« On a tout mis dans cet album. S’il ne marche pas, au final ça n’aura pas beaucoup d’importance. On aura tout donné ».
Ces mots vous disent peut-être quelque chose si vous suivez l’actualité de Radio Metal au jour le jour. Ils viennent de Matthieu Kleiber, le chanteur de Karelia, qui sort avec ses collègues son nouvel album Golden Decadence aujourd’hui vendredi 26 août. Les propos étaient présents dans le texte qui concernait l’exclusivité sur le morceau « War Party ».
Je voulais rebondir sur les phrases de Matthieu dans le blog d’aujourd’hui.
Les membres de la radio s’entendent très bien avec Matthieu Kleiber depuis très longtemps maintenant. C’est aussi le cas avec ceux qui l’entourent. La raison est assez simple : notre état d’esprit est semblable sur bien des points. Dans sa rubrique My Opinion Sucks Matthieu critiquait avec humour le monde musical dans lequel il évolue. On est en phase avec sa vision des choses et c’est ce qu’on tente de faire parfois dans nos analyses via Radio Metal.
« On a tout mis dans cet album. S’il ne marche pas, au final ça n’aura pas beaucoup d’importance. On aura tout donné ».
J’aime ces trois phrases. Elles me parlent car elles sentent bon l’humain. C’est aussi ce que je me dis à longueur de journée. On met tout ce qu’on peut dans Radio Metal et si ce projet capote pour une raison x ou y, c’est vrai, « au final cela n’aura pas beaucoup d’importance. On aura tout donné ».
Pas de regrets à avoir. Juste les bonnes questions à se poser pour comprendre le pourquoi du comment.
Toutefois la comparaison entre un média et un artiste ne se fait pas sur tous les points. La différence avec la sortie du nouvel opus de Karelia, c’est que le groupe est soumis à des contraintes qui, à un moment donné, ne dépendent plus forcément de lui. Vous me direz « oui mais c’est valable dans le développement de chaque projet ! » et je vous répondrai « oui mais… ».
C’est par conséquent ce « oui mais… » qui est l’objet de ce billet.
J’ai une tendance naturelle à croire que l’industrie de la musique a perdu les pédales parce que le déclin du CD n’a pas été anticipé. Une des conséquences est qu’aujourd’hui bon nombre d’artistes – je ne parle pas des groupes énormes à la Metallica, vous vous en doutez… – ne parviennent plus à vivre de leur passion. Le téléchargement illégal a bien entendu précipité la chute parce que si tu laisses le choix au consommateur d’acheter ou de voler sans se faire choper, seuls ceux qui ont du respect pour l’artiste feront le choix d’acheter.
Et je ne pense pas que le respect soit la valeur la plus répandue dans notre société.
Si notre industrie s’est cassé la figure, les principaux responsables sont à mon sens les majors qui, à un moment donné, étaient les rois du pétrole et prenaient les décisions pour tout le monde. Mais quand elles se sont rendu compte qu’il y avait un souci, tout s’est effondré comme un château de cartes car la situation était déjà bien trop grave. L’absence totale de volonté politique concernant la situation de l’industrie de la musique a également contribué d’une façon très importante au déclin de l’ensemble.
Résultats : des milliers d’emplois en moins et encore plus de difficultés pour tous les acteurs du monde de la musique qui, bien entendu, cherchent encore et toujours de nouveaux moyens pour faire de l’argent.
Justement, pour moi un groupe comme Karelia doit innover et ne pas rester sur un fonctionnement traditionnel de vente d’albums physiques. Il doit mettre son disque en écoute partout où il le peut, il doit faire toujours plus parler de lui : bref il doit sans conteste parvenir à faire la différence sur le plan de la communication avec les autres artistes. Car Golden Decadence est un super disque mais s’il n’a pas l’exposition qu’il mérite alors il deviendra comme tous ces supers albums d’artistes qui n’auront pas eu la visibilité qu’ils méritaient.
Et Dieu sait comme il est difficile de vouloir s’en sortir sur le metal en France.
Nous sommes tous des galériens de la musique qui naviguons sans vraie visibilité sur le futur. Sans moyens économiques importants, le travail, le talent, la communication et la chance sont les quatre aspects fondamentaux qui permettent de mener nos barques. C’est grâce à cela qu’on y arrive. Après, bien entendu, ça prend le temps que ça doit prendre pour développer nos projets respectifs car on peut à tout moment se faire renverser par une grosse vague.
