
Reno (Chant) : Nous avons démarré en 2001 et notre premier album est sorti en 2002 sur notre propre label. C’était notamment dans le but de pouvoir tourner. Ensuite nous avons joué sur quelques dates ici et là avec des headliners plutôt motivants (Gojira, Isis, Unsane…). En 2005 le groupe a accueilli un nouveau bassiste et a sorti l’album « Cattle Truck » qui a fait un peu parler de lui en dehors des frontières suisses. Cet opus nous a permis de faire pas mal de live, notamment en France, et de préparer en 2007 « Redemption Through Looseness ». Cet album a été mixé par l’immense Kurt Ballou (NDLR : guitariste de Converge) et sorti par les non moins immenses Listenable Records. Depuis, nous tournons autant que possible ce qui nous a donné l’opportunité de visiter une dizaine de pays d’Europe. C’est chouette !
Justement pour vous qualifier, la presse vous comparait parfois à Isis ou Neurosis. Cependant sur votre dernier album, la ressemblance avec un groupe comme Mastodon est assez frappante. Que pensez-vous de cette analyse ? Vos influences ont-elles évoluées avec le temps ?Neurosis est un peu pour nous ce que les Beatles sont à la pop music, donc il est normal qu’ils apparaissent partout dans les chroniques. Concernant Isis, il y a quelques similitudes surtout dans notre 2e album, mais c’est vrai que « Redemption Through Looseness » est plus proche de Mastodon, Keelhaul, Knut et cette clique. En fait je crois que nous ne voulions pas « virer » comme Pelican (NDLR : groupe instrumental de postcore). Tous ces groupes qui deviennent atmosphériques, c’est d’un ennui… Nous souhaitions quelque chose de frontal, de teigneux, de brutal. Au final niveau influences, même s’il y a eu quelques péripéties, nous aimons toujours nous décrire comme à notre « tout début » : entre Breach (un côté noisy, mélodique, épique) et Entombed (un côté épais, rentre-dedans).
Votre évolution sur album d’un style assez barré/planant vers une musique rentre dedans un peu plus accessible coïncide avec votre arrivée chez un label plus important (Listenable Records). Peut-on parler d’une démarche consciente de votre part ?Si nous préméditions un peu l’évolution de nos morceaux, cela ferait longtemps que le succès serait là ! Non, cela vient comme ça vient, et pour « R.T.L. », c’était peut-être, à moitié conscient je l’avoue, une envie de se détacher de cette clique post-machin-qui-ralentit-en-faisant-des-morceaux-planants-pas-inspirés.

(Reno) : « Neurosis est un peu pour notre style ce que les Beatles sont à la pop music, donc il est normal qu’ils apparaissent partout dans les chroniques. Concernant Isis, il y a quelques similitudes surtout dans notre 2e album, mais c’est vrai que « Redemption Through Looseness » est plus proche de Mastodon, Keelhaul, Knut et cette clique-là. »
Le live pour nous c’est le sanctuaire, la panacée, la banane, la finalité. C’est là où le groupe peut lâcher la sauce sans trop se poser de questions. La composition, c’est un peu différent : même si ce n’est pas foncièrement réfléchi, il y a tout de même pas mal de boulot, des essais, des retouches, etc. Surtout que nous sommes d’une lenteur maladive pour finaliser de nouveaux morceaux ! Le « processus créatif », même si c’est un peu pompeux comme terme quand il ne s’agit pas de Beethoven, est assez aléatoire. Une fois que le morceau est terminé, le groupe se l’approprie totalement, à coup de cervoise tiède et en live, bien le tenir ressemble plus à un match de boxe.
L’évolution de votre musique s’est déroulée aussi bien au niveau des compositions que du son, du mix ou encore de la production du cd. Quels sont selon vous les nouveaux objectifs que doit atteindre Kruger pour progresser ?Aie ! Nous ne le savons pas encore. Je crois que le groupe est très fier de « R.T.L. », donc la petite crainte de pondre une crotte après ça est assez présente. D’un autre côté, notre « carrière » est encore tellement dérisoire qu’il y a finalement assez peu de gens à décevoir ! Mettons que de tourner un peu plus est la chose qui nous manque à ce niveau, notamment au vu de nos agendas assez chargés…
La pochette de votre nouvel album est particulière et plutôt énigmatique. Elle représenterait le christ entouré de deux escargots et surmonté de deux coquelicots avec des yeux. Comment avez-vous choisi cet artwork et que signifie-t-il ?La découverte du travail de David d’Andrea s’est faite un peu par hasard, et nous lui avons plus ou moins donné carte blanche. Il a fini par nous pondre cette image. C’était un peu déstabilisant au début, mais finalement, c’est plutôt sain de déstabiliser un peu dans cette scène. Et cela a tellement de la gueule en vinyle… Cette cover est géniale ! Le plus drôle c’est que tout le monde tente d’y chercher des significations métaphysiques en relation avec nos textes, alors que c’est juste une superbe peinture d’un gars…un peu allumé certes.
Justement sur votre site internet on peut voir qu’une édition vinyle de « Redemption Through Looseness » est disponible. A l’heure de la diffusion de masse via mp3 en téléchargement (légal comme illégal) l’underground metal est encore très attaché à ce support. Est-ce vous ou le label qui ont/a décidé cette édition en vinyl et pourquoi ce choix ?Le LP, c’est un vieux fantasme enfin assouvi, alléluia ! C’est le fait de Roadburn Records (les fous furieux qui font le Roadburn festival en Hollande en avril, le meilleur festival de la terre !). Ils nous ont vu en live avec Unsane et ont jugé bon de dépenser de l’argent pour produire ce splendide vinyl…Le groupe est ravi ! C’est vrai que nous en vendons lors de concert et plus que prévu (dans certains pays, plus que du CD !). A l’heure du mp3, le packaging et l’objet deviennent de plus en plus importants.
Question culturelle pour conclure : La Suisse est un petit pays mais il a accueilli des formations qui sont devenues des références de la scène metal. On pense à Samaël (avec qui vous aviez partagé un bassiste il y a quelques années), Hellhammer/Celtic Frost, Nostromo ou encore Gotthard. Quels liens entretenez-vous avec ces « anciens » : modèles ? amis ?Les groupes suisses ont de bons modèles, en effet ! Avoir les Young Gods, Celtic Frost ou plus récemment Knut comme « parrains » c’est motivant, autant musicalement qu’au niveau d’un état d’esprit « indépendant » assez fort en Suisse car le marché est très petit en Suisse. Mais il y a une forme de solidarité en Suisse comme partout et ce pas tellement au niveau metal, mais plutôt au niveau rock en général. Et ce surtout pour des gens qui sont de la même génération.
Entretien réalisé en septembre 2008 par email
MySpace Kruger : myspace.com/krugerband