Aux derniers chapitres, on n’aurait pas misé grand chose sur l’avenir de Kyuss Lives!. Avec un procès pour usage illégitime d’une marque déposée (le nom de Kyuss appartenant, aux yeux de la loi, à Josh Homme) auquel s’est ajouté le départ du bassiste Nick Oliveri, on aurait pu croire que le doute naîtrait chez John Garcia (chant) et Brant Bjork (batterie), seuls membres historiques restant, voire que cela mettrait un brusque coup d’arrêt à cette aventure.

On aurait fait un mauvais pari car, au contraire, Garcia et Bjork ont les dents bien plantées dans le mors et sont bien décidés à aller jusqu’à l’étape suivante, à savoir nous apporter un disque de nouvelles compos signées Kyuss Lives!.

Un procès ? Pas peur ! Pas même surpris car, pour eux, ce n’est que le dénouement logique de leurs rapports, depuis plus de vingt ans, avec le leader de Queens Of The Stone Age. Face aux façons de « dictateurs »de Homme, Kyuss Lives! n’a pas prévu de se laisser encore « brutaliser ».

Garcia et Bjork sont certains d’agir dans le bon sens, certains de leur bon droit, l’histoire prouvant, selon eux, mieux que la loi qu’il ont au moins autant de droit que leur ancien camarade sur la « marque » Kyuss ; réaffirmant d’ailleurs que c’est par respect envers Josh Homme et Scott Reeder (car n’oublions pas que Reeder est aussi du parti de Homme dans ce procès) et leur apport à l’œuvre et l’histoire de Kyuss qu’ils avaient décidé d’ajouter ce « Lives » à leur nom de scène.

De toute évidence, ce combat n’est pas près de finir ; et même s’il devrait durer assez longtemps pour que Kyuss Lives! enregistre son disque, on peut se demander si, au final, le groupe qui le sortira portera toujours le même nom.

Tout ceci, nous pouvons le comprendre grâce à une interview de Garcia et Bjork (ce dernier étant le plus loquace et apportant les principaux éclaircissements sur cette affaire , au moins vue de leur bord) accordée à Rolling Stone.

Un entretien qui ne manque évidemment pas de nous apprendre le nom du remplaçant de Nick Oliveri. Le bassiste qui avait préféré partir – notamment parce qu’il ne voulait pas prendre parti dans ce conflit – laisse donc le soin à Billy Cordell d’honorer ce poste. Ce nouveau venu est mieux connu que le guitariste Bruno Fevery puisqu’il a fait partie du groupe solo de Brant Bjork et a aussi arpenté un temps la route avec Yawning Man, autre figure historique du desert rock californien.

Voici ci-dessous la traduction des passages les plus parlants de ces confidences à Rolling Stone :

Brant Bjork : « Ils ne souhaitent pas mentionner le fait que la marque Kyuss a été déposée après que j’ai quitté le groupe, pour s’assurer que je n’ai aucun droit dans le futur de Kyuss. Ils nous accusent, John et moi, d’une chose qu’ils ont eux-mêmes faite. Leur conflit interne est le suivant : Josh et Scott veulent avoir le contrôle et l’argent de Kyuss Lives!, mais ils ne veulent pas y participer et, au final, ils ne veulent pas que nous existions. »

« Pendant l’été 1987, j’ai démarré un groupe avec mon meilleur ami Chris Cockrell [ndlr : premier bassiste de la formation]. Ce groupe allait finalement devenir Kyuss. Kyuss était un nom que j’ai trouvé dans un livre de ‘Donjons Et Dragons’ […] Kyuss est une grande part de ma vie de musicien. »

