C’est l’éternelle question : un groupe doit-il rester dans son carcan, ressasser les mêmes recettes qui ont fait sa réussite, ou doit-il évoluer et apporter du neuf ? Doit-il écouter les fans ou doit-il s’écouter lui-même ? Korn fait partie de ces groupes pris entre deux feux. Novateur depuis ses débuts où il peut être largement considéré comme l’initiateur du genre néo metal (de concert avec les Deftones), il n’a pour autant jamais cessé de développer son son, en dépit des critiques. Sauf à l’occasion d’un Korn III : Remember Who You Are (2010) et peut-être de ce The Serenity Of Suffering, comme semble d’emblée le suggérer la pochette, comme si, à près de cinquante piges, ils étaient toujours là pour parler à des ados mal dans leur peau.
C’est sûr que si on s’arrête aux singles « Insane » et « Rotting In Vain », tous les deux introduisant le disque, on retrouve clairement un Korn qui fait deux pas en arrière et cède aux sirènes passéistes, ces fans qui font grise mine dès lors qu’il n’y ait pas assez de « gros son » et n’ont jamais voulu des caprices électro de Jonathan Davis – qu’ils se rassurent, les synthés sont ici d’une extrême discrétion. Les guitares sont baveuses et lourdes à en retourner les boyaux et la basse de Fieldy claque comme une enclume. Ne parlons même pas des scratchs sur « Next In Line » qui paraissent tellement désuets en 2016. On peut appeler ça du pur fan service si l’on veut, le summum étant le tantôt mielleux, tantôt jumpy « A Différent World », avec ce duo en compagnie de Corey Taylor qui n’apporte guère plus qu’un effet de curiosité et un symbole, celui de la rencontre entre deux grands « rivaux » du néo.
Mais il serait injuste de réduire The Serenity Of Suffering a ces quelques facilités. Même si Korn ne se défait jamais complètement de gimmicks qui le renvoie aux stéréotypes du genre (mais comme il en est l’instigateur, on peut bien lui pardonner), des chansons telles que « Die Yet Another Night » ou « When You’re Not There » montrent que les guitaristes Munky et Head ont plus d’un tour dans leur sac, que ce soit avec un riff simili-stoner gonflé aux hormones, ou des effets et arrangements qui contribuent à construire des atmosphères envoûtantes voire intrigantes ; par ailleurs bien soutenues par un Ray Luzier au groove phénoménal. La plupart des chansons profitent également de quelques rebondissements qui entretiennent suffisamment l’attention sans en compliquer la lecture, les structures restant simples et concises. Puis « Black Is The Soul », enrobée dans une enveloppe mélancolique, ainsi que pléthore de refrains « catchy » à souhait démontrent que Korn n’a rien perdu de cette fibre mélodique qui a marqué la seconde moitié de sa carrière.
Surtout, tout ceci offre un terreau des plus fertiles pour Jonathan Davis qui livre une interprétation caméléon, modulant et contorsionnant sa voix pour en extraire l’émotion, ainsi qu’un certain nombre de bizarreries (« When You’re Not There »). Une chanson comme « Take Me » aurait pu finir de façon bien banale sans ses subtils arrangements électroniques, mais également la palette de Davis, faisant tour à tour preuve d’entrain, de justesse mélodique et d’un grain de folie. En sus, le chanteur va chercher au plus profond de lui-même ses plus sombres névroses, pour offrir parmi ses vocalises les plus acerbes et démentes depuis bien longtemps. En témoigne sa prestation parfaitement flippante sur les pré-refrains et l’outro de « The Hating », créant un décalage saisissant avec la clarté et la douceur des refrains. En revanche, le chant scat sur « Rotting In Vain » résonne comme une vieille ficelle usée.
Doit-on parler d’album de synthèse entre le vieux et le (plus ou moins) neuf, entre l’ultra agressif et le mélodique ? Ou simplement d’un groupe qui trouve son chemin au milieu de prises de position contradictoires ? Que des hits aussi redoutables que « Calling Me Too Soon » et « Baby » puissent avoir été réduits au grade de bonus tend même à faire penser à un groupe un peu déboussolé. Reste que, et peut-être grâce à ceci, The Serenity Of Suffering est un album plein de tension. Et nul doute qu’au fond, il saura satisfaire le plus grand nombre de fans de Korn, en répondant aux critères parmi les plus communément exigés. Et si, intrinsèquement, ça ne nuit pas aux qualités évidentes de l’album, et la performance vocale étant un des grands points forts de l’opus, pour un Jonathan Davis qui nous disait fièrement à l’époque de The Paradigm Shift « j’aime aller à l’encontre de ce qui est attendu, j’aime faire ce que tu n’es pas supposé faire, » ça a tout l’air d’un aveu d’échec.
