fait aussi ressortir le pire chez les gens. La quantité de conflits qui apparaissent après un décès est honteuse, et je trouve que c’est manquer de respect pour la personne qui vient de mourir.
John Coghlan de Status Quo joue sur « Water Of Life ». C’est son premier enregistrement studio depuis 1985. Comment cela s’est-il passé et quelle est ta relation à Status Quo ?
Ma relation artistique : j’ai grandi en écoutant Status Quo, c’est évidemment un groupe fantastique. Mes parents ont des vidéos de moi qui chante des chansons de Status Quo sur scène avec mon frère alors que j’avais 6 ou 7 ans. J’ai eu l’opportunité de rencontrer John il y a 5 ans alors qu’il jouait dans un festival avec son groupe et que nous partagions la même affiche. Nous avons un peu discuté et c’était un mec très cool, très aimable et facile d’accès. Donc quand nous avons commencé à réfléchir aux invités pour cet album, je me suis dit : « Tiens, voyons si John voudrait être à la batterie ! » Je veux dire, le mec sait toujours jouer, manifestement ! Je ne pense pas que tu puisses perdre ta magie lorsque tu es un bon musicien. Nous lui avons demandé, et il a dit oui ! Il est venu à Paris pour un week-end, nous sommes allés au restaurant, avons bu quelques verres, enregistré quelques chansons et vous connaissez la suite.
Vivi Brusco et Farid Medjane de Trust jouent sur trois chansons de l’album. Tu as joué avec eux en concert, notamment au Sylak. Est-ce que tu peux nous parler de ta relation avec eux ?
Cette relation-là est bien plus intime, évidemment. J’ai fait quelques tournées avec Vivi et quand tu es posé dans un bus ou backstage pendant des heures avec quelqu’un, tu finis par vraiment bien le connaître. C’est devenu un très bon ami, j’aime beaucoup aller chez lui en été pour faire des barbecues au bord de la piscine, boire et écrire des chansons. Donc bien entendu, l’avoir sur l’album a été une évolution naturelle. Et par son intermédiaire nous avons fait la connaissance de Farid que nous connaissons bien aussi, maintenant. Nous nous sommes en fait servis de sa batterie pour l’enregistrement de l’album. Donc comme nous avons pris sa batterie, c’était assez normal de lui demander : « Est-ce que tu veux faire quelques chansons sur ta propre batterie ? » [Rires] C’est un musicien monstrueux. Il est fantastique. Nous avons beaucoup de chances de l’avoir sur cet album aussi.
En fait, lorsque tu joues en France, Manu Livertout joue de la guitare avec toi. Est-ce que tu penses que tu vas finir par jouer avec un groupe complètement français ?
[Rires] On ne sait jamais ! Pour la dernière tournée, ce n’était pas Manu qui était censé venir mais Luke Cuerden qui devait revenir, mais il a eu une opportunité qui s’est présentée et a dû annuler, donc nous avons demandé à Manu à nouveau. Lorsque nous partons en tournée, nous fixons les dates puis ensuite nous voyons qui est disponible. Organiser une tournée est toujours compliqué parce qu’Eddy [Santacreu] vit à Sidney, je vis à Paris, Luke vit désormais à Tokyo, notre batteur Chris [Brown] vit à Londres… C’est un peu un cauchemar de faire que tout le monde s’organise et de tout mettre en place. C’est pour cela que ces dernières années nous avons eu des invités comme Vivi à la basse ou Manu qui est venu en tournée avec nous. Donc pour la prochaine tournée, tu ne sais pas qui tu verras !
Est-ce que tu as une relation particulière avec le hard rock français ?
Je pense que j’ai une relation particulière avec la France. J’ai choisi d’y emménager et j’y vis, je réside désormais en France, et je ne projette pas de revenir en Australie, donc je pense que cette relation est… Ce n’est pas seulement avec la musique, c’est avec la vie, la culture, les gens… J’aime la vie ici ! Donc oui, le fait que nous avons commencé ici fait que je pense que ce sera toujours l’une de nos destinations favorites pour nos tournées, et puis nous y sommes très bien accueillis.
Est-ce que tu as appris le français ?
Je parle français mais je le parle toujours comme un immigrant, toutes ces conjugaisons, c’est un cauchemar à utiliser… J’apprends le français.
Interview réalisée par téléphone le 18 mai 2015 par Philippe Sliwa.
Retranscription et traduction : Chloé Perrin.
Introduction : Nicolas Gricourt.
Site officiel de Koritni : www.koritni.com.
On parle souvent des propos des miss issues des concours ou encore des candidats de télé réalité mais là je dois dire Lex Koritni n’a rien à leur envier.