Trois années déjà ont passé depuis que Korpiklaani a fait de Tuonela – le royaume des Morts dans la mythologie finlandaise – le thème central de son précédent effort « Manala ». Revenu de ces contrées ésotériques, le chaman rapporte des entrailles de la terre la connaissance et vient délivrer aux clameurs de la foule impatiente ce message solennel : « faîtes la fête ! » Tant il est vrai que le groupe finlandais a décidé de mettre de côté la matière épique quoique lancinante et parfois décousue qui composait le précédent opus, pour renouer avec ses premières amours et cette ambiance flairant la bonne humeur et l’alcool. Un véritable retour en fanfare donc, qui doit beaucoup à la mise en avant des instruments traditionnels, entre les mains des deux nouveaux venus, le violoniste Tuomas Rounakari et l’accordéoniste Sami Perttula, des nouveaux visages qui incarnent le renouveau du groupe, pour un album qui s’annonce comme un hymne bienvenu à la joie de vivre.
Il n’aura donc pas fallu longtemps à Sami et Tuomas pour trouver leur place au sein de Korpiklaani et ils s’avèrent être avec Jönne Järvelä (chant) les hommes-clef de Noita en apportant dès ce premier effort une sensibilité musicale différente, leur travail dépassant le simple accompagnement rythmique mais habillant de part en part le squelette des dix morceaux de l’album, ponctués ainsi de lignes chevaleresques ou de solos virevoltants qu’on pourrait s’amuser à qualifier, s’agissant de l’accordéon, de ‘speed-musette’, mêlé à un langoureux violon qui réchauffe les cœurs, tant les arrangements mélodiques et folk évoquent simultanément légèreté et frénésie. La texture mélodique aura rarement été si poussée chez Korpiklaani, ce dernier, bien inspiré de ne pas rester assis en rond de gîte autour de son traditionnel folklore scandinave pour s’aventurer vers d’autres horizons musicaux, et en premier lieu la musique celtique, avec conviction et émotion, mais ne manquant pas inévitablement de lorgner pour certains refrains, breaks ou intonations vers leurs amis helvétiques d’Eluveitie. En tout cas il y a déjà de quoi boire et manger dès les trois premiers titres pour réjouir les convives de la Taverne, avec la farandole vigneronne « Viinamaen Mies » qui ouvre le buffet sans tergiversation, l’enthousiasmant single « Pilli On Pajusta Tehty » ou l’hymne « Lempo » qui respire bon la campagne irlandaise.
Le groupe est confortablement installé et enchaîne les titres, s’amusant même à d’autres expérimentations que la seule mouvance celtique, comme sur le truculent « Sen Verran Minàkin Noita » dans lequel le riff principal du « Sanctuary » d’Iron Maiden aurait été relevé à la sauce pirate des Ecossais d’Alestorm. En grands fans de heavy, les Finlandais assument leur démarche rock’n’roll sur le trépidant « Jouni Jouni » avec un petit air de Grand Ouest américain. Pas de perdition pour autant du terreau traditionnel des Finlandais, qui dégainent leur traditionnelle chanson à boire (« Sahti » – le surnom donnée à la bière artisanale en Finlande) et font planer un ton lourd et mystérieux sur la complainte « Minà Nain Vedessà Neidon » ou sur le communicatif et puissant « Kylasta Kevainen Kehto ». Jönne Järvelä est à son meilleur, outre l’authenticité de son chant en langue natale, il use toujours de son phrasé typique et mémorisable pour insuffler dans sa voix toute l’énergie et l’émotion que les chansons commandent (« Luontoni »). Hommage en musique aux chamans guérisseurs, Noita ne résonne pas comme un aboutissement mais plutôt comme l’amorce d’une nouvelle ère chez Korpiklaani.
Ecouter la chanson « Lempo » et regarder le clip de « Pilli On Pajusta Tehty » :
Album Noita, sortie le 1er mai 2015 chez Nuclear Blast.
ce groupe est génial, un grand moment du Hellfest \m/
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