L’art du classement n’est pas une pratique aisée. On ne s’improvise pas artisan-classeur ; et plus particulièrement dans le monde artistique et musical. Car l’art ne se mesure pas. Il n’existe aucune aune pour évaluer la grandeur de telle œuvre par rapport à telle autre. Peut-on d’ailleurs faire se confronter une pièce musicale particulièrement académique mais efficace en diable par son classicisme et une autre composition plus expérimentale – pour ne pas dire avant-gardiste – ayant pour elle d’apporter des sensations nouvelles ?
Probablement, si nous mettons alors de côté la « valeur » artistique pour mesurer la valeur sensationnelle. Mais là encore, comment mesurer cette donnée ? Faut-il engager un biochimiste pour calculer la quantité d’endorphine relâchée dans le corps au moment où tel arpège, où tel riff fait son apparition ? Mais nous ne pouvons soumettre l’analyse de la création à des données savantes chiffrées.
Nous convenons donc de la difficulté du travail de l’artisan-classeur. « Artisan » car sa tâche nécessite cette qualité de tout artisan : le ressenti, l’anti-mathématique faculté à reconnaître l’instant T où se produit la magie. Et en cela, si nous ne prenions en compte que cette vertu, n’importe qui doué d’une sensibilité artistique pourrait faire un bon artisan-classeur.
Mais qu’est-ce qui fait aussi le classeur ? C’est sans doute l’objet de son travail, à savoir ce qu’il classe. Permettons-nous une comparaison avec un autre artisan : le menuisier. Celui-ci doit connaître la manière de construire un meuble afin qu’il accomplisse pleinement sa fonction ; ce qu’on appelle le savoir-faire. Mais un bon menuisier connaîtra aussi les diverses manières de parvenir à ce but. Il aura la science de ses outils, de tous ceux nécessaires à toutes les situations. Il aura aussi la science des différentes essences de bois, de leurs particularités, de la manière de les travailler, de les associer. Bref, un bon artisan n’est pas nécessairement un scientifique mais doit posséder une large science. Le bon artisan doit posséder un savoir suffisamment exhaustif pour préserver toute la dignité de son métier.
Sur ce site nous nous adonnons rarement à l’art du classement, principalement en raison du devoir imposé par la règle d’exhaustivité impliquant un travail incroyable de découverte approfondie, suivie par la tâche non moins ardue de l’élimination. Car faire entrer une dizaine d’œuvres dans un classement nécessite d’en refouler une centaine d’autres. Mais là encore, cette partie là est mal aisée : principalement quand, dans un Top 50, par exemple, il faut reconnaître que la cinquante-et-unième doit être abandonnée à l’oubli en raison d’un ressenti qu’on ne peut mesurer mais dont on perçoit pourtant la proximité qualitative avec la cinquantième.
Pour cette raison, nous préférons le plus souvent nous pencher sur le travail d’autrui, non pour nous l’approprier mais pour vous le faire partager mais, là encore, non sans un certain regard critique. Ainsi avons-nous déjà pu faire pour un classement Gibson des meilleures reprises, ainsi recommençons-nous avec ce classement, du site Gibson.com encore, des Cinquante Meilleurs Titres de Metal avec, en tête, « Master Of Puppets » de Metallica. Soit.
Et voici venu le moment de tailler un costard ! Fini les paragraphes sérieux. Maman, passe moi la hache. Nous n’allons pas juger ligne par ligne la place de chacun de ces cinquante morceaux (même si ça me démange dans le cas de certains) mais plutôt le contenu de ce classement en général qui sent le mauvais artisanat. Et là, l’avantage, c’est que ça se calcule. Les seules bases de l’arithmétique nous permettent de mesurer la valeur de ce Top 50.
C’est très simple : dans ce classement réalisé par de nombreux rédacteurs du site, parmi ces cinquante morceaux, seuls vingt-deux groupes sont représentés. En outre, sur ces vingt-deux groupes, douze sont représentés au moins deux fois ; ce qui signifie donc qu’au moins la moitié de ces « meilleurs titres » n’ont été réalisé que par douze formations et/ou artiste différents. De plus, si nous prenons en compte tous les groupes ayant plus de deux titres présents dans ce classement, sur ces cinquante « meilleurs titres », vingt-six (soit plus de la moitié) ont été composés par seulement cinq groupes (à savoir, par ordre décroissant, Judas Priest, Black Sabbath, Iron Maiden, Metallica et AC/DC).
Sans vouloir encore discuter du choix de ces titres ou même de ces groupes (même si, là encore, ça me démange un peu), on peut trouver assez effrayant une telle représentation. Répétez avec moi : seuls cinq groupes seraient à l’origine de la moitié des cinquante meilleures titres de metal ! D’où ma question : le paysage musical metal est-il si désertique pour qu’on ne trouve que ces groupes pour en être les pinacles ?
Non ! Nous avons tous en notre possession au moins un album de chacun des membres de ce – passez moi l’expression – « Big 5 ». Parce que nous savons l’importance de ces groupes. Parce que nous savons l’importance de ces albums. Parce que nous savons qu’ils comportent des titres qui ont marqué l’histoire du genre. Mais nous ne vivons pas dans une maison faite seulement des murs porteurs. Ce qui, cependant, semble être le cas pour les auteurs de ce classement.
Nous vous parlions d’exhaustivité. Les géniteurs de cette liste ont de toute évidence manqué ce chapitre de la règle. Sans doute à cause d’une collection de disques que nous soupçonnons d’être bien maigre : les représentants des deux dernières décennies ne se bousculant pas et la variété des genres metal étant aux abonnés absents. Oh, bien sûr, on voit des représentants du glam, du thrash, du hard rock ou du neo metal mais ça ne respire pas les fonds de discothèque. Cela aurait plutôt un parfum de têtes de gondoles.
Un tel classement est moins représentatif des profondes qualités musicales du metal en général et de quelques groupes en particulier que de la pauvre science de ceux qui l’ont réalisé. Où sont ces pépites cachées, oubliées, ces piliers du temple Metal effacés sous la poussière attisant la curiosité de tous les apprentis archéologues et mélomanes ? Où sont ces chefs-d’œuvres inconnus tombés au champ de la méconnaissance et déshonorés par des érudits auto-proclamés?
Ce Top 50 conforte la majorité, pour ainsi dire, le métalleux de base qui se reconnaitra dans cette liste car il a déjà headbangué sur tous ces titres. Sa nuque meurtrie – située en dessous de son cerveau, rappelons-le – valide ce travail bâclé. On ne peut prétendre au titre d’artisan-classeur quand tout le métier dont on est capable à des allures de supermarché de la culture.
J’ai pas compris dès le premier paragraphe, youhou !
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Il serait intéressant de savoir qu’elle est le sponsor, l' »endossement » des groupes de ce fameux top 50 de Gibson.
Peut être aurait on des surprise sur les sponsors actuelles ou des albums dont les titres sont extrait : au hasard une forte proportion de Gibson ?
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si les choses n’ étaient pas dites, maintenant…
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Ah ça c’est le tableau Les Menines de Velasquez
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