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Live Report   

La cérémonie éléctrique du sorcier


Malgré son accès difficile pour ceux qui ne sont pas motorisés, c’est toujours un immense plaisir d’aller voir un concert dans la salle de l’Epicerie Moderne de Feyzin. Acoustique quasi parfaite, de belles lumières, une large scène pour mettre à l’aise les groupes autant que le public et – cerise sur le gâteau – des sièges pour les grosses feignasses que nous sommes. Rien que pour ces conditions exceptionnelles, avant même d’arriver sur les lieux, on en bave d’avance. Alors quand, en plus, l’affiche propose le groupe qui représente la crème de la crème du doom accompagné de deux groupes extrêmement talentueux bien de chez nous, on se dit que la soirée ne peut décevoir.

Une affiche qui plus est intelligente, puisque les genres abordés par Electric Wizard, Sofy Major et God Damn sont différents mais s’enchaînent avec une certaine cohérence. Résultat : une soirée où le public a pu varier les plaisirs sans jamais décrocher.




Artistes : Electric WizardSofy MajorGod Damn
Date : 13 mars 2011
Lieu : Feyzin
Salle : Epicerie Moderne

Et justement en parlant de public, celui-ci est encore en train de passer les portes d’entrée lorsque les locaux de God Damn foulent les planches bien décidés – comme toujours – à envoyer ses uppercuts. Il n’y a pas à dire, la fournaise graisseuse du quintette reste jubilatoire à chacune de ses apparitions. Impossible de résister au groove sudiste des God Damn grâce à une section rythmique solide et percutante. Sans compter un duo de guitaristes qui érigent de chaque part de la scène deux murs sonores condamnant hermétiquement les issues. De toutes manières, inutile de chercher à fuir, le furieux Renat a son public à l’œil. Un showman hors pair qui n’a de cesse de prendre de l’assurance à chaque nouvelle prestation. Il arpente la scène de long en large, grimpe sur les estrades et retours, vient taquiner ses musiciens et interpelle ses fans avec sa grande tchatche et une irrésistible sympathie.

Une basse qui a du punch !

God Damn aura offert une setlist remaniée pour l’occasion. Tant mieux, cela a eu pour conséquence d’apporter un petit vent de surprise à la prestation, salvateur pour ceux qui ont pu les voir à de très nombreuses reprises ces deux dernières années. Le fameux ‘Landing For My Pride’ et sa lourde rythmique à la grosse caisse en notes pointées, habituellement en ouverture, a cette fois-ci été relégué en fin de prestation. Et surtout, du tout nouveau matériel a fait son entrée, moins sudiste, plus rentre dedans, donnant un avant goût alléchant du prochain album du groupe qui semble décidément davantage pencher du côté de Pantera que de Down.

God Damn envoie du lourd

Une fois de plus God Damn a fait mouche. Essuyons la sueur qui ruisselle sur notre front et préparons nous à être mangé à une tout autre sauce.

Pour ceux qui étaient là et qui se rappellent, Sofy Major avait déjà foulé les planches de l’Epicerie Moderne à l’occasion de la venue de Shrinebuilder en ville. Inutile de préciser que, s’ils sont de retour ce soir, c’est pour remettre une couche de plomb sur l’Epicerie Moderne. Le trio clermontois délivre une musique intense, lourde, qui rappelle la scène post-core-sludge-supra-heavy dont font partie les Krugger, Neurosis, Unsane et les doyens Melvins. Le guitariste, avec sa tignasse, n’est d’ailleurs pas sans rappeler la dégaine de King Buzzo.

Sofy Major sous le feu des projecteurs

Côté musique, il faut bien dire que le combo ne fait pas vraiment dans la dentelle. Le trop plein de colère, prêt à exploser, est palpable, même si cette intensité pourrait lasser le néophyte sur la longueur. Pourtant l’impression d’ensemble est très bonne. La masse sonore vrille les tympans. Le batteur à la frappe frénétique se montre particulièrement agité derrière son kit. Le guitariste au visage invisible, caché sous sa coiffure imposante, déboule quantité de riffs tandis que le bassiste-chanteur nous assomme de sa basse claquante à souhait.

Un batteur qui se donne à fond

Difficile de cerner quoi que ce soit du flot vocal hargneux. Pourtant les titres s’avèrent intrigants. Que peut bien exprimer une chanson intitulée « Outil » ? Tout comme le nom énigmatique du combo… Un groupe qui globalement dégage une certaine sensation de distance et de mystère. Peut-être sont-ce ces lumières, soit rouges, soit blanches stroboscopiques, plus là pour détourer les musiciens dans l’ombre que véritablement les mettre en lumière.