Chanson « Take Me » en écoute :
Critique intéressante.
Perso cet album m’a fait du bien quand même cet album avec ses grosses influences de Untouchables et un peu de TALITM même si c’est pas mes préférés on revient à peu près à quelque chose de KoRnelien.
Je fais partie de ces fans qui s’en contenteront.
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KORN, j’étais fan entre 97 et 2001, mais depuis, j’ai élargi mes horizons musicaux et suis passé à d’autres choses. J’ai toutefois eu l’occasion d’entendre leur nouveau disque ce week-end chez un disquaire et, euh… comment dire, j’ai trouvé ça consternant. Au bout de 3 titres, j’ai perdu patience et arriver au bout du disque fut une vraie torture… Un constat m’a sauté aux oreilles: depuis 18 ans, les mecs de KORN n’ont pas progressé d’un pouce en tant que musiciens. Contrairement au vin, ils ne se bonifient pas avec l’âge, eux…
On a eu récemment d’excellents albums comme ceux de MESSHUGGAH, AVATAR, ALTER BRIDGE, SUICIDAL TENDENCIES ou même LACUNA COIL quelques mois plus tôt et,en comparaison, le dernier KORN est ridicule, affligeant de médiocrité. On dirait plus ça va, plus le groupe s’enfonce dans le grand n’importe quoi. Mais le pire, c’est que les journalistes continuent de se prosterner devant eux sans jamais les remettre en cause. Pour moi, la cause est entendue: KORN a plus que fait son temps et la chose la plus intelligente que devraient faire ses membres, c’est d’arrêter le groupe et de se consacrer à d’autres projets.
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On a encore envie d’y croire!
Bon article bien nuancé, ça me donne envie de me remettre à korn !
J’espère juste que l’ensemble de l’album ne sera pas trop un retour au source type Korn III, que je trouvais cruellement peu inspiré.
Les deux premiers singles le laissent penser (ils sont pas mal mais ne cassent pas des briques pour autant), mais la chanson take me me laisse penser que, peut être, ce sera un album synthèse entre leurs expérimentations et le bourrinage, à voir!
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Je suis hyper d’accord avec toi, sur KoRn III et sur la première impression des singles, jusqu’à Take me. Et je garde bien souvent pour moi les remarques négatives.
Pourtant, là, à la première écoute, mes doutes ont été largement balayés. Tu peux y aller sans crainte 😉
merci pour cette article, bien écrit et qui donne vraiment envie d’avoir le skeud (Et mon collector \m/).
Juste une chose
« j’aime aller à l’encontre de ce qui est attendu, j’aime faire ce que tu n’es pas supposé faire, » ça a tout l’air d’un aveu d’échec.
A vue du public d’aujourd’hui, ce sentiment d’échec est peut être juste le reflet de celui-ci, plus Metalleux pour un riff !
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Critique intéressante et bien construite ! Ca donne envie d’aller écouter le tout et de se replonger dans leur disco avant… 😀
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kje suis fan de la premiere heure.je me suis procuré l album d avance mais je ne sait pas…les meilleurs music ce n est pas a la premiere écoute.mais a force de les écouter..c est la que l on voit que c est du bon.si un titre on l aime a la premiere ecoute..a force il nous lassera..j esper qu a force decouter cet opus je l aimerai
Je peux le comprendre. Personnellement, je me lasse rarement. Je reviens souvent à des vieux albums après un temps. Et là, je me suis clairement fait plaisir avec cet album, il a juste ce qu’il faut de riffs accrocheurs, juste ce qu’il faut de mélodie entêtante et juste ce qu’il faut de petits sons « malsains » pour lui donner une plus-value à la ré-écoute. Après, ça reste du KoRn, il faudra pas 150 écoutes pour bien connaitre le dernier combo du groupe ^^