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Chronique   

Kriegsmaschine – Apocalypticists


M. et Darkside avaient fait forte impression avec Exercises In Futility en 2015, qui, en plus de satisfaire les fans de Mgła, avait considérablement multiplié leur nombre. Alors quand il y a quelques mois des rumeurs concernant un nouvel album du combo polonais ont commencé à se faire entendre, elles se sont répandues comme une traînée de poudre. Hélas, pas de disque de Mgła à se mettre sous la dent en 2018, mais à la place, Apocalypticists, un nouvel album de Kriegsmaschine. Les rapports entre les deux groupes sont loin d’être anecdotiques puisqu’il s’agit de deux projets du même duo, à la croissance parallèle et à la gémellité évidente à l’écoute. Quand Mgła se distinguerait par son énergie directe et nihiliste, Kriegsmaschine proposerait une approche plus sombre et plus aventureuse. Pas question donc de parler de lot de consolation : Enemy Of Man de Kriegsmaschine, sorti en 2014, hante encore les esprits, Exercises In Futility n’ayant dissipé ni ses arpèges dissonants et ni ses rythmiques martiales. Fort de ces réussites, le tandem ne se repose pas sur ses lauriers pour autant : Apocalypticists est une machine de guerre unique en son genre…

Mener de front deux projets aussi voisins en maintenant leur identité propre est une gageure en soi ; les réinventer l’est d’autant plus. Ainsi, le groove tribal très Roots sur lequel s’ouvre « Residual Blight » prend l’auditeur, qui s’attendait à une froideur industrielle plus qu’à ce souffle primal, par surprise. L’inconfort s’intensifie avec le torrent de rythmiques impitoyables tantôt tendues, tantôt désarticulées qui lui succède : tout au long de l’album, les Polonais vont jouer de l’étrange et du familier avec une adresse redoutable, le premier prenant peu à peu le pas sur le second. Les disques précédents de Kriegsmaschine l’inscrivaient clairement dans la lignée du black orthodoxe à la Deathspell Omega, où des arpèges discordants répondent à des riffs anguleux, et c’est toujours le cas d’Apocalypticists. Pourtant, il se distingue du lot en renonçant aux ruptures de rythme pour un mid-tempo lancinant voire hypnotique. Et si à première écoute le résultat peut sembler statique, les musiciens nous mènent en fait doucement mais sûrement de l’autre côté, du confort d’un black menaçant mais familier et redoutablement accrocheur à des zones moins balisées, primitives et cauchemardesques, illustration du passage accidenté de la vie à la mort suggéré par les paroles. « Lost In Liminal » est ainsi une double clé de voûte, à la fois dans le fond (« perdu dans l’entre-deux » est un bon résumé de l’album) et dans la forme. On retrouve les éructations arides de M. et ses paroles d’un impitoyable nihilisme tout au long du disque, mais à partir de ce titre, elles sont redoublées d’un bruissement cauchemardesque de voix extérieures : des chœurs tribaux sur « Apocalypticists », une voix féminine au milieu de « The Other Death », et enfin une cacophonie de chuchotements incompréhensibles au début de « On The Essence Of Transformation ».

Mais évidemment, la colonne vertébrale d’Apocalypticists, c’est la batterie de Darkside. Si on avait déjà remarqué son style très personnel au sein de Mgła, ici, sa créativité semble avoir eu toute la place de s’exprimer, et elle est mise en valeur comme elle ne l’a jamais été : Apocalypticists pulse des rythmiques les plus froides, des grooves les plus irrésistibles et des touches aériennes les plus sophistiquées, pour un résultat à la fois impénétrable, envoûtant et remarquablement singulier. De ce point de vue, l’album peut faire penser à Exuvia, le dernier disque de The Ruins Of Beverast, de par son utilisation ritualisante voire psychédélique d’éléments typiques du metal extrême. Contrairement à ce que le nom du groupe suggère, c’est moins une puissance de machine qu’évoque le talent tentaculaire de Darkside qu’une subtilité humaine très inspirée, comme si le duo avait utilisé la remarquable intelligence froide dont il sait si souvent faire preuve pour clamer ses limites et révéler son néant. Bref, ils prouvent à nouveau qu’ils sont les parfaits soldats de l’Apocalypse.

L’album en écoute intégrale :

Album Apocalypticists, sorti le 21 octobre 2018 via No Solace.

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