Si on m’avait dit qu’au bout de six ans de travail je serais dans ma situation financière actuelle avec le projet Radio Metal, aurais-je eu le courage de me lancer avec tous les sacrifices que j’ai dû faire pour en arriver au stade actuel ? Hmmm… y’a match. Très sincèrement je ne peux pas répondre à cette question car je ne sais pas si j’aurais fait ce choix. Et ce même si la passion a toujours été la base de mes réflexions depuis que j’ai commencé à penser.
Mais enfin, je sais que quand un projet échoue c’est souvent (toujours ?) parce qu’un des quatre piliers évoqués ci-dessus n’était pas aussi solide que les autres. Si ces piliers se tiennent tous entre eux, la comm’ tend souvent à faire la différence. Il faut savoir se vendre et quand on s’appelle Gojira et qu’on a fait la première partie de Metallica on n’a pas claqué des doigts en priant le ciel que ça se fasse, pour que ça se réalise.
Il a fallu du travail, du talent, de la communication et de la chance.
Aujourd’hui un artiste doit faire de plus en plus de choses seules pour s’en sortir, comme aujourd’hui un média comme le nôtre se doit d’innover pour survivre. C’est comme ça et il faut l’admettre pour éviter toutes formes de frustrations. L’exemple de notre boutique est révélateur (attention l’opération spéciale se termine ce mercredi d’ailleurs…!). Nous sommes très contents des résultats que l’on a parce qu’avec notre boutique on est totalement parti dans l’inconnu sans avoir la possibilité de comparer avec ce qu’un « concurrent » aurait pu faire. Et puis je ne connais pas de médias musicaux qui ont vraiment investi sur leur propre merchandising comme nous sommes en train de le faire. D’ailleurs je n’ai pas la science infuse alors peut-être que vous éclairerez ma lanterne en commentaires…
En tout cas, sur la question du merch, pour que ça marche il faut notamment que le média en question ait une identité, de la personnalité. Il faut que ceux qui l’apprécient se reconnaissent dans sa démarche, dans sa manière de voir le monde. Il faut que philosophiquement, on soit tous en phase. Quand on a souhaité développer la boutique, on avait une intuition et les faits nous prouvent qu’on avait raison. Pour autant je ne suis pas du tout là à fanfaronner car je connais trop bien les difficultés d’un projet comme le nôtre et le fait qu’absolument rien n’est acquis quand on veut mener la barque Radio Metal…
Notre projet, depuis le 1er avril 2007, a su fédérer une communauté par son contenu éditorial copieux, décalé et libre. Nous sommes allés chercher notre public seuls pour ne pas mourir, comme aujourd’hui un artiste se doit d’aller chercher son public seul pour ne pas se décourager. Travail, talent, communication et chance : voilà, je le crois, la rançon du succès. Ces aspects sont nombreux et nécessitent différentes compétences mais s’il vous manque un de ces piliers au début de votre projet, ce n’est pas grave : vous serez de toute façon contraints de les acquérir sur le tas.
C’est une obligation pour s’en sortir et c’est valable pour Karelia comme pour tout le monde.
Que de jolies paroles..;!!!!
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Très bon billet comme toujours. Pour ma part je rêve d’avoir le budget pour m’acheter mes albums préférés. Bon ça vas car je viens de terminer mes études. De toute façon je ne pourrai jamais acheter tout ce que j’écoute où lis, à moins que je gagne énormément d’argent. Là est le problème : devoir faire tout le temps des « sacrifices ».
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Très bon article, comme toujours.
De mon point de vue, et on verra si l’avenir me donne raison, il sera de plus en plus facile de se passer d’un « vrai » service de comm’. Les outils comme Facebook et youtube, pour ne citer que ceux-cis permettent une diffusion de l’info à une vitesse supersonique. Il suffit de voir à quelle vitesse le compteur « fans » de Radio Metal s’incrémente. Et l’augmentation est exponentielle.
L’époque où les fans copiaient et échangeait les démos de groupes sur cassettes est définitivement révolue. Aujourd’hui, si j’ai un coup de cœur pour un groupe en particulier, j’ai juste à cliquer sur « j’aime », « publier le clip sur mon mur » et « recommander à des amis ».
Pour la petite info, j’ai croisé une nana à la foire aux vins de Colmar qui arborait vos couleurs, Shit Music only. 😉
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C’est beau se que tu dit Doc’
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