Une pause bien méritée s’enchaîne à la prestation des Clermontois. Une pause longue, assez pour bien se ressourcer, certain diront même trop. Mais qu’importe, l’attente ne fait qu’attiser le désir. Les plus férus se voient déjà patauger dans la boue comme de joyeux marcassins. D’ailleurs, Jus Oborn et Tas Danazoglou – reconnaissable avec ses tatouages faciaux qui lui donnent une allure de diable – eux-même font quelques allers et retours sur scène pour vérifier le matériel.

Un spectre venu hanter l’Epicerie Moderne

Les lumières se tamisent pour atteindre une quasi-obscurité et les musiciens entrent pour de bon, d’un pas nonchalant, sur scène. Immédiatement les regards se braquent sur la magnifique Liz Buckingham. Cette femme est extrêmement belle, avec des courbes élégantes qui flattent l’œil. Elle n’a pas besoin d’un décolleté plongeant ou de montrer ses guibolles pour attirer les regards. Sous son attitude, entre placide et grave, elle dégage une dangerosité latente rehaussée par les grondements des guitares qui s’abattent sur l’audience comme une chape de plomb.

Les murs tremblent, les cordes sur les instruments vibrent amplement et les peaux de batterie ondulent. La lenteur et le bourdonnement décuple les sens, décompose les mouvements. Tel est le pouvoir du mage électrique : donner l’illusion du temps suspendu. Mais ce n’est bien qu’une illusion car irrémédiablement on s’enfonce et se laisse ensevelir sous le poids des notes de ‘The Chosen Few’. Un titre d’ouverture approprié tellement le fidèle peut se sentir privilégié d’entendre la langue du magicien et de boire, avec une immense attention, sa musique. Il y a un quelque chose de sectaire dans cette cérémonie, une sensation assurément mise en exergue par le chant incantatoire et hypnotique de Jus.

Jus Oborn en pleine extase

Seul un incident vient briser la transe : une corde qui casse. Jus s’éclipse pour aller la remplacer. Ses acolytes remplissent en attendant l’espace sonore d’un magma de fuzz pendant plusieurs minutes. C’est même à se demander si le frontman ne fait pas exprès de prendre son temps en changeant sa malheureuse corde pour faire durer le plaisir. Les moins avertis auront probablement trouvé le temps long pendant cet interlude impromptu. Si tel est le cas, probablement qu’ils ne se trouvaient pas au bon endroit ce soir. Cette texture rugueuse et grasse déversée par les enceintes est la matière première qui façonne l’art de la formation. Qu’il est parfois agréable de la sentir dans sa forme la plus brute, tel le potier qui sent et malaxe son argile entre ses mains avant de lui donner forme.

Le maître de cérémonie abreuve ses invité de son savoir-faire

Au final, cette argile aura pris forme en huit titres. Des choix surprenants pour le connaisseur, assurément décevant pour certains. Les deux derniers opus Witchcult Today et Black Masses sont sur-représentés, ne laissant de la place que pour un ‘Return Trip’ issu du mythique Come My Fanatics et un marécageux ‘Dopethrone’. Une setlist d’autant plus étrange que le « tube » de Witchcult Today attendu de tous, ‘Dunwich’, est aux abonnés absents, tout comme ‘Venus In Furs’, peut-être la plus belle pièce de Black Masses. Mais ne boudons pas notre plaisir, le titre ‘Black Mass’ est là avec son refrain à scander en cœur et surtout les addictifs ‘Witchcult Today’ et ‘The Chosen Few’ mentionnés plus haut qui, avec leurs mélodies répétitives et entêtantes, garantissent un état de transe assuré.

La beauté fatale

Arrivé au terme de ‘Dopethrone’, la messe est dite. Jus plaque sa guitare contre son enceinte pour libérer les larsens. C’est l’alarme de couvre-feu signalant au public « rentrez chez vous, le spectacle est terminé ». Pas de rappel, Electric Wizard n’est pas du genre à s’encombrer de telles modalités. Lorsque les lumières se rallument, le silence revient et pourtant ça bourdonne encore dans les têtes. Le sorcier a laissé sa marque en chacun de nous. Nous sommes ses disciples. Nous sommes ses fanatiques. Espérons que la prochaine cérémonie ne se fasse pas autant attendre que celle-ci.

Setlist :

1. The Chosen Few
2. Scorpio Curse
3. The Nightchild
4. Return Trip
5. Satanic Rites of Drugula
6. Black Mass
7. Witchcult Today
8. Dopethrone

Live report de Sofy Major : Claude
Photos : Nicolas « Spaceman » Gricourt



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