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Live Report   

Kylesa live : La Saint Valentin fut des plus Pleasants


Affiche de la tournée14 février, un jour bien connu des célibataires et des couples (de tout le monde, en somme). Tous les ans, ces derniers ont une excuse pour prétendre qu’ils s’aiment et faire comprendre à ceux qui n’ont pas trouvé l’âme sœur à quelle point leur vie est vide de sens. Cette fête passe souvent par une dose de romantisme gerbant servie dans un restaurant onéreux avec un beaujolais primeur facturé 60 euros la bouteille.

Mais il y a toujours des alternatives possible pour éviter cette dose de guimauve, au marketing savamment orchestré. Parmi ces alternatives, il était possible de passer la fête des amoureux (et des schtroumpfs joyeux) au Feierwerk de Munich, une petite salle de concert située sur le périphérique intérieur de la ville. La salle y accueillait Kylesa et Okkultokrati, deux groupes au romantisme à prouver, mais diablement efficaces sur scène.


Artistes : KylesaOkkultokrati
Date : 14 Février 2011
Lieu : Munich
Salle : Feierwerk

La soirée commence avec Okkultokrati. Ce groupe venu de Norvège vient défendre sur les routes européennes son premier album, No Light For Mass, sorti l’année dernière chez Ormeyngel, le label appartenant au groupe et faisant suite à une tripotée de cassettes et EP 7″. Musicalement, ils se définissent comme du « True Norvegian Metaphysical Black’n’Roll », ce qui dans les faits peut s’interpréter par « Black Flag rencontre Darkthrone » ou la rencontre d’un punk hardcore aux amphétamines avec un proto-black des plus old school et rageur.

Le Ghast, parce qu’il le vaut bien.

Même si les affinités musicales avec Kylesa – avec qui ils sillonnent l’Europe – semblent faibles, le public répond présent pour cette première partie. Ce point a d’ailleurs de quoi surprendre quiconque a ne serait-ce qu’un tant soit peu sillonné l’Hexagone pour y assouvir sa passion métallique. Là où nos concitoyens ont souvent tendance à bouder les affiches moins mainstream, à déserter les salles de concert les jours « spéciaux » (fêtes des secrétaires, des grands-mères, des caniches à poils longs ou, dans le cas présent, Saint Valentin) et à passer les premières parties accoudés au bar, nos cousins germains décident d’en avoir pour leur argent et de ne perdre aucune seconde de chacun des groupes à l’affiche. Ainsi, alors même qu’Okkultokrati fait ses dernières balances, c’est un public remplissant la salle aux trois quarts qui se masse devant la scène. Ce comportement mérite d’autant plus d’être signalé qu’une rapide étude menée auprès du public a plus tard révélé que le groupe ne jouissait d’aucune renommée locale et que la grande majorité des spectateurs y ont assisté par pure curiosité.

BlackRace se secoue les puces.

Et le show dans tout ça ? Il fut très bon malgré quelques impairs. Le groupe a décidé de ne pas faire dans la dentelle et, dès son entrée sur scène, sans présentation, entame sur un brûlot punk/hardcore lorgnant de manière appuyée sur un thrash extrêmement old-school et rapide. Le groupe fait l’effet d’un bulldozer sur scène et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le son est très bon : fort sans dépasser les limites du raisonnable, laissant une part égale à tous les instruments, incisif pour la guitare et rond et gras pour la basse, garantissant un groove sans faille du début à la fin du show. Le mix de Black Qvisling au chant s’intègre parfaitement à l’ensemble. Sa voix rocailleuse est relativement discrète mais totalement audible, participant activement à l’ambiance sombre des compositions du groupe.

Le côté « bulldozer » précédemment évoqué est aussi imputable à l’attitude des musiciens : Le Ghast (bassiste) en fait des tonnes, se démenant sur scène comme un beau diable. BlackRace, le guitariste, n’est pas en reste et, même si son attitude n’est pas aussi déchaînée que celle de son homologue à quatre cordes, il participe activement au show. Verminscum caché derrière ses fûts en fait lui aussi des caisses. Il n’est pas là pour jouer mais pour casser sa batterie, avec un jeu rappelant Dave Lombardo il y a plus de vingt ans. Au milieu de cette agitation, Black Qvisling reste stoïque, replié sur son micro, presque immobile et cachant toute expression derrière sa chevelure.

Black Qvisling, un chanteur tout en retenue.