« Ce procès par Josh, ce n’est pas une affaire qui date d’aujourd’hui… C’est un problème qui a commencé il y a vingt ans. C’est pour ça que le groupe n’a pas vécu longtemps. Josh et moi étions la force créative de ce groupe et quand nous avons fini notre deuxième disque, Blues For The Red Sun, nous avons développé des visions opposées sur la manière dont le groupe devait exister et opérer. […] J’ai donc quitté le groupe. J’étais troublé, en colère, un triste idéaliste de 19 ans qui avait sacrifié son amour pour son groupe à ce en quoi il croyait. Deux ans et demi plus tard, Josh a mis fin au groupe après que John l’a affronté pour la même raison : son besoin de contrôle sur le groupe pour son intérêt personnel. »

« Pendant des années, et je le comprends, on a cru, à tort, que Kyuss était le groupe de Josh. J’imagine que c’est le résultat de son contrôle sur l’écriture des disques restants. Cette contre-vérité a affecté la capacité de Josh à accepter les faits historiques, à tel point qu’il croit vraiment avoir le droit de dicter ce que nous faisons avec un groupe dans lequel nous avons tous une part de responsabilité. Le simple fait que nous ayons reformé le groupe et que nous l’ayons ramené avec succès auprès du public sans lui a froissé son ego. »

« C’est un conflit classique alimenté par le pouvoir, le contrôle, l’argent et l’avidité, et ce procès ne laisse aucun mystère sur qui fait partie du problème et qui fait partie de la solution. »

« Après que Nick est parti, John et moi nous sommes assis pour parler de ce que nous allions faire. Au fond, Josh a dit à John de lui donner ce qu’il voulait et qu’ainsi il retirerait ensuite sa plainte. Après avoir été brutalisés par Josh pendant vingt ans, nou savons tout deux décidé de nous dresser pour nos droits. Nous aimons la musique et nous aimons notre groupe, et nous voulons continuer et nous avons le sentiment que nous en avons le droit. Par conséquent, nous savons maintenant que la plainte ne disparaitra pas. Nick parti, j’avais suggéré à John d’accorder le bénéfice du doute à Scott […] et lui demander de venir jouer à plein temps dans le groupe, ce qu’il souhaitait depuis le début. A contre cœur, John a accepté. J’ai appelé Scott et nous avons eu une conversation très sympathique dont la conclusion a été qu’il avait besoin d’y réfléchir et qu’il m’appellerait dans un jour ou deux. Scott nous a envoyé, à John et à moi, un e-mail deux jours plus tard, disant « non », qu’il continuerait au côté de Josh et qu’il gardait sa plainte. J’étais choqué. Pas John. L’an dernier, j’ai affirmé que sans Nick ou Scott, Kyuss Lives! ne pouvait pas marcher. J’ai déclaré ça par respect envers Nick, Scott et les fans. Maintenant, j’ai décidé que Kyuss Lives! peut et va marcher sans Nick ou Scott, c’est une question de respect envers John et moi. Leur refuser, au début, l’opportunité d’y participer aurait bien sûr été irrespectueux. Mais, qu’ils n’aient pas voulu, individuellement, y participer et qu’ils s’attendent que John et moi, on s’asseye là-dessus, ça, c’est tout sauf cool.

A la fin, c’est le public qui décide quel groupe vit ou meurt. Nous sommes au service de Kyuss et de la musique. Si le public n’aime pas notre musique et arrête de venir à nos concerts, alors, par respect, John et moi arrêterons. Mais, en attendant, John et moi avons le sentiment que nous avons le droit de continuer avec notre groupe de rock préféré. »

John Garcia : « Sachez aussi ceci : dire que nous avons essayé de voler le nom de Kyuss est à 100% ridicule et faux. Josh Homme et Scott Reeder nous poursuive par appât du gain. […] A cause de Josh et Scott, c’est une période très triste pour les fans de Kyuss. Comme je l’ai toujours dit, c’est uniquement par pur respect que j’ai décidé d’appeler le groupe Kyuss Lives! et pas Kyuss, et ce parce que l’une des pièces maîtresses – Josh – n’était pas là et ça, chacun le sait. »