Après quelques titres au tempo envolé, le groupe introduira de longs breaks mid-tempos lorgnant du côté du doom-death voire, dans certains cas, du drone… Avant d’enchaîner sur une nouvelle série de bourre-pif. La formation reproduira cette recette durant tout le show et ce presque sans interruptions. Ce « presque » est important car, après vingt minutes de show et à force de martyriser son kit, Verminscum n’a rien trouvé de mieux à faire que de casser le support d’une de ses cymbales ! Si le groupe peut se montrer bon sur scène quand il s’agit de distribuer des gnons à l’assistance, il l’est beaucoup moins quand il s’agit de gérer un évènement imprévu…

Black Qvisling tente de meubler en bafouillant quelques mots incompréhensibles dans sa barbe, avant de s’arrêter net, sans raison. Voyant que la résolution de l’incident dure plus longtemps que prévu, il entame le premier couplet de « All I Want Is Christmas With You » de Mariah Carrey à demi voix, avant de se raviser et de contempler béatement le public. Une fois les réparations finies, le groupe reprend le show là où il l’avait arrêté : à un gros crochet du droit bien sûr ! Au niveau de la mise en scène visuelle, il y a peu à dire. Le groupe joue sous le backdrop de Kylesa et une lumière verte particulièrement faible, rappelant un peu celle de Wolves In The Throne Room, les bougies en moins. Le show s’achève après presque une heure (break compris) et, à en juger par la salle désormais pleine, a réussi à fédérer le public. Il aurait pu être rébarbatif dans d’autres conditions mais par le format court, le groove, le son et leur attitude, les musiciens ont mis la barre haut. Okkultokrati remplit complètement son contrat en proposant un très bon show et en étant une excellente découverte pour une majorité de l’assistance.

Laura Pleasants, toujours en charme

Après une pause bière obligatoire – Munich oblige – c’est au tour de Kylesa d’entrer sur scène. Est-il vraiment nécessaire de présenter le quintette américain ? Je ne saurais que trop recommander à tous ceux pour qui ce nom n’évoque pas grand chose de lire l’interview de Laura Pleasants (guitare, chant) présente depuis quelques temps dans nos pages. Pour ma part, c’était avec une certaine excitation que je m’apprêtais à les revoir après la claque qu’ils m’avaient mis lors de leur précédente tournée.

L’entrée sur scène du groupe est assez surprenante. Là où l’on était en droit de s’attendre à « Crowded Road » ou « Tired Climbing », le groupe ouvre avec « Hollow Severer », un titre très direct issu du LP Time Will Fuse Its Worth. Placer ce titre en ouverture reste néanmoins une excellente surprise et laisse augurer un show davantage axé sur le plaisir des fans que sur la promotion du dernier album. Cette impression est renforcée lorsqu’en second, le groupe enchaîne sur son tube « Unknown Awareness », lui aussi issu d’un précédent LP. Pour continuer cette « suite tubesque », le groupe poursuit avec un « Running Red » issu du même album et il faudra attendre le quatrième titre pour enfin entendre les premières notes de « Crowded Road », premier représentant de la soirée de leur dernier album en date, Spiral Shadow.

Phillip Cope : guitariste, chanteur et percussionniste.

Concernant le show, peu de choses ont changé. Le groupe est toujours aussi peu bavard mais arrive brillamment à développer ses atmosphères particulières en live malgré un mix loin d’être à la hauteur. Si les deux batteries et la guitare de Phillip Cope étaient bien balancées, celle de Laura l’était un peu moins et la basse de Corey Barhost quasiment inaudible. Si grâce au groove des lignes de batteries, le groupe peut se passer de bassiste, le plus dommageable restait le volume des micros au point qu’il fallait se concentrer pour entendre la voix de Laura et, dans une moindre mesure, celle de Phillip. Concernant Corey Barhost, non seulement on peine à l’entendre, mais on peine aussi à le voir. Le bougre a été relégué au fond de la scène, à côté des batteries et passe une grande partie du show dos au public. Le premier plan est partagé par Laura et Phillip qui apparaissent sur scène vraiment complémentaires, à la fois par le dialogue constant de leurs guitares et voix, mais aussi par leur attitude.

Pour développer ce dernier point, il faut s’imaginer d’un côté un barbu avec un air franchement bourru, enfoncé dans sa chemise de bûcheron sortir de grosses rythmiques crasses de sa guitare et de l’autre côté, une naïade rock’n’roll, avec ses tatouages et ses cheveux en bataille, enveloppant les rythmiques boueuses de son comparse avec des mélodies sludge du plus bel effet. Elle est l’atout charme du show et, en corrélation avec la musique, lui donne une aura bestiale et sexuelle. Tout ce que le rock devrait être.

Est-ce que vous vous reconnaissez dans le reflet de la guitare ?

Pour en revenir aux titres interprétés ce soir là, après une introduction résolument tournée vers le passé, le groupe nous offre un florilège de ce qu’il se fait de mieux sur le dernier album. « Crowded Road » est suivi du premier single de l’album : « Tired Climb ». Pour l’occasion, le bassiste passe derrière le clavier et nous gratifie des nappes envoûtantes de l’intro et de l’outro. Le calme de ce dernier passage offre une transition parfaite avec l’intro de « Distance Closing In ». Laura y délaye ses accords doux et savoureux avant que le morceau ne s’emballe. Pour renforcer la pachydermie de la rythmique du morceau, Phillip prend les baguettes et s’en prend à deux pauvres toms qui n’avaient pourtant rien demandé à personne. Si ce martelage ne s’entend presque pas, il ajoute à bon escient du jeu de scène. Kylesa continue cette suite de nouveaux morceaux avec « Cheating Synergy » et un « Forsaken » à l’outro rallongée avant que le concert prenne un nouveau tournant.

En effet le groupe réopère une transition vers le passé avec, dans un premier temps, le furieux « Said And Done » et ses accélérations à grand coups de blast beats. Puis, comme si cela ne suffisait pas, le groupe va piocher dans To Walk A Middle Course, son premier LP, et nous gratifie du punkoïde « Bottom Line ». Autant dire que ce titre fait très mal sur scène et, amené par « Said And Done », il parvient enfin à faire sortir de sa torpeur la public allemand présent ce soir (et, croyez-en votre serviteur, ce n’est pas une mince affaire). Suite à ce déferlement de violence brute peu commun au groupe (ou, du moins, à la direction prise depuis deux albums), la tension retombe durant la vingtaine de secondes de silence que le groupe accorde aux spectateurs.

L’énergique bassiste.

Le show reprend doucement avec Laura répétant une demi-douzaine de fois les deux notes introduisant « Don’t Look Back ». Le public semble fébrile et – bien qu’un Allemand fébrile soit peu expansif – on peut en déduire que cette chanson était parmi les plus attendues de la soirée. Il est d’ailleurs surprenant de voir que le groupe a préféré défendre l’album sur la toile avec « Tired Climb » tant des titres comme « Don’t Look Back » ou « Crowded Road » sont des tubes en puissance. « Don’t Look Back » est suivi de « Only One » et son tapping hypnotique. L’enchaînement des deux chansons est magique et représente incontestablement le point culminant de la soirée. Il prouve aussi que le groupe est tout à fait capable de retranscrire sur scène les émotions un peu plus subtiles développées sur ces titres. Il est aussi à noter que le son s’est grandement amélioré et que Laura, tout comme Carl, sont désormais audibles. 

Pour la première et la dernière fois du concert, le combo prendra la parole lorsque les dernières notes de « Only One » finissent de se muer en silence : « We are Kylesa and this is our last song ». On ne peut pas dire que Kylesa s’encombre de speechs interminables. En même temps, la musique ne se suffit-elle pas à elle-même? Ce dernier titre annoncé n’est autre que « Scapegoat », le morceau d’ouverture de Spiral Shadow. Phillip reprend les baguettes pour seconder les deux batteurs sur l’intro tribale du morceau – pour l’occasion rallongée de quelques mesures. Puis, comme à son habitude, le groupe clôt le concert avec les deux batteurs, toujours aussi inventifs dans leur rythmes, faisant virevolter une dernière fois nos tympans avec des rythmiques tribales et inventives. Cependant, une nouveauté semble s’être glissée dans cette conclusion traditionnelle. Phillip et Carl sont toujours sur scène sur scène et participent à ce final de percussion en martelant deux gros toms, chacun à une des extrémités de la scène. Laura, assise sur le bord de la scène n’en perd d’ailleurs pas une miette.

Kylesa : un show renversant.

Comme il fallait s’y attendre, le groupe ne quitte la scène que pour mieux y revenir lors d’un ultime rappel. Et quel rappel ! Kylesa se plie au jeu de la reprise et nous propose une relecture sludge du « Set The Control For The Heart Of The Sun » de Pink Floyd. La mélodie hypnotique du titre et ses variations rythmiques s’intègrent parfaitement à la playlist et, pour la première fois du concert, Laura s’impose sur le devant de la scène et prend les commandes du navire. Il est d’ailleurs plaisant de voir que sa voix claire se soit à ce point affinée et qu’elle ne fasse plus tache sur scène.

Les dernières notes finissent de retentir dans la salle, le groupe a déjà quitté la scène et les lumières se sont rallumées. Le concert de ce soir aura tenu ses promesses, particulièrement dans sa dernière partie explorant avec brio toutes les facettes du groupes. Le public est aussi à saluer car, étant donné la renommée relative de l’affiche et la date du concert (soir de Saint Valentin, faut-il le rappeler ?),on pouvait s’attendre à trouver une salle aux trois quarts vide. Il n’en fut rien et, malgré l’immobilisme et la retenue très allemande du public, il a répondu présent pour cette soirée, entre fraîche découverte et réussite confirmée.

Photos : Spaceman (prises au concert de Lyon)



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  • Le Poney Russe dit :

    Si je puis me permettre il y a deux petites erreurs :
    « la ou on doit s’attendre a Crowded road ou tired CLIMB » et pas tierd climbing!
    et « Scapegoat le morceau d’ouverture de Static Tensions » pas de Spiral Shadows 😉

    Sinon excellent report bravo!

    [Reply]

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